Chapitre 31
« Non vraiment Andréa, gémit-elle, je n'en peux plus.
- Mais enfin Sibéal, tu n'as presque pas touché au dessert ! C'est ton préféré !
- C'était délicieux, je vous assure.
- Mon dieu, mon dieu quel petit appétit... il faut vous remplumer. Je ne sais vraiment pas ce que vous mangez sur ce bateau... »
Ils étaient serrés les uns contre les autres dans la petite salle à manger de la grand-mère d'Apollo, entourés par des dizaines de napperons faits mains et un étalage impressionnant de photographies de son petit-fils à des âges variés. Sur le buffet du salon, une photo montrait Andréa jeune, toujours aussi minuscule et coquette, devant l'église du quartier, tenant la main d'un Apollo qui ne devait pas avoir plus de deux ans et dont les parents aujourd'hui décédés étaient habits de couleurs vibrante souriant à la caméra.
« Andréa, c'était tout simplement succulent ! s'exclama Murdock en faisant claquer sa langue.
- Oh, je suis ravie ! C'était trois fois rien, vraiment !
- Vous avez dû y passer la journée... s'excusa Sibéal, il ne fallait pas.
- Sottise ! Ça me fait plaisir voyons, ne me le gâchez pas avec de telles sornettes. Je ne pouvais pas faire vos plats préférés après avoir reçu vos amis sans vous, assura-t-elle, Anak et Valérian c'est bien ça ?
- Tout à fait, acquiesça-t-elle.
- Des jeunes gens charmants et polis, approuva-t-elle. Comment vont-ils ? J'espère qu'ils viendront me voir ! »
Sibéal soupesa cette question, préféra jouer la carte de la politesse plutôt que de lui apprendre l'évolution dramatique qu'avait pris la relation du couple. Elle-même était attristée par la mine triste et trahie de la Sioux, elle n'arrivait pas à croire que Valérian ait pu lui faire ça. Et que même s'il avait d'abord voulu s'assurer de son silence, il n'avait pas lui-même révélé ces intentions de départ obsolètes une fois qu'il avait découvert qui elle était réellement...
Andréa serait affligée par cette situation, elle qui avait les ruptures en horreur. Mieux valait ne pas aborder le sujet, et de toute façon elle n'était pas sûre de vouloir faire d'Anak le sujet de conversation de la tablée même si tous les invités étaient déjà au courant.
« Oh ben sûrement, la rassura Nialh, m'enfin pas ensemble !
- Comment ça ? S'inquiéta-t-elle.
- Une triste histoire..., lâcha-t-il en ménageant son petit effet. Ils sont plus ensemble, hélas.
- Oh pauvre enfant ! se désola Andréa, elle semblait si amoureuse de lui ! C'est inconcevable vraiment et ça semble si soudain...
- Certes, je ne vous cache pas que ça a été un vrai bouleversement...
- C'est vraiment terrible... deux beaux jeunes gens qui s'aiment comme cela et qui se quittent pour une broutille. Ah vraiment, c'est une tragédie... qu'est-ce qu'il a bien pu se passer ?
- Eh bien figurez-vous que...
- Dites Andréa, est-ce que vous ne nous sortiriez pas votre excellent alcool de cerise ? coupa soudainement Murdock, histoire de nous rincer le palais comme des gens civilisés ?
- Ce cher petit ! Je manque à tous mes devoirs ! Alors, où est-ce que je l'ai rangé déjà... »
La vieille dame sortit des petits verres en cristal et sa bouteille d'élixir secret pour laquelle leur capitaine ne tarissait jamais d'éloge. Andréa lui glissait d'ailleurs systématiquement une petite flasque entre les mains avant chaque départ de Dakar. Sibéal refusa poliment, se contentant de commencer à débarrasser la table pour se mettre à faire une partie de la vaisselle. Apollo remplissait déjà ce qu'il pouvait l'air dans la machine. Une exclamation tonitruante de Murdock dans son dos lui apprit que le précieux breuvage venait d'être ouvert. Elle se mit à gratter avec application les rebords de la grande cocotte en acier, avant de sentir Andréa derrière elle.
La vieille dame lui décocha un regard malicieux, ses yeux noirs ourlés d'immenses cils dont avait hérité son petit-fils la fixaient avec intérêt.
« Sibéal, ma chérie, vraiment il faut tout me dire à propos de ce mystérieux amoureux... Apollo est particulièrement discret à son propos.
- Oh et bien, bafouilla-t-elle gênée. Il n'y a rien à dire vraiment...
- Il est dans l'équipage d'Anak c'est cela ? Insista-t-elle.
- Oui, tout à fait...
- Et alors ? Est-il aussi beau en vrai qu’en photo ?
- Mami ! S'empourpra Apollo.
