Trois jours... Trois jours qu'ils n'ont rien fait.
Gabriel écoute son amant dormir, son souffle est doux et régulier. Dans un peu moins d'une heure et demie, il se lèvera et une nouvelle journée sera entamée. Va-t-il le laisser dormir ? Dans la pénombre, il observe quelques instants sa silhouette avec envie, se blottit contre lui. Il savoure la délicate odeur de fleurs de sa chevelure, toujours la même, qu'il respire à pleins poumons, se serrant davantage. Uzu remue légèrement sans toutefois s'éveiller. Gabriel lui passe une main sur le torse en l'embrassant tendrement dans le cou. Celui-ci pousse alors un grognement suivi d'un soupir. Gabriel fait la moue dans le noir et desserre son étreinte.
- Trop tard, tu m'as réveillé. Il est quelle heure ?
- Ch'ais pas, désolé, j'ai eu une pulsion, une soudaine envie de...
- Putain, il est six heures moins le quart ! Pfff ! Tu pousses, hein ! Laisse-moi dormir s'il te plait ! Bordel, même pas six heures !
Uzu s'éloigne de lui en bougonnant.
- Ben justement si on commence maintenant, on aura l'temps d'finir !
(Silence) Puis Uzu qui réagit.
- De quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ? Hé ! Tu vas continuer à dormir toi après, hein ! Moi je bosse ensuite !
- Et après ? J'me suis couché à deux heures, ça empêche pas qu'j'ai envie. Moi aussi ch'uis fatigué, mais j'veux un câliiiiin !
- Hugo a pleuré jusqu'à une heure trente, je venais de m'endormir quand tu es rentré, même si tu fais pas de bruit, ça me réveille, je te signale ! Ok, tu as bossé jusqu'à deux heures, ben ma journée a été longue aussi !
- Hi hi hi !
- Quoi ?
- T'à l'heure, tu vas m'dire qu't'as tes règles ? Ha, ha, ha !
- T'es con.
De nouveau le silence, puis il s'approche une nouvelle fois du japonais qui lui tourne toujours le dos, passe son bras autour de lui et s'imagine être capable de lui faire changer d'avis grâce à des caresses suggestives.
- Retires ta main.
- Chuuuttt ! T'inquiète, dors, j'vais entrer tout doucement et j'ferais pas de bruit hihihi !
- Gabrieeeeeleuuu ! Merde ! Il est presque six heures ! Laisses-moi profiter de ma dernière heure, couché ! Je suis nase, je te dis !
- Ouiiiiiiiiiiiiiiiin !
Hugo n'apprécie visiblement pas les engueulades à six heures du matin et le fait savoir ! A moins qu'il n'ait faim.
- Bah voilà, à gueuler t'as réveillé Hugo, grimace l'oncle du bébé.
- Putaiiiin ! Ha ! Tu te lèves, hein ! Moi il me reste une heure ! Merde alors !
Il attrape violement un oreiller et le jette énergiquement sur sa propre tête. Gabriel, déçu, finit par se lever en grognant.
- Tout c'que j'voulais c'était un câlin moi.
Le manque du corps de son ami est si fort qu'il ne comprend pas que l'autre ne ressente pas la même chose.
Couche, biberon, promenade dans l'appartement, rien n'y fait, Hugo résiste au sommeil et cela dure. À sept heures, au moment où l'enfant s'assoupit à peine dans les bras d'un oncle comateux, affalé sur le divan, Uzu allume la lumière du couloir et entre dans la salle de bain, faisant sursauter le bébé.
- Forcément maintenant, c'est trop tard ! estime Gabriel, un peu déçu.
Il décide de se lever et entre-ouvre la porte de la salle de bain, le bébé dans les bras.
- S'cuse moi d't'avoir réveillé, tu m'manques, c'est tout.
