La kunée sur la tête, je marche d’un pas rapide. Je dois trouver mon amie et vite ! Cet endroit me semble interminable. Plus j’avance et plus le sentiment de me faire engloutir par les ténèbres. Je ne sais pas ce qui est le pire, l’émanation des marécages près du Styx ou la prison d’Athéna. Enfermée ici, il est évident que le seul espoir auquel on peut aspirer est d’en finir. J’ai la sensation d’être épiée par les cadavres de pauvres créatures en décomposition. Personne n’est venu les sauver de leur terrible supplice.
Je sens comme une odeur de brûlé. Il semblerait que cela soit derrière moi. Arachné mettrait elle le feu à la prison ?
Je murmure le nom de Médusa de temps en temps. Mais seul le silence m’enveloppe. Je commence à croire qu’Arachné avait raison et que je ne trouverai qu’une dépouille abandonnée. Je serre les dents et continue de la chercher. Peut-être avons-nous pris trop de temps à intervenir. Plus de quatre mois sont passés. Si tel est le cas, je jure de la venger et réduire à feu et sang l’Olympe.
Ssssssss… Sssssss…
Ce son, je le reconnais. Un serpent. Il s’agit du sifflement d’un reptile, voire même de plusieurs. Mon cœur accélère dans ma poitrine et mes mains tremblent. Une voix presque inaudible telle un chuchotement brise le silence.
— Il y avait dans la prairie des fleurs blanches par milliers et une toute rouge. Sous le ciel étoilé, une femme danse. Le cheval emporte la brebis perdue. Il y avait dans la prairie…
Je tends l’oreille afin d’être certaine de ne pas croiser le dénommé Tirésias. Mais il n’en est rien. J’essuie sur mon chiton mes mains moites et approche des barreaux. Dans la pénombre je ne distingue qu’une masse indéfinissable.
— Médusa, c’est bien toi ? je demande doucement en retenant les trémolos dans ma gorge.
Le bruissement d’un corps lourd se trainant sur la pierre résonne. Cependant, la forme ne vient pas vers moi, elle s’est simplement installée autrement. Cette voix décharnée et enfantine répète en boucle cette étrange histoire. A-t-elle sombré dans la folie ?
— Il y avait dans la prairie des fleurs blanches par milliers et une toute rouge. Sous le ciel étoilé, une femme danse. Le cheval emporte la brebis perdue. Il y avait dans la prairie…
Je récupère sur le mur une torche et enlève le casque. Je racle ma gorge pour attirer son attention.
— Médusa, c’est moi Persée… euh Koré. Médusa, es-tu là ?
Ssssssss… Sssssss…
À présent éclairée par la lumière du flambeau, je découvre avec effroi la cellule immonde dans laquelle se meut doucement le long corps reptilien de celle qui naguère était la plus belle de mon île. Des écailles manquent par endroits, des entailles profondes pourrissent lentement la chair et des plaies encroutées parsèment cette créature. Sa respiration est sifflante. Je ne peux réprimer les larmes qui coulent sur mes joues.
— Je vais entrer, si tu me le permets, je dis en enfonçant la clé du trousseau volé par Arachné.
La porte grince et fait sursauter la prisonnière. Elle recule un peu plus et ramène vers elle sa queue de serpent. Une pointe d’anxiété transparait dans sa comptine. Je ne sais pas si elle fait exprès de modifier les paroles.
— Il y avait dans la prairie une fleur toute rouge. Sous le ciel étoilé, elle s’est envolée. Mais la brebis s’est perdue et le cheval l’a piétiné…
Allongée dans le sang et la crasse, je retrouve enfin celle que je cherchais désespérément. Recroquevillée sur elle-même, l’image me fend le cœur. La tête noyée sous une masse mouvante de dizaines de serpents, Médusa ne bouge pas. Ils glissent et s’entremêlent doucement. Sur son visage se trouve un bandeau sale. Les os de ses côtes transperceraient presque sa peau.
— Médusa, mon amie, s’il te plait regarde-moi.
