Après avoir été saisis d'effroi en apprenant que l'un d'eux avait été à un cheveu de la mort, les Aars furent abasourdis par la nouvelle capacité que cela avait apportée à celle qu'ils prenaient pour Malika. Qu'elle puisse se repaître de sang de Vampire était tellement extraordinaire. Même Paul osa arborer un large sourire à l'idée de posséder à son tour un tel pouvoir. Il voulut essayer immédiatement alors Temülün le laissa faire tout en lui précisant qu'elle n'avait pas terminé et qu'il faudrait donc continuer la réunion ensuite. Tous ensemble, ils mirent en place les conditions adéquates et Paul se lança en premier. Il ressortit victorieux mais avec une expression grave sur le visage.
- J'ai dû entrer en transe méditative pour y parvenir, indiqua-t-il. Je ne sais pas comment tu as fait sans ça, Mal, bravo. Vous autres, je vais quand même vous enseigner les bases de la méditation avant de vous laisser faire à votre tour.
Ils apprirent rapidement et Temülün sourit car si les Aars y parvenaient aussi aisément alors ses sœurs aussi. Moins d'une journée fut nécessaire pour que les sept Aars soient en mesure de se repaître de sang de Vampire. Ils retournèrent ensuite dans la pagode de Paul.
- Si l'autre chose que tu as à nous dire est aussi intéressante que celle-ci, c'est tout simplement ahurissant, s'exclama Paul qui était euphorique pour la première fois depuis…
En fait, Temülün le voyait euphorique pour la première fois mais elle ignorait si Malika l'avait déjà connu ainsi ou non. C'était un détail qu'elle n'avait pas partagé avec elle.
- Disons que c'est… différent, indiqua Temülün.
- Nous t'écoutons, s'impatienta Paul.
- En sortant de cet entrepôt maudit, j'ai croisé des chasseurs de Vampires qui attendaient que ceux-là sortent à la nuit tombée.
- Ils n'ont pas dû trop t'embêter, fit remarquer Caly. Ils sont lents à agir et n'attaquent que si un monceau de preuves est présent.
- Ils ne m'ont pas attaquée, mentit Temülün. Ils ne m'ont même pas vue.
- Encore heureux, murmura Kol. Il ne manquerait plus que nous ne soyons pas capables de les éviter.
- À ta place, je me méfierai, indiqua Temülün, parce que désormais, ils n'ont plus besoin de preuve et attaquent à vue.
- J'en doute, répliqua Caly. Je les surveille et les ordres n'ont pas changé. Preuve obligatoire.
- Je n'ai pas dis qu'ils attaquaient sans preuve mais à vue, précisa Temülün. J'ai vu ce groupe de chasseurs de Vampires en attente et parmi eux, une femme rayonnait de mille feux. Ils ont des prêtresses du bien en leur sein.
Un silence glacial parcourut l'assemblée. Paul perdit tout sourire. Il transperça Temülün d'un regard froid et tranchant.
- Tu as eu des enfants ? demanda-t-il froidement.
- Non, mentit Temülün qui avait donné de nombreux enfants à Palchuk. Celles-là ne viennent pas de moi. Peut-être un gène enfoui ressortant après des siècles de dormance.
En quatre cent mille ans, cela s'était déjà vu alors Paul accepta la possibilité. Après la colère vint la stupéfaction puis il se mit à réfléchir.
- Les humains vont devenir sacrément puissants. Leur armement s'améliore déjà considérablement ces derniers temps avec la généralisation des armes à feux qui se simplifient chaque jour un peu plus. Si en plus trouver les Vampires devient aisé alors…
Paul resta perdu dans ses pensées. Pendant plus d'une heure, il ne prononça pas un mot. Baptiste finit par perdre patience.
- Paul, pourrais-tu parler à voix haute, je te prie ? Nous ne sommes pas télépathes.
