J’appréhendais les cinq massages prévus jeudi. Même sans séance acrobatique de body, masser est une dépense physique non négligeable. Il m’était déjà arrivé d’en enchaîner quatre, mais jamais davantage. Sitôt les cours finis, je pris mon tram en mangeant un sandwich et arrivai au local une demi-heure avant Arnaud. J’en profitai pour enfiler mon bleu de travail sexy, faire une retouche de maquillage et de parfum, et allumai mon portable pro.
Bien m’en prit, car Arnaud venait de m’envoyer un sms me demandant s’il pouvait arriver avec dix minutes d’avance. Il était 11h45 et j’étais prête. Je lui répondis positivement, et la sonnette retentit moins de trente secondes plus tard.
Un petit quinquagénaire rondouillard se tenait sur le pas de la porte en souriant.
-Bonjour Lola.
-Bonjour Arnaud, vous étiez déjà arrivé ?
-Oui, j’étais garé en face depuis quelques instants, je vous ai même vue arriver.
-Vous venez de loin ?
-Je vis à cinquante kilomètres d’ici mais je suis commercial et souvent en déplacement dans le coin. Quand c’est le cas j’essaye d’en profiter pour voir Alessia.
-Et maintenant moi.
-Voilà, et j’étais ravi de vous voir arriver. Ça m’a rendu encore plus impatient d’être entre vos mains.
-Je suis quand même mieux habillée comme ça, non ?
-Beaucoup plus sexy, je ne vous cache pas que j’aime bien, mais vous avez énormément de charme dans votre tenue du jour aussi.
-Quelles belles paroles, Arnaud. A propos de tenue, vous souhaitez que je vous masse habillée comment ?
-Je ne résiste pas au plaisir du topless.
-Mais ne résistez pas, Arnaud, ce serait dommage. Une petite douche ?
-J’y vais. Tenez.
Arnaud me remit deux billets de cinquante euros correspondant aux trois quarts d’heure seins nus qu’il avait choisis. La séance s’engageait de façon plaisante, et c’était pour moi l’essentiel, bien davantage que de me retrouver avec un mannequin bodybuildé à la mèche rebelle et au regard ombrageux.
Pendant le massage il parla par à-coups. Il était marié depuis vingt-cinq ans et la routine avait eu raison de la sexualité au sein de son couple. Le dialogue sur le sujet avec son épouse était difficile, et il avait peu à peu pris l’habitude d’utiliser les déplacements professionnels pour se faire plaisir.
-Vous voyez des masseuses dans différents endroits où vous vous déplacez pour votre travail, alors ?
-Oui, je circule dans un rayon de cent kilomètres autour de mon domicile, et ça englobe quelques villes où il y a de bonnes adresses, comme ici.
-Alors parlez-moi un peu de la concurrence.
J’en étais à l'agacement sensuel de la fin de la première moitié. Mes mains alertaient ses zones sensibles sur la proximité du danger. C’est vrai qu’Arnaud n’était pas un top model, et son corps de cinquante ans souffrait de n’avoir que peu été entretenu. Son mode de vie, ses incessants trajets en voiture, les repas faits de sandwichs industriels, le peu de temps pour le sport et le manque de sollicitation érotique avec son épouse y étaient pour beaucoup. L’expression « se laisser aller » lui allait comme un gant, bien qu’elle fût imparfaite, comme toutes les phrases prêtes-à-penser. Il arrive que notre propre vie elle-même nous laisse un peu tomber. En manque de sensations, son corps réagit promptement et la raideur attendue poussa le long de la table de massage où elle reposait, attendant le moment de se retourner.
-Vous savez, les salons de qualité sont rares. J’aime bien tenter, quand je vois apparaître une nouvelle annonce, mais je suis la plupart du temps déçu. C’est pour ça que je retourne régulièrement chez des masseuses comme Alessia.
-Mais déçu par quoi, par exemple ?
-Parfois la fille vous reçoit dans un appartement sordide, lugubre.
-Carrément ?
-Oui, vous prenez votre douche dans une baignoire sale, elle vous masse à-même un canapé inconfortable, sur la serviette de douche avec laquelle vous venez de vous essuyer, et que vous réutiliserez encore après le massage…
-En effet c’est pas très hygiénique, tout ça.
-Il m’est même arrivé de me faire masser à côté de la litière du chat, et avec une saloperie de yorkshire qui aboyait dans la pièce !
-Quelle horreur.
-Je ne vous le fais pas dire.