- Voyons mon chéri, tu ne veux rien me dire... je vais finir par m'inquiéter ! »
Le pauvre Apollo confus de trahir ainsi une promesse muette faite enfant à sa mami, celle de ne pas la laisser dans l'incertitude concernant ses projets matrimoniaux, était devenu écarlate. Il se balançait maladroitement d'une jambe sur l'autre, la vision de sa haute stature, toujours si maîtrisée, aussi gauche que celle d'un enfant de six ans fit rire Sibéal.
« C'est juste que je ne pense pas que ça soit le moment de te le présenter, s'excusa-t-il.
- Comment ça ? Il est si occupé ce jeune homme ? fronça-t-elle les sourcils sans comprendre. C'est votre mystérieuse mission ? Il n'a rien voulu me dire non plus... »
Apollo semblait soudain attristé de mettre ainsi sa grand-mère de côté. Sibéal savait bien qu'il était toujours prévenant avec elle, il l'appelait tous les jours et il l'adorait plus qu'aucune autre personne au monde. Il était rentré dans l'armée très jeune pour la soutenir financièrement lorsqu'elle avait dû quitter son travail de couturière. Il semblait prendre cette remarque comme une accusation de trahison et cela le touchait en plein cœur. Sibéal eut pitié de lui :
« C'est-à-dire que si nous voulons percevoir le salaire, il nous faut nous taire. Cela fait partie du contrat.
- Très bien, très bien s'amusa-t-elle, gardez vos petites cachoteries, je finirai bien pas savoir de toute façon !
- Et Chad est quelqu'un de... »
Elle prit deux secondes pour réfléchir à la meilleure manière de présenter le meilleur ami d'Anak à cette petite dame coquette, polie et pieuse. Son temps de réflexion sembla mettre Apollo au supplice.
« Pudique, finit-elle par lâcher. »
Oui voilà, c'était bien ça comme qualificatif, se complimenta-t-elle intérieurement. Ça expliquait tout sans en dévoiler grand chose. Andréa agita ses petites mains en expliquant qu'il n'avait tout simplement pas à être pudique, que chez elle c'était à la bonne franquette. Soudainement, un éclat rieur vint briser ce compromis avec fracas :
« Pudique, vraiment ? C'est pas ce dont j’me souviens quand il est allé s’foutre cul nu dans la mer avant hier ! ça te dit quelque chose, hein Polochon ?»
Sibéal était certaine que s'il l'avait pu, Apollo aurait disparu dans un trou de souris. Andréa cacha son petit rire derrière ses doigts fins.
« Oh mon chéri, ne sois pas gêné j'ai été jeune moi aussi ! De mon temps, j'ai fais quelques petites frasques...
- Ah Andréa ! s'exclama Murdock avec ravissement, venez donc me raconter vos guerres ! »
La vieille dame se détourna de la vaisselle pour s'empresser de répondre aux questions indiscrètes du demi-nain. Sibéal échangea un petit sourire amusé avec celui-ci.
Apollo quant à lui était maintenant partagé entre le soulagement de voir le sujet sensible de Chad remisé sous le tapis et le malaise d'en apprendre sur les écarts de jeunesse de sa mami chérie.
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« Si je fais défiler encore une fois des photos floues sur un écran je crois que je me pends, marmonna Nialh. »
Sibéal lui tendit gentiment un verre de mojito et des petites tapas locales à base de poulpes grillés qui semblèrent l'enchanter et faire disparaître sa morosité. Elle grignotait ses antipastis en lui prêtant une oreille distraite, et dodelinait la tête au rythme des percussions du groupe qui se produisait sur la petite scène du bar des surfeurs. Yumé, mère de Oriag, le leur avait vivement conseillé d'autant plus que sa fille cadette y travaillait. Akono ressemblait beaucoup à sa sœur dans les traits, elle était néanmoins plus grande et plus plantureuse. Elle avait un rire sonore derrière le comptoir rythmé par le bruit de ses imposantes boucles d'oreilles.
« C'est qui vos amis ? adressa-t-elle avec une oeillade appréciatrice.
- C'est l'équipage de Yakta, expliqua Oriag, tu sais je t'en ai parlé on travaille ensemble en ce moment.
- Ah ouais d'accord... tu m'avais pas dit qu'elles étaient aussi canons ! »
Akono dévorait des yeux Esteban et Valérian qui discutaient sur la terrasse, à la table de Yakta et Mohvo.
« Non mais si tu m'avais dit que y'avait d'aussi beaux horizons, je me serai engagée moi aussi sur le Modsognir ! Ils sont libres ces deux oiseaux-là ?
- Euh... c'est compliqué pour le blond, temporisa Sibéal.
- Esteban est pas farouche en revanche ! commenta malicieusement Oriag. Mais fais gaffe tu marches peut-être sur les plates bandes de Wanda, la blonde là... »
Akono eut un clin d'œil entendu avant de répondre à une commande d'un habitué. Nialh et Oriag s'engagèrent dans une discussion à propos des chances des concurrents à la prochaine compétition de volleyball de Dakar dont le premier tour commençait le lendemain. Sibéal les écoutait d'une oreille, lasse d'une journée assise sur la chaise de la bibliothèque à éplucher des inscriptions et des manuels d'histoire.