La créature mi-femme, -mi-serpent arrête de chantonner.
— Qui est Médusa ? chuchote-t-elle telle une petite fille.
Je m’accroupis près d’elle, mais n’ose pas la toucher. Des jours d’enfermement et de tortures quotidiennes l’ont transformée. Quel miracle qu’elle soit encore en vie quand je vois l’état dans lequel est son corps meurtri.
— Tu es Médusa, rappelle-toi.
— Non je suis le monstre de la luxure qui se roule dans la fange.
Je remarque une horrible blessure mal cicatrisée. Il est gravé dans son dos une terrible insulte « pórni ». Comment des femmes peuvent-elles infliger cela à une de leur congénère ? Au lieu de l’aider, elles l’ont brisée jour après jour. Cela me sidère de voir que la victime soit devenue la coupable !
— Ton nom est Médusa. Tu vivais près de la ville d’Henna. Ta beauté y était légendaire. Tu aimais jouer et rire. Tu promenais tes moutons dans les vallons et tu dansais sous la pluie.
Des larmes roulent sur mes joues. La jeune fille ne dit rien. Elle semble analyser chacune de mes paroles.
— Quelle jolie histoire, je crois qu’il m’arrive de voir le ciel dans mes rêves !
— C’est la vérité. Je suis venue te sortir de là.
Médusa ricane.
— Vous aussi vous entendez cette étrange voix ? Allons, il faut dormir à présent.
Elle se roule en boule et me tourne le dos. Je suis bouleversée. Mon cœur est brisé en mille morceaux. Je ressens tant de haine pour celles et ceux qui lui ont fait ça. Poséidon, Athéna, les amazones et ma mère, tous sont responsables.
Qu’est-ce que j’imaginais ? Qu’elle serait bien traitée et que tels les héros légendaires, je la délivrerai avec bravoure ? Immature et naïve, voilà ce que je suis. Le monde dans lequel nous vivons est cruel.
Médusa était si joyeuse, si belle et si déterminée à profiter de la vie. Cette créature face à moi est l’incarnation de tout ce qu’elle n’était pas. Blessée, affaiblie et totalement déshumanisée, elle ne se rend même pas compte que je suis là. Traumatisée par ce qu’elle a enduré, je crois que son esprit s’est réfugié ailleurs. Elle a tout oublié. Je ne peux la blâmer d’avoir trouvé un moyen de survivre. Ils ont souillé son corps et son âme. Qui ne sombrerait pas dans la folie ?
Pourra-t-elle mener une existence dehors ? Abréger ses souffrances ne serait-il pas une preuve de miséricorde ? Je refuse cette éventualité.
Cependant, le temps nous est compté et il est hors de question que je la laisse ici :
— Médusa ? Médusa, réveille-toi, je suis là pour t’emmener, je dis en posant délicatement ma main sur son épaule.
Sssshhhhhiiii
Elle se redresse vivement et rugit, toutes dents dehors tel un animal. Les serpents sur sa tête se dressent en menaçant de leurs crocs. Surprise, je perds l’équilibre et tombe en arrière. Son corps glisse sur le sol.
— Qui va là ! s’exclame-t-elle.
— Je te l’ai dit ! C’est moi Koré ! Je suis venue te chercher et je ne partirai pas sans toi.
Malgré sa condition physique, elle se force à se redresser. Sa queue fouette projetant des écailles et des éclaboussures de sang. Elle parvient à me frapper en plein dans le ventre et me voilà propulser contre les barreaux. Comprenant qu’il y a un intrus dans sa cage, elle se sent en danger et riposte comme elle le peut.
— Je ne te souhaite aucun mal ! Je veux te libérer !
— Mensonge ! Personne ne viendra pour moi ! Je suis un monstre !
— Non c’est faux ! je crie en me précipitant sur elle.