- Ils continueront à perdre par manque d'efficacité, dit Paul. Ils sont trop lents. Ils doivent boire, manger, dormir… cependant…
De nouveau, Paul devint silencieux. Baptiste s'agaça carrément.
- Paul, gronda ce dernier. À voix haute !
- Peut-être qu'avec de l'aide… Un objectif commun… C'est risqué mais…
- Paul, hurla Baptiste. Tu parles en langage codé. Traduis !
- Une alliance avec les humains… pour obtenir la même chose… Plus aucun Vampire… Le monde de nouveau à nous.
- Tu es fou, intervint Oumou. Ils ne voudront jamais s'associer avec nous. Pourquoi accepteraient-ils de nous laisser en vie ensuite ?
- Parce qu'il vaut mieux six Vampires au contrôle, qui ne créent jamais de petits et qui ne tuent quasiment jamais, que des millions. Ils ont besoin de nous pour les tuer. Nous avons besoin d'eux pour reconquérir le monde. Il y a moyen de trouver un accord.
- Si nous les aidons, intervint David, et j'insiste sur le "si", qu'est-ce qui les empêche une fois la guerre terminée de s'attaquer à nous ?
- Nous sommes sept, coupa Temülün. Tu as dis "six Vampires au contrôle".
Paul sourit tout en affichant clairement à quel point il était épaté que celle qu'il prenait pour Malika s'en soit rendue compte et déçu que ce ne soit pas le cas des autres.
- Je propose en effet que l'un de nous reste caché, ne se montre jamais et que nous fassions comme s'il n'existait pas. Seul, il devra suivre tous les évènements de loin, référencer les prêtresses du bien en utilisant tous les moyens possibles et imaginables.
- Ton objectif est d'éliminer les prêtresses du bien dès que l'extermination totale des Vampires sera effective, comprit Caly.
- Privés de leurs yeux, ils seront incapables de nous trouver et donc, de nous nuire, précisa Paul.
- Ça ne te pose pas de problème, Mal ? interrogea Baptiste.
- Ça devrait ? répliqua Temülün d'un ton surpris.
- C'est ton peuple qu'on parle d'exterminer après s'en être servi sans vergogne, expliqua-t-il.
- Ces femmes ne sont pas mon peuple, gronda Temülün. Le peuple dans lequel je suis née humaine, vous l’avez massacré il y a bien longtemps.
Les Aars se figèrent à ces mots.
- Chris me l’a dit le jour où il m’a transformé. Il ne me cachait jamais rien, précisa Temülün.
- Où est-il ? murmura Baptiste.
Baptiste ne semblait plus capable d’utiliser le lien créateur/petit pour retrouver le premier Aar. Nul ne l’expliquait mais cela comblait Temülün de joie.
- Ces femmes sont probablement les descendantes d’un membre de ce peuple que vous avez raté.
Paul grimaça. Il n’aimait pas qu’elle insinue qu’ils avaient mal fait le travail mais ne disposait d’aucun argument valable pour la contrer.
- Et puis je ne suis pas membre du peuple du bien, termina Temülün. Je suis une Aar. Je m’en fiche qu’elles meurent !
- Ça va être la guerre, gronda Kol avec ferveur. Aucune chance que je reste à l'écart. Je veux me battre !
- Quelle surprise ! ironisa Temülün. Je ne m'attendais pas du tout à cette réponse de ta part.
Tout le monde sourit au sarcasme. Temülün constata que ses mensonges passaient sans difficulté. Décidément, les Aars n’avaient de cesse de la décevoir.
- J'aime bien l'idée de combattre en duo avec toi, annonça Caly en regardant son compagnon. Je n'ai aucune envie de m'éloigner de toi. Je préfère me battre.
David acquiesça, indiquant ainsi qu'il partageait l'avis de sa compagne. Paul se tourna vers Baptiste.
- Je ne compte pas rester à l'écart, dit Temülün alors que personne ne semblait intéressé par son avis. Certes, avec mes yeux, je repérerai aisément les prêtresses du bien, mais je pense être beaucoup plus intéressante sur le terrain, à tuer les Vampires repérés grâce à mes yeux.
