Chapitre 3 : Le chant de Ja (3eme partie : Une jolie histoire)

A l'est de l'archipel trois petites îles abritaient le village du clan de la trinité. Ancrés non loin, deux navires, l'un portant une tête de Morse, l'autre le buste d'une sirène juvénile attestaient de la présence d'invités dans la tribu. De grands feux avaient été allumés pour la nuit, pour fêter la venue des pirates. Proche d'un de ces feux de joie, le capitaine Morse, son second Crochet et l'ancien capitaine du Bleu Horizon mangeaient en discutant.

— Qu'en penses-tu toi Crochet de cette histoire de chimères ? demanda le Morse entre deux bouchées de poissons grillés.

— La gardienne des Chimères ? répondit de sa voix grave le second, j'y crois pas trop, mais les hommes en ont peur...

— Les hommes pourraient avoir peur d'une otarie arlequin si on leur disait qu'elle pête du poison ! grogna le contrebandier en crachant des arêtes.

— Mais le récit de mes hommes est suffisamment concordant pour qu'on ne puisse négliger que la donzelle a un pouvoir étrange... reprit le capitaine avant de râler et de boire à grandes gorgées un alcool local pour faire passer une arête coincée dans sa gorge, et puis il y a le danseur... Le pas léger, et les hommes et mon Morse m'ont affirmé qu'il pouvait faire flamber le navire comme un simple fétu de paille.

Il prit le temps d'avaler avant de poursuivre hilare :

— Mais t'as pas tort l'ami ! Yen a qui m'ont juré sur tout ce qu'ils possédaient que ton danseur se serait transformé en oiseau de feu et en aurait appelé au Soleil pour qu'il se rapproche et fasse évaporer la mer sucrière.

— Sacré danseur. Ça c'est une menace qui donne envie de se faire menacer..., commenta le second d'une voix grinçante sous le regard incrédule du contrebandier. Le Morse lui fit signe de ne pas insister.

Une pause dans la conversation se fit alors que chacun finissait son plat.

Le capitaine pirate se releva à moitié pour s'étirer, répondit aux appels de différents membres de la tribu qui voulaient trinquer avec lui avant de se rasseoir l'air sérieux.

— Finalement, j'aimerais bien des détails sur tes passagers l'ami, dit-il d'une voix un peu pâteuse, ils sont trop étonnants pour être arrivés là par hasard... Sans compter que tu transportais des armes illégales sur les trois-quarts de cette mer. Pourquoi les as-tu pris à bord ?

Le contrebandier ne répondit pas tout de suite, essuyant ses mains sur son pantalon avant de fixer les flammes dont la chaleur l'atteignait par vagues brûlantes avant de le laisser frissonner dans l'air frais de la nuit.

— Il m'a était recommandé..., dit-il finalement, en fait on me l'a même imposé comme un surplus à la marchandise d'armes. Don Alberti le responsable des clarinettes n'avait jamais entendu parler de lui mais je n'avais vraiment pas le choix... Même si je sentais bien qu'il allait me porter malheur. Il m'horripilait ce type-là.

Le Morse rit.

— Allons, allons, grâce à lui nous avons eu un beau duel ! Et pour la fille ?

— Elle n'était pas prévue, c'est lui qui me l'a imposée.

— Qui a décidé que tu devais le prendre ? Tes commanditaires ?

— Oui, il devait embarquer à Blaz, mais il a repoussé et nous l'avons pris à Vertevelle avec la gamine, le contrebandier grogna, je n'avais pas à poser de questions, rien, mais une grosse somme en plus était prévue pour leur transport, ainsi que la promesse de rester en vie. C'est cette partie-là qui m'a le plus motivée.

— Et le commanditaire, c'était qui ? reprit le pirate en se penchant pour attraper un plateau de fruits et flatter la hanche de sa porteuse, je suppose aussi que tu ne comptais pas livrer des armes directement à Mirova ?

Le contrebandier eut un geste d'énervement.

— Je ne sais pas ! cria-t-il, un type plutôt influent j'imagine, car il peut détourner les yeux des autorités pâtissières aux abords même de Mirova... Ce n'est pas la première fois que je travaillais pour lui sinon je n'aurais jamais pris le risque d'une telle marchandise...

Il regarda vers les deux navires gitant faiblement sous le vent.

— Tu demanderas à Don Alberti et son acolyte si tu veux, ils en sauront peut être plus... On devait livrer vers Venezze dans une crique à haut fond. Le contact se fait appeler Limoncelle c'est tout ce que je sais.

— Ça pue les musiciens ça, déclara Crochet qui s'était levé pour surveiller son équipage. Et du costaud, parce que des types qui se transforme en oiseau de feu ça court pas les rues...

Le capitaine contrebandier se redressa d'un coup en s'appuyant sur son bras valide et vint surplomber le Morse dont les yeux mi-clos trahissaient la fatigue et un état d'ébriété avancé.

— A moi d'avoir quelques questions, lança-t-il, comment comptes-tu récupérer mes deux passagers clandestins ? Impossible de savoir où ils sont, ni de fouiller ou de les asticoter sur l'archipel, les locaux n'accepterons pas qu'on fasse notre loi ici.

Le capitaine pirate but à une outre, s'essuya la bouche et rit comme un dément, déclenchant encore une fois une toux qu'il eut du mal à réprimer.

— On se connait bien avec nos amis du clan de la trinité, dit-il d'une voix faible, ils m'ont dit que le prochain convoi marchand en provenance de Mirova arrivera dans trois jours... Quand on chasse un renard réfugié dans un terrier, tu sais ce qu'il faut faire ? Bon déjà faut s'emmerder à aller foutre les pieds en forêt mais c'est pas le problème... Dès que tu sais qu'il est dans son trou tu t'assures de lui couper toute retraite... Ensuite, tu le force à sortir de son abri. Ils ont choisi cet archipel comme terrier, on va commencer par s'assurer qu'ils n'en sortent pas et après... Après on va écrire une jolie histoire tu vas voir...