Je ne sais pas vraiment pourquoi j’agis ainsi. Je prends le risque de la serrer dans mes bras. Une étreinte forcée certainement brutale pour ce qu’elle a subi. Médusa lutte, mais elle reste trop faible pour réellement me blesser. Ses serpents attaquent et plusieurs plantent leurs crocs dans mon cou et mon épaule. Je voudrais qu’elle ressente la chaleur de l’amour que j’éprouve pour elle. Qu’elle comprenne qu’elle n’est plus seule et que je suis ici pour l’aider.
— Je suis là pour toi Médusa. Je suis ton amie, viens avec moi, Cyané t’attend, elle aussi.
Elle qui gesticulait à présent s’est arrêtée. Elle baisse la tête et ne bouge plus. Sa chevelure reptilienne a cessé d’attaquer. Tout à coup elle parait éteinte. Le silence envahit la pièce.
Un râle finit par s’échapper d’entre ses lèvres.
— Koré la fleure rouge, Cyané danse, Médusa la brebis… murmure-t-elle.
Je comprends que son esprit est toujours là. La comptine qu’elle récitait n’est qu’une version de son histoire ! Médusa est là, quelque part dans sa tête.
— Oui c’est cela ! Koré, Cyané et Médusa ! Nous jouions dans les vertes prairies et sous le ciel bleu.
— Koré, Cyané et Médusa, répète-t-elle d’une voix amorphe.
Elle commence à trembler sous les sanglots. Je sens le poids de sa personne prendre appui sur moi. Elle pose sa tête dans le creux de mon épaule et pleure. Sa respiration est sifflante, je voudrais aspirer toute cette souffrance qui émane d’elle. Pouvoir lui retirer toute cette douleur pesant dans son cœur. Effacer les blessures qui parsèmeront son corps à jamais. Anéantir ceux qui lui ont fait du mal.
Attention, me crie une voix en moi, je ne dois pas laisser la colère me gagner. En aucun cas je ne dois réveiller mon pouvoir.
— Rien n’était de ta faute Médusa. Tu as été très courageuse de réussir à survivre ici. Tu as traversé des épreuves inimaginables que peu de héros auraient pu affronter. Je vais te demander encore un dernier effort, c’est de me suivre et de quitter cet endroit.
Lorsqu’elle retire sa tête, je ne peux m’empêcher de sursauter en constatant que les larmes ruisselantes sur son visage sont rouges comme le sang. Aussitôt, je souhaite enlever son bandeau encrouté pour nettoyer cela. Mais elle retient mes mains.
— Non il ne faut surtout pas !
— Je ne te veux aucun mal voyons.
— Moi non plus, si ton regard croise le mien, tu mourras ! s’écrie-t-elle en gardant les mains sur son bandeau.
Je n’insiste pas et lui caresse simplement le bras.
— Allons y mon amie, je dis d’un ton encourageant.
Elle acquiesce et s’agrippe à ma main. Je ferme les yeux et souffle. Nous allons enfin sortir d’ici. Comme une enfant, elle baisse la tête et se laisse guider. Le casque sous le bras, j’attrape le flambeau délaissé au sol pour éclairer mon chemin et jaillis de la cellule.
Soudain, mon corps se fige d’effroi. Mon cœur tambourine. À quelques centimètres de mon propre visage se trouvent deux immenses orbites vides et aussi profondes que le néant. Un gouffre sans fin d’où émane une terrible noirceur. Tirésias*. Un large sourire édenté se dessine sur la figure spectrale. Le crâne rasé et la peau couturée de cicatrices, l’individu se redresse et me toise de toute sa hauteur. Il envahit pratiquement tout l’espace. Les proportions de son corps ont quelque chose de presque grotesque avec ses longs bras et cette tête dépassant à peine de ses grandes épaules. Un plastron métallique semble incrusté dans sa chair. Comment ai-je fait pour ne pas l’entendre ?
Si cet homme est ici, cela veut probablement dire qu’Arachné n’est plus de ce monde ou alors qu’elle s’est enfuie sans nous.
Il grogne.
— On dirait qu’une souris est entrée dans la cage du serpent, où comptez-vous aller ? demande-t-il menaçant.