« Hé Murdock, je te ressers la même chose ? »
Le demi-nain avait brusquement fait irruption pour réquisitionner un des tabourets et s'exclama par l'affirmative en tapant du plat de la main sur le bois exotique du comptoir. Sibéal lui glissa un regard timide, soudainement intensément soulagée de le voir retrouver son attitude débonnaire et ouverte. Il entra aussitôt avec un sourire carnassier dans son espace personnel.
« J'te paie un verre Sib ?
- Euh, d'accord... bafouilla-t-elle maladroitement. »
Un torrent d'émotions et de questions remontait frénétiquement jusqu'à ses lèvres. Nialh y coupa court en l’attrapant par le coude. Elle s'arracha au regard de Murdock pour se tourner vers le spectacle qui attirait tant l'attention de son frère. Anak avait fait irruption depuis la plage sur la terrasse, la mine radieuse. Quelques mèches de cheveux noirs échappés de sa natte serrée encadraient son visage. Sibéal ne pouvait pas entendre la teneur de la conversation, elle discernait néanmoins très facilement le fait qu'elle n'adressait pas le moindre coup d'œil à Valérian. Celui-ci au contraire la fixait avec un air qui aurait fait pitié à n'importe quel humain concerné. Elle racontait vraisemblablement sa séance de surf pour laquelle elle les avait quittés plus tôt dans l'après-midi.
Soudainement, l'un des surfeurs qui rangeait les planches dans la cahute de Yumé déboula à côté de la Sioux. Sibéal le reconnut comme celui qui l'avait abordé dans la rue, Koffi ? Elle n'était pas sûre. Il enroula un bras autour du corps d'Anak, son large sourire dévoilait de belles dents blanches et ses dreadlocks encadrant son visage s'entrechoquèrent sous l'effet d'un rire que provoqua la remarque d'Anak à son encontre.
« La tronche de Valérian, commenta Nialh, il s'est pris un bus. »
Valérian était devenu livide, dévisageant le couple nouvellement arrivé avec une expression éberluée. Sibéal eut un instant pitié de lui. Il avait la tête de quelqu'un qui venait de se prendre une claque dans la figure et hébété, regardait d'où elle venait sans arriver à comprendre.
Sibéal ne pouvait pas non plus dire qu'il ne l'avait pas mérité, il aurait pu prendre la décision de l'honnêteté plutôt que du mensonge après l'avoir manipulé mais non... D’une certaine manière, elle lui en voulait d’avoir terni l’humeur toujours gaie d’Anak. Elle ne la connaissait pas depuis longtemps, mais c’était une personne avec le cœur sur la main et d’une loyauté à toute épreuve. Il avait bien dû le voir aussi vite qu’elle. Il avait préféré se taire, peut-être de peur de la perdre…
Elle était admirative de la capacité d'Anak à rebondir et à aller de l'avant. Elle avait cru comprendre qu'elle n'en était pas à sa première mésaventure amoureuse, Valérian semblait être passé de petit ami à un nom de plus sur la liste de ses déceptions amoureuses... Lui en revanche avait l'expression de quelqu'un qui n'avait jamais été jeté et qui ne comprenait tout simplement pas qu'on puisse l'avoir remisé au placard aussi rapidement et violemment pour un beau surfeur de Dakar.
« Eh ben dis donc, elle a pêché le bon numéro avec Koffi, s'exclama Akono.
- Elle a le chic pour férer les bons poissons, s'amusa Murdock. »
Sa remarque déclencha un petit rire chez Sibéal et Nialh. En effet, Anak savait rester dans la bonne thématique et ce malgré la déconvenue.
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Apollo avait profité du rythme lent et sensuel de la musique pour entraîner insidieusement Chad parmi les quelques danseurs rassemblés autour du petit groupe. Elle ne discernait pas le visage de son coéquipier, seulement celui du meilleur ami d'Anak. Sa petite moue habituellement détachée était traversée par un discret et tendre sourire. Ils étaient adorables, constata-t-elle. Andréa pouvait dormir sur ses deux oreilles.
Plus loin, le groupe des sirènes s'était retiré dans un coin de la terrasse. Valérian ne détournait pas son attention d'Anak et Koffi sur la piste. Comme s'il se cherchait à se sortir de ce rêve éveillé. Sibéal se pencha vers Murdock et s'écria par dessus la musique :
« Alors finalement cette révélation, elle valait son pesant d'or ou pas ? »
Il s'esclaffa. L'esprit agréablement léger à la suite de sa troisième pina colada, Sibéal le contempla avec un sourire stupide.
« Bordel, tu peux le dire ! Non mais qui eut cru que ces deux-là étaient vraiment des princes des îles, hein ?
