Des heures plus tard, à Le Paradis, les cousins n'étaient pas encore là. Chose étrange, ils étaient toujours les premiers à attendre l’ouverture de l’autre côté de la rue, contre un arbre ou une voiture qui, évidemment, n'appartenait à aucun des deux. Parfois, l’un arrivait avant l’autre, d’un côté ou de l’autre de l’allée, et les deux se rejoignaient en général au milieu, tout sourire. May les apercevait tous les matins depuis trois ans, maintenant. Mais aujourd'hui, une douce brise fraîche les remplaçait. May s'inquiétait pour eux et elle ne savait même pas pourquoi. Elle chassa ses pensées négatives et se concentra sur le ménage. Elle le faisait car la boutique était vide depuis vingt minutes, alors autant en profiter. Elle fit une pause devant les portes de l’entrée et soupira. Elle s’en approcha avec son balai, inspecta l’extérieur et afficha un air inquiet. De temps en temps, en matinée, personne n’entrait, ni même ne passait devant. May fit un pré-inventaire, vérifia le coin vêtements et les objets dans les rayons. À la fin de la journée, sur le chemin du retour, May aperçut de loin Jeanne et Pedro.
Elle se sentit soulagée de les voir enfin, mais ce qui suivit la laissa perplexe. Les deux cousins embêtaient des pauvres rongeurs. Elle continua de marcher en soufflant un bon coup. Un violent bruit la fit s’arrêter net tandis que les cris de terreur des rats s’évanouirent. Surprise et curieuse, May fit marche arrière pour arriver dans une ruelle perpendiculaire à celle où se trouvaient les cousins.
{Mais… mais qu'ont fait ces rats pour mériter une mort pareille ?}
pensa May, accroupie derrière des poubelles pour ne pas se faire remarquer
Jeanne et Pedro avaient assassiné les rongeurs, un sourire glaçant au visage. Du sang coulait encore sur l’une des armes, les gouttes tombant au sol près des corps sans vie. Jeanne cracha sur eux pendant que Pedro rangeait son athamé. Plus rien n’arriva ensuite sous leurs yeux, ce qui énerva Jeanne, qui lança son poignard sur les cadavres frais avec une telle violence que May sursauta en silence. Main sur la bouche, elle ne comprenait pas pourquoi ils avaient agi ainsi. Jeanne manifesta sa rage en espagnol.
Pedro resta un moment silencieux, puis fit quelques pas tout en regardant les bestioles. Il regarda sa cousine, pleine de colère. Leur plan avait manifestement échoué.
— Ils ont dû être prévenus par les guides, finit par admettre Pedro.
— Fait chier ! Il nous faut leur pouvoir, à ces connasses de gardiennes, signala Jeanne, exaspérée.
— Elles protègent sûrement leurs sorcières, leurs fées ou dieu seul sait qui, informa Pedro.
{Ils parlent des gardiennes et des guides. Comment peuvent-ils connaître leur existence ?}
se demanda May en analysant leurs phrases
Les guides et les gardiennes sont des êtres magiques, des sortes de professeurs pour sorcières et autres personnes dotées de pouvoirs. Avec une école nichée sur une montagne, dans un bois enchanté, ils enseignent tout ce qu’il faut pour aider les générations futures. Inquiète pour la dimension magique, pour les villages et ses habitants, May s’imagina le pire en pensant à la chose horrible qu'avaient faite les cousins.
{S’ils peuvent faire ça à des rats, ils peuvent en faire de même à n’importe qui}
pensa May
En voulant fuir sa cachette, May fit tomber une bouteille en verre, qui bascula d’une poubelle au sol. Le bruit de verre brisé interpella les cousins. Jeanne reprit son arme en main, tout comme Pedro. Ils s'avancèrent d’un pas sûr vers la puanteur que dégageaient les déchets. May put figer le temps avec sa vélocité. Tout autour d’elle ralentit en un instant, les voitures sur le Golden Bridge et même les amoureux en promenade nocturne. Dans ses yeux, des éclairs aussi beaux que la mer apparurent et se déplacèrent sur ses jambes à une vitesse folle, qui, elles, étaient les seules à pouvoir bouger. Elle se déplaça sur le toit de l’immeuble en un rien de temps. Elle avait couru verticalement sur la façade du bâtiment, défié les lois de la gravité. Sur l'immeuble d’en face, des yeux brillèrent dans le noir, remplis d'étoiles et d’espoir. Un sourire apparut sur le visage, dans l’ombre. Jeanne et Pedro aperçurent une chatte tonkinoise se lécher. Les cousins se regardèrent un moment, puis foncèrent tous les deux sur elle. Le félin afficha un sourire moqueur, s’étira et se replia au loin.
