A peine endormie, Surielle rouvrit les yeux sur le monde cotonneux d’Edénar et son ciel bleu sans nuages. Un univers qu’elle trouvait toujours aussi étrange, malgré ses visites quotidiennes.
Cette fois, le jeune homme était vêtu d’une tunique beige et d’une bure d’un bleu cobalt. Il lui sourit.
— Comment vas-tu ?
— Toujours mieux ici, répondit Surielle en massant ses bras. Je ne sais pas quel produit ils ont utilisé cette fois, mais j’ai vraiment eu du mal à trouver le sommeil.
— J’ai vu, oui. Pourquoi ?
— J’avais trop mal.
Elle s’en voulut aussitôt. Edénar faisait ce qu’il pouvait, mais son action dans le monde réel était limitée. Inexistante.
— J’aimerai tellement pouvoir t’aider davantage, murmura-t-il, l’inquiétude marquant ses traits.
Surielle força un sourire pour le rassurer, bien consciente qu’il faisait de son mieux.
— Ce n’est pas de ta faute, Edénar.
— Je sais, je sais… mais, j’ai réfléchi. Tu as vu mon corps, en bas. J’appartiens aux Stolisters. Je suis du côté de ceux qui te torturent, quelque part. Si tu savais comme je m’en veux…
Surielle s’approcha, saisit ses mains.
— Tu n’y es pour rien, affirma-t-elle. Ils t’utilisent comme ils m’utilisent.
— Tu as peut-être raison… mais j’ai le droit de ne pas aimer la situation. Tu es prête ? Je vais essayer de faire venir ton ami Alistair.
Surielle acquiesça. Il ferma les yeux, se concentra. Surielle aurait bien aimé comprendre comment il s’y prenait. Si elle avait été plus forte, peut-être en aurait-elle été capable. Dire qu’il luttait seul depuis toutes ces années… son coeur se serra quand elle réalisa l’étendue de sa solitude. Et elle se fit une promesse : s’il les aidait à lutter contre Orhim, elle s’assurerait qu’il ne soit plus jamais seul.
Alistair apparut soudain en titubant. Il cligna des yeux plusieurs fois, déconcerté.
— Alistair ! s’écria Surielle en se jetant dans ses bras. Je suis tellement contente de te voir !
Pris de court, le jeune ailé ne sut comment réagir.
— Où sommes-nous, Surielle ? C’est toi qui…
Rouge de confusion, Surielle s’écarta pour lui présenter Edénar. Sourcils froncés, le jeune homme considéra Alistair avec ce qu’Alistair comprit comme une sorte de … jalousie ? Par Orssanc, où était-il tombé ?
Ses douleurs avaient disparu, et miracle, ses ailes étaient intactes. Quel était ce prodige ?
— Je suis Edénar. Surielle m’a demandé de t’amener ici. Ton esprit, seulement, compléta-t-il face à la perplexité d’Alistair.
— N’essaie pas de comprendre, soupira Surielle. Nous n’avons pas beaucoup de temps. Edénar est l’Éveillé.
Elle récupéra toute l’attention de son cousin.
— Lui ? Qu’attends-tu pour l’amener auprès d’Eraïm !
Surielle pinça les lèvres.
— C’est le problème. Je n’arrive pas à le contacter. Aurais-tu… une idée ?
— Aucune… Je ne sais pas s’ils te traitent comme moi, mais…
Il frissonna, jeta un coup d’œil à ses ailes avant de déglutir.
— Je ne reste pas en ces murs une minute de plus que nécessaire. J’ai… prévenu mon père. Il sera là dans trois jours. Enfin, c’est la réponse que j’ai eue, mais je t’avoue que j’ai totalement perdu la notion du temps.
— Comment as-tu réussi…
— Zéphyr s’est lié à moi, coupa Alistair.
— Comment ça ? ne put s’empêcher de demander Surielle.
— Je voulais mourir ! cracha Alistair. Rayad est mort, Surielle ! Et pendant que tu papotes tranquillement ici, je suis plumé comme un pigeon pour servir d’éventail à leur chef !
Il s’interrompit, les poings crispés dans sa fureur, conscient qu’il était sorti de ses gonds devant ses seuls alliés potentiels.
Surielle avait pâli. Elle n’osait imaginer sa souffrance, ni la profondeur de son humiliation, et pourtant… seule la phrase concernant Rayad tournait en boucle dans son esprit. Alistair était incapable de mentir, et dans sa colère, elle avait perçu sa douleur. L’infime espoir qu’elle avait nourri de revoir Rayad en vie s’éteignit et elle fondit en larmes.
