Chapitre 32 : Le pardon

Lando était le seul à adresser un sourire à l’intention du Twi’lek. Les autres Rebelles - excepté Solo, dont la vision ne s’était toujours pas améliorée - se contentaient de le fixer d’un air indécis, ne sachant pas comment se comporter avec ce nouvel allié. Si Luke semblait entièrement serein, Leia, quant à elle, gardait une certaine méfiance et un reproche muet que le chasseur ne pouvait que comprendre. Le Wookie, lui, restait près de son co-pilote, mais son envie de jeter Orn par-dessus la barge pour le donner en nourriture au Sarlaac était palpable. Aucun ne prononçait un mot.

Les Rebelles ne savaient pas quoi dire, ne voulant pas remercier leur ennemi, mais ne pouvant pas l’attaquer. Orn n’était pas mieux ; il ne savait pas s’il devait justifier ses actions, s’il devait s’excuser ou s’il devait simplement se taire en attendant que les Rebelles décident quoi faire de lui. Il décida de ne rien dire, mais n’osait pas non plus rendre le regard des individus en face de lui, ayant trop honte et trop de regrets pour les affronter. Le silence qui régnait entre les Rebelles et le chasseur n’était brisé que par les bips incessants et aigus du petit droïde blanc et bleu, une unité R2 dont le langage était riche en insultes et jurons à l’égard du Twi’lek. Ce dernier, bien qu’étonné qu’un aussi petit robot fut aussi imaginatif, ne pouvait s’empêcher de sourire de temps à autre. Malgré les menaces et injures de l’astromécanicien, il s’amusait de l’attitude de ce droïde. En un sens, il était reconnaissant pour ce brouhaha de bips, qui empêchait un silence désagréable de s’installer définitivement. Ce fut finalement la princesse Rebelle qui intervint, intimant au robot - R2-D2 - de cesser son vacarme, sans pour autant daigner s’excuser à son égard auprès du Twi’lek. Solo, ignorant tout de la présence du chasseur, fronça les sourcils à cet échange dont il ne comprenait pas la raison.

"Qu’est-ce qu’on fait planté là, exactement ?" demanda-t-il de son habituel ton condescendant.

Si Orn ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel, il ne répondit pas et laissa Chewbacca éclaircir la situation à son co-pilote aveugle. Au fur et à mesure des grognements du Wookies en Shyriiwook, l’expression du contrebandier changea, passant de l’ennui à l’incompréhension, de l’incompréhension à l’incrédulité, et enfin de l’incrédulité à la peur. Le chasseur regretta son ignorance de la langue des Wookies. Il savait pourtant parler et comprendre différentes langues de la Galaxie, talent nécessaire à ceux qui voyageaient de planètes en planètes à la recherche d’informations. Mais, à l’exception de quelques individus rares et difficiles à atteindre, les Wookies étaient tous enchaînés, esclaves sur leur propre planète. L’Empire avait réduit en esclavage l’entièreté de cette espèce dès qu’il eut connaissance des innombrables ressources cachées dans les entrailles de Kashyyyk, les forçant à exploiter leur propre terre et à se tuer à la tâche. Seule une poignée de Wookies s’était libérée de ce joug inhumain et mortel, et donc Orn n’avait jamais ressenti le besoin d’apprendre leur langue. À vrai dire, Chewbacca était le seul Wookie qu’il avait vu en liberté, s’il ne prenait pas compte de Tarfful, un Wookie encore plus grand et plus puissant que le premier, qui faisait partie des Partisans et que le Twi’lek avait dû affronter avec l’aide de quelques Stormtroopers. Il n’avait donc rien compris de ce que le Wookie Rebelle avait dit à Solo, mais l’air apeuré et déterminé du contrebandier sous-entendait qu’il n’avait fait aucun éloge à l’égard du chasseur, qui fut surpris d’observer un Han Solo se mettre à hurler et à tenter de se jeter sur lui.

