Chapitre 32 : Faire des plans ne sert à rien

Par Elly
Notes de l’auteur : Bonjour ! Merci à tous ceux qui prennent le temps de lire et de commenter mon histoire ! Je ne vous remercierai jamais assez !
Bonne lecture :)

  —  Thalion, on ferait mieux de tout arrêter. On peut encore…

  —  Nohan, on a commencé, maintenant, on va jusqu’au bout.

  —  Ce n’est pas une bonne idée…

Nohan soupira en passant nerveusement une main dans ses boucles blondes. Thalion n’avait pas besoin d’imaginer l’inquiétude qui fourmillait dans sa poitrine, il la ressentait aussi. Cependant, il avait fourni trop d’efforts pour pouvoir abandonner à la dernière étape.

Thalion jeta un coup d’œil au reste de la classe, marchant gaiement sur le sentier battu qui lézardait la Plaine endormie. Aujourd’hui, c’était la sortie tant attendue dans la Forêt Perdue. Le printemps s’était enfin installé, comme en témoignait l’herbe verdoyante parsemée de fleurs colorées qui les entourait. Un léger parfum floral chatouillait les narines, brièvement chassé par la brise printanière qui les accompagnait. Les températures s’étaient adoucies, leur permettant de délaisser leur uniforme d’hiver et de savourer la légèreté de leur corps sans ces multitudes de couches de tissus. Devant eux, les élèves piaillaient entre eux, ravis de faire cours autre part qu’en classe. Étudier la faune et la flore sur le terrain était plus amusant que dans les livres. Enfin, la flore surtout. Personne n’avait envie de croiser la route d’une créature magique potentiellement agressive.

Comme personne ne faisait attention à eux, Thalion en profita pour ralentir le pas afin de continuer la discussion à l’écart. Les deux adolescents se trouvaient seuls à l’arrière du groupe. Eris était partie devant avec Cally, agacée par les craintes répétées de Nohan. Depuis l’incident avec la pierre divine, le magérien ne cessait de remettre en cause la potion. Par honnêteté, Thalion lui avait rapporté sa discussion avec Berry, et cela n’avait fait qu’amplifier ses angoisses. De son côté, Eris soutenait que la potion restait le meilleur moyen de régler ses soucis et qu’ils s’étaient donnés trop de mal pour se décourager maintenant.

  —  Cette potion pourrait te mettre en danger, reprit Nohan en veillant à ne pas trop élever la voix pour rester discret.

  —  Le risque était déjà présent depuis le début. Tu n’y étais pas aussi opposé pour autant.

  —  Oui mais entre-temps, un dieu a débarqué dans l’histoire et tu as frôlé la mort à cause de ta magie !

Thalion scruta la mine soucieuse de Nohan qui avait arrêté de marcher. Il comprenait que les récents événements n’avaient rien de rassurant. Même si la perspective sur ses difficultés avait changé, il savait dès le départ que cette potion pouvait lui être préjudiciable. Il suffisait de faire une erreur de préparation et hop ! plus de Thalion. Le niveau était élevé, et ils restaient des apprentis magériens. De plus, c’était une recette trouvée dans un grimoire ancien, fourni par un dragon. Rien n’avait jamais indiqué la fiabilité de cette potion.

  —  Écoute, commença Thalion, le but de la potion d’éveil est de libérer l’individu de toutes les contraintes qui l’empêche d’exercer sa pleine puissance. Quel que soit le problème avec ma magie, la potion est censée m’en délivrer. Ça ne peut que m’être bénéfique.

  —  Tu es vachement optimiste pour quelqu’un qui a tendance à ne voir que le négatif…

  —  C’est juste que je n’ai pas d’autres choix. Je ne peux pas continuer comme ça. La potion est mon seul espoir.

Les épaules de Nohan s’affaissèrent en percevant la détresse dans ces paroles. Thalion savait que c’était dangereux, voire inconscient, mais il était désespéré. S’imaginer vivre avec des migraines dès qu’il utilisait un peu de magie pour le restant de ses jours lui donnait des sueurs froides. Sa volonté avait des limites que les Ombres n’hésiteraient pas à mettre à l’épreuve. Qu’elles soient la seule source de magie qu’il puisse utiliser sans problème était dangereux. Thalion restait un humain qui ne portait pas l’humanité dans son cœur. Sa situation de corbeau ne s’améliorerait pas avec le temps et les chuchotements ténébreux n’auraient aucun mal à lui retourner le cerveau. Il craignait plus que tout de céder et de devenir ce qu’il avait toujours refusé d’être.