-Vous vous retournez, Arnaud ? Parce que là, vous allez finir par transpercer ma table, si vous voyez ce que je veux dire…
-C’est vrai que je réagis vite à une jolie fille. Et vous êtes tellement jolie, Lola…
Arnaud se retourna. Son ventre était gros et tendu, mais pas si gras que ça. Il ressemblait davantage au ventre d’un amateur de bière qu’à celui d’un habitué de ces fast-food qui vous invitent à venir comme vous êtes, pour mieux repartir saturés de graisses, de sucres, et les artères bouchées.
-D’autres anecdotes sur les salons concurrents ?
-Une fois j’ai été chez une fille, gentille comme tout, mais dans un incroyable bordel. C’était chez elle, et rien n’était rangé, les fringues trainaient à même le sol, les paquets de biscuits, les chips… Et à la fin du massage, elle me dit « je vais vous masser la verge ».
-C’était un peu le but, non ?
-Oui, donc je me dis intérieurement « encore heureux ». Elle me masse. Je… réagis…
-Oui je vois très bien ce que vous appelez réagir, Arnaud, je l’ai sous les yeux, là.
-Voilà… et tout à coup elle me dit, « Bien, le massage est terminé. Vous voulez vous masturber ? Je peux vous laisser quelques minutes seul si vous avez envie. »
-Non ?
-Si, Lola, je vous promets !
-Mais elle avait prévenu que ça se passerait comme ça ?
-Elle a prétendu que c’est ça qu’elle appelait « masser la verge ».
-Cela dit en effet, elle vous a massé la verge.
-Oui, et après coup je me suis rendu compte qu’elle n’avait pas utilisé le mot « finition ».
-Et vous avez cru que ça irait de soi.
-Exactement.
-Et ça vous a coûté combien, de vous faire bander en vous laissant en plan ?
-Cinquante. Pour une demi-heure.
-Ouais … et vous avez fait quoi alors ?
-Je suis sorti furax de chez elle et j’ai cherché n’importe quelle autre masseuse disponible dans le coin pour finir le travail !
-Plutôt que de finir tout seul ?
-Oui !
-Et vous avez trouvé ?
-Je suis retourné chez une fille que j’avais déjà vue, qui ne masse pas bien mais qui au moins fait des finitions, et comme là je n’y allais que pour ça…
-Donc vous lui avez dit « je viens juste pour la finition ».
-J’avoue oui… c’est un peu glauque.
-Elle vous fait un tarif spécial pour dix minutes ?
-Non, elle m’a dit que ce serait le tarif du massage « express » qui chez elle correspond à vingt minutes environ.
-Et là ça va, elle vous a libéré ?
-Oui.
-Il vous en est arrivé des choses, dites-donc !
Je m’étais positionnée en haut de la table, derrière la tête, et procédai au massage du visage et du crâne, que j’entrecoupai de moments coquins où je m’aplatissais sur lui pour faire passer mes seins sur son visage puis son torse, étirant mes mains pour qu’elles aillent chercher la petite bête de plus en plus grande.
-Je peux vous caresser un peu, Lola ?
-Bien sûr Arnaud.
Son sexe n’avait pas eu un seul moment de repos depuis que je l’avais vu grossir, rapidement après le début du massage. Cela devait faire vingt minutes qu’il était en érection, et des rigoles de liquide pré-séminal avaient coulé en abondance le long de cet imposant membre viril.
-Et vous avez quelques bons souvenirs, quand même ?
-Oui, bien sûr. Alessia est ma valeur sûre. Avec vous, désormais.
-Ah je n’ai pas terminé, Arnaud. Ne parlez pas trop vite. Si ça se trouve vous allez devoir appeler une autre fille pour la finition !
-Rien que pour ce qui a déjà été fait, vous méritez tous les éloges, Lola.
-Ça c’est très gentil.
-Sinon oui, j’ai une bonne adresse à cinquante kilomètres d’ici. Mais c’est un salon plus « professionnel », pas comme Alessia et vous, où on sent vraiment deux filles indépendantes, ce qui a son charme.
-Et donc dans ce salon vous avez plusieurs masseuses ?
-Voilà, il y en a quatre. Ce sont des massages tantriques, enfin soi-disant.
-Ça ne vous convainc pas plus que ça ?
-C’est juste un terme publicitaire. Leurs massages sont remarquables, mais Alessia et vous faites aussi bien sans utiliser ce genre de terme ronflant.
-Nous sommes comme Monsieur Jourdain, nous faisons du tantrisme sans le savoir.
-C’est exactement ça !