Prétendant qu’il maîtrisait la situation, le contrebandier intima rapidement à ses amis de fuir tandis qu’il s’occupait du Twi’lek. Ce dernier, bien qu’il eût esquissé un mouvement de recul au grand cri qu’avait poussé Solo, n’avait aucune crainte à avoir, et laissa un faible sourire animer son visage. Aussi aveugle qu’il fût, le capitaine du Faucon Millénium s’était précipité non pas sur Orn, mais à côté, agitant ses bras dans tous les sens, réussissant finalement à asséner un coup de poing dans le visage du Twi’lek, se dirigeant dangereusement vers l'extrémité de la petite barge brunâtre et couverte de sable. Ignorant le coup qu’il venait de se prendre, Orn se dépêcha de saisir Solo par le col pour l’empêcher de tomber, le tenant d’une poigne de fer qui l’immobilisa immédiatement. Écartant sans tendresse le contrebandier du bord, le chasseur lui fit, dans la rudesse de son geste, perdre l’équilibre. Nullement inquiété pour la santé de Solo et ne prêtant pas attention au mouvement qui anima le groupe de Rebelle, le Twi’lek décida, pour la sécurité du contrebandier, de le maintenir plaqué au sol d’une main.

"J’apprécie le sentiment d’héroïsme qui t’agite, Solo, mais à bouger dans tous les sens, tu vas finir par rendre nos efforts inutiles en te jetant dans la gueule du Sarlaac," siffla-t-il fermement, avant de lâcher le concerné.

Ce dernier, trop surpris pour dire quoi que ce soit, resta un instant par terre, haletant et essayant de comprendre où exactement il se situait sur la barge. Leia l’aida à se mettre debout en lançant un regard lourd de reproches et d’exaspération à Orn.

"Il nous a aidé, Han," souffla-t-elle d’un ton calme.

Visiblement, le contrebandier n’avait pas été mis au courant de ce détail par son co-pilote, puisque son visage exprima toute une myriade de sentiments contraires et brutaux.

"Vraiment ? C’est à cause de lui que je suis aussi aveugle qu’un stormtrooper ! Il nous a livré à Vador et a failli me tuer, je vous rappelle !" cracha-t-il, ne comprenant pas pourquoi ses amis semblaient lui accorder leur confiance.

Il était difficile pour Orn de répondre quelque chose. Solo avait raison. Par simple logique, le groupe de Rebelles n’avait aucune raison de le laisser sur leur barge avec eux; mais auraient dû, à la place, le forcer à quitter la Grande Fosse de Carkoon avec son compagnon. Tous avaient souffert, d’une manière ou d’une autre, aux mains du chasseur en face d’eux. Leia avait été menacée par Vador à l’aide du Twi’lek, qui, avant que sa planète ne disparaisse en mille morceaux, avait dû attendre une éternité dans l’angoisse sans connaître le destin de son père. Luke l’avait affronté sur la Cité des Nuages, et ne s’était échappé que par pure chance. Solo s’était vu torturé puis enfermé dans une hibernation forcée et possiblement mortelle par sa faute, tandis que Chewbacca avait été obligé de regarder son meilleur ami se faire congeler. Même Calrissian avait été contraint de trahir ses amis pour les sauver de la mort, et avait dû écouter les cris de douleur de Solo lorsque ce dernier se faisait torturer lentement et inutilement. Tout cela sans compter les horreurs que le Twi’lek avait perpétué aux Rebelles et à leurs alliés. Il avait massacré Enfys Nest et ses Maraudeurs, avait déniché des combattants de l’Alliance qui se terraient dans leur cachette avec désespoir. Il avait assassiné des grands chefs Rebelles, et capturé des centaines et des centaines d’autres résistants, les livrant à l’Empire et à un destin pire que la mort.

Aucun, encore moins la princesse, ne pouvait oublier cela. Orn avait été une arme mortelle de l’Empire, et, aux dernières nouvelles, il l’était toujours. Le Chasseur Impérial n’était pas qu’un individu se chargeant de faire le sale travail de l’Empire. C’était également un symbole, derrière lequel se dressait un gouvernement implacable et vengeur. Un gouvernement trompeur également, mais cela, Orn s’en était rendu compte trop tard. Il ne pouvait effacer ses actes qu’il savait impardonnables, il en avait conscience. Néanmoins, il désirait s’en racheter, même si cela était impossible et qu’il devrait sans doute passer sa vie à agir pour ne serait-ce que prétendre à pouvoir être pardonné. Il espérait que les Rebelles qui lui faisaient face comprenaient cela, et tenteraient de lui accorder une certaine confiance, aussi minuscule soit-elle. Orn avait besoin de cette confiance, s’il désirait aider la Rébellion et forcer l’Empire à se retirer. Seulement, Lando était l’unique personne en face de lui qui lui accordait cette confiance si nécessaire, et il n’était pas à proprement parler un Rebelle. Lui seul n’était pas à même de convaincre ses amis de laisser au Twi’lek une chance. Après tout, Calrissian les avait trahis, même s’il l’avait fait dans l’intention de les protéger d’une mort certaine.