— C’est sûrement une gardienne ! affirma Pedro.
— Attrapons-la, alors ! lança Jeanne
La minette disparut dans un cul-de-sac. Jeanne et Pedro étaient plus que fous de rage, ils étaient hors d’eux. May ne les reconnaissait pas. La gardienne avait grimpé des cages d’escaliers en métal et se tenait là. Elle murmura une réponse à une question, qui provenait d’un coin dans l’ombre.
— C’est elle ? demanda une voix féminine.
— Oui répondit le matou.
Un énorme écran de lumière se forma sur un mur derrière eux. La chatte et sa maîtresse le traversèrent. L’instant d’après, il n’y avait plus aucune trace d’elles. May rentra rapidement chez elle. Arrivée dans sa chambre, elle fit les cent pas. Dans son esprit, des questions pour l’instant sans réponse se succédaient. Elles se mélangeaient, formaient des boules de papier froissé, longeaient les murs clairs de la salle ronde qui faisait office de lieu de réflexion dans sa tête. La pièce était plus remplie que d’habitude, les pensées basiques ne pouvaient plus circuler correctement. May était là, au centre, ne sachant que faire pour calmer l’agitation soudaine de son cerveau, ce qui lui donna la migraine. Elle partit chercher un calmant et de l’eau fraîche. Dans la cuisine, seule, elle ouvrit les fenêtres du salon donnant sur la rue vide. Elle but son verre en regardant d’un air nostalgique la lune, se rappelant sa vie à Séoul. La sonnerie de son téléphone l’interpella. Shannon venait de lui envoyer un message. May lui raconta ce qu’elle avait vu, sur son téléphone alien ressemblant à s’y méprendre à celui d’une Terrienne. Le bruit d’un interrupteur et l’ouverture d’une porte la firent se retourner. C’était Joyce, qui s’était levée pour remplir sa carafe d’eau. Ses petits yeux fatigués, son coucou de la main et son sourire redonnèrent de la force à May, sans le savoir. Elle finit par se coucher, épuisée mentalement par ce qui venait de se passer.
May n’entendit pas, dans son sommeil, le son de son téléphone. Shannon lui avait répondu. À peine May mit-elle la clé dans la serrure que son associée surgit derrière elle dans une tenue rock en faux cuir, sur une moto élégante. Un side-car BMW R 51 doté d’une carrosserie noire. L’engin était garé sur une place réservée à la boutique. La motarde, Sakura, retira son casque sombre, le posa dans l’espace à côté et se recoiffa. Elle prit son sac d’une main et souleva sa frange. Sur la peau claire de son visage, les plis près de ses yeux marron foncé étaient bien prononcés. Malgré son âge, elle avait l’air jeune, habillée de la sorte.
— Bonjour, Sakura. Que fais-tu là ?
— Ben je suis là pour l’inventaire.
Amies depuis vingt ans officiellement, officieusement elles se connaissaient depuis des siècles. Elles n’étaient pas de la même espèce, et pourtant leur amitié était bien réelle. Elles s’étaient rencontrées à Paris, lors d’une exposition. Une cliente de Sakura lui avait demandé un coup de main pour remettre en état une centaine de meubles. May avait bien sûr accepté, après avoir vu combien elle serait payée.