- Ben ça... accorda-t-elle, j'ai eu dû mal à y croire quand elle me l'a dit mais... c'était la seule explication logique en fait...
- Que ce snobisme ne pouvait être que d'ordre surnaturel ?
- Qu'ils aient été aussi hostiles voire franchement haineux, secoua-t-elle la tête amusée. Avec la marque, ça expliquait tout.»
Il fronça les sourcils, posa sa joue sur son poing en la scrutant.
« Pourquoi t'es pas venue m'en parler si tu te sentais menacée ?
- Ben... je crois que j'arrivais pas vraiment à me dire que c'était de la menace. J’ai pensé que j'avais mal compris quoi.
- Et en fait ça aurait pu finir mal.
- Apparemment. Heureusement Anak nous a encore sauvé la mise.
- Va falloir penser à l'engager sur le Mod, commenta-t-il, elle devient indispensable cette gamine.
- Je serai pas contre, sourit-elle, mais je crois pas qu'elle quitterait Yakta pour tout l'or du monde.
- Peut-être pas pour de l'or mais si on lui dit que ya apéro même en nav... »
Sa remarque la fit glousser, il y avait de fortes chances que la Sioux se laisse tenter par de telles conditions de travail. Même si sa réconciliation avec Yakta laissait présager encore une longue collaboration. La capitaine du Yak était au téléphone sur la plage au loin avec sa famille. Anak avait paru tellement soulagée d'obtenir son pardon, Sibéal avait deviné derrière qu'elle la considérait comme sa grande sœur. Une personne qu'il lui était inconcevable de trahir ou de décevoir.
« Tu as parlé à Yakta justement...
- Du gang des poissons ? Ouais, ça change rien. Ya toujours une rançon à la clé.
- Certes, sourit-elle, mais ya une malédiction en prime.
- Si en s'en mettant plein les fouilles on sauve les miches des Archipels, écoute... on appellera ça un dommage collatéral !
- L'humilité a toujours été ton point fort, ironisa-t-elle. Si on rate, on va tous finir sous l'eau!
- T'inquiète Sib, haussa-t-il des épaules, et puis on profitera de nos derniers instants dignement si c'est vraiment le cas. »
Elle secoua la tête désabusée par tant de désinvolture. Elle sirota un instant son cocktail, appréciant la douceur de la noix de coco dans son palais avant de prendre un ton un peu plus sérieux.
« Tu crois qu'on devrait le dire ? J'veux dire que les sirènes et la malédiction... que tout ça c'est vrai et que ça va vraiment arriver.
- Nan… J'pense que c'est assez le bordel comme ça pour pas foutre la panique en plus.
- Les gens pourraient prendre des dispositions j'imagine...
- Laisse tomber Sib. Y'en a aucune à prendre. Et personne nous croirait de toute façon. »
Elle se demandait elle-même si elle devait l'annoncer à sa famille, les mettre en sécurité. Mais où ? Toutes les Archipels allaient finir noyées. Murdock avait sûrement raison, à quoi bon les inquiéter puisque de toute façon ils ne pourraient que regarder arriver la catastrophe en se rongeant les sangs. Elle imaginait qu'il valait mieux profiter inconsciemment de la vie.
« C'est qui qui prend le large demain ? Le Yak ?
- Nan, c'est le Mod avec Polochon, Anak, Chad et Oriag. Le Yak doit passer le contrôle technique moteur. Tu viens avec nous ?
- Non, soupira-t-elle, avec Wanda et Nialh on a pas fini d'éplucher la face ouest du site d'Arcbouge... »
Elle aurait mille fois préféré voguer sur le Mod à leur côté, mais elle n'était pas d'une très grande utilité en matière de plongée. Les rudiments enseignés ne suffisaient pas du tout à faire d'elle une vraie plongeuse. Elle était plus efficace dans les recoins de la bibliothèque de Dakar à éplucher le fichier photos ou les manuels d'histoire antique. Et ce n'était pas Wanda et Nialh qui lui étaient d'une grande aide... Ils faisaient présentement la démonstration de leur connaissance de la macarena. Si on s’en tenait à eux, elle aurait pu croire qu'ils étaient plus en vacances qu’en mission… Elle espérait que le Mod ne serait pas de retour trop tard, la soirée sinon s'annonçait bien longue...
« Vous serez de retour le soir, hein ?
- T'inquiète, on devrait être de retour vers seize heures ! assura-t-il.
- Tant mieux..
- J'sais bien que t'es toute désoeuvrée sans moi. »
Elle le fixa avec attention. Il en riait mais elle savait que oui, quand il n'était pas là, ou pas tout à fait lui-même avec elle, elle était désemparée, triste, voire perdue. Elle chérissait intensément ce début de retour à ce qu'il semblait plus leur ressembler. Elle n'arrivait pas à contenir la joie qui la submergeait d'être à nouveau avec lui comme avant. Elle ne pu s'empêcher de lui sourire en murmurant doucement.