En somme, il préférait mettre sa vie en jeux que de continuer ainsi. Mais ça, il le gardait pour lui. Il ne voulait pas voir quel serait l’expression de Nohan en entendant ces mots.

  —  Et puis, tant que vous serez là, je m’en sortirai… pas vrai ? ajouta-t-il en passant une main de sa nuque, soudainement absorbé par la contemplation de la prairie.

  — … Ça t’a couté de le dire, avoue.

  —  Ne me demande juste pas de le répéter.

Nohan ne put empêcher le coin de ses lèvres de se retrousser. Même si l’inquiétude l’habitait toujours, il savait que Thalion n’en démordrait pas. Il préférait encore l’accompagner en sachant que c’était risqué que de le laisser prendre des risques seul.

Ils se dépêchèrent de rejoindre le reste du groupe qui avait atteint l’entrée du bois avant de se faire remarquer. Contrairement à la forêt qui entourait l’académie, la Forêt perdue, située plus à l’écart, était composée d’arbres de taille raisonnable. Elle ressemblait davantage à une forêt ordinaire, du moins en apparence.

M. Pichon, l’un des deux professeurs de faune et flore magique en charge de cette sortie, se tenait debout devant l’arc que formait les élèves autour de lui. Il était petit, si bien que Thalion le soupçonnait d’avoir un lien de parenté avec un nain. Il se racla la gorge en réajustant ses lunettes rondes sur son nez, avant d’ouvrir la bouche pour appeler au silence. Malheureusement, sa voix fluette perçait difficilement le bruit des conversations. Sa main glissa nerveusement le long de sa barbe rousse qui traînait au sol. Sa petite taille et son manque de charisme peinait à lui apporter l’autorité dont il avait besoin.

Les discussions animées se transformèrent en chuchotement étouffé lorsque Mme Bizaroi frappa dans ses mains. Avec ses cheveux blancs, son cou fripé et son monocle, la professeure paraissait dure et intransigeante. Thalion ne la connaissait pas. Apparemment, elle était gentille, sauf quand on n’écoutait pas en classe.

  —  Merci, Mme Bizaroi, dit M. Pichon avant de s’adresser aux élèves : Même si cette sortie n’est plus une nouveauté pour vous, je vais devoir réitérer les explications ennuyantes mais nécessaires pour la sécurité de tous. D’autant que, comme vous l’avez constaté, la sortie d’aujourd’hui se fera exceptionnellement avec deux classes : les Fions et les Mourioches.

Effectivement, Thalion l’avait remarqué. Du coin de l’œil, il vit qu’Eris et Cally avait rejoint Aglaé pour discuter avec elle, et Camille qui roucoulait avec Roxanne. Les Mourioches n’étaient pas ravis de se retrouver avec eux. Un magérien à côté de Thalion se moqua du nom de leur classe (chose que le maudit aurait faite s’il n’était pas élève de celle-ci) avant de les insulter de « trufions ». Ses amis ricanèrent. Ils ne cherchaient pas loin dans les insultes. Mais ça restait une insulte qui visait Thalion en tant qu’élève de la classe des Fions. Quand ces énergumènes croisèrent son regard noir faisant semblant de psalmodier une incantation, ils détalèrent à l’autre bout du groupe. Thalion ricana tandis que Nohan faisait de son mieux pour garder son sérieux.

  —  Comme les fois précédentes, on vous répartira en groupe avec une liste d’éléments à récupérer. Si par mégarde vous vous blessez, utilisez les sorts de soins appris et venez nous voir. Mme Bizaroi et moi vous attendrons ici, à l’orée du bois.

  —  Monsieur, intervint Roxanne en levant la main, contrairement aux fois précédentes, on est en printemps, donc en période de ponte et de reproduction. Bref, les bêtes sont plus agressives et grouillent la forêt. On ne risque rien ? Je ne tiens pas à finir en chair à pâté.