D’abord surpris par sa réaction, Alistair sentit sa colère disparaitre à la vue de sa détresse. Un lien apparut alors entre plusieurs détails qu’il avait remarqués sans y porter trop attention, et il comprit qu’il aurait dû la ménager davantage. Il l’attira contre lui, laissa couler ses larmes sur son épaule, sentit les siennes perler à ses paupières. Orssanc le brûle, il n’aurait pas cru trouver chez elle un chagrin qui fasse écho au sien.
Quand je te dis que tu es moins seul que tu ne le crois.
C’est ça que tu souhaites entendre, que tu avais raison ?
Inutile de t’énerver si vite. Mais avoue que certaines choses t’avaient échappées.
Il semblerait, oui, soupira Alistair.
Allez-vous vous allier ?
Nous n’en sommes pas encore là.
Surielle renifla, recula d’un pas avant d’essuyer ses yeux, s’efforça de se recomposer une apparence plus sereine, échoua à faire disparaitre la tristesse dans son regard bleu-acier. Alistair eut un pincement au coeur. Sa cousine prenait bien trop sur elle.
Vous vous ressemblez bien plus que tu n’acceptes de l’admettre.
— Je ne savais pas qu’ils te traitaient aussi mal.
Alistair haussa les épaules.
— Qu’aurais-tu pu y faire ? Tu n’es pas impériale, il faut croire que tu as plus de valeur pour eux.
— Parce que tu crois que je suis traitée comme une princesse ? s’exclama Surielle, incrédule. J’ai peut-être encore mes plumes, mais chaque fois qu’ils m’injectent ce produit c’est du feu qui parcourt mes veines. Une douleur telle qu’elle a attirée l’attention d’Edénar. Ce n’est pas parce que je passe du temps ici que je ne souffre pas à mon réveil.
Alistair leva les mains dans un geste d’apaisement.
— Inutile de t’enflammer ainsi.
— Comparer vos souffrances est inutile, intervint Edénar.
Le jeune homme s’était interposé entre les deux ailés, et d’un geste désinvolte, il matérialisa une table dans ce matériau ouateux qui semblait être la norme, et le complexe où ils se trouvaient apparut.
— Impressionnant, marmonna Alistair. Tu as plus de ressources que je ne le pensais.
Edénar rougit au compliment, puis ajouta trois silhouettes sur la maquette.
— Voilà où vous êtes. Et où je me trouve.
— Tu es bien loin de nous, observa Alistair, concentré sur le plan.
— Je suis dans le quartier où logent les Prêtres Stolisters, oui. Là, ce sont les appartements d’Elurio. Leur leader, précisa Edénar. Et le seul à s’occuper de moi.
Le regard d’Alistair s’étrécit.
— Alors… la silhouette encapuchonnée, près de lui… c’était toi ?
Edénar acquiesça.
— Pourquoi ne fais-tu rien ? Tu es avec eux, ou avec nous ?
— Tu te trompes, dit Edénar avec un pâle sourire. Mon pouvoir est ici. En bas… Mon corps ne m’appartient pas. Je ne peux ni bouger, ni parler. Je suis prisonnier. Seul Elurio me parle. À moi, comme à celui qui parait occuper mon corps. Autant te dire que lorsque j’ai entendu Surielle hurler, qu’elle m’a répondu… j’ai été très surpris et très heureux. Tu ne peux pas savoir ce que c’est, la solitude que j’ai vécue. Les journées en spectateur de mes actes, mes nuits en « liberté », si on peut appeler ça ainsi, à visiter les rêves des corps endormis près de moi.
Alistair s’était calmé.
— Je t’ai jugé trop rapidement et je m’en excuse, dit-il enfin. Maintenant, si ni Orssanc ni Eraïm ne nous sont accessibles… nous ne pouvons contrer Orhim seuls. Les Stolisters sont déjà un gros morceau, s’il faut ajouter leur Dieu dans l’équation, c’est mission impossible. Ceci dit… tu dis ne pas pouvoir invoquer Eraïm, Surielle. Quand t’en es-tu rendu compte ?
— J’ai tellement fait attention à ne pas prononcer son nom par inadvertance au début… la première fois que ça m’a échappé, j’ai senti quelque chose. Pas suffisamment pour le contacter, mais, le lien était là. Depuis que je suis prisonnière ici, par contre… j’ai vraiment essayé. J’y ai mis tout mon cœur, toutes mes forces. Je ne comprends pas.