L’heure était en tout cas venue de présenter à Arnaud mon savoir-faire en matière de finition. Peu importe qu’on l’appelle « massage du lingam » ou qu’on utilise d’autres termes orientaux pour colorer la chose d’exotisme : une fois lancée, seul le geste compte. Le problème était que, dressé depuis maintenant plus d’une demi-heure, son pénis n’allait pas tenir longtemps. Je craignais même qu’un seul mouvement ne déclenche l’éjaculation. Je commençai donc avec la plus grande douceur, me plaçant sur le côté, et huilai mes mains pendant qu’Arnaud explorait avec la plus grande attention la régularité de la surface de mes fesses à l’aide de ses paumes. Je fis le bec d’oiseau et mes doigts coulissèrent sur le gland, lentement, pour descendre le long de la hampe, entrainant la peau du pénis avec elle, ce qui eut pour effet d’achever de le décalotter. Comme je l’avais craint, Arnaud se tordit sur la table en gémissant, ses mains accrochant la serviette sur laquelle il reposait.
-Respirez Arnaud, respirez…
-Oh Lola, je ne vais pas pouvoir tenir.
-Je vois ça oui. Vous êtes toujours dans cet état à la fin ?
-A ce point-là c’est très rare. Vous avez sur moi un effet incroyable.
Je fis un très léger mouvement avec mes doigts qui coururent le long de la pente vers le haut, sans masturber, tapotant le soliflore qui débordait, pour finir leur course sur le gland qu’ils caressèrent, osant à peine le toucher. Arnaud gémit à nouveau, bouche crispée. Je pouvais difficilement faire moins ! Je décidai alors d’essayer autre chose. Je me penchai en avant, mes seins se posèrent sur ses cuisses, et tout prêt de l’arbre quasiment abattu, je me mis à expirer. Le souffle de ma respiration enveloppa le gland et Arnaud frissonna. Je recommençai. Encore. J’avais l’impression de faire avancer un petit bateau en papier dans une baignoire. Visiblement l’idée était bonne car Arnaud continua de gémir à chaque fois que l’air déplacé parvenait sur la terminaison cramoisie, mais sans donner cette impression qu’il allait craquer. Je poursuivis ce petit jeu mais fatalement, privée d’oxygène, ma tête se mit à tourner et je dus passer à autre chose. Il était l’heure d’en finir. Je pris la base du pénis dans ma main gauche, en tendant quelques doigts pour qu’ils vinssent caresser les testicules gonflés. Ma main droite fit une dernière fois le bec d’oiseau, mais sans retenir le geste. Les doigts coulissèrent sur le gland en fusion, s’enroulèrent dessus comme un serpent cherchant à étouffer sa proie, et avant même que je n’aie eu le temps d’atteindre la hampe, une mer blanche déborda et ensevelit le chapeau rouge et mes doigts en action, sur lesquels elle ruissela en longues trainées, tombant deux décimètres plus bas y former quelques flaques. Arnaud n’avait toujours pas lâché mes fesses et il ne le fit que lorsque la dernière goutte de sperme fut sortie de son corps.
Après une deuxième douche, il se rhabilla silencieusement et me dit au revoir.
-Je ne vais plus savoir comment choisir entre Alessia et vous, maintenant…
-Et pourquoi pas les deux à la fois ?
-Vous êtes sérieuse ?
-On peut l’envisager oui.
-Je ne vais pas pouvoir penser à autre chose d’ici mon prochain déplacement.
-Ce sont d’agréables pensées, répondis-je avec un clin d’œil.
C’était le bon moment pour parler de nos projets : je l’informai de ce que nous envisagions. Mais il avait déjà enregistré le numéro d’Alessia dans son téléphone, ainsi que le mien. C’était parfait. Il me fit la bise et sortit, la tête pleine de merveilleux rendez-vous à venir.
A 13 heures pile, Simon sonna. Un homme de ma taille, mince aux cheveux bruns très courts, entra dans le salon. Il s’excusa pour son indisponibilité lors de la précédente réservation, qu’il avait annulée in extremis trois semaines auparavant, puis se présenta. C’était un médecin généraliste de trente-huit ans. Il semblait un peu nerveux. Après sa douche, il me donna cent-vingt euros pour une heure topless.
-Je m’installe comment ?
-Vous vous mettez sur le ventre, la tête dans le trou de la table.
-Mais je veux dire, j’enlève tout ? Je garde la serviette ?
-Ah non, Simon, vous enlevez tout.
Je m’étonnai de la question, mais Simon défit la serviette et s’allongea sur le ventre. Son corps était fin, peu musclé, peu velu et très blanc. Je commençai à la fois le massage et la conversation.
-Vous avec l’air tendu, Simon.
-Un peu, c’est vrai. C’est la première fois que je fais un massage sensuel.
-Vraiment ?
-Oui, je savais que cela existait, et ça me tournait dans la tête depuis un moment. Mais je n’avais encore jamais osé franchir le pas.