Paul hocha la tête. Cela lui convenait totalement. De toute la tirade, il n'avait pas lâché son frère des yeux. Il voulait qu'il se porte volontaire car sinon, il ne resterait que Oumou et lui, ce qui signifierait l'éloignement du couple pendant de longues années. Oumou ne laissa pas le temps à Baptiste de parler.
- J'aime bien l'idée de rester à l'écart, indiqua Oumou. Je me porte volontaire. Je récolterai les informations. Je dénicherai les prêtresses du bien. Je les cartographierai. J'userai de toutes les technologies existantes et à venir pour les débusquer et quand la guerre touchera à sa fin, je les exterminerai jusqu'à la dernière. Je veux faire ça.
Paul ne cacha pas sa déception et son amertume.
- Très bien, dans ce cas, c'est décidé. Oumou va disparaître jusqu'à ce que le monde soit de nouveau à nous. Prends soin de toi, mon amour.
Oumou disparut instantanément sans même répondre à Paul. Désormais, les Aar n'étaient plus que six et jusqu'à la fin de la guerre, l'existence d'Oumou serait tue. L'africaine n'existait pas et n'avait jamais existé.
- Comment allons-nous entrer en contact avec les chasseurs de Vampires ? interrogea Kol.
- Je connais leur chef en Italie, indiqua Caly. Encore une fois, je les surveille. C'est mon travail. Je peux nous faire entrer sans problème.
- Parfait, finit Paul. Nous y allons maintenant.
- Non, contra Temülün.
Paul lui lança un regard noir.
- Vous allez faire face à une prêtresse du bien. Elle verra vos vérités et vos mensonges et vous ne pourrez rien faire contre. Savez-vous gérer ce genre de situation ? demanda Temülün.
- Que veux-tu dire ? interrogea Caly.
- Combien y a-t-il d'Aars ?
- Six, répondit Caly.
Si son corps indiquait qu'elle disait la vérité, Temülün secoua négativement la tête.
- Ton aura s'est assombrie. Tu as menti.
Un silence lourd suivit cet exemple.
- Pouvons-nous passer outre ? demanda Baptiste.
- Bien sûr, indiqua Temülün. Il faut vous concentrer sur le moment présent, maintenant, tout de suite, dans cette salle. Dans votre esprit, ne quittez pas le présent. Caly, combien y a-t-il d'Aars ?
Caly se concentra pour répondre à la question.
- Six.
Temülün acquiesça.
- En effet, nous sommes six Aars dans cette pièce, là, tout de suite, maintenant. Très bien.
Les Aars hochèrent la tête.
- Et bien sûr, continua Temülün, si une question est trop précise et ne peut être contrée par ce genre de méthode - vous avez compris le principe je pense, inutile que je développe davantage - laissez-moi répondre. N'ayant pas d'aura, je peux dire ce que je veux sans risque.
Caly sourit. Les Aars étaient prêts à la grande confrontation. Ils suivirent Caly jusqu'au Vatican.
Temülün savait qu'elle n'aurait pas la possibilité de fausser compagnie à ses compagnons pour aller discuter avec Chris et cela ne la dérangeait pas. Elle se doutait que cette conversation était écoutée et que la décision de Paul avait déjà atteint les oreilles du premier Aar. Ce fut donc l'esprit léger qu'elle continua. Si Chris voulait empêcher ses frères d'agir de cette manière, il interviendrait au moment voulu.
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Ils entrèrent en pleine nuit dans le sanctuaire sacré des chasseurs de Vampires sans se cacher. Caly, qui avait changé d'apparence depuis la réunion entre Aars, fut accueillie à l'intérieur par une dizaine d'humains tout sourire.
- Stéphanie ! Ça faisait longtemps. Ça me fait plaisir de te voir. Il est rare de te voir en ce lieu saint, lança joyeusement un homme d'origine nord africaine dont Temülün douta qu'il fut chrétien.
