Quartier du plateau, Cité d'Ys – Brocéliande
Après une nuit dans une auberge que Lirion connaissait bien, il poursuivit sa visite de la ville avec un déjeuner prévu chez son oncle. Il voulait lui présenter Elara et se renseigner sur ce qui se passait en Brocéliande.
Il repensait à leur trajet jusqu’à la capitale et ressentait que les habitants étaient moins sereins. Il y avait de plus en plus d'incidents avec des créatures prises de folie ou n'arrivant plus à contrôler leur puissance magique, ce qui l’inquiétait.
Elara lui prit le bras pour attirer son attention.
— Quelque chose te contrarie ?
— J'ai des questions à poser à mon oncle sur des événements qui m'interpellent.
— Comme avec le Chapalu l'autre jour ?
— Par exemple, mais pas seulement. Brocéliande a fermé ses frontières depuis longtemps et je sens des changements récents inhabituels ; je peux difficilement être plus clair.
— Tu me disais pouvoir ressentir les émotions et les contrebalancer avec ton pouvoir. As-tu observé des changements dans le schéma émotionnel des habitants ?
— C'est une manière surprenante de le dire, mais oui.
— Sur Terre, nous utilisons beaucoup les sondages pour comprendre l'état d'esprit de la population. Connaître leurs habitudes, détecter des changements, ça a beaucoup d'applications, la première étant politique, puis commerciale. Avec l'évolution des intelligences artificielles, le recueil d'informations devient plus ciblé et facile : il suffit de collecter les données des moteurs de recherche.
— C'est assez terrifiant...
— C'est le monde dans lequel les humains vivent ; cela a ses avantages, mais il est vrai que la vie privée devient difficile à préserver. Un pouvoir comme le tien paraîtrait plus terrifiant aux yeux de beaucoup d'humains, puisque tu es capable de sentir les émotions et de les influencer directement, mais personnellement, je trouve la manipulation de masse plus dangereuse.
— Je n'avais jamais vu ça sous cet angle ; ici, notre pouvoir est destiné à aider les Brocéliandins. Concernant la Terre, je n'aurais pas pu imaginer tout cela... Mes escarmouches sur Terre et nos discussions ne m'ont pas permis d'en savoir autant.
— Désolée de plomber l’ambiance, je suis un peu nerveuse ; ça me rend bavarde.
Il lui sourit avant de se pencher pour l'embrasser plus intensément qu'il ne devrait en pleine rue.
— Nous y sommes. Est-ce que ça va aller ? demanda le Hoper.
Elara hocha la tête et il frappa à la porte. Une très belle harpie leur ouvrit en souriant. Son plumage orangé avait pris une teinte argentée par endroits et son visage montrait des signes du temps, sans entacher sa beauté. Elle fit entrer Lirion et Elara, tout en la détaillant ouvertement.
La demeure avait le charme des anciennes maisons bourgeoises de campagne, mais avec des détails qu’elle avait remarqués dans la maison de Lirion : des nichoirs, des alcôves, et aussi des matériaux plus que luxueux.
Lirion sembla comprendre son interrogation muette.
— Mon oncle était conseiller au Palais et ma tante vient d'une grande famille de harpies.
Sa tante se mit à rire doucement.
— Ce que mon neveu veut dire, c'est que ma famille apprécie l'opulence, la beauté, et plus particulièrement si elle est ostentatoire, signe de richesse.
« Comme les pies qui aiment ce qui brille » se garda bien de répliquer Elara.
— Cette maison est un don de ma famille, car ils refusaient que je m'exile à la campagne et, malgré ce que dit Dùil sur son envie de vivre plus près du domaine familial, il aime trop garder un pied dans le palais et savoir ce qu'il s'y passe.
Un bel homme, partageant la couleur de cheveux et des traits avec Lirion, descendit les escaliers d'un pas glissant.
— Bienvenue, Lirion. Tu me présentes ta charmante compagne ?
Ils s’installèrent à table tandis qu'une ondine s'occupait discrètement du service, non sans jeter des coups d'œil curieux à Elara.
— Voici Elara, ma compagne, Dùil, mon oncle, et Tân, ma tante, annonça-t-il en faisant les présentations.
Elara et Lirion s'étaient mis d'accord pour qu'elle soit présentée de cette manière car le concept de « sortir avec » était plutôt inconnu ici. Sa tante fit un grand sourire en prenant la main de la jeune femme.
— Je suis heureuse qu'il vous ait trouvée. Je m'inquiétais qu'il décide de rester seul toute sa vie. Il était le dernier à ne pas avoir de compagne.
Elle serra les mains de la harpie en retour, non sans jeter un regard furtif vers Lirion.
— Merci de m'accueillir aussi chaleureusement. C'est important pour moi d'avoir une bonne relation avec les proches de Lirion.
Dùil lui prit la main à son tour, respectueusement.
— Prends soin de lui. Ne le dis pas à ses frères, mais c'est mon neveu préféré. Il lui fallait bien une humaine pour le satisfaire.
Tân se racla la gorge.