Des chuchotements agitèrent les élèves, certains approuvant la franchise de la magérienne, tandis que d’autres la traitèrent de poule mouillée. Indifférente aux piques lancées, elle attendit la réponse de M. Pichon qui chercha à apaiser la foule.

  —  Vous n’avez pas tort, mademoiselle Boisille, c’est pour cela que je vous encourage vivement à ne pas vous éloigner des lieux de cueillette censés être des espaces sécurisés, à condition de ne rien faire pour attirer les bêtes. Faites-vous discrets et les créatures dangereuses ne vous approcheront pas.

  —  Et si par malchance on fait une mauvaise rencontre ?

  —  Eh bien, je vous conseille de courir vite. Et de crier, peut-être qu’on vous entendra.

Roxanne regarda de travers le professeur, aussi rassurée que les autres élèves. Après avoir répété les consignes, chacun retrouva le trio auquel il avait été attribué. Eris et Nohan furent tout deux dispersés dans des équipes différentes. Quant à Thalion, il fut placé avec Cally et Aglaé. Cette dernière n’était pas enchantée en le voyant arriver, mais il n’y avait pas grand-chose qui l’enjaillait en règle générale, à part les cours de magie verte.

Ils récupérèrent la liste des composants à trouver, puis pénétrèrent dans la Forêt perdue. C’était étonnant de voir les changements de saison en saison. Elle était à la fois mélancolique et chaleureuse en automne, hostile et glaciale en hiver, mais sauvage et luxuriante au printemps. La verdure y était abondante, les épais feuillages laissant difficilement la lumière passée, et dès qu’ils débordaient du sentier, les racines, buissons et végétations exubérantes compliquaient la circulation. Thalion avait l’impression d’être dans une forêt tropicale.

Au bout de quelques instants de marche, Aglaé s’arrêta.

  —  Tu as déjà une crampe ? ironisa-t-il alors que la magérienne se tournait vers lui.

Indifférente à sa remarque, elle le toisa de haut en bas avant de de croiser les bras sur sa poitrine.

  —  Mes précédentes sorties se sont toutes bien déroulées. J’aimerais qu’il en reste ainsi, donc je souhaite que tu ne cherches pas les ennuies comme tu sais si bien le faire.

  —  Tu me vexes, Aglaé. Je ne cherche jamais les ennuis, c’est eux qui viennent à moi.

Elle leva les yeux au ciel devant son sourire suffisant, avant de se remettre en marche d’un bon pas. Thalion ricana en voyant ses poings serrés. Elle qui était toujours sérieuse dans son travail, sa réponse n’avait pas dû lui plaire. Pourtant, il n’avait pas menti. C’était malgré lui qu’il se retrouvait dans des situations fâcheuses. Pas toujours, mais souvent.

Thalion et Cally suivirent la magérienne qui menait le groupe, se déplaçant dans la forêt comme si elle la connaissait par cœur. Dotée du signe de la salamandre, Aglaé avait toujours été douée en magie verte. Il était logique qu’elle prenne les commandes de cette expédition. De son côté, ça lui permettait de se concentrer sur les mains d’Apocryphos. Ces plantes, qui ressemblaient à si méprendre à des mains blanches griffues aux bouts noirs, vivaient dans les marécages. Elles portaient le nom du dieu de la mort car, une fois qu’elles attrapaient un être vivant, elles ne le lâchaient plus. La proie prise au piège s’enfonçait dans le sol marécageux jusqu’à mourir d’asphyxie. Le cadavre les nourrissait ensuite pendant plusieurs semaines. Avant d’être séparés, ils avaient décidé que Thalion s’en chargerait, tandis qu’Eris s’occuperait de la pomme mortelle, et Nohan, des griffes invisibles.

