Le temple se trouve à l’opposé du rivage. Puisque nous sommes proches de la mer, ce peut être en l’honneur du dieu des océans ou alors puisque nous sommes en Laconie, il s’agirait du dieu de la guerre. Noyées sous la végétation, c’est à se demander si les colonnes étaient faites en pierre ou si elles ont toujours été vertes de mousse. Cachées dans les hautes herbes, se trouvent quelques statues détruites par les intempéries.
Une fresque attire mon regard. Comme dans la plupart des temples, c’est la bataille des Cronides durant la Titanomachie qui est mise à l’honneur. Les représentations sont plus grossières que ce dont j’ai déjà pu observer. Je repère tout de suite ma mère ainsi que le reste des divinités. Seulement, ce n’est pas Zeus qui donne le coup de grâce, ici c’est un autre : Hadès. Je plisse les yeux pour être certaine de ce que je vois, mais c’est bien le dieu des morts, avec son bident et la kunée.
— Que fais-tu là ? tonne une voix grave.
Je sursaute et me retrouve face au roi des Enfers.
— J’explorais les environs, je mens.
— Je crois plutôt que tu m’as suivi, rétorque-t-il, faussement énervé.
Je me mords la lèvre inférieure et me retiens de rire. Il lève les yeux aux ciel. Je remarque alors les premières étoiles apparaissant à travers la toiture détruite.
— Plus rien ne semble te faire peur maintenant, dit Hadès.
— Je n’ai plus peur des dieux.
— Et pourtant, tu devrais.
Un sourire en coin, le roi des Enfers s’éloigne, mais je le suis.
— Je me demandais simplement, pourquoi rester avec nous, à présent que Médusa est sauvée ? Tu dois certainement gouverner ton royaume ?
— Ma compagnie te déplairait-elle ?
— Non, car sans ton aide, je n’aurais jamais réussi. Cependant, tu as bien dit qu’à l’instant où tu récupérerais la kunée nous retournerions à notre quotidien ?
— Tu veux dire le casque abîmé, cabossé et brûlé. Ce n’est pas la kunée que tu m’as rendue, mais un vulgaire tas de ferraille ! J’ai combattu tant de fois avec et pas une seule égratignure sur le métal d’argent.
Je baisse les yeux et sens mes joues devenir cramoisies. J’ai si honte de ne pas avoir réussi à préserver cet objet sacré. Hadès avance de quelques pas et je suis persuadée de l’avoir vu sourire devant mon désarroi.
— Quel est cet endroit ? je demande pour changer de sujet.
— Il s’agissait d’un temple abritant une porte des Enfers et où l’on vouait un culte à mon nom. C’était il y a des siècles de cela, quand les mortels craignaient moins la mort et que des titans comme Prométhée veillaient à les instruire.
Hadès est l’une des divinités les plus redoutées par les mortels, au point qu’aucun temple aujourd’hui ne lui soit consacré. Pourtant, c’est dans son royaume qu’ils viennent tous séjourner à la fin de leur vie.
— Je comprends mieux pourquoi c’est le roi des Enfers qui est représenté victorieux ici, je dis amusée en pointant sa silhouette du doigt. N’est-ce pas là un outrage à Zeus ?
Hadès observe la sculpture et ricane. Son regard se perd, plongé certainement dans de lointains souvenirs. Il soupire. Je me place à ses côtés.
— Je ne l’étais pas encore. Simplement un guerrier assoiffé de vengeance. Nous nous sommes battus durant des jours et des nuits. C’est en portant le coup de grâce à mon géniteur que j’ai compris le devoir qu’impliquait ce geste. Or, je ne souhaitais pas être roi, mais Zeus, oui, raconte-t-il, lasse.
Je ne peux m’empêcher de froncer les sourcils. Jamais on ne m’avait relaté cette version de l’histoire. Pourtant, il y a dans sa voix et son regard tellement de sincérité que je n’oserais mettre sa parole en doute. Toutefois, si c’est la pure vérité alors Zeus ne serait qu’un imposteur ?