— Si nous mangions ?
— Bien entendu, ma petite flamme.
Tân et Dùil frottèrent leurs joues l’une contre l’autre en souriant, ce qui confirma ses observations : ce que faisait Lirion avec elle était clairement un rituel d'oiseaux. Elle cacha son rire d'une main et sentit Lirion entrelacer l'autre sous la table. Il voulait clairement faire la même chose mais se retenait ; elle trouvait son comportement adorable.
Elle caressa les jointures de la main de son chéri avec son pouce, puis la lui lâcha gentiment pour pouvoir découper sa dorade.
Une fois la table débarrassée et une théière fumante placée au centre d'une console avec des fruits frais, secs, et des biscuits, sa tante reprit la parole.
— Lirion, je voulais m'excuser à propos d’Eibhlin.
Les deux Hoper écarquillèrent les yeux, surpris.
— Tân ! Est-ce que tu penses que c'est une bonne idée d'en parler ici ? répliqua Dùil d'une voix douce.
— Cela fait des années que j'aurais dû aborder le sujet. Sa compagne a le droit de savoir aussi...
Elara comprit qu'elle allait aborder le sujet d'une ex. Elle se doutait que Lirion n'avait pas été célibataire toute sa vie. Lui semblait inquiet, jetant un regard furtif à Elara, tandis que son oncle secouait la tête, résigné.
Elle soupira et se servit une tasse de thé, rompant le silence gênant.
— Tân, il n’y a aucune raison de vous excuser. Ni Lirion, ni les habitants de son domaine n’ont abordé le sujet, c’est que ce doit être insignifiant. Je vous propose de clore le sujet et de parler de choses plus intéressantes, comme ce qu’il se passe dans le royaume en ce moment.
Tout le monde se tut et Lirion éclata de rire à tel point qu'il avait des larmes aux coins des yeux, puis il regarda sa tante fièrement.
— Elara a raison. Cette harpie n'a aucune importance ; elle n'en a jamais eu.
— Je pense que nous nous sommes attardés trop longtemps sur une vieille histoire. Lirion, tu avais des questions à me poser aujourd'hui, il me semble.
Il hocha la tête.
— Un ami m’a signalé une recrudescence d’incidents, des corrompus… Et j’ai détecté des failles dans la barrière. As-tu eu des échos du Palais ?
— Oui, plusieurs corrompus ont été neutralisés, mais pas toujours sans dégâts… Mais ce que tu me signales explique pourquoi mes contacts ont rapporté des apparitions d’humains en Brocéliande.
— Des humains ? coupa Elara. Je croyais que seuls les Brocéliandins avec assez de pouvoir pouvaient traverser la barrière.
— C’est exact, sourit Dùil. Mais si la barrière entre la Terre et Brocéliande présente des failles, elle permet des passages accidentels.
— Je ne crois pas que ce soit naturel, répondit Lirion.
— Qu’est-ce qui te fait dire ça ? questionna Tân, inquiète.
— Pendant ma prise de poste dans la vallée de Gwynnfaen, il y a 40 ans, il y a eu des faits similaires. Une augmentation rapide de la population, qui s’est arrêtée subitement, puis des humains sont apparus, suivis des corrompus. Ce n’est pas un hasard… Rappelle-toi, mon oncle.
— Oui, une aberration avait traversé la barrière. Nous n’avons jamais découvert ce qui s’était passé, mais les incidents se sont arrêtés après sa disparition.
— Que sont devenus les humains de cette époque ? demanda Elara.
Un grand silence se fit, et Dùil répondit, le visage sombre :
— Certains ont pu repartir après une altération de leur mémoire, mais la plupart sont morts.
Elara frissonna un instant, se demandant si ces décès étaient accidentels ou non. Cela renforça son envie de changer les choses ici, maintenant qu’elle envisageait sérieusement de s’y installer.
— Je comprends, répondit-elle en prenant une inspiration déterminée. Dùil, Tân, puis-je compter sur votre soutien à l’avenir, en tant qu’humaine et compagne de Lirion ?
— C’est une évidence. Chez les Drindod, nous avons toujours été pour l’harmonie entre les peuples, y compris les humains, répondirent le Hoper et la Harpie.
À la fin de leur repas, Tân confectionna une cordelette avec l'une de ses plumes et la déposa dans les mains d'Elara au moment de partir, le regard soucieux.
— Si tu as des ennuis avec l’un de mes congénères, présente-lui ceci.
— Merci, Tân.
Une fois partis, les deux tourtereaux se rendirent au Palais de la Mer Éternelle. Lirion avait une audience et Elara comptait rendre visite à Aeronwy dans son laboratoire après cela.
Sur le chemin, Lirion semblait heureux et plus serein. Elle-même était en phase et sentait quelque chose se dissoudre dans son esprit ; tout lui paraissait clair maintenant. Elle était certaine de son choix, aussi rapide fut-il ; sa décision était prise.
— Lirion, j’ai quelque chose à te dire avant que nous arrivions.
Il se tourna face à elle, surpris, et elle resserra sa main sur la sienne.