-Qu’est-ce qui vous a décidé ?
-J’avais déjà repéré Alessia et son annonce. Quand j’ai vu que vous vous y étiez jointe, j’ai appelé. Vous êtes exactement mon type de femme, ça a fait la différence.
-Ah oui ? Vous aimez les grandes perches blondes ?
-J’aime les blondes oui, j’aime les femmes grandes, autant que moi, et puis je préfère les femmes élancées aux femmes pulpeuses, je ne suis pas amateur de fortes poitrines.
-De ce côté-là vous êtes bien tombé avec moi.
La demi-heure sage fut plaisante. Simon était agréable, ne se sentant pas obligé de meubler la discussion qui resta occasionnelle. J’aimais cette alternance avec des moments de silence et de ressenti. Profitant de l’heure complète, je massai longuement le crâne, la nuque, le cuir chevelu, ainsi que les pieds et les mains, m’attardant sur les vingt doigts dans une relaxation envoûtée par la musique africaine de Jamshied Sharifi, colorée et rythmée. Quand mes doigts se firent provocants, Simon fut parcouru de quelques frissons. Son pénis, petit et fripé au repos, prit quelques aises et, sans entrer dans une érection retentissante, se mit en éveil. Je sus lui dire bonjour au terme des mouvements amples qui partaient de son dos pour glisser entre les deux fesses, et chaque contact fit trembler complètement le jeune docteur émotif. Lors d’un dernier geste qui se voulait évocateur de ce qui allait suivre, mes doigts effleurèrent les bourses et, à ma grande surprise, l’une d’elles était dure, comme si, sous la peau fine, une balle de golf siégeait à la place du testicule.
Il fut enfin l’heure de se retourner. Simon se mit sur le dos. Son pénis, moitié au repos, moitié érigé, pouvait encore ressembler à un membre de taille normale. Entamant une partie moins grivoise du massage, j’en profitai pour reprendre la discussion sur ce qui m’intriguait.
-Excusez-moi Simon, mais j’ai senti quelque chose d’un peu étrange au niveau de l’un de vos testicules.
-Ah oui, c’est une prothèse.
-Vous avez eu un accident ?
-Non, j’ai été opéré d’un cancer il y a sept ans.
-Un cancer du testicule ? Mais qui n’a pas eu trop de répercussions en dehors de cette ablation ?
-Non heureusement, étant médecin, je m’étais aperçu des signes avant-coureurs assez vite et on l’a pris à temps.
-Quels signes ?
-Une gynécomastie, par exemple.
-Euh… ?
-Les seins qui poussent, chez les hommes !
-Ah oui ça se voit, ça, en effet.
-Oui mais quand ça arrive, souvent, les hommes le vivent honteusement et n’en parlent pas, alors que c’est un symptôme, et au moins le signe d’un dérèglement hormonal. S’il s’avère que c’est un cancer, ils ne consulteront qu’au moment où les douleurs dans les testicules arrivent, et là il est souvent trop tard.
-Mais il y a sept ans, vous étiez jeune. Les cancers, on les imagine plutôt vers soixante ans, non ?
-Pas celui du testicule. L’âge moyen auquel il se manifeste c’est entre trente et quarante ans.
-J’ignorais. Et depuis ?
-Radiothérapie et surveillance annuelle, avec radios du thorax et scanners en alternance.
-Du thorax ?
-Oui car s’il reste des cellules dans le testicule, les premières métastases se logent en général dans les poumons, via la circulation.
-Et maintenant vous pouvez aller gagner sept fois le tour de France.
-Pas sans me doper, hélas.
-Et ça vous fait mal cette prothèse ?
-Non, pas du tout, ça ne change strictement rien.
Décidément, on apprend beaucoup de choses au contact des gens, et en particulier lors de discussions aussi personnelles que celles permises quand on touche leur corps d’aussi près. Le silence reprit ses droits quelques instants. Le temps de terminer les massages les plus neutres, il fut l’heure de faire chauffer le médecin !
Je passai derrière et lui fis goûter ma modeste poitrine qui effleura voluptueusement son visage, pendant que mes mains descendaient bas, très bas. Les frissons de tout à l’heure réapparurent.
-Alors ils vous plaisent mes seins ? Ils sont assez petits pour vous ?
-Ils sont parfaits, vraiment parfaits ! Et très fermes, en plus.
-Vous avez froid, Simon ? Vous frissonnez.
-Non, je crois que c’est une manifestation purement nerveuse.
-Qu’est-ce que vous êtes émotif…
-Je vous l’ai dit, c’est la première fois que je fais un tel massage.
