— Ne sois pas fâchée… l’implora le vagabond.
Dire ça à la déesse de la colère, c’était comme demander à un feu de ne pas brûler.
— Je voulais juste te soutenir dans cette quête terriblement dangereuse…
— Tu voulais surtout une part de la récompense ! s’insurgea-t-elle.
D’un geste rageur, elle trancha une branche d’arbre qui lui barrait le passage. Située à proximité du village, la forêt était dense. Des troncs épais et noueux les encerclaient. Alizéha avait envie d’arracher chaque racine qui serpentait le sol et de déchiqueter la moindre feuille.
Tout en la suivant, le jeune homme se défendit :
— Je t’ai dit que je me laissais porter par la vie et cette dernière m’a offert l’opportunité de remplir mes poches vides… Mais je m’inquiète aussi pour les gosses, hein !
Alizéha ne lui reprochait pas ses motivations qui étaient les mêmes que les siennes. Là où Fustius avait mal joué, c’était que payée ou non, elle y serait allée par conscience morale. Elle préférait que Venthos lui tombe sur la tête que d’abandonner des enfants à leur sort. Ce qui l’énervait, c’était de se coltiner la présence de ce vagabond ! Alizéha avait le sentiment que plus elle restait avec lui, moins elle parviendrait à se débarrasser de lui. C’était dangereux. Pour elle. Pour lui aussi, peut-être, mais si elle finissait par le décapiter, il ne pourrait s’en prendre qu’à lui-même. Pour l’instant, elle le tolérait car une idée avait germé dans son esprit pour retrouver les deux disparus, où il avait un rôle clé.
Elle s’arrêta pour lui faire face. Surpris, il s’arrêta, se gardant de dire quoi que ce soit devant son air furieux.
— Je te préviens, je ne protégerai que les enfants. Les Trompes-œil ne sont pas à prendre à la légère. Tu as de quoi te défendre ?
Avec un sourire fier, il écarta sa cape pour montrer la dague accrochée à sa ceinture. Virko trembla dans la main d’Alizéha, refoulant son éclat de rire moqueur devant ce poignard si petit qu’il ne blesserait pas un lapin cornu. La déesse se demanda comment le jeune homme avait tenu jusque-là face aux monstres qui rôdaient. Elle soupira.
— Ça fera l’affaire.
Ils poursuivirent le chemin. Les brindilles craquaient sous leurs pas. Alizéha scruta le sol tapissé d’herbes, de pierres et de mousse jusqu’à repérer un buisson constellé de baies étoilées. Près de lui, un panier gisait par terre, vomissant son contenu. Elle s’agenouilla pour analyser les fruits colorés en forme d’étoile à cinq branches. Son compagnon fit de même, plus émerveillé que concentré. Les Trompes-œil étaient doués pour imiter, mais des différences subsistaient, ce qui permettait de les distinguer des vrais. Une couleur ternie, une malformation… Ceux qu’Alizéha examinait respectaient en tout point les caractéristiques des baies étoilées. Elle jeta un coup d’œil au vagabond qui s’était déplacé vers un buisson similaire.
— Il y a une baie avec une petite branche en plus, releva-t-il.
Alizéha le rejoignit.
— C’est bien un Trompe-œil. Parfait. Surtout, ne bouge pas.
Il s’immobilisa.
— Pourquoi ? La plante va m’attaquer ?
— Non.
Avant qu’il n’ait pu l’interroger, elle écrasa la baie informe entre ses doigts. Le buisson frémit. Les Trompes-œil n’attendaient pas que leur victime soit endormie pour la transporter jusqu’à leur nid ; ils agissaient dès que la baie éclatait. Alizéha recula.
— Maintenant, si.
Son compagnon écarquilla des yeux lorsqu’une liane s’enroula autour de son poignet et le tira violemment vers l’avant. Il tomba et racla le sol, entraîné sans pitié à travers les buissons. Alizéha entreprit de suivre à pas de course le jeune homme brutalisé qui serrait les dents, fouetté par au visage par les plantes sur son passage. Un sourire échappa à la déesse. Il remplissait son rôle à merveille.
Le Trompe-œil le malmena jusqu’à ce qu’il atteigne le nid. Composé d’une multitude de lianes entremêlées surmontées d’une baie étoilée imparfaite, il grouillait comme si des serpents l’habitaient. Parmi ces plantes frétillantes, Alizéha repéra deux corps ficelés. Les petits-enfants de Fustius, sans aucun doute.
