Chapitre 3 - Partie 1

Par Syle
Notes de l’auteur : Par souci de lisibilité, je vais diviser les chapitres en segment plus court. Je vais sans doute faire de même pour les deux premiers et les redécouper.

J’ai encore les lumières de la Rome paisiblement endormie dans ma tête quand je me lève. Après avoir longuement veillé aux côtés de Steinhart, je suis retourné me coucher quelques heures. La nuit fut étrange, sans pourtant le moindre rêve dont je puisse me souvenir désormais, j’avais l’impression d’être tombé en chute libre durant mon sommeil. Malgré cette impression désagréable, je me sens plus reposé que je ne l’aurais espéré quand je me lève à sept comme on me l’a conseillé. En principe tout le monde devrait m’attendre, mais je ne suis pas du genre à me faire prier. Alors à sept heures dix je suis sous la douche et à sept heures trente je suis à la recherche de la salle à manger de l’étage après m’être habillé. Dans l’état dans lequel j’ai laissé ma tenue de la veille, je n’ai pas le choix que d’en changer. Après un nœud au cerveau, j’ai donc passé ma robe chemise bleu marine, je pense qu’elle fait assez habillée pour que je ne choque pas. C’est l’objectif de la journée, ne pas déranger, ne pas choquer et en apprendre le plus possible, tout en évitant les expériences douloureuses.

La salle à manger est vide quand j’arrive, évidemment, enfin vide, disons que je suis seule physiquement car je croise des gardes suisses à chaque porte. Cette nuit, Steinhart, il faudra que je lui demande son prénom, m’a laissé entendre que le personnel du palais avait été rendu au minimum pour des raisons de discrétion, ce qui explique que je ne croise pas grand monde. Je m’installe à une petite table proche d’une fenêtre pour que j’aie la vue sur la cour intérieure. C’est l’une des autres informations, ou plutôt consignes cette fois, que j’ai eues hier, il ne faut pas que je touche ou n’approche trop les fenêtres qui ont vu sur Rome. Vu là où j’ai dormi, je comprends bien le problème que ça aurait posé si je m’étais montré au balcon. Une femme inconnue se montrant à la fenêtre du pape ferait couler plus d’encre dans les tabloïds qu’un astéroïde arrivant place Saint-Pierre. Enfin, on n'en est plus là.

- Bonjour Mademoiselle, me dit une petite voix.

Je me retourne pour voir une jeune nonne, de laquelle il est impossible de voir plus qu’un visage rond parsemé de taches de rousseur, avec de jolies yeux marrons en amandes. Contrairement à d'autres, elle m’est tout de suite sympathique, d’autant qu’elle a l’air de se sentir toute gênée de m’avoir interrompu dans mes rêveries. De deux choses l’une, elle parle français sans le moindre accent et c’est la première femme que je rencontre ici.

- Bonjour ma… sœur ?

- Vous pouvez m’appeler Emilie si vous voulez. Qu’est-ce qui vous ferait plaisir pour votre petit déjeuner ?

- Du café s’il vous plaît.

- Bien sûr, vous voulez quelque chose à manger avec votre café ?

- Je ne sais pas vraiment ce que je peux demander.

- Je peux vous faire des œufs brouillés et du bacon si cela vous va.

- Ce sera parfait, merci Emilie.

Elle repart comme elle est venue, c’est-à-dire sans un bruit. Et c’est le retour du silence, il n’y a pas un bruit dans tout le palais à moins que je n’en fasse. Maintenant que j’y pense, je suppose que Sam doit en faire aussi et par la même je me rends compte que je ne sais pas ce qu’il fait dans toute cette affaire. J’ai beau fouiller mes souvenirs de la veille, je ne me rappelle pas beaucoup sa présence. Il faudra que je lui parle. Il faudra peut-être que je demande où il est pour ça. Il faudra que je lui demande ce qu’on peut bien faire au sujet de la raison officielle de notre venue. De quoi allons-nous parler ? L’écriture d’un article sur la chute d’un astéroïde qui n’existe pas me semble compliquée. Je suppose que de ce côté-là, il faudra attendre l’avis de la curie. Il faudra que je fasse une liste de ce que je dois faire.