- En effet, Mehdi, répondit Caly. Mes amis et moi devons parler à Ilies de toute urgence.
- C'est le milieu de la nuit, lui fit remarquer Mehdi.
- Réveille-le, souffla Caly et les Aars sentirent le pouvoir de charme s'activer à plein régime.
Mehdi fut totalement réceptif et partit en courant réveiller son chef. Caly sourit en faisant signe à ses compagnons de la suivre. Ils parcourent de nombreuses cours et des couloirs, des parcs et des halls, pour finalement arriver à une grande salle de réunion vide avec des murs en pierre et des meubles en bois lourd et massif. Au centre trônait une immense table en bois entourée d'une quinzaine de chaises robustes aux dossiers hauts. De chaque côté, des gradins de bancs en bois attendaient sagement d'être utilisés par des invités. Les fenêtres se trouvaient parées de splendides vitraux colorées.
Une bonne heure après leur arrivée, Mehdi reparut et la salle de réunion se remplit d'hommes de tous âges et de toutes origines. Tous les bancs furent utilisés. La table centrale ne laissa que deux sièges vides en bout. Ilies entra, accompagné d'une femme d'âge mure qui s'arrêta net à peine passé le pas de la porte. Ilies avança mais stoppa en constatant que sa comparse ne le suivait pas.
- Théodora ? Que se passe-t-il ?
- Ce sont des Vampires, dit-elle en chuchotant mais tous les Aars l'entendirent.
Ilies pâlit brutalement.
- Lequel est un Vampire ?
- Tous nos invités sauf… cette femme qui… je ne comprends pas… elle…
Caly se leva avec douceur et charme pour s'avancer vers les deux humains pétrifiés.
- Venez vous installer, proposa-t-elle en souriant. Si nous avions voulu vous tuer, ça serait fait depuis longtemps.
Elle se poussa et leur désigna leurs sièges de la main. Avec réticence, ils s'avancèrent et prirent place tandis que Caly se rasseyait.
- Je m'appelle Caly, se présenta-t-elle.
- Non, intervint Mehdi. Tu t'appelles Stéphanie. Qu'est-ce qui se passe ici ?
- Ce sont des Vampires, geignit Théodora d'une voix suraiguë.
- Non, répéta Mehdi. Je connais Stéphanie depuis la petite école. Je l'ai vue grandir. C'est…
Caly transforma son apparence. D'une femme âgée à la peau ridée hâlée et aux cheveux noirs et épais, elle devint une blonde aux yeux bleus à forte poitrine d'une vingtaine d'années. La salle retint son souffle.
- C'est ahurissant, souffla Ilies tandis que Mehdi tremblait de tout son corps.
Une larme dévala ses joues. Temülün imagina sans peine son enfance voler en éclat, toute sa vie se déchirer, le mensonge exploser en lui. Le pauvre homme devait souffrir atrocement.
- Je te préfère comme ça, murmura David avec une voix enjôleuse faisant sourire Caly.
Elle lui sourit en se mordillant érotiquement la lèvre inférieure.
- Voici mon compagnon, David, continua Caly en désignant son voisin immédiat.
Elle continua à désigner chacun des convives assis les uns à côté des autres de ce côté de l'immense table de réunion qu'Ilies et Théodora présidaient.
- Son grand frère, Baptiste. Son frère aîné, Paul, notre chef. Et enfin Kol et Malika.
- Vous avez l'air humain, grogna Ilies.
- Parce que nous ne sommes pas des Vampires, indiqua Caly.
- Elle dit la vérité ! s'exclama Théodora.
- Nous sommes des Aars, continua Caly sans laisser la prêtresse du bien embrouiller les choses.
- Aars ? répéta Ilies.
- C'est ainsi que les premiers humains à nous avoir rencontrés nous ont nommés, précisa David. Nous sommes bien supérieurs à ces créatures incapables et faibles nommées Vampires.
