Chapitre 3 : Quand le temps me blesse

Par MrIous

La pâleur de Tania me fait frissonner d’effroi. Je préfère que Léa ne voie pas cela, mais mon état m’empêche d’être clair dans mes faits. Léa finit par se retourner et à constater tout comme moi l’état de Tania, elle lui crie dans sa stupeur :
« - Eh, qu’est-ce que t’ont fait les Survivants ? Cet état… comment tu as pu te retrouver dans cet état !? »

Elle ne répond pas, comme si elle en était incapable. Elle se mord la peau du pouce, laissant couler un filet de sang pour écrire quelque chose au sol. Une fois finit, elle court vers nous, Léa se place devant moi pour me protéger. Je ne fais qu’observer, ma vue troublée au début commence à revenir et un reflet étrange me parvient depuis le visage de Tania. Je ne peux pas me tromper maintenant, ce sont bien des larmes. Ressortant parfaitement entres les faibles rayons du soleil et sa pâleur. Reprenant mes esprits, je me lève, ma tête tourne. Horriblement pris de vertige, je pose ma main sur l’épaule de Léa, elle me soutient le corps au vue de ma condition. Je regarde avec un œil gauche quasi fermé, voyant certaines formes en doubles, des lignes ondulées. Ma parole est pourtant claire quand je l’adresse à Tania qui s’arrête pour m’écouter :
« - Tania ! … Je ne sais pas ce qui t’as mise en colère, je ne sais pas si la vérité est de ton côté… mais je peux te dire une chose… quand je te vois comme ça… je me dis que tu as plus de raison que ce que je ne pensais pour toi de venir ici. Te voir pleurer ainsi sous cette forme, je ne peux qu’avoir pitié, parlons-en… à partir de maintenant je suis prêt à t’écouter… et à t’accepter. »

M’a-t-elle compris ? M’a-t-elle entendu ? Je n’en suis pas certain, tous ce qu’elle fait, c’est pousser sur ses jambes, se projetant vers l’immeuble derrière nous et s’agripper à une fenêtre du troisième étage. Elle grimpe les étages fenêtres par fenêtres jusqu’au toit. La force des zombies est dix fois plus importante. J’avais déjà ma petite théorie là-dessus avant. Selon moi, la conscience humaine empêche les humains d’user de toute leur force physique d’un seul coup, car cela risquerai de provoquer le déchirement pur et simple des muscles. Or un zombie n’a plus cette conscience de la limite du raisonnable, ainsi la force physique n’est plus mesurée par le cerveau, rendant un zombie dix fois plus puissant qu’un humain.
Je lis rapidement ce qu’elle a écrit : ‘‘Je dois me défouler, je reviens’’, puis laisse mes théories de côtés, Léa poursuit Tania de la même manière pour monter alors que je dois me contenter des escaliers. Ma course est si rapide que je ne fais pas attention à ce qui passe devant moi, zombie ou débris dangereux, je grimpe les marches quatre à quatre jusqu’au toit de cet immeuble à dix étages. Je suis presque arrivé, et j’entends Léa crier clairement :
« - Tu vas me répondre oui ?! Depuis quand les Survivants ont découvert ça ? Qu’est-ce que vous avez fait… à nos enfants ?! »

Léa… … mon corps dépasse ma réflexion et passe la porte avant que je me rende compte de l’étrangeté survenu, Léa semble savoir quelque chose que j’ignore. Aucun mot ne sort, Léa me dit qu’elle va s’occuper de Tania. Je lui en empêche, j’accours à son niveau en déposant une main sur son épaule.
« - Elle est venue pour moi non ?! Alors qu’elle vienne.
- Pas question, elle n’est pas plus différente que moi dans cet état, elle est dangereuse !
- Parce que deux ans à vivre ici c’était le paradis peut-être ?! Fais-moi confiance, je sais ce que je fais. »