Ce jour-là, du champagne était servi. May avait pris un verre, Sakura aussi. Et c’est à ce moment-là que la discussion s’était engagée. Sakura avait trouvé la rue où May travaillait le week-end, parfois avec sa cousine, parfois seule. C’était donc à Paris que May s’était fait sa première amie, et sa première associée. May et Sakura se dirigèrent tout d’abord dans le bureau près du comptoir. C’était une pièce de taille moyenne, avec une grande fenêtre donnant sur une petite ruelle. Les deux aliens échangèrent des banalités tout en sirotant du earl grey bien chaud. Au premier, les pièces sur leur droite servaient à entreposer les objets, et celles de gauche faisaient office de petit appartement.En une heure, chacune vérifia la marchandise pour le mois suivant avant d’écrire dans leur carnet “ PEER “, prêt à être mis en rayon. À la fin du pavé d'informations, toutes deux apposèrent leur signature avec leurs plumes sur le cahier.
— Ça mérite bien une bonne bière ! exprima Sakura, posant sa plume dans son encrier.
— Avant qu’on ouvre ? demanda May, hésitante. Est-ce raisonnable, Sakura ? Le règlement de Le Paradis est très strict là-dessus, tu le sais très bien.
— Juste une, alors, insista Sakura. De toute façon, y a pas beaucoup d'alcool dans mes bières.
May soupira avant de donner sa réponse. Elle avait rédigé les règles de sa boutique en la présence de Sakura, un matin d’été, au lendemain d’une grosse soirée où seule Sakura avait bu un bon nombre de verres et de cocktails de toute sorte. Elle s’était fait quelques amis... enfin amis jusqu’à ce qu’on lui sorte des remarques transphobes quand ils avaient entendu. Sa voix grave résonner dans tout le bar. May s’était abstenue pour ramener une Sakura ivre chez elle et tenir ses poings à distance des visages des hommes ou de quiconque critiquant sa vie.
— Bon, d’accord. Mais tu la finis avant l’arrivée des premiers clients, s’il te plaît, Sakura.
— À tes ordres, cheffe ! Tu veux quelque chose ?
— Oui, du litchi, s’il te plaît, communiqua May en rangeant les plumes à leur place, dans son bureau en bas, premier tiroir à gauche, dans des boîtes joliment décorées.
— Et une boisson au litchi, une ! répliqua Sakura en prenant les rafraîchissements dans ses mains et en posant celui de May sur la table pour ouvrir le sien tranquillement.
— Merci, signala May en revenant dans le salon et en voyant sa boisson.
— Pas de quoi, associée ! Tchin ?
— Tchin ! À notre duo.
Maintenant que Sakura était là, à son poste à l’accueil, May pouvait s’occuper des cabines d'essayage. Elle allait aider les clients à trouver la robe à la bonne taille, les chaussures adéquates et les accessoires qui concordaient. Dans le couloir, collée au mur d’une autre caisse d’ordinaire fermée à clef, May prit une sacoche remplie d’argent dans le comptoir, lui aussi clos par une fermeture ancienne. À l’autre caisse, elle fit passer des clientes qui achetaient des ensembles. May et Sakura échangèrent des sourires lors des moments calmes. En haut dans le salon, pendant leur pause, elles dégustèrent leurs bento végétariens cuisinés la veille par May. Sakura était végétarienne, et May ne mangeait jamais de viande en sa présence. Dans sa box, il n’y avait que du taboulé et des petits légumes. Comme toujours, Sakura se régalait. Elle avait en bouche l’un de ses spring rolls. Au moment d’engloutir sa dernière bouchée, May repensa à la chatte dans la ruelle, aux cousins et aux pauvres rats.
{Était-elle une vraie gardienne ou un simple chat de gouttière ?}
pensa May
Sakura l’appela à temps, juste avant d’avoir de nouveau mal à la tête. L’heure de reprendre avait sonné. Chacune à leur tour, elles descendirent les marches de l'escalier en colimaçon. Elles avaient échangé leurs postes et leurs pochettes. Aujourd'hui, les cousins n'étaient pas venus. Encore une journée sans les voir agir étrangement dans tout le magasin. Sakura en était soulagée, cela se voyait sur son visage. Détendue, elle relâcha ses épaules et siffla en rythme. Elle se méfiait d’eux depuis le début. Sakura les surveillait quand elle était là, alors elle était contente qu’ils aient arrêté de les déranger pendant leur travail. May trouvait leur absence étonnante, voire étrange. Son pressentiment était revenu, et cette fois-ci, il était plus clair. Leur aura était mauvaise.