- Nous sommes six et n'avons aucune envie de rajouter de nouveaux éléments à notre cercle, précisa Caly.
- Elle dit la vérité, indiqua Théodora.
Temülün sourit. Caly venait de mentir ouvertement et Théodora n'y avait vu que du feu. Caly mettait bien en pratique les conseils de sa comparse.
- Nous haïssons ces choses qui tuent et se reproduisent sans contrôle, intervint Paul. Nous voulons la même chose que vous : les exterminer, une bonne fois pour toute.
- Je ne comprends pas, avoua Ilies.
- Kol, une démonstration s'il te plaît, demanda Caly.
Le guerrier se leva. Il avait déjà choisi sa victime. Il s'approcha d'un chasseur de Vampires qui trembla en le voyant se poster devant lui. Voulant faire le fier devant l'assemblée, il ne bougea pas. Kol se pencha vers lui et murmura à ses oreilles. Le chasseur de Vampires, totalement sous le pouvoir de charme de l'Aar, se leva, retroussa une manche et offrit son bras à son bourreau. Kol mordit puis rendit son bras à son propriétaire avant d'aller se rasseoir tranquillement. Le chasseur de Vampires, débarrassé de l’influence du démon, hurla en se tenant le bras et sortit en courant, ses cris raisonnant dans la salle de réunion.
- Kol ne lui a pas pris une goutte de sang, indiqua Caly, et votre ami ne se transformera pas en Vampire.
- Suivez-le et empêchez-le de se suicider tout en le surveillant, ordonna Ilies.
Plusieurs hommes sortirent pour accomplir cette mission.
- Nous nous contrôlons, conclut Caly.
- Je veux bien vous croire, commença Ilies.
D'un geste discret, trop pour être perçu des humains, Temülün indiqua à ses comparses que l'humain disait la vérité.
- Cependant, continua Ilies, les Vampires, là, dehors, viennent bien de quelque part.
- Sans aucun doute, répondit Caly. Nous n'avons que des suppositions. C'est probablement de ma faute.
- Non ! s'exclama David. Tu n'y es pour rien. Seth a perdu le contrôle parce qu'il était jeune et affamé.
- Et encore, nous n'avons aucune preuve tangible qu'il est à l'origine des Vampires américains, intervint Baptiste.
- Tu vois une autre option ? le contra Paul.
- J'en vois des milliers d'autres, gronda Baptiste.
Le ton monta entre les deux frères. L'assemblée retint son souffle. Il était terrifiant de voir ces deux prédateurs s'agresser verbalement.
- Calmez-vous, je vous prie, intervint Caly. Vous faites inutilement peur à tout le monde.
Paul et Baptiste se turent mais continuèrent à se défier du regard.
- Si seulement Chris était là… murmura David trop bas pour que les humains entendent.
La mention du jeune frère disparu calma instantanément les deux participants qui reprirent une position plus sereine et ouverte.
- J'ai peur de remettre de l'huile sur le feu mais… Qui est Seth ? interrogea Ilies.
- Mon petit, répondait Caly d'une voix triste. Je l'ai formé. Il était au contrôle mais nous pensons qu'il a dérapé en arrivant en Amérique et que de là a découlé l'horreur que nous subissons aujourd'hui.
- Peu importe, balaya Paul. Le plus important est que nous souhaitons réparer cette erreur.
- Pourquoi maintenant ? Les Vampires existent depuis toujours ! répliqua Ilies.
- Si notre théorie est correcte, expliqua David, alors les Vampires américains ont vu le jour aux environs de l'an mille. Ils ne sont arrivés sur le reste du monde qu'au seizième siècle, avec la découverte de l'Amérique par les européens. Les Vampires ont emprunté les bateaux, tout simplement.
- Les Vampires étaient chassés bien avant en Europe, répliqua un chasseur dans la salle.
- Certes, répliqua David, mais il s'agissait de mauvaises interprétations, d'hallucinations, de croyances, d'imagination trop fertile. Les véritables Vampires sont arrivés en Europe au XVIème siècle.