L’ancien administrateur de la Cité des Nuages avait conscience de cela, puisqu’il ne s’était même pas empressé de contredire son vieil ami, mais s’était à la place muré dans un silence qui n’arrangeait pas la situation du chasseur. Cependant, aucun autre Rebelle ne cherchait à raisonner Solo, à tempérer ses propos ou à afficher un quelconque support à leur nouvel allié. La princesse Alderaanienne se contentait simplement de croiser les bras, tandis que le jeune Jedi, l’air songeur, semblait attendre que le concerné prenne sa propre défense. Et si Orn trouvait tout à fait logique que ce soit à lui de plaider sa cause, et non aux Rebelles qu’il venait - à leurs yeux, sans grande raison - d’aider. Alors il poussa un long soupir, douloureux et lourd d’appréhension, avant de s’exprimer d’une voix qui se voulait désolée et repentante.

"Je… Je suis désolé, pour tout. Je sais que ça ne change rien, que ce qui est fait ne peut être changé, mais je suis sincèrement désolé. Et j’aimerais vous aider, aider l’Alliance, réparer autant que possible ce que je vous ai fait subir."

Si Lando et Luke semblaient parfaitement convaincus à l’instant même où il avait pris la parole, Leia et Solo ne paraissaient pas persuadés de ce désir dont faisait preuve le chasseur. Bien que son expression sévère se fût attendrie, la princesse restait méfiante, et le contrebandier, quant à lui, n’arrivait pas à se défaire de sa récente humiliation. Il n’avait jamais aimé le Twi’lek, le trouvant toujours en travers de son chemin. Malgré sa cécité, il avait levé les yeux au ciel, tandis que sa compagne se redressa pour parler.

"Ce n’est pas que nous ne te croyons pas, chasseur, mais tu avoueras que c’est un peu difficile de comprendre ce changement de cœur…," dit-elle simplement, sans méchanceté mais avec la fermeté d’une souveraine.

Orn hocha la tête, ne pouvant que donner raison à la jeune Rebelle.

"L’Empire m’a menti. Je me suis trompé sur toute la ligne… Il est trop tard pour empêcher tout ce que j’ai fait pour Vador, mais j’espère qu’il n’est pas trop tard pour l’arrêter et rétablir la vérité," souffla-t-il, douloureusement conscient du sang qui tachait ses mains.

"Il n’est pas trop tard," lança Luke, un léger sourire aux lèvres. "Tu n’auras peut-être pas notre confiance entière, mais la Rébellion a besoin de gens comme toi. Et puis, pour être honnête, Orn, tu as toute ma confiance."

Le concerné baissa la tête, ne pouvant masquer à temps le soulagement qui l’envahit à ces mots. Certes, cela venait de Skywalker, qui avait par ailleurs le moins souffert par ses mains, mais cela signifiait beaucoup. Car, immédiatement, l’air sévère quitta le visage de Leia, qui, ne cachant pas sa surprise, hocha tout de même la tête pour rejoindre le Jedi dans ses sentiments. Il était clair qu’elle ne lui vouait pas une confiance absolue, mais que Luke lui fasse confiance était suffisant pour elle. Solo, lui, affichait son habituel air condescendant et mauvais, sa mauvaise fois l’emportant encore. C’était donc dans cette atmosphère étrange, mais légère pour Orn, que le groupe de Rebelles se mit en route pour quitter la Mer des Dunes, laissant derrière eux la carcasse du Khetanna et le Sarlaac. Un silence poli mais gêné s’installa dans la petite barge au long du trajet, interrompu par les chuchotements entre les Rebelles, qui discutaient de leurs plans futurs ou de la vue du contrebandier. Cette dernière allait en s’améliorant, et le capitaine prétendit rapidement avoir entièrement retrouvé sa capacité visuelle, ne ménageant pas un commentaire digne de Twik à l’égard du Twi’lek, qui se contenta de soupirer. Il n’avait que faire de la sympathie de Solo. Tout ce qu’il voulait, c’était une confiance suffisante de leur part pour pouvoir agir contre l’Empire, et par-dessus toute la confiance de la princesse déchue, qui avait, il le savait, un rôle extrêmement important dans l’Alliance Rebelle en tant que politicienne.

