Chapitre 3. Le feu et la chance

La nuit précédente fut calme, mais pas paisible. Dans sa mansarde, à la lueur d'une unique bougie, Adeline ne dormait pas. Elle préparait les accessoires pour sa représentation principale. Sur quelques feuilles de papier de luxe, volées autrefois dans une bibliothèque pillée, elle créait ses petits chefs-d'œuvre : des copies de gravures anciennes, des esquisses anatomiques dans le style des grands maîtres. Ensuite, avec le professionnalisme froid d'une chimiste, elle les vieillissait : les trempant dans un thé léger pour donner au papier une couleur d'ivoire, les fumant au-dessus de la bougie, frottant à peine les bords pour créer l'illusion de l'ancienneté. Tout devait paraître authentique, l'œuvre d'un véritable artiste surpris par les flammes impitoyables.

Son calme était effrayant. Il n'y avait pas de peur, seulement un calcul pur et aiguisé. Elle pensait à lui. Pas au garçon Julien, mais au citoyen capitaine Dubois. Les journaux le surnommaient le « Limier de Robespierre », le « Bourreau de la section des Piques ». Elle se préparait à rencontrer non pas un fantôme du passé, mais un monstre engendré par la Révolution.

Le soir suivant, à cette heure brève et agitée où les patrouilles se relayaient dans les rues, elle mit son plan à exécution. La source du feu ne fut pas sa chambre, mais le débarras commun de leur étage, encombré de vieilleries. Des chiffons imbibés d'huile de lin s'enflammèrent comme de la poudre à canon à cause d'une lampe renversée. Tout devait ressembler à un accident tragique, si typique des maisons pauvres et surpeuplées de Paris.

« Au feu ! Au feu ! »

Son cri était rempli de désespoir et d'horreur. Dans le vieil immeuble en bois, la panique s'installa instantanément. Cris de femmes, jurons d'hommes, pleurs d'enfants. Les habitants, à moitié vêtus, se précipitèrent dans la rue étroite. Mais Adeline ne s'enfuit pas avec les autres. Elle s'agitait près de l'entrée, criant et se tordant les mains, se forgeant l'image d'une malheureuse victime, restant bien en vue de la foule rassemblée.

Lorsque la première langue de flamme avide s'échappa des fenêtres du débarras, elle joua sa carte maîtresse.

« Mes œuvres ! » cria-t-elle avec une angoisse qui aurait fait taire n'importe quelle prima donna de théâtre. « Je dois les sauver ! »

La foule poussa un soupir de sympathie lorsque la silhouette menue se jeta de nouveau dans l'entrée enfumée et en proie aux flammes. Un instant plus tard, elle réapparut à la porte, toussant, le visage maculé de suie. Dans ses mains, elle serrait précieusement contre sa poitrine, comme un enfant, une épaisse chemise de papier.

C'est à ce moment précis qu'un détachement de la Garde révolutionnaire apparut dans la rue, bousculant les badauds. En raison de la proximité du quartier avec les bâtiments gouvernementaux, la patrouille arriva avec une rapidité effrayante. À sa tête, sur un cheval noir, se trouvait le capitaine Julien Dubois.

Il sauta à terre, donnant des ordres clairs et secs. Son regard professionnel parcourut la foule et s'arrêta sur elle. Sur la jeune femme qui, dans la panique et le chaos, ne sauvait ni sa bourse ni ses hardes, mais des papiers. Cela la distinguait, la rendait intéressante.

Il s'approcha d'elle, et la foule s'écarta respectueusement. Elle se tenait là, respirant lourdement, et le regardait de bas en haut. Il ne la reconnut pas. Devant lui, il n'y avait qu'une jeune fille maigre et sale du peuple, une parmi des milliers. Mais quelque chose dans sa posture fière, dans la façon dont son menton était obstinément serré, attira son attention.

« Citoyenne, vous allez bien ? » sa voix était autoritaire, mais pas brutale. « Qu'avez-vous là ? »

« C'est... tout ce qu'il me reste », haleta-t-elle, feignant habilement la peur et le chagrin. « Les œuvres de mon défunt père. Il était graveur. »

« Montrez-moi. »

Elle ouvrit sa chemise avec une réticence feinte. À la lueur des torches, il vit plusieurs dessins habiles et professionnels. Son intérêt, jusqu'alors oisif, devint concret. Il vit en elle non seulement une victime, mais un instrument potentiel.

« Sergent », appela-t-il, sans la quitter des yeux. « Gardez un œil sur cette citoyenne. Une fois que tout sera terminé, je veux lui parler. »

Il la regarda dans les yeux, essayant d'y lire autre chose que la peur et la fatigue. Il ne savait pas encore qu'il venait de tomber volontairement dans le piège tendu par le plus dangereux ennemi de la République qu'il avait juré de trouver.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez