Chapitre 31

Notes de l’auteur : Plongée dans la mélancolie, Noémie n'arrive pas à faire le calme en elle même. Une visite de la reine Dahut lui apportera peut-être la sérénité qu'elle désire, à moins qu'elle ne se laisse happer par sa conscience.

MAJ : 23 juin - aucune modification pour ce chapitre;

Palais de la mer éternelle, Citée d'Ys – Brocéliande

 

Noémie était assise à la fenêtre de la chambre prêtée par Eylren. Elle était étonnée d'avoir été accueillie dans l'une des ailes du palais magnifique qu'elle voyait de loin depuis le domaine de Calys. Eylren avait été assez prévenant pour lui trouver une chambre avec vue sur la mer. Elle avait envie de pleurer en voyant la falaise rougeoyante qu'elle ne pouvait s'empêcher de regarder depuis deux crépuscules.

Le soleil s'était couché et un fin croissant de lune brillait faiblement parmi un amas d'étoiles scintillantes. C'était le moment parfait pour donner de la voix. Elle entama alors une série de chants nocturnes, inspirant à plein poumons pour que sa voix vibre plus fort, exprimant la peine et la tristesse qu'elle ressentait. Face à la nuit, avec comme seul public les vagues qui claquaient en contrebas, elle se sentait libre, mais si seule.

Soudain, une vague curieuse surgit de nulle part et la projeta dans la pièce. Elle se releva précipitamment et fut étonnée de ne pas être mouillée et de trouver face à elle une femme d'une beauté envoûtante. Elle avait des cheveux d'un noir de jais qui descendaient en cascades soyeuses jusqu'à sa taille fine. Ses yeux d'un bleu profond étaient comme des joyaux étincelants, encadrés par de longs cils sombres. Son visage était symétrique, ses pommettes hautes, sa peau pâle comme la porcelaine contrastant avec ses lèvres d'un rouge profond. Elle était élancée et sa démarche était gracieuse, sa prestance et le diadème qu'elle portait évoquaient une figure royale.

— Oh ! Pardonnez-moi, je ne voulais pas vous déranger ! Vous... êtes-vous la Reine Dahut ? 

— C'est bien moi. Il n'y a pas de dérangement, jeune humaine. Votre chant m'a attirée ; j'en appréciais la beauté. Dites-moi, pourquoi semblez-vous si triste ?

Noémie, lasse, expliqua alors à la reine son histoire, la disparition de ses amis, sa rencontre avec Calys et comment elle s'était séparée de lui à cause de sa révélation. Elle éclata en sanglots, la douleur de la séparation et ses craintes pesant lourdement sur son cœur.

La reine, d'un geste doux et bienveillant, passa son doigt sur les joues de Noémie pour ramasser ses larmes. À la grande surprise de Noémie, les larmes se transformèrent en magnifiques perles luisant faiblement. Une sensation apaisante envahit Noémie, et ses sanglots se calmèrent presque instantanément.

— C'est... incroyable ! Que vient-il de se passer ? 

La femme sourit calmement. 

— Vous avez un cœur pur, jeune humaine, et vos émotions sont précieuses. Ici, les larmes ont une force magique et peuvent se transformer en joyaux, porteurs de leurs émotions. Ces perles vous correspondent parfaitement. 

Elle émit un rire cristallin et mit les perles récoltées dans le creux de la main de Noémie.

Puis la reine, avec une certaine tristesse dans son regard, commença à raconter les tragédies qu'elle et son peuple avaient vécues, notamment le massacre de sa famille par des humains lors de grandes croisades chrétiennes.

— Calys est un Ondin qui a connu la cruauté des humains. Il a juré de protéger son peuple et de prévenir toute menace venant de votre monde, quitte à se corrompre pour s'armer des moyens nécessaires. (la Reine laissa son regard glisser au loin ) C'était une autre époque. Mais vous qui êtes d'une nature bienveillante pourrez surement apporter de la lumière dans son cœur sombre.

Noémie écoutait attentivement, touchée par l'histoire de la reine et comprenant mieux les motivations de Calys. Elle ne pouvait s'empêcher de ressentir de la compassion pour lui, malgré la douloureuse séparation et ses choix qui la perturbait.

— Je ne sais pas si j'aurai le pouvoir d'alléger son cœur, mais il a été si généreux avec moi, que j'aimerais qu'il puisse trouver la paix en lui si j'ai les moyens de l'aider... Est-ce que ça vous parait prétentieux ?

— L'amour a le pouvoir de guérir les blessures les plus profondes. Ne perdez jamais espoir.

— Je... je ne suis pas amoureuse de Calys...

— Vous croyez ? 

Son sourire énigmatique semblait se moquer des coups du sort.

La reine posa une main réconfortante sur l'épaule de Noémie, puis s'installa tout naturellement sur un fauteuil de la suite et la pièce vibra. Une liane descendit du plafonnier et une cascade de fleurs rouges s'ouvrirent pour offrir des fruits ronds suspendus. Elle en cueillit et en offrit un à Noémie qui pris ça pour une invitation à s'installer face à elle.

— J'aimerai vous raconter une histoire jeune humaine.