Le silence fut entièrement brisé cependant par le jeune Jedi, qui annonça qu’il ne pouvait pas les accompagner. Il devait, dit-il, finir son entraînement et éclaircir quelques doutes avant de revenir à l’action. Si Orn était étonné d’apprendre que le jeune Rebelle n’était en fait pas un chevalier Jedi accompli, les autres exprimèrent leur compréhension immédiatement. Le silence retomba peu après, aussi rapidement qu’il avait été brisé, et seul le souffle du vent, intensifié par la course lente de la barge, se faisait entendre. Toujours aussi infinie, la Mer des Dunes semblait pourtant prendre une forme différente au fur et à mesure que les Soleils se couchaient. Les reflets d’or des rayons sur le sable laissèrent leur place à des reflets plus doux, qui pouvaient même prendre une teinte argentée une fois la nuit pleinement installée. La chaleur s’effaça également, au profit d’un climat plus froid, qui soulagea les Rebelles. Tous avaient fini par s'asseoir au sol de la petite barge, retrouvant quelque peu la force de parler et se remettant de la chaleur écrasante qui régnait le jour. Seul Luke ne semblait pas avoir souffert de la chaleur, habitué des températures capricieuses de Tatooine.

Lui aussi assis, le dos appuyé contre un des rebords du vaisseau, Orn s’était terré dans un silence respectueux et presque intimidé. Il n’osait pas demander à ses nouveaux alliés quelle était leur destination, de peur de paraître à la recherche d’informations qu’il pouvait donner à l’Empire. Il ne savait même pas si les Rebelles allaient lui permettre de les suivre, car même s’ils lui avaient donné sa confiance, ils n’avaient pas dit explicitement qu’ils le laisseraient les accompagner. Le chasseur ne pouvait cependant pas s’empêcher d’espérer retrouver Nasha, qui lui manquait tant. Nul doute que la Twi’lek à la peau violette s’était intégrée totalement et avait acquis des responsabilités, grâce à ses talents d’ingénieure et d’inventrice. Elle serait ravie d’apprendre que son ami avait enfin rejoint sa cause et s’était affranchi de la terreur que lui inspirait l’Empire. Enfin, Orn ne s’en était pas exactement affranchi. Ses regrets et son envie de faire mieux avaient simplement pris plus d’importance que sa peur profonde de l’Empire et de Vador. À vrai dire, il était toujours terrifié de ce gouvernement qu’il avait servi aveuglément. Son dernier échange avec le Seigneur Sith, bien qu’il signifiât qu’il avait la vie sauve, à condition qu’il n’agisse pas contre l’Empire, ne l’avait aucunement rassuré. La seule certitude qu’il avait, c’était que le bras droit de l’Empereur pouvait, aussi étrange et impossible que cela était, épargner des vies. La seule chose que le Twi’lek regrettait véritablement vis-à-vis de son ancien employeur et protecteur était qu’il n’avait pas d’informations précieuses à fournir à l’Alliance Rebelle pour prouver une fois pour toute que sa loyauté n’était plus à l’Empire. S’il connaissait la véritable identité de Dark Vador, il n’était pas suffisamment fou et désespéré pour exposer à tous l’héritage que portait Luke, et prononcer ce simple nom lui inspirait une frayeur irrationnelle difficile à calmer. Penser à Vador lui rappelait aussi un fait qu’il aurait préféré oublier : le Seigneur Sith pouvait avoir en sa connaissance des éléments qu’il n’était pourtant pas possible qu’il sache. Il avait trouvé l’emplacement, pourtant totalement aléatoire et imprévu, du Twi’lek lorsqu’il était sur Shimia. Peut-être savait-il maintenant les intentions du chasseur et sa trahison définitive.

