Chapitre 31

Raphaël se préparait pour la fête préparée par la jolie Clara. Pour cette année, il avait choisi de recycler son costume de vampire. Il possédait encore du faux-sang de l’année dernière et en disposa sur le coin de ses lèvres. Il retira un bouton de plus sur sa chemise blanche et ajusta sa cape. Le jeune homme s’inspecta quelques minutes devant le miroir. Il repoussa les mèches rebelles d’une main. Il s’était rendu chez le coiffeur quelques jours plus tôt et autant dire que ce dernier n’y était pas allé de main morte avec les ciseaux ! Il se sentait presque nu sans son épaisse tignasse.

Satisfait par son apparence, il ne manqua pas de s'asperger de parfum avant de quitter sa chambre. Il se rendit dans celle de son frangin pour le voir entre les mains expertes de Charlotte. 

Cette dernière enchaînait les maquillages. Entre sa sœur et Gabriel, elle ne savait plus où donner de la tête... Elle n’avait même pas encore commencé son propre make-over ! Elle s’éloigna subitement de son ami pour constater son visage dans son ensemble. Elle était plutôt fière du résultat : son zombie était plutôt réussi. Elle finit par appliquer le fixateur.

 

- Il faut juste que tu fasses quelque chose avec tes cheveux. On ne verra pas mon travail si tu laisses toute cette touffe cacher le résultat.

 

La lycéenne soupira quand elle vit le jeune homme les bras ballants. Elle prit son propre élastique pour nouer les boucles. Elle laissa quelques mèches de côté pour éviter de rendre son visage trop sévère, et sourit devant le résultat.

 

- C’est la première fois que je vois un zombie aussi beau.

 

Sa remarque fut accompagnée d’un clin d'œil. Sous la crème et la poudre dans laquelle on l’avait badigeonné, Gabriel rougissait. Il n’avait pas l’habitude de recevoir des compliments. Il la vit chercher quelque chose dans ses trousses : une paire de billes bleues le confronta. La surprise succéda au choc. Le maquillage blanc faisait ressortit ses yeux de manière presque surnaturels. Son regard était pur, clair, si beau qu’il ne remarqua sa cicatrice que dans un second temps. Cette dernière avait été métamorphosée en un amas de chair et de sang. Le rendu paraissait si réel que des souvenirs de cette journée si particulière lui apparurent en une succession de flash.

Seule l’intervention de son frère parvint à le ramener sur terre. Le miroir en sa possession, Raphaël continuait d’examiner la réaction du plus jeune. Une fois assuré de son calme, il lança une conversation pour détendre l’atmosphère : 

 

- Tu as fait du bon boulot, Charlotte. Le résultat est bluffant ! Tu vas faire tourner des têtes, mon veinard.

 

Il rendit le miroir à la rouquine qui s’évertuait à cacher ses rougeurs. L’ainé de son ami l’intimidait beaucoup. Le charme qu’il dégageait la rendait muette. Sa timidité l’empêchait même de croiser son regard qu’elle trouvait irrésistible en photo (oui, elle l’espionnait sur les réseaux !). Elle admettait volontiers son petit crush, tout comme des dizaines de jeunes filles qui aimaient ses photos sur Instagram. Elle le remercia timidement et rangea ses affaires. Elle avait encore sa sœur à préparer. Raphaël se proposa de la raccompagner, proposition qu’elle refusa en indiquant que Clara l’attendait déjà à l’extérieur de l’habitation.

A la disparition de la lycéenne, l'aîné s’enquit de l’état de Gabriel : 

 

- Ça va. On peut dire que j’avais déjà le bon déguisement.

 

La réplique ne fit rire personne. Même pas lui-même. Il était nerveux. Extrêmement nerveux. Connaissant la célébrité de Clara, il redoutait de voir une salle bondée de monde. Le gringalet n’était pas encore prêt à subir ce genre de choses, surtout quand il se rappelait la dernière soirée à laquelle il avait assisté. Il avait fini avec un coquard, en plus d’avoir fait le tour du web pendant un certain temps. 

Il enfila un manteau et suivit son frère quand la petite aiguille aborda le 8 de la pendule. Gloria les regarda partir, plus stressée qu’elle ne voudrait l’admettre. Ses garçons étaient beaux, aussi diaboliquement beaux que l’on pouvait l’être à Halloween. Elle espérait ne pas recevoir le même type de coup de fil que la dernière fois…

Pour la petite fratrie, l’inquiétude était elle aussi présente dans l’habitacle. Cette fois-ci, Raphaël promit de faire attention à son petit frère. Il n’avait pas été assez vigilant la dernière fois. Il n’arrivera rien à Gabriel.

En ce qui concerne le jeune homme déguisé en zombie, son attention gravitait autour de l’écran de son téléphone. Il échangeait avec Charlotte pour connaître tous les tenants et aboutissants de cette fête. Il craignait la foule. L’inconnu en somme. Il pouvait se passer tellement de choses dans ce genre d’événements. Viol, incendie, enlèvement… Cette dernière pensée le fit regretter de s’être apprêté. Il avait envie de vomir… Pourquoi s’était-il laissé convaincre ?

