Temülün n'avait jamais donné son avis et personne ne le lui avait demandé mais elle n'y croyait pas. Même alliés aux humains, les Aars ne parviendraient jamais à tuer tous les petits Vampires. Un seul restant au fond d'un trou suffisait à recréer une engeance complète. C'était peine perdue. Les humains étaient trop faibles et six Aars ne changeraient pas la face du monde.
Kol parvint, à la surprise générale, à lancer une guerre mondiale qui toucha une quantité hallucinante de pays. Comme il l'avait prédit, les Vampires affluèrent en nombre pour se repaître aisément de sang et de mort. Temülün se vit tuer Vampire, sur Vampire, sur Vampire, sans jamais s'arrêter, passant son temps à cela, buvant de temps en temps pour reprendre des forces. Ses propres yeux lui suffisant, elle travaillait seule et quand l'excitation des premières semaines retomba, elle sombra dans l'ennui et la mélancolie.
Rapidement, son implication dans la lutte faiblit. N'y croyant pas et trouvant le temps long, elle cessa de tuer avec acharnement pour prendre le temps de baguenauder. Elle trouva étrange de ne jamais croiser de Vampire au contrôle. Avaient-ils tous fui au début de la guerre ? Chris était-il derrière leur mystérieuse disparition ?
Temülün observait des tranchées dans lesquelles se reposaient trois Vampires et des centaines d'humains. Elle pouvait les tuer. Elle ne le désirait simplement pas. Elle prenait une pause qu'elle considérait comme bien méritée, un repos qu'elle passait surtout à déprimer.
Une femme sans aura apparut devant les Vampires. Surpris, le premier l'attaqua. Il disparut en poussière. Terrorisés, les deux autres tentèrent de fuir. Ils moururent tout aussi rapidement, avec cependant une différence pour le troisième que la prêtresse du mal draina de son sang. Puis, elle se tourna vers Temülün et lui adressa un joyeux clin d'œil.
- Shaël ! Attends ! J’ai besoin de votre aide, indiqua Temülün.
Shaël la rejoignit.
- Je ne crois pas, non, répliqua Shaël. Tu as juste un petit coup de mou, c’est tout. Nous sommes là. Tu n’es pas seule. Nous luttons toute. Chris soutient ce combat. Tu peux continuer.
- Je ne veux pas risquer ma vie inutilement alors que vous êtes là, répliqua Temülün. J’ai approché les familles canadiennes mais ces Vampires sont nombreux, unis et soudés. Ils ne sont pas au contrôle, certes, mais j’ai déjà failli perdre contre vingt petits Vampires. Ça aide à perdre son arrogance.
- Je veux bien le croire, répondit Shaël. On va se charger des familles canadiennes. Tu n’as pas à t’en faire. T’auras juste à dire que c’est toi.
- Je le ferai, assura Temülün. Merci, Shaël.
- De rien, ma sœur, répondit la prêtresse du mal avant de repartir vers d'autres tueries.
Temülün reprit espoir. Il ne s'agissait plus de six pauvres Aars face à des centaines de milliers de Vampires, mais de plus d'une centaine de prêtresses du mal combattant sans relâche. Non, aucun Vampire ne resterait à l'écart, en arrière ou ne se terrerait dans un trou car il serait pourchassé sans relâche par des yeux infatigables devant lesquels toute tentative de fuite était vouée à l'échec.
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La guerre prit fin et la joie fut de courte durée. Les Vampires avaient certes quasiment disparu mais pas totalement et des poches de résistance demeuraient. Kol proposa de lancer un second conflit encore plus étendu. Personne n'y crut et pourtant, il y parvint et les derniers Vampires furent attirés comme des mouches. Ce conflit permit l'éviction totale et définitive des petits Vampires. Temülün espéra que Chris avait agi de son côté car si la communauté des Vampires au contrôle américains existait toujours et recréait des petits, alors tout cela n'aurait servi à rien.
La guerre des humains n'était pas terminée. Les combats faisaient toujours rage. Kol murmurait aux oreilles afin qu'ils se terminent le plus vite possible mais les humains aussi aimaient le sang et la guerre alors le cessez-le-feu prendrait du temps.
Temülün rejoignit la pagode de Paul. L'endroit était rêvé pour méditer. Calme, tranquille, agréable, beau, zen, au bord d'une eau pure et saine, dans la parfaite tradition japonaise.
Paul s'était enfoui dans le travail. D'abord l'entraînement des chasseurs, envers lesquels il s'était montré intraitable, puis dans l'extermination des Vampires. Il ne faisait aucun doute pour Temülün que Oumou manquait terriblement à l'aîné des quatre frères.
Temülün se demanda à quel moment Oumou commencerait le massacre ? Peut-être même avait-elle déjà commencé. Les humains ne tarderaient pas à répliquer mais sans leurs yeux, ils seraient incapables de trouver leurs ennemis et bientôt, plus aucun humain ne saurait comment trouver et tuer un Vampire. Dans peu de temps, la menace serait définitivement éliminée.
Paul arriva et rejoignit Temülün dans sa méditation. Depuis que Paul l'avait enseignée aux siens, la prêtresse du mal pouvait arrêter de se cacher et cela lui était très agréable. David et Caly arrivèrent puis Kol accompagné de Baptiste. La réunion pouvait commencer. Comme tous les ans, chacun énonça son nombre de tués dans l'année. À eux six, ils avaient tués cinq Vampires.
- La guerre est terminée, en conclut Paul.
- Nous avons déjà conclu cela il y a dix ans et nous sommes fourvoyés, rappela amèrement David.
- Nous sommes trop peu nombreux pour surveiller la Terre, continua Caly, et nous ne pouvons nous permettre de garder des chasseurs de Vampires en capacité de nous combattre en vie. Il va nous falloir contre-attaquer mais comment déterminer le bon moment ? Trop tôt, tout sera à refaire. Trop tard et nous risquons d'y perdre la vie.
