Chapitre 30 : Oriana - Anémie

Baptiste rompit le contact visuel pour regarder la main caressant son bras et, tout en amenant sa main vers le sexe d’Oriana, approcha son visage du bras de sa prisonnière pour y déposer un baiser.

Oriana se recula vivement en criant « Non ». Baptiste retira immédiatement ses mains de sa partenaire et les plaça devant lui en geste de défense.

- Je ne ferai rien que tu ne désires, assura-t-il pour la rassurer alors qu’Oriana tremblait de terreur. Je suis désolé si je suis allé un peu vite. J’avais juste l’impression que…

- Baptiste, non, vous ne…

- Je ne te forcerai pas, la coupa-t-il. Je nous pensais juste sur la même longueur d’onde.

- Ce n’est pas…

Oriana sentait son cœur s’affoler. Trop d’émotions en même temps. Elle peinait à se contrôler. Bientôt, elle perdrait pied.

Baptiste, sentant la détresse de son interlocutrice, fit un pas en arrière. Oriana lui attrapa le bras, l’empêchant physiquement de s’éloigner. Il ne s’offusqua pas de ce mouvement, comme si ce moment précis se trouvait en dehors du temps, sortant des règles habituelles. Ils n’étaient plus la patiente et le médecin, la prisonnière et le geôlier, mais juste deux êtres vivants tentant de se rapprocher, apprenant à se connaître, trébuchant sur ce premier rapprochement difficile et complexe.

- Ne partez pas, s’il vous plaît, supplia-t-elle.

- Tu souffles un peu le chaud et le froid, fit remarquer Baptiste. C’est difficile pour moi de comprendre. Tout ton corps indique « oui » et tu dis « non ». Non pas que ça soit dérangeant. Tu peux avoir envie physiquement et pas mentalement. Je ne t’en veux pas. J’avais juste l’impression que…

- Baptiste ! Taisez-vous ! s’énerva Oriana qui n’arrivait pas à en placer une.

Se rendant soudain compte de ce qu’elle venait de faire, elle mit ses mains sur sa bouche. Elle avait osé donner un ordre au maître des lieux et hausser le ton sur lui. Il lui prit doucement les mains et les caressa tout en lui disant :

- Non, je t’en prie. Je comprends. Tout va bien. Je parle trop. Mon frère me le reproche souvent. Pas plus tard que ce matin, tiens ! Il est venu pour prendre des nouvelles. C’est rarissime. Dans le genre occupé, mon frère, ça se pose là.

Oriana cligna plusieurs fois des yeux. Ne sachant trop comment réagir. Il lui semblait que c’était l’hôpital se moquant de la charité mais elle n’osa pas le dire à voix haute et de toute façon, elle n’arrivait pas à en placer une. C’était incroyable comme un homme aussi muet professionnellement pouvait s’avérer loquace dans un cadre privé.

- J’ai commencé à lui expliquer toutes les nouveautés, continua Baptiste qui caressait doucement les mains d’Oriana dans les siennes, comme s’ils furent un vieux couple se racontant leur journée, et à un moment, je me suis retourné vers lui. Il n’était plus là. J’ignore totalement depuis combien de temps il était parti.

Oriana se retint de rire. Elle ne savait pas trop comment réagir. La situation avait basculé dans un mode très étrange. Que Baptiste ait besoin de parler était une évidence.

- Du coup, je suis allé voir Gilles parce que lui au moins, se rend disponible et m’écoute.

« Gilles ? » répéta Oriana. Elle décida de ne plus se poser de question. Elle l’écoutait mais prêtait davantage attention au ballet de ses lèvres, à la coordination parfaite entre son souffle et ses mots, la symphonie, la cadence, la mélodie de la logorrhée, la langue tournant habilement, claquant contre les dents ou sur le palais. Elle souriait à ses douces caresses sur ses mains et décida de profiter de ce moment tendre. Il était rare que Baptiste lui accorde autant de temps.

Elle s’enivra de son odeur, s’imagina le goûter, profiter de son corps parfait. Le Diable serait-il à la hauteur de sa réputation ? Baptiste continua à parler mais soudain, il s’arrêta au milieu d’une phrase, semblant enfin se rendre compte qu’Oriana ne l’écoutait pas vraiment. Il grimaça puis souffla :

- Excuse-moi. Je vais me taire. Promis. Parle. Je t’écoute. Je m’en voudrais de laisser passer une telle excitation. Tu exhales le désir à plein nez. Ton rythme cardiaque, ta…

Il s’arrêta brusquement et serra les dents, prenant clairement conscience qu’il parlait encore. Il inspira fortement et le ballet s’arrêta. Il continua à caresser les mains d’Oriana dans un silence total. Elle attendit quelques instants, comme pour s’assurer qu’il allait vraiment se taire, avant de se lancer.