Thalion avait déjà réfléchi à un plan : dès qu’Aglaé avait le dos tourné, lui et Cally en profiteraient pour rejoindre les marécages. Avec un morceau de bois métamorphosé en animal mort, ils piègeraient la plante en coupant ses racines avec Kouptou pendant qu’elle tenait fermement le faux cadavre. Comme ils s’éloignaient des zones sécurisées, ils devraient faire attention sur le chemin les menant aux marécages. Ils reviendraient ensuite vers Aglaé en se confondant en excuses pour s’être « perdus » et retourneraient auprès des professeurs, sains et saufs. Pour le coup, Thalion cherchait les ennuis, mais au moins, Aglaé était épargnée. Son plan était parfait. Il n’avait plus qu’à en parler à Calysse qui surgit justement à ses côtés.

  —  Pourquoi c’est si tendu entre Aglaé et toi ? le questionna-t-elle, ne pouvant réfréner plus longtemps sa curiosité.

  —  En quoi ça te concerne ?

  —  Allez. À l’école Magéra, elle t’a approché et tu l’as envoyée paître, c’est ça ?

Thalion soupira bruyamment, puis vérifia qu’Aglaé se trouvait suffisamment loin d’eux pour parler tranquillement.

  —  En gros, oui. Elle m’a abordé à une époque où j’étais aigri au possible. Je vivais mal la solitude et le rejet. Je haïssais purement et simplement le monde entier. Tu te doutes que lorsqu’une personne aux intentions bienveillantes m’a approchée à ce moment-là, je n’ai pas très bien réagi…

  —  Un peu comme un chien qui est habitué à se prendre des coups.

  —  Oui, même si j’aimerais qu’on évite de me comparer à un chien… Au lieu d’accepter la main qu’elle me tendait, je n’ai pas su faire autrement que déverser toute la rage et l’amertume que je gardais en moi. J’avais l’impression que sa gentillesse n’était qu’une façon de m’approcher pour mieux m’humilier ensuite.

  —  Te connaissant, ça n’a pas dû être une partie de plaisir pour elle.

Thalion se rappelait vaguement des propos tenus, mais le peu dont il se souvenait ne le rendait pas fier. C’était juste de penser qu’elle avait raison de lui en vouloir. Pour autant, il ne culpabilisait pas. Enfin, pas vraiment. Il regrettait que ce soit tomber sur elle, mais il se souvenait encore clairement de la haine qui l’avait habité à cet instant. Son comportement infecte, quelqu’un aurait fini par en subir les frais d’une manière ou d’une autre. Un gamin ne pouvait pas garder pour lui une colère pareille. Encore aujourd’hui, il arrivait que cette même animosité ressurgisse quand l’injustice de sa situation devenait insoutenable.

  —  Moi qui pensais entendre une histoire d’amour non réciproque… soupira la magérienne, désabusée.

  —  Ma vie amoureuse est aussi palpitante que la tienne, Cally. C’est-à-dire inexistante.

  —  Mufle.

  —  Garde tes insultes moyenâgeuses pour toi.

  —  Au lieu de papoter, dépêchez-vous de venir ici ! cria Aglaé qui s’était arrêtée un peu plus loin.

Ne voulant pas se faire réprimander comme des enfants, ils se pressèrent pour la rejoindre. Quand ils arrivèrent au bout du sentier, ils tombèrent sur un vaste terrain de pelouse claire peuplée d’arbres. Le coin idéal pour les champignons.

  —  On va se séparer pour aller plus vite. Je m’occupe des parapluies noirs et des cyflerolles. Vous, des gouttes-de-sang, des chapeauchauds et des champilacides.

Thalion ne releva pas qu’elle s’occupait des champignons les plus difficiles à récupérer et hocha la tête. Cette séparation était une aubaine pour lui. Pendant qu’elle serait occupée à récolter ces champignons, lui et Cally en profiteraient pour chercher les mains d’Apocryphos.

Ils entamèrent l’exploration, chacun de leur côté. Faire une cueillette aux champignons en avril pouvait être déroutant, mais l’essentiel des spécimens recherchés n’apparaissaient qu’en cette période.

Thalion se chargea des gouttes-de-sang. Ces champignons n’étaient pas compliqués à dénicher. Même s’ils faisaient la taille d’un bouton de vêtement, en ouvrant bien l’œil, on les repérait facilement grâce à leur couleur sanglante qui contrastait avec le sol verdoyant. Le magérien en mit plusieurs dans son panier avant de s’amuser à en écraser quelques-uns entre ses doigts. Elles laissaient des traces rouges sur l’herbe et ses doigts, mais c’était satisfaisant de les entendre éclater comme du papier bulle. Quand il en utilisait pour une potion, le champignon était toujours desséché.