« Oui, c'est vrai. »
Un large sourire se dessina sur le visage de Murdock. Sibéal le contempla, obnubilée par son expression solaire. Elle rendait toute pensée coupable parfaitement insignifiante. L'empreinte de ses lèvres sur les siennes la piquait délicieusement.
« T'sais ce qui est vraiment mon point fort Sib ? Fit-il avec sérieux.
- Ta descente d'alcool ? »
Elle rit bêtement à sa propre blague, le rhum lui réchauffait gentiment la gorge et la tête. Il sembla voir l’aspect comique de sa remarque sans se départir de sa mine. Elle eut un sourire pour l’encourager à finir sa réflexion lorsqu’elle sentit dans le noir ses doigts de se glisser entre les siens. Son cœur eut une série de ratés euphoriques.
« Mes talents de danseurs, corrigea-t-il. Allez, ramène-toi. »
Elle le laissa l’entraîner sur la piste. Au creux de son ventre, les petites bulles crépitaient
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Penchée sur un épais ouvrage emprunté à la bibliothèque concernant les rites sacrificiels des sirènes dans les époques archaïques, Sibéal sirotait un thé à la menthe sucré dans un petit café du quartier étudiant de Dakar sur les hauteurs de la ville. Elle écoutait avec attention les dernières nouvelles de la ville à la radio, notamment le fait qu'une partie des quartiers historiques au sud avait dû être abandonnée à la suite d'un glissement de terrain. Il avait avalé une partie des habitations avec lui contre les rochers. Des dizaines de victimes n'avaient pas été retrouvées depuis le mois dernier.
Apparemment c'était toute la partie sud qui était menacée de disparaître dans les prochaines années. Sibéal se mordillait le pouce, il y avait quelque chose de particulièrement frustrant à savoir les raisons de cette situation et à ne pouvoir les dire sans passer pour une illuminée de plus.
« Bonjour Sibéal. »
Surprise, elle redressa la tête. Valérian dans un ensemble en lin couleur sable, sa chevelure remontée en chignon soigné au-dessus de son crâne, était posté devant sa petite table avec bien peu d'assurance malgré toute sa prestance. Elle le dévisagea sans comprendre. Il se racla la gorge.
« Puis-je m'asseoir ?
- Oui, bien sûr, je t'en prie. »
Médusée, elle l'observa avec circonspection prendre élégamment place. Il prit la parole en croisant ses doigts sur la table.
« Je suis navré de te déranger ainsi, mais je me suis rendue compte que je n'avais pas pu m'excuser vis-à-vis de mon comportement... hostile envers toi.
- Je ne suis pas sûre que ça soit réellement de ta faute à ce que j'ai cru comprendre, assura-t-elle. Tu n'as pas à me demander pardon.
- Je tiens néanmoins à te présenter mes excuses, si tu veux bien les accepter.
- Entendu, hocha-t-elle la tête. »
Il ne sembla pas retrouver une certaine confiance, s'il était moins hostile envers elle, elle le trouvait bien difficile à comprendre. Elle se détourna de lui pour replonger dans sa lecture en sirotant son thé. Elle n'était pas aveugle au point de ne pas voir les petits coups d'œil insistants qu'il lui lançait comme si elle était capable de comprendre les raisons de sa présence et allait lui répondre. Vraisemblablement, sa présence n'avait pas grand chose à voir avec la marque. Il ne posa même pas les yeux sur les dernières traces qui disparaissaient à son poignet.
Ce fut Fran qui lui donna les clés de lecture. Sa chevelure flamboyante fit brusquement irruption entre eux. Son petit sourire mutin qui lui conférait un air de fée.
« Alors c'est bon ? Taquina-t-elle.
- Non, marmonna-t-il tout raide. C'est inutile de toute façon.
- Sois pas bête, leva-t-elle les yeux au ciel avant de se glisser sur la dernière chaise, salut Sibéal, ça va ?
- Euh oui... répondit-elle médusée. »
Elle avait plus échangé avec des sirènes ces deux dernières minutes que depuis ces deux derniers mois. Elle trouvait étrange ce soudain intérêt pour sa personne qui n’était pour eux rien de plus qu’un insignifiant élément du décors.
« Ce que Valérian, qui a quelques difficultés en termes de conventions sociales, n'ose pas te demander c'est de savoir ce qu'il en est d'Anak.
- Ce qu'il en est d'Anak ? fronça-t-elle les sourcils.
- Elle semble... pour le moins rayonnante... insista Fran doucement.
- Je ne crois pas que ça soit à moi de le dire, répondit-elle sur la défensive.
- Bon, d'accord... soupira la sirène avant d'adopter la sincérité, en fait, elle a peut-être mal interprété les intentions de Valérian...
- Mal interprété ? répéta-t-elle sidérée. »
Une teinte plus rosée était apparue sur les joues de Valérian qui faisait mine de ne pas être concerné mais qui écoutait avec avidité l'échange comme un assoiffé dans un désert.