Alistair claqua des doigts.
— C’est ça. Ce truc qu’ils t’injectent, c’est pour bloquer tes pouvoirs.
Surielle écarquilla les yeux.
— Impossible ! Je m’en serai aperçue…
— Tu restes inconsciente la journée entière, si j’ai bien compris ce que tu me dis. Pourquoi cela serait-il impossible ?
— Il a raison, intervint Edénar, soucieux. Et peut-être est-ce la raison pour laquelle tu n’es pas torturée comme Alistair. Physiquement, j’entends.
— Essaie.
— Quoi ?
— D’appeler Eraïm. Ici.
Surielle ravala sa salive.
— Et si je n’y arrive pas ?
— Eh bien nous saurons que nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. Essaie.
Surielle ferma les yeux, se concentra. Elle n’avait jamais trop cherché à comprendre comment fonctionnait son pouvoir, mais il devait bien y avoir une astuce, non ?
Quelqu’un saisit sa main, la pressa comme pour l’encourager. Dans l’hésitation des gestes, elle sut que c’était Edénar. Surielle lui retourna son étreinte, puisa dans la force qu’il lui prêtait.
Alistair prit son autre main. Au contact des doigts calleux, Surielle lut sa détermination.
Ils étaient avec elle.
Elle ne pouvait pas échouer maintenant.
Surielle rassembla sa volonté dans un cri muet.
Eraïm !
Elle ouvrit les yeux, vit le décor ouateux autour d’elle, se voûta sous la déception.
— Tu as réussi, Surielle ! s’exclama Alistair en l’enserrant de ses bras. Tu es fantastique !
Surprise, Surielle se laissa gagner par l’enthousiasme de son cousin, avisant d’un œil distrait que le ciel n’était plus bleu, mais mauve. Le domaine d’Eraïm.
Alistair la relâcha enfin, et Edénar s’approcha avec précaution.
— C’est le résultat que tu souhaitais ?
Elle acquiesça. À quelques mètres d’eux, bras croisés, Eraïm était là, debout, à les attendre. Surielle prit la main d’Edénar, s’approcha du dieu.
— Voici Edénar, l’Éveillé.
— Bienvenue chez moi, Edénar, salua Eraïm d’une voix chaleureuse. J’avais hâte de te rencontrer.
— Est-ce vrai qu’Orhim a pris possession de son corps ?
— Et qu’il va se réincarner pour de bon ? ajouta Alistair.
Eraïm fronça les sourcils, et un court instant, sa bonne humeur disparut.
— La possibilité est présente, dit-il enfin. Pour le moment, ce n’est pas important. Viens, Edénar. Ma sœur t’attend.
— Votre sœur ? s’exclama Surielle, choquée.
— Orssanc est votre sœur ? fit Alistair au même instant.
Le dieu acquiesça, la main d’Edénar dans la sienne, parcourant à grandes enjambées la distance qui les séparait d’Orssanc. Surielle et Alistair s’empressèrent de les rejoindre. La jeune ailée frissonna en avisant la déesse en triste état ; avachie sur le sol, prostrée, un minuscule cercle de lumière autour d’elle. Surielle se raccrocha à son cousin, désireuse d’un peu de réconfort. Pour une fois, Alistair ne s’en formalisa pas.
— Que dois-je faire ? demanda Edénar.
— Tu n’as qu’à la toucher, dit Eraïm.
— Vais-je disparaitre ?
Le dieu éclata de rire.
— Non, mon enfant. Ton rôle n’est que de la réveiller. Ce qui aura pour effet de te réveiller, également.
— Me réveiller ? s’inquiéta Edénar.
— Retrouver le contrôle de ton corps. Retrouver ta vie.
Edénar déglutit, croisa le regard de Surielle qui lui sourit. Il inspira un grand coup, s’accroupit près de la silhouette figée, allongée sur le sol. Sa détresse était évidente et toucha son cœur. Comment rester insensible ? En quelques jours, il avait découvert d’autres vérités que celle d’Elurio. Comment savoir qui avait raison et qui avait tort ?
Et puis un souvenir remonta à son esprit. Ce moment où Varyl l’avait amadoué, avant de se servir de lui, avant de faire en sorte qu’Orhim prenne possession de son corps. Puis de l’abandonner ici aux seuls soins d’Elurio, ne requérant sa présence que pour impressionner ses alliés. Leur devait-il vraiment quelque chose ?