Le jeune homme coupa le Trompe-œil qui enserrait son poignet à l’aide de son poignard. En se redressant, il remarqua les lianes prêtes à plonger sur lui.
— Occupe-les pendant que je récupère les enfants ! lui intima Alizéha en se ruant vers les victimes.
Avant que le vagabond puisse protester, une liane s’enroula autour de son cou, lui arrachant une exclamation étranglée. Pendant qu’il se luttait tant bien que mal en tranchant les lianes qui l’agressaient, Alizéha traversa le nid en maniant habilement sa lame, laissant peu de temps à ses assaillants de l’atteindre. Lorsque Marvin et Lora se trouvèrent à ses pieds, elle les libéra de leurs entraves et vérifia rapidement leur état. Ils étaient inconscients, mais ils respiraient. En revanche, leurs cheveux bruns collaient à leur peau moite. Elle lança un coup d’œil à son compagnon. Avec sa courte arme, il était une proie plus facile à vaincre qu’elle. Les lianes qui se jetaient sur lui étaient nombreuses. Si elle s’en sortait mieux, en portant les enfants, défendre tout le monde serait compliqué.
Voilà précisément pourquoi elle ne souhaitait pas être accompagnée. Elle ravala sa frustration et se résigna à montrer une partie du potentiel de Virko devant un étranger. Elle ordonna à son arme :
— Protège-moi. Et aide-le, accessoirement.
Virko aurait répondu avec enthousiasme si Alizéha lui avait autorisé à parler en public. Elle se demandait déjà comment elle allait justifier l’autonomie de son épée…
Ahurie, le vagabond observa la lame qui tournoyait dans l’air et qui tranchait les lianes avec panache. La déesse prit Lora dans ses bras et cria à l’intention de son compagnon :
— Prends l’autre et partons ! Virko, protège-nous !
Comme deux soldats, ils obéirent sans discuter. Le jeune homme attrapa Marvin et suivit Alizéha dans son sillage, son épée poursuivant sa danse endiablée autour d’eux. Ils finirent par quitter la forêt, essoufflés. La voyageuse déposa avec délicatesse l’enfant sur l’herbe, imité par son compagnon.
— Ils vont s’en sortir ? s’inquiéta-t-il.
— Oui. Le village n’est pas loin, mais je vais quand même leur administrer un antipoison par précaution.
Ça ne faisait pas partie de la mission, mais ce serait embêtant qu’ils meurent après avoir été sauvés.
Elle sortit de sa sacoche l’antidote de premier prix que tout bon voyageur avait sur lui. Qu’il soit efficace ou non, il ralentirait au moins le poison. Après avoir versé quelques gouttes dans leurs bouches, elle rangea le flacon et empoigna son épée pour la remettre dans son fourreau. Son compagnon choisit ce moment pour l’interroger.
— Je n’avais jamais vu d’épée volante et obéissante. Tu l’as eu où ? C’est pas pour moi, c’est pour un ami qui ne sait pas se battre, ça lui serait bien utile, ironisa-t-il.
— Je ne l’ai pas acheté. Virko est un peu particulier.
— Sans blague ! Attends, tu lui as donné un nom ?
— Tous les épéistes qui tiennent à leur arme le font.
Il ouvrit la bouche, probablement pour poser d’autres questions, mais Alizéha le coupa dans son élan.
— Dépêchons-nous de les ramener à Fustius.
Malgré sa curiosité inassouvie, il acquiesça. Les enfants dans les bras, ils se dirigèrent vers la maison du chef. Elle était facile à reconnaître : c’était la seule du village à posséder des colombages. Alizéha toqua à la porte. Fustius apparut dans l’ouverture. Son visage s’illumina lorsqu’il aperçut ses petits-enfants.
— Oh, dieux merci ! Entrez, je vous prie.
Il s’écarta pour les laisser passer. Alizéha pénétra dans la pièce qui devait être le salon. Le mobilier était modeste, mais les flammes ronronnantes du feu de cheminée réchauffaient la salle et la rendaient accueillante. Quelques décorations florales apportaient de la couleur. Une porte au fond était visible, menant sans doute à la cuisine, et un escalier en bois conduisait à l’étage. Une femme aux cheveux gris soigneusement coiffés se leva de sa chaise à bascule. Ses yeux s’embuèrent en apercevant Marvin et Lora.
— Mes dieux, merci ! Merci infiniment !
— Pouvez-vous les emmener dans leur chambre, s’il vous plaît ? Que nous puissions les soigner, demanda timidement Fustius.
— Bien sûr ! s’empressa d’accepter le jeune homme.