-Je sais, oui, mais être émotif n’est pas du tout une critique de ma part, vous savez.
Simon ne profitait pas de ses mains. Ses bras restaient sagement le long de son corps, et n’en avaient bougé que lorsque je les avais moi-même massés puis reposés sur la table. Compte-tenu de sa grande sensibilité, j’hésitai à l’encourager en prenant moi-même sa main pour la poser sur mon corps. Je me dis que l’idée finirait bien par s’imposer à lui. Je repris la discussion.
-Ça va, ça vous plait, pour une première tentative ?
-Enormément.
Il y eut un blanc, puis il poursuivit.
-Ce que j’aime c’est votre côté si doux. Vous massez très bien, et l’aspect érotique du massage, vous le faites avec simplicité. Vous ne vous contentez pas d’être à moitié nue, ce qui est déjà en soi très agréable pour moi, mais vous êtes très sensuelle.
« T’as encore rien vu » pensai-je en ne comprenant pas bien pourquoi Simon résumait l’aspect érotique du massage à quelques caresses frôlant les organes génitaux, alors que l’essentiel en la matière restait à venir. J’allais comprendre … que c’est Simon qui n’avait pas compris. Le quiproquo qui suivit fut surréaliste mais reste un souvenir à la fois hilarant et attendrissant.
A force de balayer le haut de son corps avec les tétons de mes deux seins tout en envoyant mes mains le plus loin possible, le pénis de Simon, qui avait accusé un tout petit début d’érection quand il s’était retourné, grimpa enfin fermement. Je sentis Simon gesticuler sur la table.
-Ça va Simon ?
-Je suis vraiment désolé Lola.
-Mais désolé de quoi ?
-Je crois que je suis en train de me trahir, là.
-Vous trahir ? Je ne comprends pas.
-Je … je crois que j’ai une érection.
-Oui, je vous le confirme, une très belle, en effet.
-J’essaye de m’en empêcher depuis tout à l’heure, mais là c’est tellement sensuel, je n’arrive plus à me contrôler, je suis vraiment désolé.
-Mais enfin, pourquoi vouliez-vous vous en empêcher ?
-C’est un peu embarrassant.
-Mais Simon, enfin, à ce stade du massage, comment vous dire. Heureusement, que vous réagissez !
-Ah bon, ça ne vous choque pas, alors ?
-Mais non, pourquoi ?
-Je ne sais pas…
Un horrible doute m’envahit. Simon n’avait jamais fait de massage érotique, soit. Mais de là à en ignorer le contenu à ce point, était-ce possible ? J’allais entamer la finition. Je posai pour être sûre la question qui me taraudait.
-Simon, dites-moi. Vous avez bien compris ce qu’est une finition, n’est-ce pas ?
-Euh oui, c’est ça, ce que vous faites.
-C’est-à-dire ?
-Ces petits gestes plus sensuels, cette proximité avec votre corps, pour finir le massage de façon plus érotique.
-Allo Houston, on a un problème !
-Comment ça ?
-Ce n’est pas ça du tout, une finition, Simon.
-Ah bon … Mais alors c’est quoi ?
-Vous avez vu dans quel état je vous ai mis ? Je comprends, maintenant, pourquoi vous étiez tout gêné de bander comme ça.
-Je ne comprends pas.
-Je sais. La finition, c’est que je suis maintenant censée vous masser le sexe.
-Carrément ?
-Et oui. Heureusement que vous êtes en érection, non ?
-Mais …
-Oui, oui, Simon, vous êtes en train de comprendre.
-Jusqu’à … ?
-Vu l'état des choses, c’est tentant, non ?
Je lui envoyai un petit clin d’œil coquin afin de le déstresser. Ce grand garçon était venu avec la crainte d’une involontaire érection, en ignorait qu’il était censé jouir avec perte et fracas en fin de séance. La situation ne manquait pas de sel, mais vu l’émotivité du garçon en question, je me demandais comment il gérait le choc. C’était tellement incroyable de l’apprendre ainsi, au dernier moment, que l’idée me vint qu’il simulait son ignorance, comme une sorte de fantasme de naïveté pour attendrir la masseuse. Il semblait pourtant tout à fait sincère. Qu’à cela ne tienne, je décidai d’accepter l’hypothèse qu’il ne mentait pas : de toute façon dans le cas contraire je ne pouvais pas prouver quoi que ce soit, donc autant jouer le jeu. Je le crus donc.
-Qu’est-ce qu’on fait Simon… ?
-Je ne m’attendais vraiment pas à ça.
-On se laisse tenter ? Vous n’allez pas repartir comme ça, quand même.
-D’accord.
-Alors respirez et laissez-vous faire.