La déesse Orssanc méritait de vivre, comme lui. Elle méritait d’avoir une chance. Cet Orhim ne lui avait témoigné le moindre égard, et s’il était vraiment un dieu, il en aurait eu les moyens. Alors, il pouvait bien se débrouiller. Edénar avait le droit de vivre sa propre vie aussi, non de la sacrifier à un dieu qui ne se souciait pas de lui.
Doucement, il toucha le front de la déesse du bout de ses doigts.
Un flot de lumière les éblouit ; un rugissement de pure rage retentit et l’air se chargea d’une odeur d’ozone.
Orssanc se redressa dans toute sa flamboyante insolence. Surielle en resta bouche bée. Le regard écarlate de Rayad, le teint sombre, une tenue guerrière en cuir d’un gris pâle, des bottes lacées aux genoux, et surtout, surtout ! Les grandes ailes rouges qui se déployaient dans son dos.
Alistair avait pâli et reculé d’un pas, impressionné.
— Heureux de te revoir parmi nous, dit Eraïm avec un sourire en prenant ses mains.
— Je vais tuer ce fumier ! Oser me faire ça, à moi ! Quelle ordure !
— Tu t’es laissée piéger, rétorqua Eraïm.
— Ne t’avise pas de prendre son parti ! fulmina la déesse. J’étais affaiblie. Il a seulement profité de l’aubaine.
Ses ailes s’agitaient dans sa fureur, créant un vent puissant.
— Calme-toi, dit Eraïm en croisant les bras. Tu les perturbes.
Pour la première fois, Orssanc réalisa qu’elle avait un public ; son attitude se modifia instantanément et son regard les scruta.
— Toi, tu es l’un des miens, dit-elle à Alistair. Mais il n’a aucun pouvoir. Comment a-t-il pu venir ici ?
— Grâce à lui, répondit Eraïm, les mains posées sur les épaules d’Edénar.
— Lui ? Impossible ! souffla Orssanc en s’approchant.
Le jeune homme se crispa mais ne se déroba pas à l’examen détaillé qu’elle fit de lui. Elle s’agenouilla alors, à leur surprise à tous, saisit la main gauche d’Edénar, la porta à son front, à son cœur, puis à ses lèvres.
— Reçois mes remerciements, Edénar, dit-elle.
— C’est Surielle qu’il faut remercier, rougit-il. Je ne suis venu ici qu’à sa demande.
La déesse se redressa et Surielle recula jusqu’à se heurter à Alistair.
— La petite protégée de mon frère. Merci. Que fais-tu avec l’un des miens ?
— C’est… mon cousin.
Orssanc arqua un sourcil.
— Dommage.
La jeune ailée n’en revint pas. La déesse avait-elle réellement suggérer qu’elle et Alistair puissent… s’unir ? Non, impossible. Elle faillit éclater de rire. Même sans le passif qui assombrissait les relations entre leurs familles, les Massiliens interdisaient les relations trop proches, préférant un large brassage. Une chose était certaine, les dieux et déesses étaient moins omniscients qu’elle l’avait pensé.
— Vous allez nous aider, maintenant que vous avez retrouvé vos pouvoirs ? questionna Surielle.
Orssanc éclata de rire.
— Les dieux ne se mêlent pas des affaires des mortels, jeune demoiselle.
Surielle fronça les sourcils, croisa les bras.
— Pourtant une déesse a eu besoin d’un simple mortel, ironisa-t-elle malgré sa peur. Ne pourriez-vous au moins le libérer ? Vous allez les laisser sauver l’Empire à eux tous seuls ?
— Petite insolente ! grinça Orssanc. Si tu n’étais pas la protégée de mon frère… Comment peux-tu exiger quelque chose de moi ?
— Je n’exige rien, rétorqua Surielle. Simplement, lorsqu’on a été aidé, l’honneur commande d’aider son débiteur.
Elle perçut Alistair qui acquiesçait à ses paroles. Encore une fois, elle fut surprise de leurs ressemblances, alors qu’il n’avait pas été élevé sur Massilia. Nul doute possible, le Commandeur son père lui avait transmis bien des valeurs typiquement massiliennes.
Eraïm gloussa doucement.
— Sois belle joueuse, ma sœur.