À peine a-t-elle écouté sa voix d’outre-tombe qu’aussitôt Médusa lâche ma main et crie en reculant au fond, tout en protégeant son visage de ses mains. Elle est terrifiée devant cet homme. Qu’a-t-il pu lui faire ?
Tirésias lève un bras et avec effroi je découvre un immense crochet ensanglanté et enchainé à son poing. Est-ce le sang d’Arachné ? Je m’élance hors de la cage lorsque l’arme se fracasse sur les barreaux. Je roule sur le côté. Dans la précipitation, je perds le casque. Mais déjà le geôlier revient à la charge. Le sol tremble sous ses pas. J’esquive de justesse alors qu’il abat avec violence ces deux bras armés.
J’évite un nouveau coup en récupérant la kunée et souffle un instant. Apeurée j’essaye de me calmer en me rassurant que Médusa est en sécurité dans sa cellule. Tirésias est puissant, mais je peux certainement l’attaquer. Certes je ne peux utiliser mon pouvoir comme avec Cetus, mais j’ai l’avantage d’être invisible ! Il n’y a pas une minute à perdre. Je dois nous débarrasser de lui avant que la maisonnée ne se réveille !
— Tu ne peux pas te cacher petite souris, dit le geôlier en retirant la lame qu’il projette loin dans l’obscurité.
Je sors un xiphos. C’est peut-être lâche, mais à défaut de pouvoir viser son cœur, je recherche l’un des points vulnérables, comme son cou. Je m’élance, mais Tirésias se retourne pour contrer mon attaque. Il me propulse contre la paroi de pierre. Un cri de douleur s’échappe d’entre mes lèvres. Le coup est violent, mais je dois me relever, car déjà il projette l’un de ces lourds crochets dans ma direction. L’un d’eux érafle l’une de mes jambes.
C’est impossible ! Comment fait-il pour savoir où je suis ? Je dois faire certainement trop de bruit.
Cette fois, je tente de rester silencieuse. Sur la pointe des pieds, malgré la douleur et la peur, je le contourne. Je sors mon deuxième xiphos et le lance contre les barreaux de la cage. L’arme rebondit, provoquant un vacarme métallique qui attire son attention. Il projette sa lourde chaine avec le crochet. Je profite du brouhaha pour me jeter sur lui avec mon autre lame. Je m’élance et enfonce le glaive dans sa clavicule que dans son cou. Il se retourne en grognant et son poing frappe en plein dans mon visage. La douleur est fulgurante. Je titube en cherchant à mettre au plus vite de la distance.
Tirésias ricane en regardant la lame à demi plantée dans son corps. Il commence à humer l’air.
— Je sens ta peur, petite souris. Dans la pourriture et la mort, c’est ta peur qui enivre mes sens.
L’homme se pourlèche les lèvres. Je tente de calmer ma respiration. Le cliquetis des chaines du geôlier retentit. Il lance un crochet que j’esquive mais pas le deuxième qui me lacère l’un de mes flancs. Je vacille. Tout mon corps brûle. J’étouffe sous le casque et sens ma vision se troubler. Je le retire en espérant retrouver mon souffle. La blessure est profonde et j’évite de regarder cette peau rougeoyante totalement déchiquetée.
Cette fois-ci j’en suis sûre, il y a bien un feu allumé dans cette prison. L’odeur du bois et de la chair carbonisée envahit l’espace.
Mon assaillant avance lentement vers moi. J’ai si mal et pourtant je dois me relever. Le sang chaud coule doucement sur le reste de mon corps. Je dois mettre de la distance sinon il va me tuer c’est certain. Voyant que m’apprête à fuir, Tirésias bondit trainant ses crochets derrière lui. D’une main il me saisit par le cou et fait pression. La sensation est abominable. J’ai beau me débattre, le souffle me manque.
— Tu es faible petite souris, tu ne peux pas gagner, déclare l’homme aveugle.
Je lui jette avec fermeté la kunée au visage, mais cela ne semble avoir aucun impact sur lui. Ma vision se trouble, je me déteste de perdre ainsi. Ses orbites noires me fixent et m’engloutissent dans leurs ténèbres. J’ai vaincu tant d’ennemis, je ne suis pas celle qu’il croit !