- Vous ne vous incluez pas dans cette date d'arrivée, comprit Théodora.
- Bien sûr, nous étions sur place depuis des millénaires. Je parle bien de Vampires, pas d'Aar, précisa David.
- Au risque de me répéter : pourquoi maintenant ? Après tout, selon vous, les Vampires existent depuis un millénaire, compta rapidement Ilies.
- Jusqu'à la découverte de l'Amérique par les portugais, nous ignorions l'existence de l'Amérique et des Vampires qui y demeuraient, indiqua Baptiste. Lorsqu'ils sont arrivés massivement, nous avons été pris de court.
- Pourquoi maintenant ? répéta encore une fois Ilies qui ne lâchait pas l'affaire.
- Nous venons de gagner en puissance, indiqua Baptiste. Je ne vous indiquerai pas de quelle manière. Il va falloir me croire sur parole.
- Il dit la vérité, confirma Théodora.
- L'autre raison est que nous ne sommes pas en mesure de réaliser ce miracle seuls, indiqua Paul. Nous avons besoin d'aide… de votre aide. Nous ne sommes que six. C'est bien peu… trop peu pour couvrir toute la Terre. Si nous en tuons dix, le temps de nous retourner ils seront déjà de retour. C'est sans fin. Avec des dizaines de milliers d'humains à nos côtés, la donne est différente.
- Ce qui n'explique pas le « maintenant ». Les chasseurs de Vampires existent depuis la nuit des temps, insista encore une fois Ilies.
- Nous avons un problème semblable au vôtre, intervint David. La plupart des Vampires ne sont pas stupides et se cachent. S'ils doivent sortir, ils rasent les murs ou se mêlent à la foule. Repérer celui dont le cœur ne bat pas au milieu de centaines de gens est possible, certes, mais long et le temps de le repérer, comme dit mon frère, dix autres sont apparus. Nous avons besoin d'elle.
Théodora pâlit en voyant la main tendue vers sa poitrine.
- Et des autres comme elle, finit David.
- Nous venons à peine d'apprendre leur existence au sein de votre communauté, indiqua Paul. Voilà pour le "pourquoi maintenant".
Ilies regarda Théodora intensément puis se tourna vers Caly.
- Vous savez ce qu'elle est ?
- J'ignore comment elle se nomme elle-même. Nous les appelons les prêtresses du bien. Elle est capable de voir les Vampires, par ses propres yeux, grâce à leur aura. C'est un phénomène qui ne nous est pas inconnu.
- Vous venez de dire que leur existence vient à peine de vous être révélée et Théodora a confirmé la sincérité de votre propos, rappela Ilies.
- Paul a indiqué que nous venions d'apprendre votre lien avec les prêtresses du bien. Nous connaissons leur existence depuis des millénaires, précisa Caly.
- C'est impossible ! s'exclama Mary. La première prêtresse du bien était Alexandra Da Cunha, experte auprès de l'inquisition portugaise au XVIème siècle.
- Je l'ignorais, répondit Caly.
- C'est intéressant, indiqua Baptiste. Leur réapparition correspond à l'expansion massive des Vampires sur Terre. Le gène a-t-il pu être réveillé par leur présence ?
Personne ne répondit à cette question rhétorique que le scientifique du groupe se posait davantage à lui-même qu'aux personnes de la salle.
- La première fois que nous avons croisé une prêtresse du bien, c'était en Afrique, au sud de l'actuelle Égypte, au temps des pharaons, continua Caly.
- Quel âge avez-vous ? souffla Théodora abasourdie.
- Cela dépend lesquels d'entre nous, répondit Caly. Nous ne sommes pas nés en même temps.
- J'ai quatre cent mille ans, annonça Paul qui semblait désireux de rapidement régler ce problème pour se recentrer sur plus intéressant.