Emilie revient vite avec mon petit déjeuner et une grande cafetière. C’est surtout le café qui m’intéresse en général, mais comme mon estomac me le rappelle, je n’ai pas mangé depuis hier matin. Sans trop de cérémonial, j’attaque l’assiette fumante qu’elle m’apporte et me découvre par la même un coup de fourchette inconnu jusqu’alors, moi qui mange si peu en général. Comme je l’avais imaginé, sœur émilie est très contente de voir mon appétit, si bien que derrière son sourire je l’imagine les poings sur les hanches en conquérante.

- Vous êtes nombreux à travailler ici ?

Je ne suis pas bien sûr de moi, mais l’afflux de calories me rend volubile.

- En général oui, mais exceptionnellement je suis seule.

- Vous savez pourquoi ?

- Pas vraiment, mais je n’ai pas à me poser la question.

- Et pourtant je sens que vous avez une petite idée sur la question, je lui lance avec un petit sourire complice.

- Mais je pense que ça a un rapport avec votre venue. Vous devez être spéciale.

Spéciale ? Je n’y avais pas pensé. Ce serait pour ça que je suis là, je serais spéciale ?

- Je ne voulais pas vous offenser, mademoiselle, se reprend immédiatement Emilie.

Je me rends compte qu’une ombre a sans doute dû passer sur mon visage.

- Non, non, ce n’est rien, c’est juste que je ne pense pas être si particulière que ça.

Ça m’a coupé l’appétit instantanément, heureusement j’ai déjà assez vidé mon assiette pour qu’elle ne le remarque pas. Sur un heureux hasard Steinhart arrive avant que le silence qui vient de s’installer ne devienne gênant. Son entrée dans la salle à manger semble causer la fuite de ma nouvelle amie.

- Bonjour Mademoiselle, je peux revenir si vous avez besoin d’encore de temps.

Il jette à Emilie le même regard suspicieux qu’il a jeté la veille aux cardinaux, ce qui me met plus mal à l’aise que n’a l’air de l’être Emilie elle-même.

- Bonjour, non ça ira, je fais un saut dans ma chambre et je vous suis. Au revoir Emilie, c’était délicieux.

- Au revoir, Mademoiselle.

Après un rapide passage dans mes appartements pour me brosser les dents, je suis Steinhart au travers du Palais apostolique. Même avec un plan, je n’arriverais pas à m’y retrouver, c’est immense.

- Ce matin, la Curie vous invite à vous joindre à elle dans la basilique Saint-Pierre.

Je me dis que c’est le début du tourisme, même si je sens que ça ne va pas être une partie de plaisir. Je l’ai senti bien avant que je ne les entende. Dès notre entrée dans la basilique, c'est évident que c’est ce qu’on peut appeler « un débat animé » qui secoue ses murs. Nous rejoignons son éminence, le cardinal secrétaire d’État, c’était lui mon interlocuteur hier, qui se tient en marge de deux groupes de cardinaux se faisant face. De près, c’est encore plus impressionnant de voir autant d’ecclésiastiques proches de l’affrontement. Dans les nombreux éclats de voix, j’arrive à comprendre que c’est un conflit international.  

- Elle ne porte pas l’anneau du pêcheur !

- Elle a été choisie par le Ciel !

- Sa Sainteté lui a donné les clés du Vatican !

- Il faut annoncer au monde qu’un envoyé de Dieu est descendu en notre église !

- Ça attirerait les foudres des autres cultes !

C’est tout ce que j’arrive à entendre en français dans ce tumulte, et encore tout ceci me paraît très nébuleux parmi les vociférations dans d’autres langues. Perplexe, je me retourne vers le Cardinal Secrétaire.

- C’est pire que Vatican II. Le dernier concile qui a réformé l’église dans les années 60, se sent-il obligé de rajouter en voyant mon questionnement.

- Et vous ne comptez pas intervenir ?

- J’ai déjà mis fin à ce débat hier, mais comme les derniers cardinaux que nous attendions sont arrivés cette nuit, le débat a repris même s’il est toujours aussi stérile, en cela qu’il n’a lieu d’être tant que nous n’en savons pas plus. Après quelques instants à me regarder, son regard se redirige vers les cardinaux. J’attendais que vous arriviez, pour que vous voyez ce que nous sommes. 

Je crois comprendre ce qu’il veut dire, que ce ne sont finalement que des hommes. Le silence entre nous s’étire quelques secondes avant qu’il ne reprenne.

- Le Capitaine Steinhart a soumis l’idée que la tour que vous avez vu serait la tour de Babel, il, et il appuie sur ce mot, essaierait de nous faire comprendre qu’il ne nous comprend pas.