Son regard se fige alors sur les fesses de son amant s'apprêtant à entrer sous la douche. Une envie irrépressible le prend. Sentant de suite l'érection monter, il n'a guère le temps de le laisser déclarer quoi que ce soit. Il se dépêche de refermer la porte dans un soupir part recoucher Hugo, puis prépare le petit-déjeuner. Faute de pouvoir lui être agréable d'une certaine façon, autant en trouver une autre, se dit-il.
- Tu ne te recouches pas ? grogne Uzu au sortir de la salle de bain, d'un air peu avenant.
Gabriel ne prend même pas la peine de se retourner.
- J'me suis dit que si j'te faisais gagner un peu de temps sur ton p'tit déj' tu pourrais p't'être me sucer avant de partir ! réplique-t-il avec malice.
Il s'imagine très bien son ami ronchonner. Cependant, Uzu qui a déjà une tartine de beurre dans la bouche, l'avale de travers, surpris par la répartie. Pris d'une quinte de toux, il paraît s'étouffer pour de bon.
- Hééé ! Ça va ? Désolé, c'était pour rire, respire, du café ?
Une fois calmé, il se met enfin à rire.
- T'es vraiment con bordel ! Tsss ! Le mec sérieux, "nan je te fais ton petit déj' histoire de..."
- C'était pour rire. J'pense pas qu'à ça.
- Ha, nan ? C'est vrai ?
Gabriel joue les vexés. Il n'en faut guère plus à Uzu pour céder à la tentation de le torturer en retour. Il se met donc à manger cette tartine de pain d'une façon très particulière. Gabriel ne se rend pas de suite compte du petit jeu qu'a enclenché son petit ami.
Tout de même, au bout d'un moment, les passages de langue sur le beurre, son regard ouvertement lubrique et cette façon de mordre lentement, lui mettent la puce à l'oreille.
- Tu fais quoi là ?
- Rien. Je savoure cette tartine que tu m'as faite avec amouuuur ! Hi hi !
Gabriel sort son nez de son bol de céréales, la cuillère en l’air, il relève un sourcil et le calcule quelques secondes.
- Tu m'cherches ? Il est presque l'heure qu'tu partes, c'est vraiment pas sympa. En fait, t'es un vrai sadique.
- Je me venge que tu m'aies réveillé, annonce-t-il narquois.
- Si tu continues, j'te jette sur la table, je t'arrache ton pantalon et je...
Les iris noirs de Uzu brillent malgré lui. Pris à son propre piège, et sentant à son tour le désir monter, il décide rapidement qu'il est préférable de quitter la table. Gabriel affiche un sourire en comprenant ce qui se passe dans la tête (et ailleurs) de son amant.
- Au moins un bisou ? mendie-t-il au moment de le voir sortir.
Uzu est toujours un peu troublé, une certaine rougeur apparait sur le haut de ses joues et son regard se fait fuyant.
- Toi, j’t'aime, tu sais ? lui glisse le goth à l'oreille.
Il sourit, timide, et se laisse embrasser, puis rit finalement de lui-même quand seul dans l'ascenseur, il tente de faire disparaître la bosse inconfortable mise en évidence à l'entre-jambe de son jeans.
Au cours de la matinée il reçoit un SMS de Gabriel, message qui lui fait plutôt plaisir :
-"Je bosse pas aujourd'hui, je récupère pour bosser samedi soir (annonce du boss) ^^ Tu annules la répète et on va faire les boutiques cet aprém' ?"
-"Tu pourras donc me faire ce que tu veux ce soir :p " s'empresse de répondre Uzu.
Lorsque Gabriel reçoit sa réponse son sourire lui traverse le visage d'une oreille à l'autre.
" Et c'est moi l'obsédé, hein... XD "
En fin de matinée Yann rend une visite impromptue à Gabriel.
- Salut mon chou, la forme ? J'ai reçu un message comme quoi y'avait pas de répète aujourd'hui.
- Et ? J'ai un jour de congé, on va en profiter. T'avais pas b'soin d'venir jusqu'ici ! Y viendra demain ! La réplique du tac au tac montre à Yann que son ex est bel et bien toujours sur des charbons ardents en sa présence.