Un silence glacial parcourut l'assemblée. Chacun réfléchissait, rassemblait ses souvenirs d'histoire, tentant de déterminer ce qu'il y avait sur Terre à une période aussi lointaine.
- Non, pas les dinosaures, grommela Paul. Ça, c'était soixante millions d'années.
Des petits rires nerveux parcoururent la salle mais ils stoppèrent vite, repris par les évènements graves en cours.
- Vous avez croisé des prêtresses du bien au temps des pharaons, reprit Ilies dont l'estomac était totalement noué.
- Et nous les avons exterminées, elle et l'intégralité de leur peuple, précisa Paul.
Temülün vit Baptiste, muet depuis la révélation de la date de la première prêtresse du bien alliée aux chasseurs de Vampires, se tourner vers elle. Son regard la transperça.
- Je le savais, chuchota-t-elle trop bas pour que les humains entendent. Chris me l’a dit le jour de ma transformation. Je ne vous en veux pas. Je comprends. Vous avez éliminé une menace. Tout va bien, Baptiste, c'est bon. Je m'en fous. Ce ne sont que des humains que vous avez anéantis. Qu'en ai-je à faire ?
Baptiste tourna la tête tout en restant silencieux et perdu dans ses pensées. Temülün reprit le fil de la conversation, en replongeant rapidement dans sa mémoire parfaite pour entendre ce qu'elle avait manqué.
- Elles représentaient une menace bien trop forte, termina Paul.
- Vous mentez, lança Théodora. C'est difficilement discernable mais vous n'avez pas exterminé tout le monde.
- Vu que vous existez, il semblerait que nous ayons involontairement raté des survivants, dit Caly. Mais vous avez raison, nous n'avons pas tout à fait exterminé toutes les prêtresses du bien… enfin si… enfin non.
- Expliquez-vous, dit Ilies en constatant que Théodora ne lui était à ce moment-là d'aucun secours, ses yeux ne lui apprenant strictement rien dans ce charivaris de changements permanents d'aura.
- À sa naissance, Malika était une prêtresse du bien, annonça Caly.
Tous les regards se tournèrent vers l'Aar discrète qui n'avait ni parlé, ni réalisé de démonstration, presque jusqu'à disparaître et devenir invisible. Soudain, elle parut aux yeux de tous.
- Mon aura brille comme le soleil tout en étant sombre comme la nuit, dit Malika et dans le silence ses mots résonnèrent. Vos yeux ne peuvent pas s'acclimater. Votre esprit deviendrait fou alors il m'ignore, tout simplement.
- Cela explique votre absence d'aura, souffla Théodora.
- Quoi ? s'exclama Ilies. Elle n'a pas d'aura ?
Ilies grimaça. L'idée lui déplaisait au plus haut point.
- Vos yeux voient-ils toujours… commença Théodora.
- Mon aura brille comme le soleil tout en étant sombre comme la nuit, répéta simplement Malika et Théodora hocha la tête.
Si elle rayonnait, cela impliquait que ses yeux voyaient.
- Encore une fois, précisa Paul, c'est un problème de nombre. Nous en avons une. Vous en avez… un nombre qui nous est inconnu et que vous n'avez pas à nous révéler mais clairement plus grand que un.
Ilies sourit à la confirmation de Théodora. Il semblait très heureux que ses adversaires ignorent ses forces réelles.
- Nous n'avons pas besoin de manger ou de dormir. Nous ne sommes jamais fatigués. Nous pouvons attaquer en permanence tant que vos prêtresses guident nos bras, précisa Caly.
- Vous devez vous nourrir et nous ne pouvons nous permettre d'avoir un allié qui trouve ses forces dans la population que nous avons promis de protéger, indiqua Ilies et toute l'assemblée grogna son assentiment.
- Nous nous nourrissons de sang de Vampire, annonça David.
Les chasseurs de Vampires plissèrent des yeux. Ils n'avaient jamais vu cela mais après tout, les Aars montraient de telles différences qu'une de plus ne les étonnaient guère. De plus, Théodora confirma la véracité des propos tenus.