Le toubib creusa le ventre pendant que je lubrifiai sa longue verge désormais au meilleur de sa forme. Les trois minutes qui suivirent furent déstabilisantes pour un homme qui cinq minutes auparavant, pensait encore que je pourrais lui reprocher d’avoir une érection malgré lui. Il n’en regretta rien. A mi-chemin de la finition, je pris sa main trop timide pour bouger, et la posai sur ma hanche. Après ça, qu’elle aille toute seule où bon lui semblerait !
-J’ai le droit ?
-Faites-vous plaisir…
Sa main bougea peu au début. Quand son souffle s’emballa, elle dévia enfin vers mon derrière, qui avait failli se vexer qu’on l’ignorât aussi longtemps. Puis quand le docteur fut à deux doigts de consulter pour tachycardie, il se lâcha enfin et dirigea sa main vers mes seins. Je perçus la montée fatale, je vis le pénis se tendre, le sentis dans mes mains, et observai Simon serrer les dents quand le contact de mes paumes avec le gland se fit permanent, déchaînant en lui les spasmes précurseurs. La main maladroite courut d’un sein à l’autre, ne se décidant pas entre le gauche et le droit. Il n’eût pas le temps de trancher. Son unique testicule expulsa une belle quantité de sperme et, alors que les trois jets délivraient enfin Simon de sa transe, je m’interrogeai sur ce que ça aurait donné avec deux testicules. Celui restant travaillait-il en surrégime pour compenser la perte de son jumeau ? Simon ne se posa pas toutes ces questions, dont il avait d’ailleurs vraisemblablement la réponse. Il cria. J’espérai subitement les fenêtres bien isolées afin que la complainte ne s’entendît pas dans la maison voisine. Simon invoqua terre, mère, dieux éventuels, puis tous ses muscles se relâchèrent d’un coup et il resta avachi sur la table. Une victoire de plus, Léa !
Je le laissai tranquille quelques instants, et allai me laver les mains après l’avoir essuyé. Quand je revins, il avait placé ses bras sur son visage, par-dessus ses yeux.
-Tout va bien, Simon ?
Il enleva ses bras et me regarda enfin.
-Je m’attendais à tout sauf à ça.
-J’ai cru comprendre, oui. Pas de regrets ?
-Non, aucun. Je ne sais pas comment vous remercier de m’avoir fait découvrir ça.
-En revenant, peut-être.
Je lui indiquai les projets en cours et lui conseillai de garder nos numéros, dans le cas où il souhaiterait me revoir ou découvrir Alessia. Je le prévins qu’il recevrait un sms avec l’adresse de notre site quand il serait prêt.
Il retourna à la salle de bains, prit sa douche et me quitta, toujours un peu gêné de la tournure pourtant tout à fait normale qu’avaient pris les évènements.
Le client suivant était Alain. Et ce fut une toute autre histoire. Dans cette activité, j’apprenais qu’on rencontrait de tous les profils, et que les pires séances peuvent succéder aux meilleures.
Dès qu’il entra dans le salon, j’eus un doute. Il avait annoncé avoir soixante ans. J’avais déjà reçu des clients de cette tranche d’âge. Alain en avait soixante-dix au bas mot. Pour le reste, ce type semblait vulgaire. Je n’aime pas juger sur les apparences, et c’est uniquement pour cela que je le laissai entrer au lieu d’imaginer un mensonge pour le renvoyer (une urgence, que sais-je… j’avais déjà pensé à cette éventualité). Mais le fait est qu’Alain avait un visage, et surtout une expression, un regard, désagréables et grossiers. Hélas sa façon de se comporter et de parler confirmèrent vite cette première crainte. S’il m’avait vouvoyée au téléphone, il se permit le tutoiement une fois sur place. Décontenancée, je ne sus tout de suite comment réagir. Il ne souhaita pas aller prendre une douche. Il était retraité, et affirmait qu’il n’en avait pas besoin. La suite me prouva que si. Je pris sur moi et tentai de rester courtoise, sans oublier les précautions les plus évidentes.
-Vous souhaitez quarante-cinq minutes c’est bien ça ?
-Ouais.
-Dans quelle tenue ?
-Tu masses à poil ?
(Léa, vire-le…)
-Pouvez-vous me vouvoyer, s’il vous plait ?
-Vous massez à poil ?
-Non, le maximum c’est topless.
-Non mais ça va, reste comme ça, t’es déjà bien bandante.
(Léa, vire-le…)
-Pas de tutoiement, s’il vous plait.
-Mais ça change quoi ? T’as qu’à me tutoyer aussi.
-Je n’en ai pas envie.