May afficha un air préoccupé. Elle était en train se mordiller l’ongle du pouce sans le savoir quand une ombre rapide à l’extérieur attira son attention. Elle réalisa alors ce qu’elle était en train de faire. Elle mit ses mains derrières son dos et s’avança vers la baie vitrée. Elle regarda de gauche à droite, la chose qui était passée était son doute partie loin. C’est du moins ce que May pensa, alors elle se remit près de la seule cabine qui avait un rideau fermé. Après quelques minutes, elle se sentit observée. Elle scruta son magasin avant d’en venir à la réflexion suivante : ce n’était ni Sakura - puisque celle-ci fixait sa caisse et le client devant elle - ni le peu de personnes dans les rayons. C’était sans doute Jeanne et Pedro. Mais May n’en était pas vraiment sûre. Elle doutait et hésitait sur la marche à suivre pour obtenir des informations. May n’était pas comme sa tante, mais si celle-ci avait été là, elle l’aurait encouragée à fouiller les lieux les plus fréquentés par les cousins, parler aux personnes qu’ils croisaient, ce serait mieux que rien. Alors quand la cliente eut fini, elle l’encaissa et sortit prendre l’air un instant. La rue était déserte, pas un bruit. May marcha tout d’abord vers la ruelle étroite près de son bureau. Il n’y avait rien, seulement des poubelles encore vides. Elle nota dans sa tête de jeter les sacs plastiques dedans, ceux de l’étage et celui derrière le comptoir. Elle rebroussa chemin et prit l’autre côté du couloir pavé de pierres grises.
May retourna là où elle avait vu la dernière fois les cousins. Dans cette allée sombre, dont la taille était juste pour May et sa phobie. Tout ce qu’elle espérait, en plus de trouver quelque chose, c’était que le démon de la peur ne la sente pas. Pas à pas, elle arriva devant la mare de sang des rats. May ne s'accroupit pas car elle voyait très bien de là où elle était. Elle se pencha légèrement, tenant ses mains l’une dans l’autre. Rond, presque effacé, l'éclat vif était en train de disparaître. Il était rouge, ce qui voulait dire que ce n'étaient pas des particuliers .
{C’est déjà une bonne nouvelle, enfin…}
pensa May en grimaçant
Leur sang se rapprochait quasiment de celui des Lumiros, la couleur était assez similaire. Quelque chose clochait, mais quoi ? May claqua des doigts, avec le majeur et le pouce, en trouvant ce que c’était. Que voulaient faire Jeanne et Pedro avec les pouvoirs des gardiennes ?
Et pourquoi en avaient-ils besoin ? Un sourire de fierté s’afficha sur son visage, elle pensait comme sa tante et en était contente. Une silhouette cacha la trace sur le sol, et May leva les yeux. Elle crut halluciner, recula un peu et resta muette. La personne devant elle n’était pas n’importe qui, ce n’était pas une Lumiros lambda. May s’inclina, pied à terre, main gauche dans son dos et main droite sur sa jambe droite. Elle resta un moment dans cette position, devant l’une des princesses de la famille impériale qui gouvernait la dimension de lumière où naît, grandit et vit la moitié de son peuple. La discussion entre les deux commença en lumia, la langue officielle des Lumiros.
— Tu peux te relever, ordonna la troisième princesse.
— Je vous remercie, Princesse Lo, communiqua May en se relevant.
— Ce soir, je ne suis pas là en tant que princesse mais en tant que bibliothécaire. Alors veuillez me nommer Ora, informa-t-elle.
— Bien. Puis-je vous poser une question ?
— Je t’autorise à me demander tout ce que tu désires, répondit Ora.
— Que me vaut l'honneur de votre visite ici, sur Terre ? demanda May, curieuse.
— Tu le sauras bien assez vite. Rendez-vous dans les égouts sous ta boutique, sois rapide.
May acquiesça pour montrer qu’elle avait compris. Ora prit son menton à une main, sourit et s’écarta.
— Avant que je ne parte, je dois te dire que j’ai été impressionnée par ta vitesse dans les rues de cette ville. Tu as de jolies éclairs, dis donc.