Noémie acquiesça silencieusement en crispant ses mains sur ses genoux alors que Dahut dégustait son fruit, le pelant avec une lenteur voulue.

— Il y a plus de quatre siècles, alors que de grands changements balayaient le monde des hommes, qu'ils avaient soif de découvrir les secrets qu'il renfermait et traversaient la mer prenant sans donner, une jeune ondine est apparue sur nos côtes.

Elle était clairement née sous nos contrées mais avait perdu la voix ou du moins ne voulait pas parler. Nous l'avons recueilli, aidée à se trouver une place, mais son regard était toujours tourné vers la mer, elle l'appelait mais restait sur nos côtes malgré tout, jusqu'à ce qu'on découvre qu'elle attendait un enfant. 

Plus sa grossesse avançait, plus les flots devenaient agités autour d'elle et cela dura pendant près d'un siècle. Nous l'avions surnommée Eilis, la petite tempête. L'ondine qui semblait porter son enfant sans vouloir le laisser naître, comme si elle attendait quelqu'un, peut-être le père de l'enfant.

Malgré tout, l'enfant finit par naître et c'était au bout d'une nuit de tempête jamais connue depuis la création de la citée d'Ys que Calys est arrivé.

C'est la première fois que nous entendions sa voix et c'était pour parler à son fils, pour lui donner un nom et lui dire à quel point elle l'aimait. 

Pendant un siècle les flots étaient de nouveau calmes jusqu'au Départ d'Eilis, elle avait attendu que Calys devienne adulte avant de retourner à la mer pour toujours.

Nous avions compris bien avant que les tempêtes reprennent que c'était Calys qui les provoquaient et je l'ai pris à mon service comme gardien de nos côtes pour qu'il canalise sa puissance.

— Cela fait très longtemps que vous le connaissez, est-ce qu'il a toujours vécu seul ? Il me disait qu'il n'avait jamais connu de femme, mais il doit avoir des collègues ou des amis.

— La nature profonde de Calys est très ambivalente. Les ondins sont des êtres secrets et exclusifs, ils ne tissent pas des liens comme ça, mais ils sont plus doux, pliants. Cette part très sombre, impitoyable qu'il a en lui et ses pouvoirs doivent provenir de son père. Non, il n'a jamais tissé de vrais liens avec qui ce soit à part sa mère.

— Et vous ne savez pas quel créature son père pourrait être ? 

— Calys ne parle pas de son passé.

Noémie inspira longuement, laissant filer le temps. Tandis ce que la Reine mangeait un autre fruit sereinement.

— Merci de m'avoir raconté tout ça.

— Calys est un de mes précieux gardiens et mérite de trouver la paix.

— Je ne peux pas vous promettre d'arriver à lui apporter ce qu'il désire vraiment.

— Est-ce que vous savez vous-même ce que vous désirez réellement ?

— Pour l'instant je n'ai pas le loisir d'y réfléchir, j'ai déjà d'autres choses qui occupent mon esprit.

— Les choses paraissent souvent plus complexes qu'elles ne le sont. Je vous laisse y réfléchir petite humaine.

— Je m'appelle Noémie.

La reine Dahut se releva avec grâce et lui fit un sourire énigmatique avant de repartir par la porte, accompagnée par deux gardes qui l'attendait dans le couloir.

Elle se tourna une dernière fois, faisant face à Noémie qui l'avait suivie.

— La mer va bientôt se lever, la tempête arrive.

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Bleumer
Posté le 25/04/2024
Un nouveau chapitre avec ma chouchoute!^^
C'est étrange que ce soient les chapitres avec Noémie qui m'intéressent le plus bien qu'ils semblent être moins nombreux et plus courts. On rencontre enfin la Reine Dahut qui ne fait pas allusion au fait qu'elle ne puisse pas être la seule humaine dans le monde alors qu'il me semble que Lirion lui avait parlé d'Elara (ou j'ai rien compris). Cela aurait pu donner un semblant d'espoir et de quête à Noémie. Mais on en revient encore à la temporalité et à l'enchainement des actions: quand Alice fait ça, où en est-on avec Léa? Quand Elara était ici, aurait-elle pu croiser Valentina au même moment? On sait que deux d'entre elle se sont rendues chez Emrys, se sont-elles ratées de quelques heures? Quelques jours? (Je peux me tromper sur quelques détails, encore un défaut de la lecture par ordinateur, contrairement à un livre, il est moins aisé de retourner à un chapitre précédent pour retrouver une information)
On a l'histoire de Calys, aussi émouvante que celles des autres.
Papayebong
Posté le 22/06/2024
Bonjour Bleumer, concernant la Reine Dahut, elle n'est si gentille que ses échanges le laisse paraitre. Si elle pouvait laisser Noémie dans les griffes de Calys pour son bien à lui, elle le ferait.
Concernant Léa et Alice, elles sont allée chez des druides différents, Emrys (yeux lime) est le druide du printemps alors qu'Eilix (yeux vairons) est celui de l'hiver. (et Hafgan (pelage et chx plus clairs) est celui de l'été, on ne connait pas celui de l'automne). Alice est partie vers la capitale alors que Léa se planquait encore chez Emrys pendant la cueillette.
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