- Et quand ils seront tous morts ? demanda Ilies.
- Nous mangerons du canard laqué, indiqua Paul. J'adore ça.
- Il dit la vérité, lança Théodora surprise. Il peut manger de la nourriture normale et apprécie de le faire.
- Très bien, dit Ilies. Imaginons que nous acceptions cette alliance. Que se passe-t-il ensuite ? On attaque maintenant ?
- Non, intervint Kol qui parlait pour la première fois. On ne se lance pas dans une guerre sans préparation. Tout d'abord, il faudra entraîner vos hommes. Nous avons besoin de votre appui. Il restera toujours un ou deux Vampires en arrière dont il vous faudra vous occuper.
- Nous sommes capables de tuer des Vampires, cracha un chasseur de Vampires visiblement outré d'une telle insinuation.
- Permettez-moi d'en être le seul juge, répliqua Kol. Je ne me lance pas à l'assaut sans vérifier que mes alliés sont capables de me soutenir en cas de besoin. Vous recevrez une formation, une vraie.
Le chasseur grogna mais ne répliqua rien.
- Nous avons déjà un expert en combat contre les Vampires avec qui nous échangeons régulièrement, indiqua Ilies.
- Vous voulez parler de Erik Lehnsherr? demanda Caly.
- Oui, dit Ilies. Comment le savez-vous ?
- Parce que je suis là, répondit David en changeant d'apparence pour prendre celle de l'expert en combat.
Ilies émit de nombreux bruits de gorge mais rien de compréhensible ne sortit. David reprit son apparence initiale de parfait suédois.
- Il continuera à vous former mais sans artifice, cela ira beaucoup plus vite, continua Kol. Lorsque vous serez prêts, le monde le sera aussi, je m'en serai chargé.
- Qu'est-ce que cela signifie ? demanda Théodora soudainement terrorisée par le sous-entendu qu'elle ne comprenait pas.
- Que les Vampires aiment la guerre, indiqua Kol. La guerre amène le sang, la mort mais également l'anonymat. Il est facile de se nourrir en temps de guerre. Un mort de plus ou de moins passe inaperçu et aucun chasseur de Vampires ne se risque au devant d'un canon.
- Vous allez créer une guerre pour les attirer ? comprit Ilies abasourdi.
- C'est ça. Attendez-vous à un conflit majeur en Europe voir même un peu plus dans les années à venir. Je vais susurrer aux oreilles des bonnes personnes mais le moment exact du déclenchement sera hors de mes mains. Vous devez donc vous préparer le plus rapidement possible afin d'être prêts le moment venu.
- Je n'ai toujours pas dit que nous acceptions ! s'exclama Ilies.
- Votre gestuelle, votre ton de voix, votre posture, votre respiration, la dilatation de vos pupilles et vos battements cardiaques me disent que vous acceptez. Pas besoin d'être une prêtresse du bien pour ça, répliqua Kol avant de disparaître.
- Il reviendra, assura Paul. Dès qu'il aura murmuré aux oreilles des bons chevaux. En attendant, une formation s'impose. David et Caly se chargeront de la partie combat pure. Je m'occuperai de la stratégie. Baptiste… Baptiste ?
Le scientifique du groupe leva les yeux. Il semblait lointain, perdu mais également empli d'une infinie tristesse. Temülün le sentait. Baptiste avait des doutes. De gros doutes. Il avait compris mais ne pouvait l'accepter. C'était trop dur à admettre. Elle l’imagina naviguer entre colère, peine, joie, rancœur et mélancolie.
- Je regarderai et j'interviendrai quand je voudrai, dit Baptiste.
- Électron libre donc, conclut Paul. Malika guidera les prêtresses du bien.
Temülün sourit. La véritable Malika menait les prêtresses du mal. Son double commanderait les prêtresses du bien. Virtuellement, Malika gérait donc l'intégralité de toutes les prêtresses sur Terre. L'effet était grisant.