On rentre enfin chez nous, après quinze jours d’interviews, de chambres d’hôtel et de conférences de presse. Mon père a fini par craquer. Ma mère ne songe qu’à retrouver son atelier et sa tranquillité. Et moi, je veux revoir Kyle.
Il m’attend, appuyé contre sa caisse, chevilles et bras croisés, un jean bas sur les hanches et un pull gris anthracite mettent en valeur sa silhouette. Vision de rêve, mon cœur accélère sa course. Il s’approche de nous, salue mes parents. Nos regards se rencontrent et le monde s’arrête. Je sens déferler en moi le besoin pressant de me blottir contre lui. En une fraction de seconde, sa bouche s’écrase sur la mienne avec empressement. Il me serre dans ses bras, me soulève, j’enroule mes jambes autour de sa taille, mes doigts dans ses cheveux.
— Anna, ma puce, tu m’as tellement manqué.
Ses lèvres descendent dans mon cou.
— Kyle, je ne veux plus jamais partir sans toi. Je t’aime trop pour ça.
Mon petit ami est invité à passer la journée avec nous. Chacun met la main à la pâte pour préparer le déjeuner. L’atmosphère est détendue, chaleureuse. Mes parents sont heureux d’être enfin de retour chez nous, Kyle et moi sommes de nouveau réunis, la vie ne peut être plus belle.
Je reprends les cours et retrouve une Lexi déprimée. Je ne sais plus quoi faire. Depuis sa rupture avec Elijah, je ne la reconnais plus, toute son énergie s’est envolée. Je décide, avec le soutien de Derek et de Kyle, de lui faire prendre conscience qu’elle doit parler à Elijah. Comme il est occupé à la salle de sport, on en profite pour se retrouver chez mes parents. Lexi comprend tout de suite, et s’emporte :
— Pourquoi Derek et Kyle sont-ils chez toi ? Ah, je vois ! Je n’ai pas l’intention de discuter d’Elijah et encore moins avec eux ! Bon, ben moi j’y vais.
Derek lui bloque le passage.
— On ne supporte plus de voir Elijah aussi démoralisé, et apparemment, cette situation ne te rend pas plus heureuse. Il n’est pas assez bien pour te fréquenter, c'est l'avis de ta mère en tout cas. Mais toi, t’en penses quoi ?
Mon amie évite nos regards, se frotte un sourcil mal à l’aise, malheureuse. Une larme coule sur sa joue, qu’elle essuie rageusement.
— Elle veut le meilleur pour moi, enfin, j’imagine ! Elle croit contrôler ma vie…
Derek, exaspéré, lui coupe la parole :
— Je ne veux pas casser l’ambiance, mais elle le fait déjà. Sinon tu lui aurais tenu tête à cette fameuse soirée et Elijah ne serait pas passé pour un sombre crétin. Tu ne peux pas prétendre être avec lui comme ça te chante et le jeter quand maman est dans les parages. On a tous des choix à faire, Lexi. Mais si tu t’amuses encore avec lui, je te botte le cul. Et tu peux me croire, mon fauteuil ne m’en empêchera pas.
Elle se redresse, furieuse.
— Je n’ai jamais eu l’intention de le faire souffrir, mais je ne sais pas comment m’y prendre, ni avec lui ni avec elle. Je me sens seule et perdue, entre mon père toujours absent et une mère intrusive, ma vie est un enfer.
Elle ne ressemble plus du tout à la fille que je connais, culottée, sûre d’elle. Tête baissée, ses bras s’enroulent autour de sa taille.
— Elijah est si… intense. Il ne parle pas beaucoup, et c’est très déstabilisant. Je sais très peu de choses sur sa vie. J’aurais peut-être dû me battre pour nous, mais je connais ma mère, avec elle, je n’ai aucune chance, elle gagne chaque fois.
Derek peste entre ses dents.
— Et cela ne changera pas, sauf si tu apprends à lui dire non.
Le lendemain, après les cours, Kyle et ses frères nous attendent pour déjeuner. Kyle m’enlace, je colle mon nez dans son cou puis me retourne dans ses bras. Elijah salue Lexi, à première vue les garçons ont dû lui parler.
Un peu gênée, elle replace une mèche de cheveux derrière son oreille et s’humecte la bouche. Seigneur, la température vient de grimper de plusieurs dizaines de degrés, on n’a rien à faire ici.
Elle s’éclaircit la voix.
— J’aimerais beaucoup te parler…
Il l’observe un moment avant de lui proposer :
— On va faire un tour ?
Alors qu’ils s’éloignent, Derek lance un YES ! très enthousiaste. De notre côté, on en profite pour se diriger vers la cafétéria.
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J’ai toujours aimé les fêtes de Noël. Dans mon enfance, mes parents ne me couvraient pas de cadeaux, mais m’emmenaient visiter un endroit dont j’ignorais l’existence et j’adorais ça. Cette année, nous ne partirons pas à l’aventure, ce qui ne me dérange pas du tout, puisque cela me permettra d’être avec Kyle. Je lui offre un iPod dernier cri, il me donne un paquet dans lequel se trouve un bracelet en argent duquel pendent, en cercle, les lettres de son prénom. On passe la journée chez Marlène, partageons leur repas. En milieu d’après-midi, Lexi finit par nous rejoindre. Marlène sort des jeux de société, l’effet de groupe à raison des plus réticents d’entre nous. Finalement, tout le monde s’en donne à cœur joie, les fous rires fusent et les heures passent sans qu’aucun de nous ne s’en rende compte. Au moment du départ, tout le monde exprime sa gratitude ; d’un côté les embrassades, et de l’autre les promesses de se retrouver pour revivre une journée pleine de bonnes surprises. Je retourne chez moi, fatiguée, mais surtout comblée de bonheur.