Après s’être suffisamment diverti, Thalion entreprit de retrouver Cally. Sur le chemin, il croisa des plantes aux formes étranges, certaines possédant des dents ou un œil globuleux en leur centre. En les examinant, son regard remarqua dans une touffe d’herbe un fleuh, ce champignon hallucinogène agissait comme drogue naturelle. Évidemment, il ne faisait pas partie de la liste fournie par M. Pichon. Comme c’était rare d’en trouver, le magérien le cueillit afin de pouvoir se vanter auprès de ses amis.

Thalion retrouva Cally, assise sur la branche d’un arbre. Juste à côté d’elle, des champignons translucides étaient accrochés au tronc. Les Champilacides. La magérienne s’évertuait à les arracher un par un de l’écorce, ce qui, au vu de ses joues rosies par l’effort, ne semblait pas être une mince affaire. Pour ne pas la faire tomber en la déconcentrant, Thalion se mit en retrait, jusqu’à ce qu’elle redescende.

Quand elle posa les pieds à terre, Thalion l’approcha.

  —  J’ai trouvé les gouttes-de-sang. Et toi ? Les chapeauchauds ?

En guise de réponse, elle lui montra son panier remplit de champignons transparents et d’autres avec un chapeau lumineux. Une douce chaleur s’en dégageait. Elle avait fait vite. Il s’était un peu trop amusé de son côté.

  —  On part à la recherche des mains d’Apocryphos ? suggéra-t-elle.

  —  Oui. Je crois que les marécages sont près d’ici, et Aglaé n’est pas là. Profitons-en pour…

—  Ah, vous voilà ! surgit soudainement Aglaé, les faisant sursauter. Vous avez aussi fini ? Parfait. On a été efficace.

  —  Tu… tu as fait vite… bredouilla Cally, aussi déconcertée que lui par sa rapidité.

  —  C’est facile quand on s’y connait, expliqua-t-elle en retirant ses gants couverts d’encre, provenant certainement du liquide acide des parapluies noirs. Les cyflerolles n’ont rien de dangereux quand…

Sans finir sa phrase, son regard se figea sur les mains de Thalion. Avant qu’il n’ait pu réagir, elle lui saisit le poignet. Il grogna en tentant de se libérer, mais elle le tenait fermement. Ses yeux ambrés fixaient les doigts rougeâtres du magérien.

  —  Ne me dis pas que c’est du suc de goutte-de-sang ?

  —  Si. Tu peux me lâcher ?

  —  Tu ne sais donc pas ?! s’effara-t-elle, et il fronça des sourcils, ne comprenant pas le problème. L’humain n’est pas sensible à l’odeur que leur suc dégage, mais les bêtes, si !

Quand Thalion réalisa son erreur, il était trop tard. Un grondement menaçant retentit, et de la pénombre surgit un ours deux fois plus grands qu’un grizzli, aux poils hérissés et aux griffes acérés.

Les trois magériens se statufièrent sur place, livides. Leurs regards détaillèrent l’animal qui les renifla avant de se dresser sur ses deux pattes en montrant les crocs. Un coup d’œil suffit à leur faire comprendre que sa morsure avait de quoi broyer leur crâne et qu’un coup de patte suffirait à leur arracher un membre.

  —  Un malebête ! souffla Aglaé d’une voix tremblante.

  —  C’est agressif ? demanda-t-il à voix basse pour ne pas excité la créature.

  —  Ça dépend s’il a faim…

Ce qui devait être le cas car la bête poussa un rugissement effrayant, avant de se jeter sur eux, la gueule grande ouverte. Mue par l’instinct de survie, ils roulèrent sur le côté, juste à temps pour esquiver la morsure de l’animal. Les filles crièrent, Thalion s’écrasa au sol en évitant l’énorme corps poilu. Un peu sonnés, ils ne perdirent pas plus de temps avant de se relever. Le malebête se cogna contre l’arbre derrière eux, ce qui n’améliora pas son humeur. Son cri de rage suffit à les faire émerger de leur stupeur. L’adrénaline contrait les effets paralysants de la peur et fournissait l’énergie aux trois magériens pour s’enfuir à tout allure. Thalion avait l’impression que ses jambes courraient d’elles-mêmes.  