- J’ai envie de vous, assura Oriana.

- Je le vois, mais tu…

Il serra de nouveau les dents et gronda, contre lui-même sembla-t-il. La situation aurait pu faire rire Oriana si ce qu’elle s’apprêtait à dire n’était pas aussi difficile. Elle avait vraiment besoin d’une attention en face et de ne pas être coupée.

- Je ne pourrai juste pas…

Oriana souffla doucement, tentant de contrôler son cœur s’emballant.

- C’est trop dur. Vos lèvres sur ma peau. Le souvenir de votre baiser me hante. C’est la chose la plus atroce qu’on m’ait jamais faite.

Le visage de Baptiste devint blême et tandis qu’Oriana baissait les yeux de malaise, il serra plus fort ses mains puis dit :

- Oh Oriana ! Je suis désolé. J’ai… encore une fois mal interprété. Je suis navré. Bien sûr ! Je comprends. Je comprends totalement.

Une larme dévala une joue d’Oriana. Rien qu’y repenser la plongeait dans des abîmes de souffrance. Elle s’était crue morte ce jour-là. Revenir avait été si difficile. Et la douleur ! Transperçante, cinglante, brûlante.

- Oriana ! Reste avec moi, je t’en prie !

Il lui lâcha une main pour lui caresser le visage, essuyant la goutte d’eau salée.

- Je ne te toucherai pas avec mes lèvres durant nos moments intimes, je te le promets.

Il ne s’interdisait rien en dehors mais lui offrait cette bulle de sécurité. Dans ce moment en dehors du temps, il ne la toucherait pas de cette manière.

- Mais dis-moi, continua Baptiste soudain songeur, si je ne peux pas te toucher avec mes lèvres, rien ne t’interdit en revanche de me couvrir de bisous ?

Ce disant, il la lâcha pour retirer sa chemise ce qu’il fit très rapidement avec des gestes précis. Aucun bouton ne lui résista et le tissu tomba au sol en quelques instants. Oriana sourit, le cauchemar retombant dans l’oubli et l’excitation revenant au galop.

De sa main, il lui fit signe de s’approcher. Avec sensualité, elle attrapa sa main gauche et la baisa tendrement pour remonter sur le poignet. Elle atteignit rapidement l’épaule, n’hésitant pas à sortir la langue pour le goûter. Le Diable sentait bon et avait très bon goût. Elle savoura son cou tandis qu’il souriait, ses mains parcourant le corps de sa partenaire.

Il avait relevé sa robe pour caresser ses hanches, dévoilant la culotte sans que cela ne dérange nullement sa propriétaire. Elle descendit sur le torse, titillant les tétons durs, goûtant les abdominaux ferme et bien dessinés, pour finir à genoux, le nez dans ses poils pubiens.

Quand avait-il retiré son pantalon et son caleçon ? Elle n’en avait aucune idée. Elle s’empressa de couvrir son sexe bien dur de baisers, léchant par moment et Baptiste réagissait à merveille. Peu certaine de pouvoir aller plus loin, Oriana attendit un signe. Baptiste guida sa bouche vers le bout de sa verge et Oriana se lança.

Baptiste ne cachait pas son plaisir. Ses gestes, ses caresses, ses râles, tout indiquait son contentement. Après un petit moment, il plaça sa main sous son menton pour la faire cesser et Oriana se recula.

- Debout, dit-il amusé.

Elle se redressa. Il passa ses mains sous sa robe et lui retira sa culotte.

- Non ! Garde la robe ! Je préfère, annonça Baptiste alors Oriana cessa son geste en haussant les épaules.

Ils apprenaient à se connaître. C’était parfait si chacun parvenait à indiquer ses volontés. Elle enregistra qu’il la préférait couverte. Il la fit se retourner et s’approcha dans son dos, l’enlaça, jouant avec ses seins par dessus la robe.

Ses pieds écartèrent ceux d’Oriana qui suivit volontiers le mouvement et sa main droite quitta la poitrine pour fondre sur le sexe offert. Oriana cria instantanément. La vache ! Le Diable savait carrément y faire ! Il titillait son bouton d’amour d’un doigt tout en la pénétrant d’un autre, caressant harmonieusement.

Oriana n’avait jamais connu caresse aussi agréable. Elle ne put retenir sa jouissance. Ce qu’il lui faisait aux seins n’était pas en reste. Oriana avait l’impression d’être parcourue par un courant électrique en plaisir continue. Elle jouit une deuxième, puis une troisième fois avant que Baptiste ne se décide à mettre son sexe dans l’antre humide, chaud et accueillant d’Oriana qui l’accueillit en accompagnant le mouvement.