Gabriel voulait lui demander d’arrêter la voiture mais le souffle lui manquait. Son regard fut attiré par un panneau “Parc naturel régional”. 

Ils jouaient à cache-cache ce jour-là. Il se cachait de son frère. Il était si bien caché que son aîné n’était pas parvenu à le retrouver. Puis ils l’avaient trouvé. Ces ombres aux intentions diaboliques. Il avait été la cible d’un plan bien préparé… Ce ciel d’azure baigné par les rayons du soleil d’été s’était alors métamorphosé en une geôle sombre et humide.

 

- C’est bien 328 ?

 

- Hein ?

 

- Le numéro. C’est 328 ?

 

Gabriel se redressa pour regarder la maison. Des voitures entouraient déjà la modeste propriété. Ils étaient arrivés à destination. Le jeune adulte prit une profonde inspiration. Son cœur adoptait un rythme saccadé et violent, comme s’il voulait fuir sa poitrine. Son corps était soumis à un tremblement de chair. Un véritable séisme provoqué par un trop plein d’émotions et de souvenirs. Sous son maquillage blanc, le jeune homme avait le teint blaffard. 

 

- Bon, on y va ? Demanda Raphaël, la main sur la poignée.

 

Il ne voyait rien du conflit intérieur de son cadet. Gabriel restait de marbre, le regard vide. Son attention restait focalisée sur les volets baissés de la bâtisse. Il pouvait se passer tellement de choses dans l’ombre d’une maison… Les jambes en coton, il suivit son aîné. Le gringalet remonta sa paire de lunettes sur son nez et inspira l’air à disposition avant de tout relâcher. Il n’oublia pas de placer sa capuche sur la tête avant de croiser le regard d’une jolie démone.

Le fard à paupière sombre rehaussait son regard mordoré. Et que dire de ses lèvres carmins qui incitaient au péché. Habillée d’un pantalon en simili cuir et d’un débardeur dos nu, elle adoptait le look d’un enchanteresse à merveille. Ses petites ailes sombres rappelaient la nature vile de son déguisement : un ange déchu. Gabriel la trouvait renversante.

 

- Salut les mecs ! Alors on a… un dracula et un zombie.

 

L’attention qu’elle porta à Gabriel le mit mal à l’aise. Il n’aimait pas être observé ainsi. Il riva son regard sur le sol.

 

- Char a vraiment fait du bon boulot ! Tu es adorable, Gabriel.

 

Elle les laissa rentrer pour s’occuper d’autres invités. Les oreilles du jeune homme rougissaient des suites de sa gêne. On le noyait de compliments aujourd’hui. 

Perdu dans ses pensées, il suivit son frère qui se dirigea directement vers la table réservée à la boisson. La salle était noire de monde. La soirée organisée par son frère passait pour une petite fête d'anniversaire à côté. Gabriel accepta le verre du plus âgé et attendit, les yeux fixés sur le sol. Il s’intéressait à la diversité des chaussures et aux multitudes couleurs renvoyées par les éclairages.

L’homme, métamorphosé en zombie, ne releva la tête que pour saluer Charlotte qui les rejoignit quelques minutes plus tard. Cette dernière avait revêtu sa plus belle robe de sorcière. Le bout de son chapeau manqua de lui rentrer dans l'œil quand elle se pencha pour ajuster son vêtement. La rouquine se releva pour s’adresser à ses deux comparses.

 

- Ton maquillage a tenu. Je suis rassurée ! Souffla-t-elle après une brève inspection de son visage.

 

- Je vais saluer un pote, Gaby. Je reviens dans deux minutes ! prévint Raphaël avant de s’éclipser.

 

Le balafré suivit l'avancée de son frère. Il le vit rejoindre un homme et intégrer le petit groupe sans trop de problème. Un véritable papillon celui-là… Alors que Gabriel était toujours au statut de chenille. Il enviait l’étudiant pour son aisance sociale.

 

- Je suis contente que tu sois venu, lui chuchota Charlotte dans l’oreille.

 

La musique était si forte qu’elle impliquait une certaine proximité pour discuter, d’autant plus couplée avec le tissu de sa capuche. Le “zombie” était loin d’apprécier la distance instaurée entre eux. Ils s’étaient rapprochés, certes, mais il n’était pas encore habitué au contact humain. Il ne sut jamais si elle comprit son malaise puisqu’elle s’éloigna de lui pour boire son verre à l’apparence visqueuse. Le balafré avait vu la marmite dans laquelle flottait de faux doigts. Le liquide était loin de l’appeler, visuellement parlant.

 

- Viens, je vais te présenter à quelques amis.

 

Son amie avala sa boisson d’une traite et l’invita à la suivre en le tirant par la manche. Réticent, Gabriel n’osa cependant pas se dégager. Il ne voulait pas la vexer, encore moins jouer les trouble-fêtes. C’est donc la mort dans l’âme qu’il fut présenté à ses “amis” les fantômes et sorcières.

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