Il monta sans attendre. Quant à Alizéha, elle éprouvait des réticences à obéir. L’attitude de Fustius la troublait. Il était recroquevillé sur lui-même et fuyait son regard. Elle serra la petite Lora dans ses bras en gravissant les marches. Et s’il avait découvert son identité ? Impossible. Mais au moindre problème, elle déguerpirait, quitte à ne pas récupérer son argent.
Ils déposèrent les enfants dans leur lit. La vieille femme caressa avec tendresse la joue de Lora, la plus jeune.
— Je leur ai fait boire un antipoison, mais n’hésitez pas à leur donner un antidote plus puissant au cas où, lui conseilla Alizéha.
La femme de Fustius la fixa, puis acquiesça en détournant le regard. Était-ce un éclair de culpabilité qui avait zébré ses prunelles bleues ?
— Merci. Fustius va vous donner votre récompense.
La déesse descendit l’escalier avec vigilance, un mauvais pressentiment fourmillant dans ses entrailles, suivie par le jeune homme. Fustius se trouvait au fond de la pièce, une table les séparant comme si elle assurait une distance de sécurité.
— Alors, concernant votre argent…
— Si vous n’avez pas la somme, ce n’est pas grave. On partira sans.
Elle priait pour que ce soit la cause de son agitation, mais Fustius secoua la tête.
— Non, ce n’est pas ça. Il y a deux personnes qui aimeraient vous parler, avant…
La porte du fond s’ouvrit. Le vagabond se raidit. Deux hommes aux regards sévères apparurent. Alizéha les identifia aussitôt à leur armure blanc et or.
Des gardes de Venthos.
La scène en forêt est très dynamique et très accrocheuse !
J'ai jamais lu/vu the witcher, j'en ai entendu parlé, plutôt en bien il me semble donc ça me fait plaisir !
Merci pour ton commentaire, j'espère que l'histoire continuera de te plaire !
Je ne sais pas si c'est voulu mais je ne peux pas m'imaginer cette histoire autre que dans l'univers de The Witcher.
Il y a juste un endroit dans le texte avec un mot en double et placé au mauvais endroit " fouetté par au visage par les plantes sur son passage".
Je ne connais pas du tout The witcher, en tout cas je n'ai jamais lu/vu !
Ah oui, je n'avais pas vu, merci, je vais corriger ça !
Ce qui n'est pas du tout pour me déplaire, bien au contraire j'adore ça moi aussi ! Je voue une admiration pour la description de tes scènes !
Alors sachant que les descriptions sont ce que je maîtrise le moins bien, ça me fait extrêmement plaisir, merci !
J'aime bien l'ambiance très RPG et anim/manga. C'est frais, ça se lit facilement. le rythme est top, on entre facilement dans l'histoire.
Sinon... Non pas un "Marvin"!!! Noooonnn!!!! j'veux pas!!! ( Après Nohan dans ton texte précédent, v'là Marvin...tu as le chic de mettre des noms de personne qui me trauma. XD )
bon après, ça manque de décors et de décorum à mon goût (je vais plus l'écrire, ça doit être lassant. XD)
Et une remarque avant d'arrêter de t'embêter : là tu parle de déesse... mais tu n'a jamais parlé de ça avant, du moins pas assez car je suis passé à côté, car tu parlait certes de déesse déchue à un moment, donc elle n'est plus déesse... là elle est visiblement à nouveau déesse... ou alors mon cerveau a fondu avec le printemps... ce qui est tout à fait possible aussi. XD
Bon, je reviens lire la suite demain! ;)
je vais devoir attendre. :'(
Ah bah ça, si je m'attendais à choisir une fois de plus un prénom que t'aimes pas xD ! Un prénom que j'ai choisi au pif en plus... J'espère que je ne tomberait pas mal de nouveau avec les prénoms des prochains personnages !
Tu peux continuer de le mentionner si tu veux ça ne me dérange pas, au moins quand tu ne le remarqueras pas ça voudras dire que j'ai réussi à faire de bonnes descriptions xD
En fait, en soi, elle est toujours une déesse car c'est ça nature mais elle a perdu la plupart de ses pouvoirs et surtout son statut/sa place au sein du royaume des Immortels et sa position de supériorité auprès des Hommes, d'ou le fait qu'elle soit déchu. Je ne sais pas si c'est clair, normalement c'est davantage explicité après mais sinon il faudra que j'éclaircisse ça.
Eh oui, pour la suite il faudra attendre dimanche ! Courage !
Et merci beaucoup pour ton commentaire !