Cette simple possibilité le faisait frémir. Il en savait définitivement trop, il le savait, Twik l’en avait informé, d’ailleurs. Son co-pilote l’avait mis en garde, même, à force de commentaires et de railleries bien intentionnés. Orn avait pourtant connaissance des risques qu’un savoir issu de la curiosité pouvait entraîner. En tant que chasseur de primes, il savait qu’il ne fallait pas poser de questions, qu’il fallait obéir, capturer sa cible sans se demander pourquoi quelqu’un en voulait à cette personne. Le Twi’lek avait bafoué tous ces principes, à la fois par une curiosité trop grande, mais aussi contre son gré, en étant confronté au passé ou au destin de ses victimes. Destin qu’il craignait de rejoindre, parce qu’il avait osé défier Vador pour une seconde fois. Coincé comme il était dans cette spirale de pensées inquiétante et infinie, le chasseur ne remarqua pas la Rebelle qui se laissa glisser au sol à côté de lui. Sa voix, posée et étrangement détachée, l’arracha à sa réflexion mortelle.

"Quand tu as eu l’ordre de capturer mon père… Est-ce que tu l’avais trouvé ? Est-ce que tu l’as laissé sur Alderaan, lorsque l’Étoile Noire est arrivée ?"

Le chasseur la regarda avec un air effaré et attristé. Bien qu’il fût étonné de la question, il était blessé que la princesse puisse penser qu’il était si cruel qu’il était prêt à abandonner n’importe qui lorsque le danger le menaçait. Plus encore, il imaginait très bien le genre de souffrances que ces questions laissées sans réponse pouvaient offrir. Il n’y avait rien de pire que d’ignorer les circonstances de la mort d’un être aimé. Cela, le Twi’lek était bien placé pour le savoir.

"Non, bien sûr que non ! Je ne l’ai même pas trouvé. Je venais à peine d’obtenir sa localisation précise quand…"

Il laissa sa phrase en suspens. Les souvenirs de la destruction d’Alderaan lui étaient insupportables. Il revoyait encore les morceaux de la planète si paradisiaque et belle s’éparpiller à travers la Galaxie, le vide laissé par sa disparition si rapide et brutale. Les milliers de vaisseaux qui, dans une fuite futile, avaient été pulvérisés avec les deux milliards d’êtres peuplant Alderaan. Mais cette douleur, il le savait, était incomparable à celle, infinie et éternelle, que devait ressentir la princesse à côté de lui. Elle ne pleurait pas, pourtant. Son regard était triste, mais ses yeux fatigués. Leia avait déjà écoulé toutes les larmes de son corps. Elle n’avait plus rien pour pleurer son peuple et ses parents. Elle n’avait pas non plus pleuré lorsqu’elle avait vu sa planète se faire détruire sous ses yeux, impuissante, alors qu’elle avait menti à moitié, espérant son mensonge suffisant pour sauver Alderaan. Mais cela n’avait eu aucune importance. Même si elle avait fourni une information chère à la Rébellion dans cette tentative désespérée de protéger son peuple, Vador avait ordonné la destruction immédiate de sa planète d’enfance. Leia se souvenait avoir hurlé, comme si son cri de désespoir aurait pu prévenir les Alderaanniens du danger imminent. Le Seigneur Sith l’avait tenue fermement, la forçant à regarder la mort des milliards de personnes dont la vie tenait entre ses mains. Elle s’était même réfugiée, par réflexe, dans les bras de Vador, incapable de regarder la conséquence de son action, comme si elle se trouvait dans les bras de son père.