-Bon, bon, okay. Encore une chieuse.
-Vous me devez donc soixante-dix euros. Et dans ma tenue normale vous n’êtes pas autorisé à me toucher pendant le massage.
-Mais ça je te… je vous les donne à la fin.
-Non je prends l’argent au début.
-Mais c’est pas comme ça que ça se passe. Quand mon plombier vient, il fait ce qu’il a à faire et après il m’envoie la facture, et alors je le paye !
(Léa, vire-le…)
-Je ne suis pas votre plombier. Donc vous me payez avant de commencer.
Il me tendit sept billets de dix euros.
-Ah les femmes…
-Allongez-vous sur le ventre.
Je mis la musique plus fort, pour le dissuader de parler. Il se déshabilla. Il n’était pas spécialement sale, mais ne sentait pas le frais non plus. Sa notion de « ne pas avoir besoin d’une douche » témoignait d’un positionnement de son curseur sur la question de l'hygiène, de toute évidence très loin du mien. Sans le moindre remord, je modifiai considérablement ma pratique habituelle. Au lieu d’une durée équitable entre les massages des côtés pile et face, je passai une énorme demi-heure à masser son dos, ne cherchant aucunement à débuter des gestes délicats et enivrants avant qu'il ne m’en restât plus le choix, ce que j’estimais être cinq minutes avant la fin du massage. Ce fut peut-être exagéré de ma part de le traiter ainsi, mais je doutai sincèrement que la finesse, la légèreté ou la délicatesse de certains mouvements sensuels pussent être appréciés à leur juste valeur par un type qui me voulait habillée « parce que j’étais déjà bien bandante comme ça ».
Tant qu’Alain resta sur le ventre, le massage fut acceptable. Il était gras (vraiment, lui) et ne sentait pas bon, loin s’en fallait, mais au moins il la fermait ! Quand il se retourna, et bien que l’horloge ne m’imposât alors plus qu’un petit quart d’heure à tenir, ce furent les quinze minutes les plus longues de ma courte carrière de masseuse. Dès que ses yeux purent à nouveau se poser sur moi, le show commença.
-T’es un joli petit lot, hein ?
-Vous…
-Ah ouais, mais je peux pas dire « vous » à une femme pour qui je bande.
-Pensez à Lulu plutôt qu’à Fernande.
-A qui ?
Visiblement, et bien que ce fût pile dans sa génération et pas du tout dans la mienne, Alain ne connaissait pas Georges Brassens. Ça ne m’étonna qu’à moitié.
-Vous devez en branler, de la queue, ici, hein ?
A quoi bon répondre ? Le fait était qu’Alain bandait, alors que je n’avais vraiment rien fait pour. Ma seule présence et dieu sait quelles images salaces fournies par son imagination lubrique suffisaient. Je comptai les minutes en fixant le cadran installé par Mélanie. La seconde est une perception sensorielle décidément très relative, comme dirait Einstein.
-Ça va juter, ma belle, tout ça pour toi.
(Non Léa, ne réponds pas, ça va l’encourager)
-Oh putain ouais ça va juter, attends un peu.
(Elle fonctionne, cette horloge, oui ou merde ?)
Je décidai qu’amputer les trois quarts d’heure de quelques minutes, serait un moindre crime que d’amputer Alain d’une partie vivace de son anatomie masculine.
-T’as vu comme je bande ? T’aimerais pas en avoir une comme ça en toi ?
(T’aurais dû le virer, Léa…)
-Hein, dans ton petit cul, là, derrière ton short de garce, t’aimerais pas la sentir ?
Pour seule réponse, mes yeux bleus le regardèrent avec le plus immense mépris, mais je ne lui fis pas le plaisir de tenter une répartie.
Il était temps d’en finir. Je n’avais au moins pas à provoquer l’érection. J’espérai simplement que la digue sauterait vite. Il allait de soi que je ne ferais rien pour la retenir, au contraire. J’entamai une branlette dynamique. Bien que je n’eusse pas spécialement envie de lui faire connaitre les subtilités des effleurements apparemment tantriques que je maitrisais, il me sembla que solliciter son gland était encore le meilleur moyen pour que ça aille vite. Je le décalottai donc, évitant de trop regarder, de peur de ne plus avoir envie de faire l’amour pendant deux ans après ça, et astiquai le machin rougeâtre. Des borborygmes remplacèrent les paroles, et c’était toujours bon à prendre. Hélas, le show avait une suite. Une main grasseyante se posa sur ma fesse droite, à travers le short, les doigts épais cherchant déjà un chemin sous ce dernier pour remonter le plus haut possible sur mes cuisses. Je fis un bond en arrière.
