Chapitre 32

Notes de l’auteur : J'aime particulièrement ce chapitre :)

– Hey ! Tout se passe bien pour vous ? Demanda Charlotte, un grand sourire aux lèvres.

– Impeccable, vous avez visé haut cette année, complimenta une jeune femme avec des cheveux verts pour l’occasion.

– Il y a plus de monde que l’année dernière ? Interrogea le vampire.

– Oui, Clara s’est fait plein de nouveaux “amis”.

La rouquine les considérait plus comme des “opportunistes”. Ils étaient devenus subitement amis avec sa sœur lorsque celle-ci a commencé à gagner en notoriété. Elle avait bien essayé de prévenir cette dernière de ces requins, mais elle n’avait rien voulu entendre.

En se souvenant de la présence de Gabriel, elle le présenta avec entrain : 

– Je vous présente Gabriel. Il est un peu timide sur les bords, mais drôle quand on le connaît bien, assura-t-elle avec un clin d'œil à son intention.

Le jeune homme essaya un sourire maladroit mais ses lèvres étaient comme figées dans du plâtre. Il ne parvenait pas à se constituer un masque pour dissimuler ses faux-semblants. Il ne connaissait pas ces gens. Et il ne voulait pas chercher à les connaître. Il but, histoire de garder contenance. Il devait cacher son angoisse.

– Il est cool ton maquillage ! C’est super réaliste ta cicatrice.

Silence. Que répondre ? Il s’intéressa à la décoration de la salle. 

Son regard croisa malheureusement ses propres iris bleus. Il était face à un visage méconnaissable. Gabriel devait admettre que son amie possédait un certain talent pour le maquillage. Sa cicatrice ne faisait pas tache dans cette mise en scène post-apocalyptique. Elle s’harmonisait parfaitement au concept de mort-vivant. Et maintenant qu’il y réfléchissait, c’était un peu ce qu’il était, ou plutôt ce qu’il avait été pendant des années. Un mort vivant. La mort dans l’âme, il avait continué de vivre pour sa famille.

Il revint à la conversation quand celle-ci se détourna du sujet le concernant. Il savait Charlotte embêtée par ce petit quiproquo. Mais il ne lui en voulait pas. A cette soirée du moins, il pouvait au moins prétendre posséder une “fausse” cicatrice brillant de réalisme. Il pouvait se bercer d’illusion pendant quelques heures, et berner tout le monde.

Gabriel se servit un second verre. Il allait avoir besoin d’alcool pour survivre à cette soirée. Deux inconnus étaient déjà venus le féliciter de son déguisement, qu’il éconduit rapidement vers la rouquine à qui l’on devait tous les mérites. Et aussi étrange que cela puisse paraître, le jeune homme se plut à être perçu de cette manière. Sous son maquillage, ces gens le pensaient normal. Il était comme eux. Le temps d’une soirée, il pouvait devenir quelqu’un qu’il n’était pas. Qui avait besoin de savoir que sous le maquillage, il portait bel et bien cette cicatrice d’une quinzaine de centimètres ? Personne. Il pouvait bien jouer la comédie pendant quelques heures.

Il finit son verre et adressa un sourire de circonstance. L’alcool l’aidera à construire son personnage. Pour Gabriel, il suffisait juste de relâcher la pression. On ne lui voulait aucun mal. Il réajusta ses lunettes pour cacher sa nervosité.

Sa température corporelle grimpa à sa troisième boisson. Le gringalet retira sa veste à capuche pour la poser sur une chaise. Les joues rouges, son esprit commençait à altérer sa vision. Les images devinrent plus floues et l’euphorie le gagna. Il rit en choeur avec les amis de Charlotte. Il était bien.

La musique augmenta et il se retrouva sur la piste de danse en compagnie de Charlotte. Il recopia maladroitement les mouvements de son amie qui était heureuse de le voir enfin détendu. Elle trouvait son visage rayonnant. Elle ne l’avait jamais vu aussi heureux. Elle avait bien remarqué son regard rendu hagard par la boisson, mais rien de bien inhabituel à une fête. La rouquine voulait juste qu’il s’amuse.

Le duo fut bientôt rejoint par une Clara surexcitée. Son rouge à lèvres n’était plus aussi impeccable qu’en début de soirée. Le mis en cause ? Son verre en plastique sur lequel des traces vermeils étaient visibles. Ses joues étaient aussi rougies par l’alcool et son dos était recouvert de sueur. Elle n’avait de cesse de jongler entre ses invités afin de satisfaire chacun d’entre eux. Se déplacer d’un bout à l’autre de la pièce lui permettait ainsi de vérifier le visage de chacun. La jolie brune ne voulait pas voir des “fans” infiltrer cette fête. Elle n'hésitera pas à user de la force si c’était le cas.