- Caly, les humains ne sont pas une menace, grogna Kol. Que peuvent quelques petits mortels contre des Aars surpuissants ?
- Tout, gronda Paul. Il ne faut jamais les sous-estimer. Ce serait une erreur grave, d'autant que leur technologie grandit à une vitesse ahurissante. Je pense que le monde est à nous. Il faut anéantir la menace. Les chasseurs de Vampires doivent mourir maintenant. Allons-y immédiatement.
Paul allait disparaître, certain d'être suivi par les membres du cercle, mais il fut stoppé dans son élan par une voix inconnue.
- Je peux en être ? demanda un homme en entrant dans la pagode par la porte, en marchant.
Aucun Aar ne l'avait entendu arriver. L'endroit étant totalement isolé, il n'aurait pas dû échapper à leurs sens aiguisés. L'homme était grand, plus d'un mètre quatre-vingt dix. Blond aux yeux bleus, il rayonnait de puissance. Sur la défensive, il était prêt à s'enfuir au moindre risque de danger.
Les Aars observèrent l'étranger qui venait de s'immiscer dans leur conversation. Il respirait, son cœur battait, ses cheveux et ses ongles poussaient, sa salive était produite en quantité parfaite, il clignait des yeux. Bref, il ressemblait en tout point à un être humain et pourtant, il semblait évident à tous qu'il n'en était pas.
Temülün frémit. Était-il un membre de la société américaine ? Était-il une de ses sœurs ayant choisi le sexe opposé pour infiltrer les Aars ? Temülün resta muette, interdite, incapable de savoir comment réagir. Si les Aars apprenaient sa trahison, même maintenant que le monde leur était de nouveau offert, ils ne lui pardonneraient pas. Baptiste, qui n'avait pas prononcé un mot depuis son arrivée, regarda intensément le nouvel arrivant puis Temülün, cherchant des réponses qui ne venaient pas.
- Tu es ? interrogea Paul.
- Félix, répondit le Vampire en regardant Caly dans les yeux.
- Je me fous totalement de ton nom, précisa Paul.
- Je suis enchanté de te rencontrer, dit Félix sans lâcher des yeux la Vampire blonde toute de blanc vêtue.
Caly sourit. Paul n'appréciait pas du tout qu'on l'ignore de cette manière. David commençait à prendre de travers que cet étranger fixe ainsi sa bien-aimée.
- Que veux-tu ? intervint David.
- Tu t’appelles Caly, dit Félix et ce n'était pas une question.
Elle hocha tout de même la tête. Félix baissa les yeux. Il prit une grande et longue inspiration avant de souffler lentement. Son bras droit tremblotait. Il finit par lever les yeux sur Paul.
- Pardonnez-moi. Je vous surveille depuis un moment. Je sais que vous exterminez les petits Vampires alors je suis resté sur vos talons. Mieux vaut savoir où se trouve la menace.
Les Aars ne répondirent rien. Ils attendaient la suite.
- Je voulais simplement me protéger. Sincèrement, ça fait un moment que je cherche à vous tuer… pour me protéger, encore une fois.
Temülün dut reconnaître le courage de l'étranger. Il était honnête et ça n'était pas donné à tout le monde dans de telles circonstances.
- Qu'est-ce qui a changé ? interrogea Paul.
- Elle, dit Félix en regardant la bien-aimée de David. C'est Caly.
- Et alors ? s'énerva Paul qui détestait qu'on le fasse patienter.
- Mon créateur m'a parlé de toi. Quand il avait mentionné ton nom, ses yeux s'étaient mis à briller. Il t’admirait, c'est certain. Je ne pensais jamais te rencontrer.
- Tu connais ton créateur ? s'exclama Paul. C'est étonnant. Ces derniers siècles, les Vampires ont transformé sans arrêt et sont morts sans s'intéresser réellement à leur progéniture.
- Je n'ai pas quelques centaines d'années, répliqua Félix. J'ai plus de mille ans.
Là, les membres du cercle furent totalement subjugués.
- Pourquoi cela vous surprend-il à ce point ? interrogea Félix.
- Depuis le XVIème siècle et l'apparition des Vampires américains, jamais un Vampire n'a dépassé deux ou trois siècles, expliqua Caly. Cependant, cela confirme que les Vampires américains existent depuis près d'un millénaire.
- Je ne suis pas né en Amérique, déclara Félix. Je suis… J'étais viking. Mon créateur n'était pas américain non plus.
- Félix, interrogea Caly, comment se nommait ton mentor ?
Elle espérait la réponse autant qu'elle la craignait.
- Seth, répondit Félix et l'information fit perdre leur souffle à tous les Aars qui, fort heureusement, n'avaient pas besoin de respirer pour vivre.
Caly, en entendant le nom de son sine condicione disparu depuis près de mille ans, ne put s’empêcher de verser une larme.
- Tu mens ! s’exclama David en serrant Caly dans ses bras. Il n’aurait jamais crée de Vampires sans nous en demander la permission !
- Il ne l'a pas fait exprès, annonça Félix.
L'annonce fut surtout accueillie par des soupirs. Ainsi, ils avaient vu juste. Temülün resta de marbre. Elle ne comprenait pas. Chris lui avait assuré que Seth n'était pas à l'origine des Vampires américains et pourtant, l'aura de celui-ci lui révélait qu'il ne mentait pas. Temülün se rendit compte que Baptiste ne la quittait pas des yeux. Elle lui sourit et celui-ci ne lui rendit pas la politesse. Temülün baissa le regard, apeurée à l'idée de dévoiler quoi que ce soit à l'Aar vieux de quatre cent mille ans.