« Oui enfin... disons qu'ils ont tous les deux le cœur brisé, c'est quand même dommage, non ?
- C'est avec elle qu'il faudrait avoir cette conversation, répliqua-t-elle butée.
- C'est vrai, hocha-t-elle la tête, mais comme tu es son amie on s'est dit que peut-être tu saurais comment faire pour qu'on la convaincre de reprendre Valérian... C’est surtout pour nous hein, il est d'une humeur maussade ces jours-ci, ça devient difficile à supporter...
- Fran, menaça-t-il, arrête c'est bon. »
Sibéal laissée perplexe par cet échange, les dévisagea. Il tapotait machinalement du bout de l'index la rebord de la table en perdant son regard dans la rue animée derrière la vitre tandis. Fran adoptait quant à elle un air de dépit.
« Koffi, c'est le professeur de surf c'est ça ? »
Elle ne savait pas vraiment pourquoi il avait besoin d'une telle confirmation, c'était assez évident. Il rangeait des planches de surf hier soir avant de retrouver Anak au bar. Il l’avait tout aussi bien vu qu’elle.
« Oui, il travaille pour la mère d'Oriag.
- Je vois. »
Il n'ajouta rien, sombrement songeur. Fran le contempla avec pitié et compassion avant de se tourner vers Sibéal.
« Koffi, c'est un peu un amour pansement, hein ? »
Sibéal resta mutique, il semblait assez évident que Valérian vivait mal ce soudain dédain d'Anak. Et même si elle pouvait comprendre sa tristesse, c'était lui qui l'avait trahi. Il était hors de question qu'elle adoucisse sa peine par égard pour lui alors même qu'il avait fait fondre en larmes la Sioux par ses calculs. Peu importe que ceux-ci aient fait long feu, ou non d'ailleurs.
« Je crois qu’ils s'entendent bien, répondit-elle évasive. »
Le petit monde de Valérian sembla un peu plus s'effriter dans son regard, Sibéal replongea dans sa lecture mal à l'aise et désolée. Elle fut soulagée de les voir partir. Elle était de nouveau devenue insignifiante pour eux.
Elle se demanda si elle devait faire part de cette conversation à Anak, elle n'était pas certaine que ça soit lui faire du bien que de la culpabiliser sur les émotions blessées de Valérian. Elle se décida à garder ça pour elle tant que Nanak n'aborderait pas le sujet. Elle n'avait pas à être l'avocate du diable.
Enfin plutôt du triton, en l'occurrence.
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Les lumières aux couleurs criardes clignotaient comme autant d'étoiles artificielles dans la nuit de Dakar tandis que des enceintes accrochées ça et là crachaient une musique commerciale tout le long de l'esplanade où avait été installée la fête foraine.
Tout en dégustant une pomme d'amour, Sibéal observait Anak viser les cibles du stand en tirant un peu la langue sous la concentration. Celle-ci avait déjà réussi à obtenir une des peluches, qu'elle lui avait d'ailleurs offerte, et comptait bien ne pas s'arrêter en si bon chemin. Elle voulait obtenir l'énorme baleine bleue mise en avant par le forain. Sibéal ne pouvait qu'admirer son talent, la peluche phoque duveteuse sous le bras, tandis que Chad peu concerné par le challenge mâchonnait sa barba-papa à côté de la Sioux.
« Au fait Nanouille, ya ton triton qui est venu tâter le terrain.
- Ah oui ? Fit Anak d'une petite voix faussement détachée. A propos de quoi ?
- A ton avis, des techniques de surf ? Leva-t-il les yeux au ciel, de Koffi !
- En quoi ça le regarde, marmonna-t-elle.
- Exactement mon propos, approuva-t-il. »
Sibéal restait judicieusement en retrait. Elle savait rendre indifférent Chad, et ne voulait pas s'immiscer dans leur conversation avant d'avoir entendu ce qu'Anak pensait de tout ça. La Sioux faisait mine de ne s'intéresser qu'à ses cibles mais il était évident qu'elle espérait qu'il lui en dise plus. Ce qu'il ne fit pas, attendant avec gourmandise qu'elle craque.
« Tu lui as dit quoi du coup ?
- Que c'était probablement le meilleur coup que t'ai jamais eu et qu'au moins avec lui yavait pas des écailles gluantes pendant les bains de minuit. »
Sibéal dissimula son rire tandis qu'Anak rata sa cible pour faire éclater le ballon jaune au lieu du dorée. Satisfait de son petit effet, Chad fit mine de ne pas avoir remarqué sa réaction :
« J'ai bien fait, non ? Il méritait de s'prendre un coup à l'égo. Il croit quoi ? Que parce qu'il est canon tu pourras jamais tourner la page ? Faut qu'il redescende sur terre le triton.
- Oui enfin...
- Comme ça c'est lui qui doute, ça lui changera, asséna-t-il.