- Oui, nan, je venais pas pour ça chéri, t'excite pas. C'était une simple question. De toute façon, honnêtement, en dehors d'apprendre les chansons... Je veux dire, les répètes c'est super utile, cela dit vu son niveau tu n'as pas trop à t'en faire, quoi.
Ce que lui affirme Yann l'étonne, l'autre poursuit en lui tendant une clef USB.
- Tiens, il ne se doute de rien, j'ai enregistré sa voix. Note que le son c'est pas celui du studio évidement, pour autant le truc fonctionne bien et le micro était bon. Je suis vraiment convaincu que c'est important que tu entendes ça. Écoute "The nostalgia for the angel", je crois que c'est la meilleure, il est en play-back avec ta voix, un truc dingue.
A mesure que le son lui arrive dans les oreilles le leader se montre de plus en plus dépité par ce qu'il entend. Une main sur la bouche, les yeux ronds comme des billes, il questionnera plusieurs fois son ex, à savoir s'il s'agit de sa vraie voix. Les trois pistes terminées, un silence perplexe flotte. Puis Gabriel se met à rire, presque nerveusement.
- Ça déchire ! Putain ça déchire tout ! Wouaaa ! La claque ! J'imaginais pas, c'est un pro mon chéri !
A ce dernier mot, Yann réagit d'une moue douloureuse. Résigné, il se contente de faire des commentaires sur la prestation.
- Et tu ne l'as pas vu faire !
- Ha, ouais ? Merde, j'ai hâte d'être à samedi.
- Avec le groupe et les vrais instrus, pas un play-back, ça va le faire, crois-moi ! En plus, il a plusieurs idées différentes pour les voix sur "Real lies" par exemple. Songe qu'il faudrait que...
Il se stoppe à peine mais le souffle s'entend.
- Que... le nouveau bassiste sache chantonner un peu. Comme je fais, quoi.
Il se racle la gorge, mal à l'aise de parler de son éventuel remplaçant.
- Genre une voix aigüe et toi mon chou, tu devrais continuer le son grave, avec les parties ajoutées, lui il fait la voix du milieu, franchement ça ferait un carton !
- Mouais...Perso j'étais content qu'il chante pour n'plus avoir à l'faire, j'ai du mal à jouer et à chanter en même temps, ça capte mon attention, t'vois ? Et l'nouveau bassiste on n'y est pas encore. C'est vrai que toi tu chantes aussi.
- Ha, là, là ! C'est simple, quel boulet tu fais ! Sur ce morceau, c'est uniquement pendant la descente d'arpèges, tu la connais par cœur, mon choix! Le nouveau bassiste, si je dois partir, vous avez quand même un peu de temps pour en trouver un qui chante aussi. On lui réclamera pas des performances vocales, tout ce qu'on désire c'est un petit quelque chose, une fille ça serait à l'évidence mieux !
- T'es gentil toi ! Un bon bassiste qui ait l'niveau ça s'trouve pas en claquant des doigts figure-toi ! Et une fille, pffff ! Nan, ça va foutre la merde, comme avec toi ! Tant qu'à te remplacer autant éviter les emmerdes !
- Bha merci, ch'uis pas une nana, t'exagère.
- C'est pareil !
L'ambiance se plombe quand Gabriel se met à réfléchir à haute voix.
- J'arrive plus à t'supporter dans ma vie perso. Mais l'groupe perdra une grande partie d'sa couleur avec ton départ, t'es le soleil d'ma musique, sans toi, ça va être gris, reconnaît-il.
Yann en reste abasourdi quelques instants, il y a bien longtemps qu'il n'avait plus reçu pour sa présence dans le groupe, un tel compliment. Il faut que ce soit maintenant.