— Je vais rester à Brocéliande. Je compte travailler avec le pouvoir en place et changer les choses dans le royaume. Je sais que j’y arriverai, avec toi à mes côtés.
Les yeux de Lirion s’écarquillèrent et il souleva Elara dans ses bras pour l’embrasser, fou de joie.
— Je t’aime, ma chérie, mais tu ne pouvais pas trouver un autre moment pour me l’annoncer ? Je vais avoir du mal à rester sérieux devant la Reine.
— C’est justement parce qu’on va la voir que je voulais te le dire avant.
— Tu ne vas quand même pas… Non, j’aurais dû m’en douter. Fais ce qui te paraît le mieux.
Pour toute réponse, elle l’embrassa, puis fixa la grande porte du palais devant elle.
— Repose-moi ou les Teirionnours vont avoir mal au cou à force de détourner le regard.
— Oui, Madame !
Elle rit alors qu’ils traversaient les couloirs du Palais, croisant de nombreuses espèces et admirant le lieu qui ne lui était pas inconnu, ayant vu de nombreuses reproductions à la grande bibliothèque d’Alenvel. Les illustrations, tapisseries, peintures prenaient vie sous ses yeux, sans la dépayser.
Les Sylvestres, sortes d’hommes-arbres, avançaient gracieusement dans le hall sans lui accorder plus d’attention. Une fois passée la grande arche de la salle du trône, elle aperçut un Bugul Noz, à l’apparence de loup-garou noir, qui montait la garde.
Au centre de la salle, entourée d’une cour et de conseillers, la Reine, une brune à la beauté elfique et aux lèvres grenat, sublime, élégante et respirant l’autorité, prit la parole.
— Lirion, cela faisait longtemps.
— Reine Dahut, répondit-il avec un mouvement de tête respectueux qu’Elara imita.
— Et toi, jeune humaine, que fais-tu avec mon gardien ?
— Je suis Elara Drindod et j’aimerais vous proposer mes services.
— Qu’est-ce qui te fait croire que j’aurais besoin de toi ? demanda-t-elle, amusée, alors que la salle faisait silence.
— Je serai ravie d’échanger avec vous sur tout ce que je peux apporter au royaume, mais Lirion a son rapport à faire avant cela, si vous le permettez, Reine Dahut.
La Reine se mit à rire, et le son résonna dans l’ensemble de la salle toujours silencieuse.
— Tu as choisi une femme qui a du cran, Lirion Drindod. Fais-moi ton rapport, que je discute avec ta compagne.
— Oui, répondit Lirion en souriant.
Dans la salle du trône, une trentaine de paires d’yeux fixaient Elara, avec surprise, suspicion, émerveillement ou une fureur glaciale. Comme ce Dragwin, qui reprit une expression neutre quand elle balaya la foule du regard.
Un dîner avec la famille de Lirion aurait pu être intéressant, mais finalement on n'apprend pas grand chose sur lui, il a eu une ex, ok, Elara le prend bien, Lirion ne semble pas avoir été trop traumatisé par l'événement... Sa tante remet un de ses plumes à la jeune femme, ça servira sûrement plus tard comme laisser-passer pour le palais ou autre.
Je reste de plus en plus sur ma faim. Comme je te l'ai dit précédemment, j'attends que les personnages se rencontrent pour avoir les interactions entre les humaines. En fait, j'ai même parfois du mal à faire la différence entre Elara, Léa et Alice, tellement leurs histoires sont assez similaires. Elles semblent juste faire du tourisme avec leur copain, la description des événements et de l'univers (qu'au début, je te reprochais de négliger à mon goût) sont super mais je ne vois pas où tu veux en venir avec elles, j'ai l'impression qu'elles n'ont pas de quête. Encore une fois, c'est peut-être normal pour de la littérature romantique, Mais Noémie a une relation conflictuelle avec son "amant", Valentina recherche un moyen de se sauver la vie et Morgane, je ne saurais dire, elle n'a pas encore passé assez de temps sur Aldaria pour que je me prononce, mais j'espère qu'elle va continuer son enquête pour retrouver les filles et pas juste kiffer le monde avec son mec.
Je suis désolé d'être aussi critique, mais après tout, pour moi, ces commentaires sont là pour te donner un avis franc et non pour te lécher les pompes. Je continue quand même, je veux quand même voir la suite.
Voici venu le moment fatidique de la réécriture de ce fameux chapitre.
Je comprends les problématiques que tu me présentes ici : la longueur, le manque d'intérêt d’une histoire qui patine, et la lassitude provoquée par des couples au schéma assez similaire. C’est d’ailleurs ce dernier commentaire qui m’a confortée dans l’idée de restructurer mon roman.
Cela dit, comme tu le soulignes, c’est une romance. Même si je développe le potentiel de mes personnages pour enrichir l’histoire, cette dimension reste importante et peut parfois prendre le pas sur des éléments factuels ou sur l’intrigue, que certains amateurs d’héroïque fantaisie ou de polar préfèreraient lire davantage.