-Non, Alain, vous m’avez demandé de rester habillée, et comme je vous l’ai dit, dans ce cas vous ne me touchez pas.
Il grommela une réponse que je préférai ne pas comprendre. Je repris la finition, cherchant la façon la plus efficace d’en terminer. L’accalmie ne dura pas. La main chercha ma poitrine par-dessus le chemisier blanc. Je reculai à nouveau.
-Allez, fais pas ton étroite.
(Fallait le virer, Léa.)
-Alors Alain je vais être claire, soit vous arrêtez de me toucher, soit j’arrête de vous masser et vous sortez dans la seconde.
-Ça va, ça va, vas-y termine.
L’espace d’un instant je fus sur le point de le virer, la queue en l’air, lui proposant l’émasculation pour seule solution. Mais lui rendre son fric maintenant, alors que j’avais touché sa queue et entendu ses insultes était hors de question. Heureusement, mes gestes étaient précis et érotiquement agressifs, ce qui collait bien au bonhomme. Après avoir vainement essayé de se retenir, il éjacula et je crus qu’il allait se mettre à baver. J’évitai à tout prix d’être éclaboussée, ce que je réussis à faire en laissant simplement la semence se déverser aussitôt que l’orgasme eût débuté, lâchant immédiatement ce sexe que plus jamais je ne toucherais, et lui balançai sur le ventre la boîte de mouchoirs en papiers pour qu’il se débrouille avec. Je restai debout, le dos contre la porte d’entrée, le plus loin possible du trajet qu’il ferait pour aller à la salle de bains. A mon grand dégoût, il n’y alla pas, se contentant d’essuyer vaguement son éjaculat en laissant les mouchoirs sur la table de massage à jamais souillée de cette semence septuagénaire. Il remit son slip, sa chemise, son pull, puis son pantalon de velours côtelé. Il n’était pas venu en charentaises, mais j’étais prête à croire la chose possible. Quand il fut rhabillé, je me déplaçai simplement, changeant de porte, plaçant mon dos contre celle de la salle de bains qu’il avait ignorée comme il l’ignorait certainement trop souvent chez lui, et le fixai. Quand il pivota enfin sa grosse tête dans ma direction, son regard se fit fuyant. Un homme n’est plus vraiment dans le même état avant et après une éjaculation, je le sais. Peut-être eut-il quelque remord de m’avoir traitée ainsi. Peut-être pas. Cela m’était égal. Il subirait au moins mon regard noir. Il ne le soutint pas, ouvrant et refermant de lui-même la porte du local sous mes yeux haineux qui le regardèrent retourner à sa vie minable, essayant de prononcer un mot qui ne franchit jamais sa bouche parsemée de dents jaunies par le tabac, puis quitta définitivement ma vie en s’en allant, voûté, vers sa voiture, sans avoir ne serait-ce qu’entendu le son de ma voix, bien trop belle pour ses oreilles de porc.
Une fois la porte refermée, contrairement à ce que j’avais craint, je ne me mis pas à pleurer. Je valais mieux que ça. J'étais au contraire satisfaite d’avoir exécuté le massage jusqu’au bout, et ainsi pu éviter l’humiliation de lui rendre son argent. Mon seul regret était de ne pas m’être davantage fiée à mon instinct et de l’avoir laissé entrer. On ne m’y reprendrait plus ! Mais je me sentis forte d’avoir soutenu son regard sans prononcer un mot, de l’avoir vu partir la queue entre les jambes, on ne saurait mieux dire, éventuellement méditer sur son comportement et son incroyable mépris pour les femmes.
Ou pas.
De mon côté, je savais que ce genre de personnage existait, et je n’avais pas réussi à éviter celui-ci. Tant pis ! Ça n’enlevait pas leur charme aux séances précédentes ni leur intérêt aux autres hommes.
Et dire que je n’en étais qu’à trois massages sur les cinq prévus...
Je me souvins tout à coup que le suivant était le fameux type m’ayant informée malgré lui de l’existence du forum, à propos duquel il me vint la réflexion que si Alain en était un rédacteur assidu, je serais bonne pour ma première éval hautement négative.
J’avais une demi-heure de pause avant l’arrivée d’Arthur. J’aérai le local, coupai le lecteur de CD et m’assis dans le canapé en fermant les yeux, l’esprit enfin apaisé, bercé par une guitare, une contrebasse et une moustache poétique.
Quand je pense à Fernande
Je bande, je bande
Quand j’pense à Félicie
Je bande aussi
Quand j’pense à Léonor
Mon Dieu je bande encore
Mais quand j’pense à Lulu
Là je ne bande plus
La bandaison papa
Ça n’se commande pas