Elle hésite, mais accepte finalement en me signalant qu’elle interviendrait si elle trouverait la situation trop dangereuse pour moi. Je consens et m’avance. Le temps n’a jamais été aussi bousculé, quand je vois Tania face à moi comme cela, j’ai l’impression que le monde entier bouge dans un même mouvement unique et harmonieux, les nuages blancs traversant lentement le ciel, le vent qui souffle chaque mèche de cheveux et la lumière se reflétant sur les vitres brisés. Le temps s’était-il vraiment arrêté ou était-ce moi qui ne voulais plus le voir passer ? Le monde que je vois maintenant… est différent. Derrière toi Tania, je le vois… cet autre monde, ton rêve se dessine dans l’ardeur de ta colère, et se cristallise dans la froideur de ton être, mes yeux teintés de vert ne peuvent qu’être dérobé à ce spectacle à la fois nouveau et nostalgique. Je veux y croire, encore plus, à ce que cette illusion devienne une réalité… peut-être est-ce mon souhait depuis toujours. Je tiens à lui dire, je fais un pas et entre-ouvre ma bouche, mais un bruit attire tous notre regard vers la cage d’escalier par laquelle je suis arrivée. Deux zombies sont là, ils m’ont suivi quand je suis monté, ont-ils senti ma détresse et sont venus ici ? Je ne peux leur dire un mot, que Tania passe à toute vitesse à côté de moi, puis sans prendre le temps de percuter, Léa me cri de regarder là où se trouvait Tania juste avant. Je me retourne et observe au sol qu’elle a écrit : ‘‘Pardonne-moi’’. Quand elle dit vouloir se défouler ça veut dire…
Des craquements surviennent, faisant changer encore une fois mon regard de direction, je reviens sur Tania qui a planté ses dents dans un des zombies. Elle le mord puis arrache sa peau d’un coup sec, elle mange la chair, et en même temps utilise sa victime comme défouloir. Rouant de coups ce zombie, l’enfant que j’ai crée, elle s’arrête lorsqu’elle semble être satisfaite. Puis s’apprête à faire de même avec le prochain. Mon sang ne fait qu’un tour :
« - Tania ! Si tu touches encore un seul de leurs cheveux, je te bute ! »

Ma vocifération attire son attention.  Sans prendre le temps de me regarder, elle s’avance lentement vers moi. C’est maintenant où jamais. Je vais en profiter pour mettre en pratique ce que j’ai testé une année durant. Le fonctionnement des zombies est simple, le seul organe intact est le cerveau, il envoie des signaux électriques grâce au nerf, de ce fait, si on coupe la connexion ne serait qu’une demi-seconde, le zombie est paralysé, il s’évanouit si le coup est vraiment violent, mais meurt si l’on vient à lui briser la nuque. Aller, approche Tania, je vais te faire revenir à la normale. Approche encore un peu. Elle accélère le pas et tente de m’étreindre. Je me baisse évitant ses bras de m’enrouler, je passe aussitôt dans son dos, et abat mes mains jointes dans sa nuque. Elle s’écroule lourdement au sol. Pour ma part, je ne bouge pas, j’observe simplement. Cette simple situation de stress m’a complètement essoufflé. Je suis surpris quand Tania se redresse d’un seul coup, se lève, redevenue humaine, elle s’approche de moi et me clame en fronçant les sourcils, les mains sur les hanches :
« - Comment t’as fais ?! Comment je suis redevenue normale ?
- Eh bien en fait… … eh, attends, c’est à moi de poser les questions là ! Comment tu peux te transformer en zombie à ta guise ? Pourquoi t’as attaqué mes enfants ? Réponds !
- OK, calmons-nous… mais avant ça… »

Elle s’agenouille, reste zen quelques secondes, puis d’un coup d’un seul se met à chialer comme une enfant, elle s’agrippe à une de mes jambes en clamant ses excuses les plus sincères :
« - C’est bon, j’ai compris, Tania, tu peux me lâcher maintenant ! Tania !
- Be suis dévolé, dévolé, excuse-boi !
- Je comprends rien ! Mouches-toi !
- On arrête les conneries ! Crie Léa derrière nous. »