Tout à coup, un cri strident retentit. La pression sur ma gorge est moins forte. J’ouvre les yeux et découvre Médusa enroulée autour du terrible Tirésias ! Son corps reptilien cherche à le retenir alors que ses mains griffues tailladent son visage et que ses serpents plantent leurs crocs avec vivacité. Elle lui arrache une oreille avec ses dents ! Je reste bouche bée par cette vision bestiale. L’homme crie. Je parviens à me dégager de cette emprise mortelle profitant de la confusion du geôlier.
Je me relève et cours en direction d’un xiphos. Tirésias gesticule et tente de me rattraper, mais je glisse pour l’éviter. Je ne suis qu’à quelques pas de l’arme. Lorsqu’un bruit sourd retentit. Médusa vient de se faire briser un bras et tombe lourdement. Elle hurle de détresse. Le visage de l’homme ruisselle de sang.
De rage je me précipite sur la lame quand tout à coup, une douleur épouvantable me projette au sol. Un crochet de Tirésias vient de se planter entièrement dans mon dos. Je crie. L’objet métallique me broie les muscles dans un terrible son de lacération. Face contre terre, il tire sur sa chaine pour me ramener à lui comme le ferait un pécheur. Je peux sentir mon sang se répandre. Je ne peux empêcher mes larmes de couler. Mon corps n’est que souffrance et il jubile en me trainant à lui. Chaque centimètre parcouru par sa chaine et une agonie.
Médusa revient à la charge sauf que cette fois-ci Tirésias enroule autour de son cou frêle l’épaisse chaine. Il l’étrangle avec violence. Son cri me brise de l’intérieur. Il la soulève en l’air et la jette contre le mur. Un autre bruit sourd retentit. Médusa suffoque et crache du sang.
— Vous avez perdu, ma maitresse sera contente d’avoir une nouvelle prisonnière, annonce Tirésias.
La fumée d’un incendie se propageant se glisse entre nous.
Non, ce n’est pas possible. C’est un cauchemar ! Je ne peux pas perdre ainsi, pas maintenant, pas après tout ce que nous avons enduré. Médusa pleure de douleur et tends une main dans ma direction. La colère gronde en moi faisant écho à ma souffrance. Le feu de mon pouvoir crépite dans mon for intérieur. Je sens mon aura divine se diffuser.
Soudain, sortie de nulle part, une lance jaillit de l’obscurité et se plante dans l’une des épaules de Tirésias.
— Tu pensais t’être débarrassée de moi ! Après toutes ses années à nous torturer, la vengeance à sonner ! s’exclame une voix dans l’ombre.
Arachné descend doucement du plafond. Son visage est amoché, sa lèvre fendue et son œil violacé. Derrière elle s’élèvent des volutes de fumée.
— Les araignées je les écrase ! rétorque Tirésias.
Le Tirésias hurle avec une bestialité effrayante et retire la lance. Puis il tire sur nos chaines.
La femme araignée attrape mon xiphos et se précipite sur le geôlier qui a contribué à sa détention depuis toutes ces années et tente de le transpercer. Ses attaques sont vives, mais Tirésias les évite. Elle ne maîtrise pas l’art du glaive, mais assez pour savoir que le tranchant doit le toucher.
Médusa en profite pour retirer son entrave et me vient en aide. Puis elle rampe avec l’un d’eux et le plante dans le pied de l’homme. Je la vois emmêler les chaines pour empêcher Tirésias de s’en servir alors qu’il combat Arachné. Elle s’enroule à nouveau autour de lui pour tenter de l’étouffer.
Tant d’année à subir les pires traitements, elles peuvent enfin crier vengeance ! Malgré la faiblesse de leur santé et leurs blessures, elles sont déterminées à le vaincre, mais elles ne tiendront pas longtemps au corps à corps. Tirésias frappe de ses poings et des giclées de sang fusent dans tous les sens.