— Je vous remercie…
Sur ces mots, Ora s’envola en faisant apparaître des ailes de phénix dans son dos. Impressionnée, May ouvrit la bouche. Le feu avait l’air de danser derrière la princesse, comme si on regardait des vagues sur la mer, mais là elle était enflammée. En fin de journée, Sakura rentra chez elle, mais avant elle piqua une bière dans le frigo à l’étage. Elle salua de loin May, en souriant. May attendit que Sakura se retourne pour filer au lieu donné par Ora.
Elle retourna dans le petit espace, près des ordures, et y vit une plaque d’égout. Elle vérifia que personne ne la surveillait et fit vibrer son corps pour passer à travers comme un fantôme. Elle atterrit dans un couloir mal éclairé, à côté d’une échelle qui n’avait plus servi depuis des lustres, visiblement. May devina qu’il s’agissait de l’un des souterrains que le maire avait fait fermer. Les taches grises sur le mur s'étendaient jusqu’en haut. Le sol était froid, dur et sale. Des rats s’y promenaient sur les côtés, fuyant la présence de May. Elle dut se boucher le nez à cause de l’odeur désagréable. La puanteur était telle qu’elle faillit vomir. Elle déplaça sa main pour atteindre sa mâchoire, pinça ses narines et respira doucement par la bouche. Ora se montra enfin, une pince en cristal sur son nez.
— L’odeur est désagréable, n'est-ce pas ?
— Plutôt, oui...
— On va bientôt s’en charger.
— “ On “ ?
— Tu sais très bien de qui je parle, non ?
— Oui, bien sûr.
{Ora parle sûrement de la famille impériale, dont elle fait partie }
pensa May
Une lumière dorée jaillit de la clef autour du cou d’Ora et se transforma sur un mur en une grande porte. Elle s'ouvrit, puis l’éclairage au centre aveugla May, qui se cacha les yeux avec ses mains. Ora lui fit signe d’avancer quand la luminosité redevint supportable. Elles avancèrent, et l’instant d’après, le lieu se retrouva rempli de livres par milliers. Les yeux écarquillés, May regarda partout, le souffle coupé. Elle leva la tête et contempla les murs remplis de textes anciens. L’ouverture en hauteur était ronde, l’ambiance de l’étage au-dessus d’elle ressemblait à celle d’une cathédrale. Ora laissa May seule dans l’annexe quelques minutes pour aller chercher de quoi se désaltérer. Quand le thé fut servi sur l’une des grandes tables de la pièce, la princesse lui expliqua comment elle avait pu la retrouver grâce à la magie de cristal et à celle du phénix. Ora prit sa tasse à deux mains, dégusta une gorgée, puis continua. May ne comprenait toujours pas pourquoi on lui avait donné la chance de se retrouver dans l’antre de la bibliothécaire. Ora brisa un long silence.
— Voulez-vous m’aider à récupérer un objet magique ? demanda Ora.
May resta sans voix suite à cette annonce, elle ne savait que dire. Ora révéla l'état de santé de son gardien et lui montra la chambre où elle se reposait en général avec son époux. Ce dernier avait une couverture remontée jusqu'au torse, main en dessous, un tissu imbibé d’eau fraîche sur le front. La chatte tonkinoise, Izumi, elle, s’était endormie près des pieds de Fabien, le mari d’Ora. Celle-ci eut alors la réponse qu’elle attendait, May acceptait de lui venir en aide. Toutes deux retournèrent dans l’annexe. Ora ouvrit un grand livre, puis montra du doigt l’objet à récupérer. À la maison, Joyce était surprise de ne toujours pas voir May de retour. Elle reçut alors un SMS de la part de sa colocataire, ce qui la rassura. May rangea son téléphone après avoir lu la réponse de Joyce, pleine de joie, comme toujours. Elle se concentra de nouveau sur la mission à effectuer au côté de la célèbre bibliothécaire.
— La lampe de lumière, l’un des trésors volés et perdus de la famille impériale, expliqua-t-elle. Voici mon plan… informa Ora.