Orssanc lui retourna un regard noir, les distança de quelques pas, fronça les sourcils en contemplant le système solaire impérial. Contrairement à la Fédération des Douze Royaumes où les douze planètes se partageaient une même orbite, les neuf planètes impériales possédaient chacune la leur, réglée au millimètre pour éviter toute collision avec les autres planètes, formant de fait un magnifique ballet d’orbites qui se croisaient et se frôlaient dans une chorégraphie minutieusement réglé.
— Où est la huitième planète ? Ne voyez-vous pas que tout est déséquilibré, que dans quelques jours Anwa et Bereth vont entrer en collision ?
Alistair pâlit, puis s’avança d’un pas.
— Orhim a détruit Arian. Quant à Anwa… la planète est peut-être toujours là, mais tout a été rasé. Ce n’est plus qu’un monde stérile.
Orssanc jura avant de se concentrer. À la surprise des jeunes gens, une neuvième sphère se matérialisa bientôt aux côtés des huit autres.
— Commençons par rétablir l’équilibre, marmonna la déesse.
Surielle était bouchée bée.
— Vous pouvez… vous pouvez réellement faire ça ?
— Évidemment, répondit Orssanc, un pli moqueur au coin des lèvres. Ne suis-je pas une déesse ?
— Un monde vide ne sert à rien, fit Alistair, maussade.
— Il n’est pas vide.
Le jeune ailé écarquilla les yeux.
— Comment ça ?
— J’ai reconstitué la planète telle qu’elle était, quelques minutes avant sa destruction.
— Vous pouvez ramener les gens à la vie ? demanda respectueusement Alistair, pris d’un espoir fou.
— Pas tous, nuança Orssanc, en essuyant la sueur qui perlait sur son front. Je peux défaire l’œuvre d’un autre dieu. Orhim a détruit une planète sous ma protection ; c’est pourquoi j’ai pu la ramener. Ton ami Rayad… n’a pas été tué par Orhim.
— Vous êtes une déesse, s’emporta Alistair. Vous êtes censée pouvoir tout faire !
— Ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent, jeune impertinent.
La déesse tituba, soudain pâle, et Eraïm s’empressa de la soutenir. Un banc apparut tout près d’eux, où il la fit asseoir.
— Tu n’as pas encore recouvré toutes tes forces, dit Eraïm. Ramener Arian pouvait attendre.
— Non. Je refuse de céder la moindre parcelle de mon Empire à Orhim.
— Que lui arrive-t-il ? demanda Edénar, inquiet.
— Elle est simplement épuisée. Défaire l’oeuvre d’un autre dieu, surtout d’une telle importance, demande énormément d’énergie. Ses fidèles sont encore trop peu nombreux pour la soutenir. Je crains qu’il ne faille attendre un moment pour d’autres miracles.
Alistair fronça les sourcils.
— Etes-vous en train de dire que nous n’aurons aucune aide face à Orhim ?
— Je ne pourrai agir directement, admit Orssanc.
Elle tenait encore la main de son frère, et retrouvait petit à petit ses couleurs.
— Vous devez à tout prix démanteler son culte, reprit-elle. C’est la source de sa puissance.
— Rien que ça, marmonna Alistair.
Il était en colère, réalisa Surielle. Elle aussi avait nourri l’espoir fou qu’Orssanc puisse ramener Rayad auprès d’eux, après avoir ressuscité une planète entière. La réalité se montrait hélas bien plus cruelle.
Un coup au cœur la fit hoqueter.
Alistair se retourna vers elle, inquiet. Edénar s’assombrit.
— Tu es en train de te réveiller, Surielle.
La Massilienne paniqua, au bord des larmes.
— Non ! Faites quelque chose ! Je ne veux pas retourner là-bas. S’il vous plait !
Eraïm s’approcha d’elle, prit son visage en coupe dans ses mains. Son regard d’un violet étincelant la transperça.
— Sois forte, Surielle, dit-il avant de déposer un baiser sur son front.
La jeune femme disparut aussitôt.
— Qu’avez-vous fait ? fit Alistair, furieux.
Le dieu se redressa.
— Il ne nous reste que peu de temps.
Le complexe se matérialisa devant eux, avec trois points de couleur. L’orange pour Surielle, devina Alistair, le rouge pour lui, et le bleu pour Edénar. Il s’empressa de mémoriser les lieux. Toute information qui l’aiderait dans sa fuite avait son utilité.
— Edénar est mon élu, dit Orssanc en se levant. Tu le protégeras, Alistair.