Loin d’être découragés, le malebête se lança à leur poursuite. Ils constatèrent avec effroi que sa masse imposante ne l’empêchait pas d’être rapide. Tout en courant pour fuir l’animal qui se rapprochait dangereusement, Thalion s’évertua à trouver un enchantement qui pourrait être efficace. Quelques-uns lui traversèrent l’esprit, mais Thalion pressentait que s’il s’arrêtait pour lancer le sort, il finirait éventré avant d’avoir pu viser et prononcer l’incantation.

  —  J’ai une idée, déclara Aglaé entre deux respirations. Suivez-moi !

Pendant qu’elle les guidait en sautant par-dessus les épaisses racines, Thalion jeta un coup d’œil derrière lui, et esquiva de justesse la morsure de la bête. Le claquement de sa gueule qui se referma fit siffler les oreilles du magérien. Un cri s’échappa entre ses dents, noyé par le rugissement assourdissant du malebête. Son cœur martelait sa poitrine au même rythme que celui de ses pas qui foulaient le sol. Les filles se trouvaient maintenant plus loin devant lui. Elles étaient plus rapides que lui, si bien que le malebête avait décidé de le prendre en chasse. La course-poursuite avec Shivana avait au moins l’avantage de l’avoir bien entraîné.

Avec l’animal sur les talons, Thalion cavalait à en perdre haleine. Le sol devenait marécageux, et le magérien manqua plusieurs fois de glisser. Heureusement, ça ralentit aussi le malebête, mais pas assez pour lui laisser le temps de reprendre son souffle. Il aurait pu tenter de lancer un sort, mais il n’était pas d’humeur téméraire. La priorité, c’était de sauver sa peau en se mettant à l’abri, pas en affrontant la bête. Thalion aperçut les filles un peu plus loin qui avait arrêté leur course, immobiles. Il les pensa d’abord irréfléchies, jusqu’à ce qu’Aglaé lui crie :

  —  À trois, sautes vers nous ! Un… deux… trois !

Thalion n’eut pas le temps de réfléchir au pourquoi du comment, et exécuta un saut digne d’un lapin cornu. Il atterrit juste devant elles. Le maudit n’eut pas l’occasion de se féliciter de sa détente car un de ses pieds s’enfonça dans le sol spongieux. Les filles le tirèrent, mais quelque chose agrippa fermement sa cheville, l’empêchant de libérer son pied. Interloqué, Thalion jeta un coup d’œil pour comprendre ce qui le retenait. Son sang se glaça en apercevant la main blanche aux extrémités noirs et pointus qui le tenait. Une main d’Apocryphos. Aglaé les avait emmenés dans les marécages pour coincer le malebête, sauf qu’il était lui aussi tombé dans le piège mortel de ces plantes.

Mille milliards de lutins crétins, pourquoi les choses ne se déroulaient jamais comme il le souhaitait ?

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Malodcr
Posté le 28/11/2023
Finalement, il n'a pas que des problèmes avec magie : il a des problèmes tout court !

C'est pas possible d'avoir autant de situation comme ça, je craquerai pour moins que ça !!
La positif : ils ont trouvé la plante...

Encore un très bon chapitre, la lecture est fluide et permet d'en apprendre davantage sur la flore et la faune (du coup...) de ton univers, c'est vraiment bien !
Elly
Posté le 30/11/2023
Ton commentaire m'a fait rire xD Que veux-tu, le dieu de la malchance a dû le bénir à sa naissance ! Heureusement qu'il a des nerfs en acier.

Merci beaucoup ! Je voulait absolument en montrer plus sur la faune et la flore de mon univers et ce chapitre était l'occasion parfaite ! Contente que ça t'ait plu ^^
Némériss
Posté le 17/10/2023
Coucou !