- Et il a réagi comment ? Ne put-elle s'empêcher de demander. »
Il arqua l'un de ses sourcils pour lui signifier qu'elle ne devait pas retomber dans ses travers et plutôt se concentrer sur son défi actuel. Anak se détourna, piteusement, pour viser les ballons. Sibéal eut un peu pitié et lui glissa doucement que de ce qu'elle avait elle-même pu voir il était triste et jaloux.
« Est-ce qu'il se sent vraiment coupable c'est ça la vrai question, coupa Chad sèchement. »
Anak rata à nouveau la cible et le forain sembla satisfait de la voir manquer son énorme baleine qui trônait comme un précieux trophée au-dessus des cibles. Il lui tendit avec un petit sourire mesquin la peluche phoque. Dépitée, la Sioux s'en empara mais la petite truffe en plastique et les deux billes noires brillantes ne la déridèrent pas pour autant.
« Ah ben vous êtes là ! s'exclama brusquement Nialh en déboula sur eux. C'est à notre tour, bougez-vous sinon on va se faire gruger la place ! »
Tout en se dépêchant de finir sa pomme d'amour, Sibéal emboîtant le pas à son frère alors que Chad enroulait d'autorité son bras autour d'Anak pour lui faire presser le pas et perdre sa mine sombre. Ils retrouvèrent Murdock et Apollo au tout début de la queue. L'ex-militaire observait les gens descendre des wagons des montagnes russes avec incertitude tandis que leur capitaine contenait l'irritation des gens derrière eux avec toute la patience dont il était capable...
« Alors? Vous êtes prêts ? Lâcha-t-il avec enthousiasme.
- Tout à fait ! répondit Anak qui avait retrouvé une forme de bonhomie.
- On est sûr de ce machin ? marmonna Chad peu enthousiaste. »
Apollo lui proposa gentiment de prendre place à côté de lui, pour le rassurer. Ce dernier ne releva pas cet aveu de faiblesse, et se posta près du grand noir. Nialh eut la bonne idée de ne pas faire de remarque désobligeante dessus.
« Bon Nanak, t'es chaud pour te mettre au premier rang avec moi ? Demanda-t-il avant de la taquiner, J'te tiens la main si tu veux !
- Oh ouiiii, j'adore les attractions !
- C'est lui qui va t'aplatir les doigts alors, rit Sibéal.
- Eh ho ! Te la ramène pas trop hein, Sib. Tu flippes même quand on monte sur la grand'roue!
- N'importe quoi ! S'exclama-t-elle avec fermeté. Et j'avais neuf ans je te signale ! »
Son frère lui adressa un petit rire moqueur et entendu, elle haussa les épaules avant de finir sa pomme d'amour. Certes, elle n'était pas des plus rassurées à l'idée de faire des attractions. Le fait de ne pas contrôler la chose et de devoir lâcher prise tout en ayant conscience d'un risque – qu'elle tentait de rationaliser comme minimum – lui fichait un peu la frousse.
« Tu t'occupes du phoque ? Demanda Anak à Murdock.
- Ya marqué SPA ? s'amusa-t-il, où t'es allée dégoter ce truc ?
- Au stand de tir, mais j'voulais la baleine !
- Du coup tu me le refiles, un cadeau sympa tiens.
- Oh mais regarde, il est tout choupinou ! Et comme ça Sib et toi vous avez le même, pas de jaloux ! »
Elle lui donna d'autorité la peluche, Murdock amusé finit par accepter de l'adopter. Anak bondit à la suite de Nialh au premier rang. Sibéal monta dans le petit wagon, pour prendre place de façon judicieuse au milieu de la rame. Elle prit soin de s'attacher, et de vérifier que tout était bien sécurisé deux fois. Elle leva les yeux sur le demi-nain assis à sa gauche qui l'observait avec amusement. Elle grimaça.
« Oui, bon. On est jamais trop sûr hein ?
- Est-ce qu'il faut te tenir la main à toi aussi ? proposa-t-il. »
Elle sentit une légère rougeur colorer ses joues, secoua nonchalamment la tête contre sa propre envie. Lorsque le train se mit en branle, elle se raidit et se concentra sur sa respiration. En arrivant en haut de la montagne, un « clac » annonça la folle descente.
Elle s'empara vivement des doigts de Murdock pour les écraser entre les siens en criant.
OoOoOo
Les jambes flageolantes, Sibéal commençait à regretter d'avoir grignoté sa pomme d'amour avant les montagnes russes. Elle n'était pas la seule à avoir moyennement apprécié ce shoot d'adrénaline, Chad semblait bien décidé à ne pas se laisser entraîner par l’enthousiasme débordant d'Anak et Nialh. Apollo qui semblait avoir discerné son refus buté, lui proposa d'aller faire un tour au palais de glace à la place, promettant aussitôt à Nialh qu'il serait de retour à temps pour le Totem des Enfers.