- Je... ça va me manquer aussi. Mais je peux pas continuer à être odieux, pénible, méchant. Je ne me contrôle même plus, je t'aime et je meurs de jalousie. Je vais être insupportable si je reste, si la situation n'évolue pas en moi. Je ne me supporte plus. J'ai besoin de retrouver qui je suis. J'aimerais avoir une chance de recommencer ailleurs. Avec quelqu'un d'autre peut-être aussi.
- Donc tu pars de toute façon c'est ça qu'tu dis ? J'croyais qu's'était qu'un problème de logement.
- Si tu me dis de rester je reste idiot, pense-t-il alors sans en avoir l'air. Tu n'écoutes pas quand je te parle on dirait.
- Je t'avoue que... Il sourit. Que ça me soulage dans un sens ! Alors vraiment tu quitterais Paris ?
- Je sais pas. Même si je trouve un appartement... et ça c'est loin d'être fait, et un boulot...Pour le moment il y a trop de variables, trop d'inconnus pour te répondre.
- Bon, en attendant, pour l'prochain bassiste, on verra. On a l'concert de prévu à Noël, avec ou sans toi j'dois préparer l'groupe. Cet aprém' c'est décidé mon chéri j'le traine chez "Red stone" pour une tenue de scène, hihi !
- Ça c'est pas une mauvaise idée, qu'il aille chez le coiffeur aussi.
- Ça va pas ? T'es barge ? Il a des ch'veux magnifiques, d'toute façon m'étonnerait qu'il m'laisse y toucher !
*
À peine une heure qu'il est rentré du boulot, pendant que Gabriel et lui mangent ensemble tranquillement, il se permet de beaucoup l'interroger sur les boutiques à faire, et sur le motif de la chose. Il est en effet, question de voir pour une "tenue de scène". Lui n'en voit pas trop l'utilité.
- C'est idiot et un peu rapide non ? On sait même pas si je ferais l'affaire.
- Tu s'ras impec' et ce s'ra aussi pour sortir, aller en soirées, quoi !
- On sort pas. Avec le bébé tu veux qu'on fasse comment ?
- On l'fera garder, on va pas vivre en ermites parce que ch'uis père...enfin...oncle.
- C'est une dépense inutile, moi je pensais qu'on achèterait des fringues de tous les jours.
- C'est moi qui t'l'offre pis t'es pas forcé, si ça t'plaît pas on prendra rien, ok ?
- Humm...
- On va sortir, on va s'balader, souris !
Il se penche pour lui asséner un petit coup de coude et devant son visible enthousiasme, Uzu n'ose pas résister. Il se demande cependant si le style lui plaira.
Une fois dans la chambre, il examine la garde robe de son petit ami pendant que celui-ci se change. Et ne trouve rien à son goût. Il n'est néanmoins pas contre l'idée d'avoir un look un peu plus original.
- Avoir tout simplement un look, serait déjà pas mal... réfléchit-il.
- Ça va pas faire long pour le bébé ?
Il observe le va-et-vient de Gabriel entre la chambre et la salle de bain essayant des choses, les enlevant, pas très convaincu, et les jetant à terre pour finir.
- C'est ma collègue, Helen, qui va v'nir le garder !
- Hein ? C'est qui ? T'es sûr ? On le sort pas avec nous ?
- Rest' zen, c'est une amie, on va prendre du bon temps, ok ? C'est seulement une balade, cool !
Gabriel porte à présent le même genre de vêtement que la première fois que le japonais et lui se sont rencontrés. Uzu se mire dans le miroir, en comparaison, il a l'impression de n'être que l'ombre de quelqu'un. Gabriel se met rapidement un trait de khôl noir autour des yeux puis saute devant lui.
- Tadaaa ! Alors comment tu m'trouves hein ? Ch'uis pas un beau gosse ?
Il a l'air désinvolte, mais en vérité il s'inquiète. Ça n'est pas tant le fait que Uzu soit distant aujourd'hui qui lui pose problème, mais plutôt celui d'avoir entendu de sa propre oreille le résultat de la dernière répétition. Il prend toute la mesure du talent de son amant et se demande alors : - Pourquoi moi ?