Super chapitre, j'ai adoré en découvrir plus sur la faune et la flore de ton monde ! Les mains d’Apocryphos, rien que le nom pousse à la méfiance.
Ah, voilà qu'Aglaé semble rejoindre le groupe, elle ne sait pas dans quoi elle s'embarque !
En tout cas, l'action est au rendez-vous et la fin de chapitre parfaite pour donner envie de se précipiter sur la suite ! J'ai hâte de voir comment il va s'en sortir ^^

A bientôt !
Elly
Posté le 17/10/2023
Coucou !

Ravie que ce chapitre t’ait plu ! Faire découvrir un peu plus la faune et la flore de ce monde était justement l’objectif de ce chapitre et du prochain ^^
Si elle avait sût elle serait partie en courant ! Elle va vite le découvrir malgré elle x)

Merci beaucoup pour ton commentaire ! J’espère que la suite te plaira, à bientôt !
MrOriendo
Posté le 10/10/2023
Hello Elly !

Un très bon chapitre avec de l'action, de l'humour et des dialogues plutôt bien dosés. L'arrivée du malbête juste quand on parle de lui m'a fait sourire, tout comme la main d'Apocryphos qui s'attaque à la cheville de Thalion. Je le voyais tellement venir à des kilomètres, c'était sûr que son plan allait tourner à la catastrophe d'une manière ou d'une autre x)

Maintenant, LA grande question : comment diable va-t-il se sortir de ce mauvais pas ?
À très vite pour le découvrir,
Ori'
Elly
Posté le 10/10/2023
Coucou !

Je suis contente que ce chapitre soit aussi validé ! Même s'il m'a donnée un peu de file à retordre, j'ai beaucoup aimé l'écrire !
Effectivement, l'effet de surprise n'est pas ce qu'il y a de plus valorisé dans ce chapitre mais en même temps c'est rare que les plans de Thalion se passent correctement x)

Je te laisse découvrir la réponse à cette question !
A très vite !
Reveanne
Posté le 09/10/2023
Mais mais mais... j'ai raté un chapitre moi??? fichu mois de septembre de la mort, j'ai plus de cerveau moi. Je suis désolée. :'(

Sinon, voilà une super chapitre : un décor, de la narration, de l'action, du dialogue mais pas trop. C'est bien rythmé... Formidable en somme.

J'avais oublié le nom de la classe de Thalion. XD mais quelle idée de donner un nom pareil à une classe d'ados.

Sinon, la malbête devait attendre qu'Aglaé explique les danger du champignon rouge pour attaquer tellement le timing est parfait. XD

et puis ils n'ont même pas eu à le chercher leur champignon finalement, c'est lui qui les a trouvé.

Bon, je rattrape l'autre chapitre ce soir! :)
Elly
Posté le 09/10/2023
Pas de soucis t’inquiètes xD !

Ravie que ce chapitre t’ait plu ! J’ai passé du temps à améliorer la description alors je suis contente que ça rende bien ^^

Ah bah ça c’est clair que c’est pas ce qu’il y a de plus malin dans le choix des noms de classe xD

Il faut bien que le malebête soigne un peu son entrée xD

Merci pour ton commentaire, j’espère que le chapitre suivant te plaira aussi ! ^^
minoucheKa
Posté le 03/10/2023
Hello

au moins Thalion et Cally ont trouvé ce qu'il cherchait une main d Apocryphos!!! :-) La discretion laisse neammoins à désirer.

Ah ce Thalion toujours à se mettre dans des situations compliquées, alors meme qu'il dit qu'il ne cherche pas les ennuis mais qu'ils viennent à lui . cette fois ci c'est bien de sa faute. La magie verte c'est pas son truc.

J'espere qu'il va s'en sortir sans trop dégats ni de problèmes vis à vis de l'académie.

A bientot
minoucheKa
Posté le 03/10/2023
oups ce qu'ils cherchaient
Elly
Posté le 05/10/2023
Coucou !

Oui, même s'ils n'avaient pas imaginé les trouver de cette façon x)
C'est la malédiction de Thalion. Un vrai aimant à problèmes !
Ah ça, je te laisse le soin de le découvrir ;)

Merci pour ton commentaire, à bientôt !
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