Je souffle et déverse ma colère dans le sol libérant ainsi mon pouvoir ! Des ronces surgissent de toutes parts pour transpercer la peau de l’effroyable geôlier. Il est propulsé en arrière et tente de se dégager. Arachné lui plante le xiphos dans une côte alors que Médusa le renverse. Elles viennent se placer à mes côtés.
— C’est toi qui as perdu Tirésias, nous sommes plus fortes que toi !
Il a beau se débattre, mon pouvoir est plus grand malgré la douleur. Les plantes s’agrippent à ses chevilles et ses poings. Elles trainent son corps lourd, comme lui-même devait avoir l’habitude de le faire avec les prisonniers d’Athéna. Je fais en sorte de l’attacher aux barreaux de la cage. Plus il gesticule et plus les épines lacèrent sa peau. Bientôt elles s’enroulent autour de son cou. Je peux sentir sa chair se déchirer et son souffle manquer. Son sang se répand sur le sol. Il est totalement immobilisé.
Arachné et Médusa rugissent de plaisir ! Étrangement, je ne ressens aucune peur en lui. Ses orbites vides me fixent. Deux trous béants et profonds. Le sang coule sur son visage tel des larmes.
— Une déesse, quelle surprise. Mais il ne peut y avoir deux en ces lieux. Ma maitresse se vengera de ton affront.
— Je n’ai pas peur d’Athéna ! je rétorque.
— Ton sort sera pire que le nôtre si elle t’attrape, déclare le geôlier essoufflé.
En observant mes deux compagnes, je prends conscience qu’ils sont tous les trois des survivants de la folie d’Athéna. Chacun a fait tout ce qui était en son possible pour subsister dans cet endroit où il ne règne que la mort et la souffrance. L’une a soif de sang, l’autre s’est réfugiée dans son esprit et le dernier a accompli ce qu’on lui ordonnait. Physiquement et mentalement, elle a réussi à transformer ces personnes.
Je pourrais porter le coup de grâce. J’ai même la sensation qu’il n’espère que cela. Cependant, je ne veux pas devoir tuer par la faute d’Athéna. À cause d’elle j’ai changé aussi et suis devenue une meurtrière dans son temple d’Henna. Ma colère laisse place à la pitié. Je me concentre sur mon feu intérieur pour cesser cette mise à mort. Arachné s’en rend compte.
— Si tu ne le tues pas, c’est moi qui m’en chargerais !
— Arrête Arachné, comme vous il était prisonnier d’ici. J’en appelle à ta pitié, je dis en pressant son épaule.
— Ce n’est qu’un lâche de la pire espèce ! crie-t-elle en s’éloignant, frustrée.
— Si tu parviens à te libérer, enfuis-toi de cet endroit, je déclare en attrapant la main de Médusa.
Au loin, le crépitement de l’incendie se rapproche. Tirésias ne bouge pas. Exténuées et blessées nous fuyons toutes les trois ce lieu maudit qu’Arachné a pris le temps de détruire par les flammes. Médusa est à mes côtés, vivante et bientôt libre.
Je dois m'empresser de lire la suite car ce chapitre est absolument captivant!!
NB: -Plus j’avance et plus le sentiment de me faire engloutir par les ténèbres
-mettrait elle le feu --> mettrait-elle
-enfonce le glaive dans sa clavicule que dans son cou
-Voyant que m’apprête à fuir
-par sa chaine et une agonie.
J'ai hâte de découvrir la suite des chapitres, j'ai litteralement dévorer cette histoire et je ne peux m'arreter !
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4 mois seulement ?! Et tant d'aventures pourtant. Quel rythme, quelles forces !
Médusa enfin !
À lire en silence. Chaque mot, chaque image prend au cœur.
Puis apparaît Tirésias et le fracas resurgit, épouvantable.
"son cri me brise de l'intérieur". Oui, vraiment, la plume est efficace. Plus de respiration jusqu'à la fin --- Bravo!
Tout de même Koré sourd enfin pour garder (sauvegarder) la mesure de cette belle âme.
J'avoue que là il me faut une pause même si je brûle de lire la suite.