La question tourne depuis quelques heures dans sa tête et reste sans réponse. Lorsqu'il l'a rencontré, Uzu semblait presque transparent, tel un ange en surimpression sur un paysage qui n'est pas le sien, une personne naturelle mais toute en simplicité, vertueuse, certes, mais juste un peu différente. Bien qu'il ait de suite vu en lui une beauté intérieure comme extérieure particulière, et que déjà à l'époque il s'étonnait qu'une telle personne ait envie de l'aider, sa simplicité avait au moins eut l'avantage de le rassurer. Aujourd'hui, alors qu'il le connaît mieux, il l'admet en son fort intérieur, Uzu est bien plus qu'une personne simple et ça lui fait affreusement peur. Le japonais a beau affirmer souhaiter qu'on ait besoin de lui, la raison pour laquelle il a justement choisi Gabriel reste pour l'intéressé une énigme. L'idée avait déjà terriblement troublé le garçon. Mais à présent, Uzu devient plus, que ce que Gabriel a toujours désiré et cette histoire en est presque trop belle. Vient s'ajouter cette lueur de vie que son ami dégage depuis quelques temps et ce talent insolant pour le chant. Gabriel commence à craindre que Uzu n'ai pas autant besoin de sa présence que lui la sienne. L’asiatique ignore qui il est vraiment ou bien est trop modeste pour se l'avouer.
- Viendra un jour où il se rendra compte du fossé qu'il y a entre nous. Je n'aurais plus aucune chance. A moins de le faire vraiment tomber amoureux de moi. Par ce qu'il ne l'est pas encore. Sans ça, forcément, il me l'aurait dit. Alors ?
Uzu lui répond d'une simple moue un peu lasse. Les iris verts de Gabriel brillent d'une étrange lueur, il aurait aimé comprendre la signification de cette étincelle. Le khôl lui va si bien.
- Si j'en mettais moi, mes yeux sont si bridés qu'ils n'existeraient presque plus. J'aurais surement l'air d'une nana, pense le jeune homme tristement. Gabriel a une sensualité presque animale et une beauté profonde, sauvage.
Il l'envie. Alors que celui-ci tente de domestiquer sa tignasse, Uzu admire ce noir de jais, même si la couleur n'est pas naturelle, elle lui va merveilleusement bien et il lui jalouse un peu ses mèches souples et folles si différentes des siennes tellement raides.
- Tu vas avoir du style et moi j'ai l'air de rien, proteste-t-il en se retournant pour se regarder, faisant la moue devant le miroir.
L'autre lui sourit sans réussir à le prendre au sérieux.
- Héhé ! C'pas grave on va t'trouver des vêtements qui f'ront de toi une bombe ! affirme-t-il une main posée sur son épaule.
- Mouais, je suis pas certain que ça m'aille.
- L'important c'est qu'ton style extérieur r'flète c'que t'es à l'intérieur.
- Ce que je suis à l'intérieur ?
- Oui, tu dois t'aimer, c't'important, si c'que tu vois t'déplais fait tout pour changer ça, on n'doit pas être prisonnier d'son corps. T'es une arme chéri, séduit hihi !
Le japonais se montre dubitatif. Gabriel posté à côté de lui, face au miroir prend alors des pauses.
- Uzu, tu m'vois ? C'est moi ! Tout est une question d'style, ça doit être toi, même si c'est étudié. Tu vois l'naturel on en fait une montagne, l'important c'est d'réussir à être toi sans difficulté, sans qu'ça t'pose de problème. Si ton look ou autre te gène n'importe comment, c'est qu'c'est pas toi.
- A l'intérieur y'a que du vide, déclare le japonais en fronçant un peu les sourcils, le nez collé au miroir.