— Hors de question ! grogna ce dernier en croisant les bras. Je refuse d’être votre pion. Je n’ai jamais cru en vous et cela ne changera pas !
— Dites-moi comment aider Surielle et je ferai de mon mieux, dit Edénar. Je ne veux pas qu’elle souffre tandis que nous discutons.
— Je crains que seul tu n’aies pas la force suffisante, avertit Orssanc. Tu vas regagner le contrôle de ton corps, maintenant que je suis de retour, mais, tu es trop habitué à ce monde. Tu as oublié la sensation de la pesanteur, comment mouvoir tes muscles avec souplesse…
— J’y arriverai, coupa-t-il, déterminé.
— Tu n’as que peu de temps. Dès qu’ils s’apercevront qu’Orhim n’est plus en toi… ils t’arrêteront.
Edénar acquiesça.
— Je suis prêt.
— Alors va, avec ma bénédiction, sourit Orssanc en embrassant son front.
Il disparut comme une bougie que l’on souffle et Alistair se trouva seul face aux dieux. Il déglutit. Orssanc posa les mains sur ses hanches.
— Il ne reste donc plus que toi, petit rebelle insolent, fit-elle avec un sourire. As-tu conscience que tes camarades risquent d’échouer, sans toi ?
— Tu as déjà perdu Rayad, ajouta Eraïm. Que fais-tu de Shaniel ? De tes amis ? De ta famille ?
— Pour qui te bats-tu, Alistair ?
Le jeune ailé resta silencieux. La perte de Rayad lui broyait le cœur. Il avait échoué à le protéger, et ils voulaient qu’il protège de nouveau ?
Il ne voulait pas échouer encore une fois.
Je suis avec toi, cette fois. Tu n’es pas seul.
Et si nous échouons encore, malgré tout ?
Nous aurons essayé. N’est-ce pas là l’essentiel ?
Sauf que je suis incapable de voler. Vu l’état de mes ailes… il faudra des mois.
Je te prêterai les miennes. Et n’oublie pas que des renforts sont en route.
Ils n’arriveront jamais à temps, rétorqua Alistair.
C’est certain. Tu es le seul à avoir une réelle expérience du combat. Ne vis pas dans le passé, Alistair. Regarde vers le futur. Sans toi, ils n’ont aucune chance.
La gorge nouée, Alistair finit par acquiescer.
— D’accord. Je les aiderai de mon mieux. Mais pas pour vous, dit-il en soutenant le regard flamboyant d’Orssanc.
Son sourire le fit frémir.
— La fierté se prête mal à la soumission, n’est-ce pas ? Ne me déçois pas. Il se pourrait bien que tu trouves ton bonheur, là où tu ne t’y attends pas. File, maintenant, avant qu’il ne soit trop tard.
Avant qu’il ne puisse réagir, la déesse claqua des doigts, et Alistair disparut.
Eraïm soupira.
— Tu te montres bien cruelle avec ceux que tu as choisis.
Orssanc se contenta de hausser les épaules.
— Je ne suis pas une déesse aussi conciliante que toi. C’est ainsi.
— Ils n’y arriveront pas seuls, releva son frère.
— Je sais. Je dois reprendre quelques forces. En attendant… tu as ma permission.
— Pour ?
— Aider ta protégée. Chez moi.
Eraïm sourit.
— Tu sais bien que je n’interviens plus directement dans leurs affaires. C’est contraire à ma ligne de conduite.
— Vraiment ? susurra-t-elle. Il y a toujours des exceptions.
— Et que suggères-tu ? sourit Eraïm.
— Oh, je vais faire plus que suggérer. Je te demande d’avertir les tiens, et d’aider Surielle au mieux.
— Tu es décidément plein de ressources… j’agirai donc selon tes désirs, cette fois.
Orssanc éclata de rire.
— A bientôt, alors, mon frère, lanca-t-elle avant de faire un pas en avant pour disparaitre.
Mais avoue que certaines choses t’avaient échappées.
→ échappé
Une douleur telle qu’elle a attirée l’attention d’Edénar.
→ attiré
s’il faut ajouter leur Dieu dans l’équation, c’est mission impossible
→ dieu
Je m’en serai aperçue…
→ serais
Cet Orhim ne lui avait témoigné le moindre égard,
→ ne lui avait pas témoigné
Je ne pourrai agir directement, admit Orssanc.
→ je ne pourrai pas agir
Eh bien un joli florilège de fautes d'accord ^^ Merci pour ton oeil d'aigle !