Il garda sa main sur son clitoris, tournant, appuyant, effleurant, alternant les rythmes tandis que son sexe réalisait de doux allers et retours, amenant Oriana à un nouvel orgasme. Il se retira pour la changer encore de position. Elle put jouir encore trois fois avant d’être de nouveau déplacée pour recevoir d’autres orgasmes. Enfin, il jouit et partit se rhabiller.

- Encore ? miaula-t-elle.

- Tu es insatiable, répondit-il en souriant tout en boutonnant sa chemise.

Oriana se releva. Elle se sentait merveilleusement bien. Ce moment avait été sublime. Elle attendrait avec impatience le prochain.

- À plus tard, Oriana.

- Baptiste ?

Quelque chose dans le ton indiqua au maître des lieux que sa partenaire venait de redevenir sa prisonnière. Il leva les yeux sur elle, curieux.

- Est-ce que ça compte comme de l’activité physique ?

Il explosa de rire avant de répondre :

- Oui, Oriana, ça compte.

- Vous ne voudriez pas venir trois heures par jour ? proposa Oriana en rougissant.

- Je n’ai pas autant de temps de disponible, je le crains. Tu vas quand même devoir faire de la marche, de la piscine ou du jardinage. Et puis, tes pauvres tomates ! Tu ne vas tout de même pas les abandonner comme ce pauvre hologramme. Elles, contrairement à lui, sont des créatures vivantes.

Oriana sourit et Baptiste, après un clin d’œil, disparut dans le couloir. Oriana se mordilla la lèvre inférieure puis relança la machine. Au moment de sortir pour dîner, elle se rendit compte qu’elle n’avait pas remis sa culotte et pas moyen de remettre la main dessus. Tant pis, elle partit manger sans pour n’en remettre une que le lendemain matin.

 

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- Oriana ? lança Felicia. Ça va ? Qu’est-ce que tu as ?

Oriana ne répondit pas. Elle ne pouvait pas. Tout tournait autour d’elle.

- Bryan ! Préviens le personnel ! Oriana a l’air malade.

Oriana entendit Felicia s’approcher d’elle mais des points noirs dansaient devant ses yeux et ses oreilles bourdonnaient.

- Qu’est-ce qui se passe ? dit une voix masculine.

- Oriana a l’air mal, expliqua Felicia. D’habitude, elle est très active sur le potager alors quand je l’ai vue immobile aussi longtemps, je suis venue la voir et je l’ai trouvée comme ça. Elle ne répond pas.

À quatre pattes, Oriana tenta de reprendre contenance mais ses forces lui manquaient.

- Oriana ? dit la voix masculine. Tu m’entends ?

Elle voulut répondre mais impossible de parler. Elle voulut hocher la tête. Son corps ne lui obéissait plus. Elle luttait contre ses paupières lourdes.

- C’est inutile, continua la voix. Il est occupé.

- Ah ouais ? s’exclama une seconde voix masculine. Ben attends. Tu ne vas pas être déçu. Regarde : Oriana se sent mal. Tu vas voir s’il ne va pas rappliquer vite fait. Ah ! Tu vois ! J’arrive ! Felicia, tu peux t’en aller. Nous nous occupons de ta copine.

Oriana entendit Felicia s’éloigner.

- Putain ! Comment t’as su qu’il viendrait ? demanda la première voix.

- Il la baise, t’es pas au courant ? répliqua la seconde.

- Tout le monde le sait. C’est l’information du moment ! Je ne vois pas bien le rapport. Moi aussi je baise des pensionnaires et je m’en fous complètement si l’une d’elle se blesse.

- C’est sa première relation sexuelle avec une femme depuis trois cent mille ans et tu penses que ça n’importe pas ?

« Trois cent mille ans, pensa Oriana. Quoi ? ».

- Baptiste baise souvent, répliqua la seconde voix. J’en sais quelque chose !

- J’ai dit « avec une femme », insista le premier.

- Oh ! dit le second.

Oriana comprit que Baptiste baisait habituellement des hommes. Son cerveau enregistra l’information sans s’y attarder, préférant tourner son énergie vers l’évanouissement proche.

- Oriana ? dit la voix lointaine de Baptiste.

Il la toucha alors il devait au contraire être proche.

- Qu’est-ce qu’elle a ?

- Aucune idée, répondit la première voix. Elle ne bouge pas, ne répond pas.

- Tu as mal quelque part ?