- Arrête de dire nawak ! T'es un garçon gentil, brillant, attentionné, intelligent, torturé, écorché, blessé, sans attache, avec une double culture, montre nous tout ça ! T'as une belle voix, lâche donc aussi ton côté artiste. T'as aussi une sensualité énorme, joue avec ! Y'a tout ça en toi et sûrement plein d'choses que tu m'caches. Tu dois imager, on veut du visuel ! L'bon, comme le mauvais !
Gabriel s'assied sur le lit et contemple l'être merveilleux, si perdu, devant ce miroir.
- On dit : " chassez l'naturel et il revient au galop ! " Seulement tu sais pas encore qui t'es, et t'arrives pas à virer l'image qui s'impose d'elle-même car t'as connu qu'elle. Réfléchis sur toi-même d'abord. Une fois qu't'auras compris c'que tu r'présentes vraiment, tends à y ressembler de l'extérieur. Quitte au début à avoir l'impression de t'cacher derrière un masque ou de choquer les gens. On a pas tous la chance de naître avec l'bon profil, même si bon... toi, t'as pas trop à te plaindre. Y'a parfois b'soin de s'construire et la construction visuelle fait aussi partie d'la connaissance de soi. Parce qu'on n'nait pas en sachant tout, on n'nait pas non plus en étant entier. Ch'uis pas sortie d'ma mère avec mon maquillage, c'est vrai ! Et ma bouche est super bien dessiné car j'utilise un crayon haha ! Certain diront qu'je triche ou qu'j'en fais trop, j'm'en fous, ch'uis pas non plus venu au monde en sachant jouer d'la gratte, du piano ou écrire, y'a d'la valeur ajoutée hein !
- C'est sensé ce que tu dis, je ne me trouve pas horrible juste fade et sans intérêt, je comprends pas ce que tu me trouves. L'amour rend aveugle ! (Triste sourire)
- Ça c'est la meilleure ! songe Gabriel. Le con...
- T'es dingue...t'es...Pfff ! Nan mais arrête de dire n'import'quoi ! L'amour n'rend pas aveugle, il lit en l'autre voilà tout, la beauté intérieure saute aux yeux, c'est ça qui arrive ! Le souci t'vois, c'est qu'en n't'aimant pas toi-même, tu risques d'imprimer une fausse vérité même à l'intérieur d'toi. On dit qu'pour que les autres nous aiment, il faut nous aimer nous même. A force de t'imaginer laid, tu vas finir par y croire et par y faire croire même tes proches.
Il le laisse méditer pour aller ouvrir la porte d'entrée d'où l'on a frappé. Uzu reste seul planté devant le miroir.
- Je suis ça ? Pour lui en tout cas, torturé, blessé et sans attache ? Je ne suis plus sans attache, affirme-t-il tout bas.
"- Salut mon choiu, la forme ?" => chou
"Je veux dire, les répètes c'est super utiles, ..." => utile
"..., pendant que Gabriel et lui mange ensemble tranquillement,..." => mangent
"Il à l'air désinvolte, mais en vérité il s'inquiète." => Il a l'air...
"Gabriel a une sensualité presque animal et une beauté profonde, sauvage. " => animale
"Je ne suis plus sans attache, afirme-t-il tout bas." => affirme
L'amour, ça transforme. Eh oui ! C'est une relation bien vue. Même Yann fait un bilan pour lui et semble décidé, ou presque de repartir à la Réunion. Bigre ! Je ne pensais pas qu'il pourrait y songer aussi sérieusement. À moins que ce soit encore un stratagème pour jouer les victimes.
Les réflexions que se font Gabriel et Uzu chacun pour eux-mêmes reflète bien ce qu'ils sont, leurs doutes, leur manque de confiance mais aussi ce dont ils sont sûrs ; leur amour. En effet, ils ne sont plus sans attache, désormais. C'est encore un peu fragile, mais ça va de mieux en mieux. Tant mieux pour eux.
C'est fragile et en même temps très fort, attention un rien peu déstabiliser tout ça ^^