Je me tourne vers Steinhart qui se tient un pas à ma droite.

- Mademoiselle m’a donné l’idée.

Cette fois c’est le Cardinal secrétaire d’État qui se tourne vers moi. Je ne vois même pas de quoi il parle. C’est d’une plaisanterie que j’ai faite cette nuit ?

- Eh bien, mademoiselle, vous nous avez sûrement fait avancer. Nous avons déjà des gens qui travaillent sur les questions d’interprétation que cela engendre.

- Il serait susceptible de comprendre quelle langue ?

C’est évident que c’est un simple problème de langage, aucune chance que ce soit quelque chose d’autre, j’ironise intérieurement.

- C’est justement là que nous ne sommes pas certains, nous avons pensé au Sumérien, c’est la plus ancienne langue de l’humanité. Nous avons aussi des linguistes qui travaillent sur ce sujet-ci. C’est une langue morte, mais nous sommes en train de construire un livret simplifié dans l’espoir de pouvoir communiquer.

C’est peut-être moins aberrant que ce que je pense.

- À moins que vous ne souhaitiez intervenir, quelqu’un a exprimé la prière de s’entretenir avec vous.

- Qui donc ? Je demande curieuse.

- Sa sainteté.

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AlaindeVirton
Posté le 13/12/2024
Bonjour Syle,

Pour la longueur des chapitres, je te rejoins. Je suis aussi en train de couper les miens en deux ou trois.

Je fais de mémoire le point sur ce que j’ai retenu comme essentiel. Une météorite s’est écrasée sur la place Saint-Pierre de Rome sans faire de victimes. Le Vatican a organisé l’embargo sur l’info, mais le Saint-Siège a invité une jeune journaliste parisienne pour couvrir l’événement, en demandant qu’elle soit accompagnée par un photographe précis de la rédaction. Les deux personnes arrivent sur place le jour même, sans savoir pourquoi eux. Le choix de la fille est peut-être en lien avec un travail qu’elle avait réalisé. Sur place, Sarah (héroïne et narratrice) est désignée par un cardinal (Alfieri) comme celle qui devait venir. Elle est conduite dans la chapelle Sixtine où la météorite a été transportée. Elle y pénètre seule. Elle est la proie d’une terrible vision en même temps qu’elle est confrontée à un être qu’elle finira par se résoudre à désigner comme un ange. Elle s’évanouit. Le lendemain, lors d’une rencontre entre les responsables ecclésiastiques et les journalistes, Sarah apprend que le cardinal Alfieri est brusquement décédé et qu’il semblait avoir eu une vision semblable à la sienne, vision qui est à l’origine de sa venue. Par ailleurs, une hypothèse est émise : l’ange essaierait de faire comprendre qu’il ne parvient pas à communiquer et qu’il faudrait utiliser le sumérien. Ensuite, contre toute attente, la jeune femme est convoquée par le pape lui-même.

Est-ce que c’est ça, ou bien ai-je loupé quelque chose d’important ?

De toute façon, je vais relire pour être prêt pour la suite qui s’annonce passionnante.

À bientôt.
Syle
Posté le 13/12/2024
Bonsoir !

Oui, je pense que je vais tout découper en plus court, ça me semble être un choix raisonnable.

Tu as compris l’essentiel. Une seule petite correction par rapport à ce que je veux faire passer et qui n’est peut-être pas assez clair : Le Saint Siège n’a pas demandé à Sam (Le second journaliste) d’accompagner Sarah, c’est la directrice de la rédaction qui a insisté pour qu’il l’accompagne. Logique, on n’envoie pas la nouvelle faire seule le boulot, il faut la seconder d’un ancien.

Pour le reste tu n’as presque rien loupé.

Je suis ravie que tu trouves cela passionnant, j’y ai mis beaucoup de passion. La suite arrivera bientôt et avec elle nous allons rencontrer tu sais qui…
AlaindeVirton
Posté le 14/12/2024
Hâte ! Mais de ton côté, no stress : il ne faut pas se laisser mettre la pression par les lecteurs ;)
Syle
Posté le 15/12/2024
Aucune pression, je te rassure, beaucoup des chapitres suivants sont déjà écrits. Je n'ai qu'à les soumettre à ma petite relecture et à les repasser à la moulinette de la correction pour les publier sans grand stress.
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