Elle voulut répondre par la négative mais ne parvint ni à parler, ni à bouger. Il la prit dans ses bras et près de lui, en confiance, elle lâcha prise et sombra. Elle entendit Baptiste crier son prénom.

Elle ne voyait plus rien. Les bruits lui parvenaient déformés. On la déplaçait. Elle se sentit posée sur son lit.

- Elle hyperventile.

- Son rythme cardiaque est très élevé.

- Son taux d’oxygénation est bon.

- Elle semble dormir.

- Pourquoi ne répond-elle pas ? demanda Baptiste. Oriana ? Tu m’entends ? Serre ma main.

Elle tenta de le faire.

- Oui, elle nous entend.

Il avait senti sa pression !

- Tu as mal ? demanda Baptiste.

Elle serra deux fois la main.

- Non, elle ne souffre pas.

Elle fut ravie qu’il ait compris. Ses jambes devenaient lourdes, sa tête aussi. Bientôt, elle le sentait, elle sombrerait totalement. Allait-elle mourir ? Non, car Baptiste était là. Sa présence la rassurait. Ensemble, ils vaincraient.

- Je vais t’embrasser le bras, Oriana, prévint Baptiste.

Elle voulut hurler mais son corps engourdi ne sortit qu’un faible gémissement. Malgré la douleur et la sensation de mort imminente, Oriana ne put se défendre.

- Son sang ne contient pas un milligramme de sucre ! s’exclama Baptiste en reposant le bras meurtri sur le lit. Elle est gravement anémiée ! Perfusion, tout de suite ! Putain ! Elle ne mange pas ?

- Aucune idée. Bryan ne la suit pas.

« Je mange ! » voulut hurler Oriana.

- Je vais chercher Felicia.

Oriana sentit la piqûre dans son bras gauche et soudain, elle se sentit mieux.

- Elle reprend des couleurs.

- Oriana ! J’espère pour toi que tu n’as pas fait de connerie ! gronda Baptiste.

« Je vous jure que non ! » voulut se défendre Oriana mais sa réponse demeura silencieuse. Pendant quelques instants, il ne se passa rien dans une atmosphère qu’Oriana, même dans son état, sentait lourde.

- Est-ce que ça t’arrive de manger avec Oriana ? demanda soudain Baptiste, clairement agacé.

- Tous les jours, répondit Felicia.

- Elle mange bien ?

- Oui, répondit Felicia. Je la charrie souvent là-dessus. Elle mange facilement trois à quatre fois plus que moi. C’est un ogre ! À peine arrivée au potager, elle me dit qu’elle a faim. Elle s’emmène des tartines pour la route mais ça tient à peine une heure. Ensuite, elle se plaint, encore et encore, d’avoir faim.

- Que mange-t-elle ? interrogea une voix masculine.

- De tout, répondit Felicia. Majoritairement des mets sucrés mais elle consomme également de la viande, des légumes, des pâtes, des pommes de terre. Elle n’est pas difficile.

Il y eut un petit silence puis une voix masculine emplit le vide :

- Le BX1 grandit. Il lui prend toutes ses ressources. Il la vampirise de l’intérieur. L’apport digestif ne suffit plus. Oriana a perdu du poids. Elle a pris sur ses réserves. Elles sont épuisées.

- Il faut la soutenir. Augmentez la dose.

- Ces poches-là ne conviennent pas. Elle hyperventile parce qu’elle manque d’oxygène. Il faut la soutenir aussi par là.

- Je vais chercher les améliorées.

Il y eut un moment de silence puis Oriana se sentit mieux.

- Elle respire calmement. Ça marche.

- Je vais mettre ma main sur ton torse, annonça la voix de Baptiste.

Il posa la main sur le cœur et attendit.

- Elle s’est bien calmée, en effet. Le choc est passé. Je vais prendre ta main. Est-ce que tu te sens mieux ?

Oriana ne répondit rien. Elle réfléchissait. Mieux que quand ? Que la minute précédente, oui. Mieux que dans le potager, non. Elle restait aveugle et incapable de bouger. Les sons lui parvenaient toujours déformés. Elle choisit finalement de répondre « non » en serrant deux fois sa main.

- De son point de vue à elle, non, elle ne va pas mieux, indiqua Baptiste. Augmentez le débit.

Là, ça fit de l’effet. La luminosité revint et les sons devinrent clairs.

- Je suis fatiguée, parvint-elle à murmurer.

- Dors, ma belle, dors.

Oriana lui obéit instantanément, heureuse de se retrouver dans un doux cocon de sécurité et de sérénité. Elle était entre de bonnes mains, elle le savait.

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