Sibéal darda un regard peu rassuré à l'attraction qu'ils voulaient faire en attendant, l’Equalizer. Beaucoup de looping en perspective...
« Si vous voulez je vous prend en vidéo, proposa-t-elle.
- Ah je savais bien que tu te débinerais ! rétorqua narquoisement son frère, alors tu t'avoues vaincue ?!
- T'es sûre ? demanda un peu attristé Anak, franchement ça a l'air cool ! »
Devant sa petite mine, elle finit par céder et lui emboiter le pas pour commencer la queue. Nialh proposa d'envoyer une photo à Wanda restée tranquillement à peaufiner sa pédicure sur le Yak, peu encline à se laisser décoiffer par des loopings. Sibéal scrutait les hurlements stridents des gens qui les précédaient dans l'attraction et se demandait si elle n'avait pas fait une bêtise. Ça avait l'air encore pire que les montagnes russes. Anak et son frère étaient quant à eux en train de calculer le nombre de personnes devant eux et s'ils pourraient en fonction obtenir les meilleurs sièges.
Deux adolescentes passèrent devant elle, complètement livides. Sibéal chercha frénétiquement un moyen de s'épargner le même sort sans perdre la face vis-à-vis de Nialh lorsque l'épaule de Murdock frôla insidieusement la sienne.
« ça va Sib ? demanda-t-il narquoisement.
- Euh... avoua-t-elle, ils sont beaucoup trop chauds pour moi je crois…
- De OUF ! On les pousse, ça va le faire on les aura ses sièges ! Assura Nialh avec aplomb. »
Anak hochait vigoureusement la tête et proposa de faire une petite vidéo au moment opportun pour envoyer à Mohvo resté en visio avec Cherry. La prochaine fournée, c’était à leur tour constata Sibéal avec crainte. Un homme d'une trentaine d'années s'extirpa du fauteuil en plastique, verdâtre et les yeux rougis. Elle le dévisagea avec compassion et appréhension. Il secoua la tête dans sa direction comme pour lui lancer un appel sans équivoque : fuyez.
Nodens...
Elle sentit soudain le pouce de Murdock caresser doucement le dos de sa main. Son corps se figea, tentant de se persuader que c'était dû au mouvement de la queue et rien d’autre. Un geste inconscient. Mais non. Ses doigts se détendaient lentement sous la caresse. Elle ne se tourna pas vers lui, les yeux rivés sur ses chaussures. Elle était écarlate. Dans son ventre, quelque chose bourdonnait de plaisir. Incapable de rester stoïque, elle répondit délicatement à ce contact, le cœur battant, en fixant machinalement le dos de l'enfant devant elle.
« A qui le tour ?!
- A nous ! s'exclamèrent Nialh et Anak.
- Hé ! S'écria un autre, je crois pas...
- A NOUUUUUUUS ! »
Ils bousculèrent la file au passage pour se frayer un chemin jusqu'aux « meilleurs » sièges. Sibéal échangea un petit regard avec Murdock et lui sourit stupidement. Ses oreilles la chauffaient délicieusement.
« HE ! MAGNEZ-VOUS ! »
Elle s’apprêtait à répondre à son frère lorsque brusquement un vrombissement perça à travers son petit sac à dos en cuir contre son dos. Il lui porta un coup au cœur, faisait dégringoler son excitation. Elle ne pouvait que deviner de qui il s'agissait. Elle l'ignora autant qu'elle le put. La sonnerie était pourtant perceptible.
« Je... je suis désolée, bredouilla-t-elle brusquement, faut que je décroche. »
Murdock la dévisagea étrangement, une pierre énorme se posa sur sa poitrine pour l'étouffer. Elle eut dû mal à se détourner, cherchant ses mots. Son téléphone vrombissait de plus belle contre son dos, et les gens s'impatientaient derrière eux. Le forain leur demanda de se décider ou de quitter la queue. Elle jetta un regard désolé à Murdock et Anak puis les regarda monter dans l'attraction. Elle leur fit un petit signe maladroit auquel le demi-nain ne répondit pas, finissant de lui broyer la poitrine.
« Sib, espèce de lâcheuse ! Beugla son frère. »
Elle se détourna lorsque l'attraction les envoya vers le ciel en un grand hurlement. Elle traîna machinalement des pieds jusqu'à un banc. Son téléphone avait cessé de vrombir mais elle savait qu'elle ne pouvait pas l'ignorer. Elle lança le rappel, posa la paume de sa main contre ses yeux pour ravaler la tension torse au creux de sa cage thoracique.
« Hé, salut ma chérie. Ça va ? Résonna la voix de Gauvain à ses oreilles. »
Elle sentit des larmes de colère et de frustration pousser contre ses paupières. Elle n'avait pas le droit de lui faire ça, elle lui avait laissé une seconde chance. Elle avait laissé une chance à leur couple. Elle ne pouvait pas lui faire de la peine.
« Oui, fit-elle d'une toute petite voix, ça va. »