– Tout va bien ?

– Super ! Je te laisse quelques instants avec Gab, je vais remettre des chips.

Charlotte était en charge des apéritifs. Sa soeur, elle, s’occupait de l’alcool. Elles s’étaient toujours partagées les responsabilités lorsqu’elles organisaient quoi que ce soit. La rouquine laissa son aînée en charge de son ami.

Son regard bleu tempête était ancré sur le visage de l’ange déchue. L’influenceuse détourna son attention en improvisant un pas de danse plus sensuel. La voix de Shakira la poussa à adopter une posture qui invitait la convoitise. Elle se voulait fatale et inaccessible dans son costume de démone sortie des enfers.

Sous le maquillage blanc de Gabriel, elle crût apercevoir un sursaut de pigment sur ses joues. Les effets de l’alcool, sûrement. Des perles de sueur se formaient sur le front du jeune homme tant la chaleur l’étouffait. Il souhaitait aller s’aérer l’esprit dehors mais n’osait s’y aventurer seul. La boisson n’avait pas totalement endormi sa méfiance de la nuit. Il chercha son frère des yeux mais ne parvint pas à le retrouver dans la foule. Charlotte n’était toujours pas de retour et il essuyait désormais les gouttes de sa main.

– Tu veux aller prendre l’air ?

Le gringalet acquiesça puis suivit la brune. Elle l’amena à un petit jardin éclairé par des spots. Il était rassuré d’avoir une telle vision de la terrasse. Les barrières qui entouraient la propriété rendaient cette dernière inaccessible de l'extérieur.  Il ne craignait rien ici.

– Tiens.

Clara lui offrit des mouchoirs qu’il utilisa pour éponger son front. Le balafré la remercia d’un bref coup d’oeil. Il souffla en écartant les pans de sa chemise trempée par la sueur. Il n’avait pas l’habitude de danser. Et maintenant qu’il avait évacué les effluves de l’alcool, il se rendit compte du ridicule de la situation. Il avait dû ressembler à un idiot…

– Pour un mec, tu te débrouilles plutôt bien en danse.

Cette femme pouvait-elle lire dans ses pensées ?

– Je devais être ridicule.

Il rit même si le cœur n’y était pas. En pensant au regard des autres, il avait envie de fuir à toutes jambes. Mais l’attention de Clara le maintenait auprès d’elle. Il ne pouvait pas quitter la maison sans aucune explication. Elle le prendrait pour un fou.

– Nous étions tous les deux ridicules alors, affirma-t-elle d’un sourire. Je suis contente que la soirée se passe aussi bien. Et je suis contente que tu sois venue avec ton frère. Vous êtes un peu nos invités VIP de ce soir.

Gabriel arqua un sourcil, circonspect. Qu’est-ce qu’elle entendait par là au juste ? Raphaël et lui étaient rangés dans une case à part, c’est ce qu’il devait comprendre ?

– Ça n'a pas l’air de te plaire ? C’était pourtant un compliment… ajouta la brune en remettant une boucle de ses cheveux derrière son oreille.

Le jeune homme s’en voulut aussitôt. Il avait blessé la jolie brune qui ne cherchait qu’à discuter. Ce qu’il pouvait être bête… Il chercha les mots pour la réconforter dans ce malentendu.

– Excuse-moi. Je n’ai pas l’habitude de recevoir des compliments.

– Je l’avais bien remarqué. Tu es quelqu’un de timide.

– On peut dire ça, concéda le gringalet en se passant la main dans les cheveux.

Sa manœuvre laissa quelques boucles s’échapper de l’élastique qu’il finit par retirer. Ses cheveux reprirent leurs droits et il dut dégager certaines mèches de ses yeux. Derrière ce rideau sombre, il ne pouvait plus apercevoir le visage de son interlocutrice.

– Assieds-toi. Je vais le refaire.

Tel un pantin, Gabriel s’installa sur le banc. Il lui donna l’élastique et Clara s’affaira à lui attacher les boucles les plus récalcitrantes.

– T’as des beaux cheveux pour un homme, mais les pointes sont abîmées. Tu devrais passer chez le coiffeur.

Elle tira plusieurs fois sur ses cheveux, lui arrachant plusieurs grimaces au passage. La proximité entre les deux individus fit rougir le jeune homme jusqu’aux oreilles. Il pouvait sentir ses effluves de parfum. La fleur. Il ne saurait identifier l’espèce de la fleur cependant. Quelque chose de léger, d’agréable, qui lui rappelait la fraîcheur de l’herbe et la beauté des coquelicots. L’odeur lui correspondait : Clara possédait une élégance naturelle.