Mais son père était sur Alderaan, avec sa mère. Nul doute qu’il avait compris, en son for intérieur, le sort qui l’attendait lorsque l’Étoile Noire se montra. Il avait sans doute dû saisir sa femme dans ses bras une ultime fois, savourant le son de sa voix, lui murmurant pour la dernière fois des mots d’amour et de tendresse. Il avait certainement pensé à sa fille, espérant qu’elle n’assistait pas à ce spectacle morbide, espérant qu’elle ne se blâmait pas pour le sort de son peuple, bien qu’il dût se douter qu’elle le savait. Le vieux sénateur avait prié pour que l’identité véritable de Leia reste inconnue de son tortionnaire, qu’elle était en sécurité. Elle l’avait été, en un sens. Les larmes étaient venues après coup, avec la lente et terrible réalisation qu’elle venait de perdre ses parents, sa famille, ses amis et son peuple. La princesse déchue avait passé des jours à pleurer dans sa cellule grise, sans aucun réconfort. Le froid de sa prison en métal lui rappelait avec horreur et sournoiserie qu’elle ne pourrait plus jamais courir dans les forêts d’Alderaan, qu’elle ne verrait pas non plus ses parents. Ses parents qui l’avaient tant aimée, qui la réprimandaient maintes fois lorsque, enfant, elle grimpait les arbres. Ses parents, qui avaient forcé un vieux Jedi à partir à sa recherche lorsqu’elle avait disparu, qui l’avaient serrée dans leurs bras à son retour, pleurant de joie. Ses parents qui étaient fiers d’elle, de la guerrière qu’elle était devenue. Ses parents qui étaient morts, enlacés, pensant à leur fille unique et priant pour qu’elle trouve un réconfort.

Ce réconfort, Leia l’avait enfin trouvé, par la simple réponse de celui qui avait été son ennemi. Elle savait désormais que son père n’avait pas vécu ses derniers instants loin de sa femme, entouré à la place par un milieu hostile. Et elle sourit. Faiblement, certes, mais elle sourit enfin. Elle venait de trouver une certaine paisibilité étrange, qu’elle accueillait pourtant avec une joie calme et triste. Son père était mort dans la paix, elle le savait maintenant. La princesse souffla un remerciement sincère, et posa sa main sur celle du Twi’lek étonné. Leia savait qu’il comprenait la signification de son geste. Malgré tout, elle le pardonnait. Parce qu’il y avait peu de choses plus importantes à ses yeux que de savoir que ceux qui l’avaient élevée comme leur propre fille étaient morts ensemble, dans le calme. 

Orn ne prononçait pas un mot, ne sachant que dire. Il avait une admiration infinie pour cette jeune Rebelle qui avait tout perdu, sauf la volonté de se battre pour ce qui était juste. Il ne méritait pas son pardon. Il n’avait pas non plus la force de le refuser. C’était un don qui s’accompagnait d’un fardeau, bien moins lourd que celui que Leia portait sur ses épaules. Alors, par respect pour elle, il acceptait ce pardon, malgré la douleur qu’il lui imposait. Au contraire, il recevait cette souffrance de se savoir pardonné comme un vieil ami qu’il ne méritait pas, mais qui restait tout de même à ses côtés. Il endurerait bien pire si cela signifiait pouvoir aider, autant qu’il le pouvait, ceux qu’il avait blessés, comme il avait aidé Leia à trouver un réconfort dans la vérité. La princesse, elle aussi, ne disait pas un mot, gardant sur ses lèvres qui avaient goûté le sel de ses larmes ce faible sourire.

Elle leva la tête vers le ciel de Tatooine, douloureusement différent du ciel de son enfance qu’elle ne pouvait jamais revoir. Son père et sa mère veillaient sur elle, elle le sentait. Regarder les étoiles, même sur une planète aux antipodes d’Alderaan, rapprochait la princesse de ses parents. Elle pouvait presque entendre à nouveau les leçons qu’ils lui avaient données sur les innombrables constellations de la Galaxie, et de la responsabilité qu’ils lui avaient confiée. Leia leur avait promis de diriger avec justice et discernement, de protéger non seulement le peuple Alderaanien, mais les peuples de la Galaxie tout entière. Si elle avait échoué à protéger le premier, elle était déterminée à tenir sa promesse, autant qu’elle le pouvait.

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SinnaraAstaroth
Posté le 22/05/2024
Faut que quelqu'un calme Han Solo et lui explique bien la situation, parce que là il fait n'importe quoi, et être aveugle n'aide pas. x)

J'ai beaucoup aimé toute la partie où l'on revient sur Leia et ses sentiments par rapport à la destruction d'Alderaan et la mort de ses parents. C'était très touchant.

Le moment de douce ironie par contre :

« Elle s’était même réfugiée, par réflexe, dans les bras de Vador, incapable de regarder la conséquence de son action, comme si elle se trouvait dans les bras de son père. » : Ben, c'est un peu le cas, du coup… xD
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