Tania et moi avons une bosse sur le crâne causé par un coup de Léa, calmant notre panique. Nous nous sommes posés en triangles, assis en tailleur sur ce même toit et notre longue discussion peut enfin commencer. Mes questions avant tout :
« - Tania qu’est-ce que tu es ?
- Je suis humaine.
- On arrête les blagues ! Grogne Léa.
- OK, désolé… je suis une humaine à qui on a fusionné le virus des zombies.
- Fusionné c’est-à-dire ?
- Les Survivants ont extraits le virus depuis un zombie. Ils l’ont exploités et découvert beaucoup de particularités dans celui-ci. Injecté par morsure directement dans le sang, le virus infecte les cellules, sans les tuer. Il en prend le contrôle. Il est suffisant pour régénérer les cellules en cas d’affaiblissement, mais il les empêche de se nourrir et donc de rendre le corps vivant en quelque sorte. Ce pourquoi les zombies ne se décomposent pas en ayant cette peau pâle.
- Et pour les souvenirs ? Puisque toutes les cellules sont touchés, pourquoi pas celle du cerveau ? Demandé-je.
- Le cerveau n’est pas épargné. Le virus est sensible aux signaux électriques, donc le seul endroit qu’il ne peut pas contrôler totalement, c’est le système nerveux. En résumé, le virus prend le contrôle de tous le corps, en privant ce dernier de tout apport en énergie. D’où l’arrêt cardiaque, vu que les organes n’ont plus besoin de rien, même d’oxygène, tout s’arrête.
- Il s’arrête…
- En d’autre terme, le corps de chaque victime est comme figé dans le temps. Entre la vie et la mort, plongé dans l’oublie.
- Figé… dans le temps. Me murmuré-je. Mais ça n’explique pas mon cas, comment j’ai pu refiler ce virus sans devenir moi-même un zombie, et pour Léa ?
- C’est encore un mystère pour nous aussi.
- Moi j’ai une question. Dit Léa. Combien êtes-vous de zombies artificiels ? Y a-t-il autre chose à part votre transformation ? Y a-t-il des gens qui pensent comme toi ?
- Nous sommes au total de 20, moi comprise dedans. Trois de mes amis étaient d’accord avec moi, mais au moment de s’échapper, deux d’entre eux n’ont pas eu le courage de venir, alors que l’autre… elle roupillait dans l’hélico.
- Dans l’hélico, et elle est où maintenant ?
- Je ne sais pas. Elle s’est réveillée alors qu’ont survolaient les cotes Japonaises, et sans s’en rendre compte elle a ouvert la grande porte, puis est tombée. Je me suis posée en urgence pour la retrouver, mais pas moyen. Du coup j’ai entamé mon voyage vers Tokyo, puis je suis arrivée à la gare où je t’ai croisé, Jim.
- En gros, ton ami se balade tranquillement on ne sait où… si elle touche à un seul cheveu de mes enfants… m’exclamé-je
- T’inquiète pas, elle est du genre à être motivée pour ne rien faire. Et chaque fois qu’elle allait à la rencontre d’un zombie, elle ne le tuait pas de son propre chef. Elle préfère les regarder, les observer tranquille. C’est parce que les chefs était là et qu’il ne fallait pas les décevoir qu’elle tuait.
- Bon… je suppose qu’on n’a pas à s’inquiéter alors. Dis-je en soupirant.
- Et pour la dernière question. Je ne sais pas si les Survivants ont d’autres projets en tête. J’ai entendu parler d’une sorte de projet d’amélioration, mais comme je n’étais pas concernée, je n’en sais pas plus.
- D’accord, maintenant ma dernière question : Pourquoi t’as attaqué mes enfants ?
- Ah oui… quand je passe en mode zombie de manière involontaire, donc sous l’effet de la colère ou d’autres sentiments, je dois me défouler plusieurs fois sur quelqu’un ou quelque chose, ensuite ça passe. Mais du coup, tu m’as stoppé je ne sais comment.
- J’ai tapé dans la nuque pour couper ton système nerveux le temps d’une fraction de seconde. C’est sûrement ça qui t’as fait redevenir normal.
- Je vois…
- Bon, à partir de maintenant, t’as intérêts à ce que ça n’arrive plus.
- Hein comment ça ?
- Je me suis décidé, tu vas rester avec nous. Tu as fuis les Survivants, et nous t’avons jugé un peu vite. Alors, reste, on te garde à l’œil et puis c’est tout. Tu as fait un long voyage et avec toute cette agitation, tu dois bien transpirer. Il y a des sources chaudes à une heure d’ici, allez-y Léa et toi. Je vous attends au Hankei.
- Merci… merci beaucoup Jim ! Clame-t-elle en essayant de me prendre dans ses bras, mais stoppée par la main de Léa sur son visage. »

Elles s’absentent et moi je retourne au restaurant. Je suppose que Len s’y trouve, après tout, ne me voyant pas à la gare, c’est le seul endroit où il doit être allé.
Je ne me suis pas trompé, il est bel et bien là, se tenant devant la rambarde en bois marron, fixant l’horizon. Je le rejoins, et regarde le même point que lui. Le soleil est encore haut dans le ciel, il doit être midi à peine. L'été me paraît si doux qu'on se croirait en plein automne, enfin bon ce n'est pas le plus important. Tania est parmi nous désormais, et pour une raison que j’ignore, cette année risque d’être assez perturbé.

 

''Ce n'est pas parce que tu recules, que le temps te suit''

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