Voyant Ora sous son apparence alien prête au combat, May devina qu’elle allait devoir revêtir la sienne. Elle respira un bon coup, puis ferma les yeux. Une phrase prononcée à voix haute la fit s’illuminer, comme une torche humaine en plein ciel. Cristallisation. Sa chevelure brilla, s’allongea et forma une longue tresse couleur bleu Maya arrivant jusqu’à ses fesses. Ses yeux et ses lèvres changèrent aussi de couleur, bleu azur et bleu ciel. Sa tenue vintage se transforma en combinaison-short étincelante. Le mélange de teintes bleutées - bleu givré et bleu électrique - sublima sa silhouette assez mince. La dernière chose à apparaître émergea dans le dos de May : un bô en cristal rempli d’éclairs figés dans le temps. Ora enregistra les coordonnées du lieu où se trouvait en temps réel la lampe de lumière sur le globe en cristal, à côté des grandes portes dorées. La bibliothécaire savait ce qu’elle faisait, May n’était pas une novice en arts martiaux. Malgré des recherches sur sa vie dans la dimension et sur ses cours, Ora voulait la tester. Savoir si elle était prête à faire face à un grand destin.
— Suivez-moi…
— Lady Oz. Mon nom est Lady Oz, Ora.
— Suivez-moi, Lady Oz.
Une fois de l’autre côté, Ora et Lady Oz empruntèrent un chemin et se faufilèrent à l’intérieur d’un bâtiment abandonné. En peu de jours et sans que May ne le sache, Jeanne et Pedro s’étaient constitué une ligue de super-malfrats à leurs services. Des cyclopes, des elfes et des Lumiros chassés et bannis de la dimension de lumière. Tapies dans l’ombre, cachées derrière plusieurs gros cartons sales, Ora et Lady Oz observaient la scène de loin. Les super-vilains discutaient entre eux avant l’arrivée de Jeanne et Pedro. Grâce à la super-ouïe de Lady Oz, elles étaient au courant des sujets de discussion de chaque groupe. Ils avaient prévu de prendre le contrôle de la ville et du pays un peu plus tard. De là où elle se tenait, Ora lança des bombes fumigènes sur la league des super-vilains. Elle sauta ensuite dans le vide, entourée de fumée blanche. Elle mit K.O des elfes avec ses pieds et atterrit comme une gymnaste sur son arme. Pendant qu’Ora se défendait contre les attaques, Lady Oz partit chercher la lampe de lumière grâce à son pouvoir de super-vitesse. D’immenses éclairs bleus traversèrent tout l'immeuble, et Lady Oz tomba nez à nez avec Jeanne et Pedro.
L'adrénaline dans son cerveau la poussa à engager un combat contre Pedro, qu’elle perdit en étant propulsée à travers les étages grâce à un marteau en cristal. Près du vide, Lady Oz ouvrit les yeux, se releva avec difficulté et changea de place dès qu’elle pressentit un coup d’éclair venir. Devant elle, une autre supersonique, dans un costume noir. Sur le coup, l’idée qu’avait eue Lady Oz sembla être un éclair de génie. Elle provoqua Jeanne, la critiquant devant son cousin et l’autre Lumiros. Jeanne fonça sur Lady Oz, qui l’évita à chaque fois en faisant des petits bonds rapides. Pedro en eut assez et prit les choses en main. Il augmenta la taille de la pierre en cristal au bout de son arme et envoya cette fois-ci Lady Oz à l’autre bout de la ville. Des journalistes présents devant une patinoire crurent voir une étoile filante passer dans le ciel alors qu’il s’agissait en réalité de Lady Oz, qui fit un gros trou dans le sol devant eux. Bien qu’ayant mal partout, Lady Oz se dédoubla et envoya sa copie récupérer la lampe de lumière. Elle la passa ensuite à Ora, qui se ne se foulait pas pour battre ses ennemis. Son double faisait tout le travail pour elle. Ora vit dans ses mains l’objet et fit venir Izumi pour qu’elle s’occupe de Lady Oz.
(1) “Démon de la peur” est une référence à Charmed.
(2) ”Les particuliers“ est un nom moins courant pour les gardiennes/gardiens.
(3) Doré pour les Lumiros, et jaune comme le soleil pour les gardiennes.
(4) L’annexe est l’une des pièces les plus importantes dans la bibliothèque. C’est là où se trouve une bonne partie du savoir du monde et des galaxies à travers les âges et surtout le grand livre, le grimoire des sorcières pour les bibliothécaires.