Le visage près de sa poitrine, Gabriel était loin d’être à son aise. La peur de toucher la moindre parcelle de sa peau le cloua sur place. Il se retint presque de respirer. Le gringalet compta les moutons dans sa tête, et souffla de soulagement quand elle finit par s’éloigner. L’élastique était en place sur sa place, un peu trop serré à son goût, mais il n’osa s’en plaindre. Il ne voulait voir le sourire rayonnant de la jeune femme disparaître de son visage. Le brun remonta ses lunettes sur son nez puis la remercia.

Son coeur s’agitait dans la poitrine. L’impression d’appartenir à un film romantique ne le quittait pas. Que dire dans ce genre de situation ? Il n’avait pas les mots. Il était juste ébloui par la beauté de son vis-à-vis. Par mécanisme, il dévia son regard océan vers ses converses. Ses mains se nouèrent l’une à l’autre de nervosité.

– Comment va Pikachu ?

L’influenceuse n’avait pas envie de rentrer. Elle voulait profiter de ce tête-à-tête pour en apprendre un peu plus sur ce curieux personnage. Charlotte l’appréciait beaucoup, et son aînée voulait en connaître les raisons. Il était si timide, si renfermé. Elle voulait comprendre.

– Elle va bien. Elle a pris l’habitude de voler mes chaussures quand elles ne sont pas rangées.

– Au moins, ça t’oblige à ranger tes affaires.

– Oh oui ! Elle n’est pas loin d’y laisser un trou, affirma t-il en désignant la paire qu’il portait.

Une bourrasque de vent lui saigna le dos. Elle piétina pour essayer de se réchauffer. En voyant son état, Gabriel proposa à son interlocutrice de rentrer. Clara fit la moue : elle voulait encore discuter.

– Charlotte doit nous chercher.

Cette raison finit par la convaincre de le suivre. Elle n’en apprendrait pas plus pour aujourd’hui. La chaleur de la maison provoqua des picotements sur sa peau. Ils étaient restés plus longtemps que prévu. Elle suivit la longue carrure de Gabriel qui menait leur petit convoi. 

Une partie de Beer-pong se tenait au fond de la salle et une bonne partie des invités traînait autour de cette dernière. La jolie brune grimaça à la vue d’un homme indésirable. Son ex. Qu’est-ce qu’il faisait ici, celui-là… En voyant son ami à la chevelure épaisse s’éloignait de la table de jeux, elle le retint vivement par la manche. Surpris, Gabriel l’interrogea du regard.

– Mon ex est là, murmura l’influenceuse en désignant l’homme en question d’un bref signe de tête.

Le gringalet jeta un coup d'œil vers l’individu en question. Il tomba sur un homme d’une vingtaine d'années déguisé en joker. Il ne pouvait deviner ses traits sous son maquillage mais il avait l’air plutôt beau garçon. Sa musculature se devinait aisément sous sa chemise un brin trop serrée. 

– Cet enfoiré m’a trompée avec Victoria Roseray, et il OSE se pointer à MA soirée, expliqua-t-elle rouge de colère.

Qu’attendait-elle de lui au juste ? Il eut cependant le réflexe de la retenir en la voyant prête à user de ses poings. Il devait la raisonner. Elle ne pouvait pas se battre à nouveau.

– Calme-toi. Il faut juste que tu l’ignores.

Gabriel se renfrogna en croisant les yeux revolver de la jeune femme. Il n’avait pas utilisé les bons mots apparemment. Il rentra la tête dans ses épaules, rouge de honte. En voyant son état, Clara prit une profonde inspiration. Elle ne pouvait pas agir comme une tête brûlée, il avait raison. Elle devait rester calme. La colère ne résolvait rien. C’est bien connu. 

– Je suis désolée.

En temps normal, elle ne se serait pas excusée mais le jeune homme l’obligeait à adopter une autre position. Il n’était pas quelqu’un de méchant. Elle pouvait voir à quel point il voulait l’aider mais encore une fois, les mots lui manquaient. 

L’homme, face à elle, était toujours à l’état de bourgeon. Il ne lui manquait qu’un peu d’eau et de soleil pour qu’il s’épanouisse en une jolie fleur. Et il lui évoquait une fleur bien particulière : le bleuet. Une jolie fleur bleue, symbole de timidité et d’innocence. Oui, il était ce parfait mélange selon elle.

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