— Pourquoi ne pas vouloir être roi des cieux et des mortels, mais celui des Enfers ?
— Tu es bien trop curieuse Perséphone. Mais j’ai fini par accepter malgré moi. Parfois les moires nous tissent un destin auquel on ne peut échapper.
— Je ne savais pas que c’était si contraignant, ce n’est pas l’image que tu renvoies.
— Je suis plus un gardien qu’un roi. La cour des ténèbres est plus dangereuse que l’Olympienne. Les divinités chthoniennes viennent d’époques plus violentes que les nôtres. Beaucoup sont apparues bien avant ma propre naissance et ne comprennent que la force bestiale. En plus de veiller sur les âmes des mortels, je me dois de les empêcher de détruire tout ce que nous avons bâti.
Je prends conscience de tout ce qu’endure le dieu des morts. Il est navrant de constater que les mortels ne sachant pas tout cela n’éprouvent aucune gratitude, mais seulement la peur de prononcer son nom. À dire vrai, même les divinités et autres créatures mythiques vivant à la surface n’ont qu’une piètre opinion de lui. Il est si différent de l’image que je m’étais forgée de lui. Il n’a pas hésité à venir me chercher au temple d’Athéna, à prendre soin de mes compagnes et à nous offrir un abri. Ce n’est pas l’être froid, violent et effrayant des légendes.
Les bras croisés et les pieds ancrés dans le sol, on pourrait croire qu’il est la statue d’un noble guerrier. Je me permets de poser ma main sur son avant-bras. D’abord, il la regarde, puis ses yeux rencontrent les miens. Mon cœur bat un peu plus fort.
— Tu avais raison, tu n’es pas comme les autres dieux.
— En réalité tu ne sais rien de moi, rétorque froidement Hadès.
— Je sais qu’en tant que divinité, je ne devrais ni m’excuser ni remercier, cependant après tout ce que tu as fait pour nous je…
Il se dégage de ma main et recule d’un pas.
— Ce que Poséidon et Athéna ont fait subir à la pauvre Médusa est inadmissible. Si cela avait été dans mon royaume, ils auraient été condamnés au Tartare. Mais ici, Zeus ne peut condamner ce que lui-même est capable de faire pour assouvir ses désirs. Tu as eu raison de vouloir intervenir. Ce n’était que justice de libérer cette malheureuse, déclare Hadès d’un ton presque contrarié.
Hadès s’éloigne en mettant une bonne distance entre nous. Qu’est ce qui m’a pris d’agir ainsi, voyons ! Je ne comprends pas ce revirement de situation.
Tout à coup, les appels d’Hermès attirent notre attention. Il est temps de dîner. Nous marchons en silence sous la voute étoilée. À notre arrivée, le dieu du voyage nous lance un regard suspicieux. Médusa, dort encore.
Dans les cuisines, il règne une étrange ambiance. Le repas est d’une telle simplicité qu’on aurait peine à croire que sont des divinités attablées là. Il y a quelques olives, des galettes de maza, du poisson pêché par Hermès et des fruits frais cueillis par Arachné. Hygie et Hadès mangent en silence. La femme araignée dévore allègrement des galettes.
Personne ne parle. Lorsque nous sommes plusieurs personnes, il me semble que le roi des Enfers se montre plutôt taciturne. Mais c’était sans compter sur le dieu du voyage.
— Voilà une bien étrange tablée que la nôtre ! s’exclame Hermès.
— Je lève mon verre à vous tous qui nous avez libérés et pris soin de nous. Si on m’avait dévoilé que je rencontrerais autant de divinités, je ne l’aurais jamais cru, déclare Arachné.
— Je ressens la même chose, dis-je en serrant la main de la femme araignée.
Nous levons nos verres.
— Que vas-tu faire à présent ? Quel pays voudras-tu visiter ? demande le jeune dieu.
Je prends une longue inspiration avant d’annoncer mon nouveau projet.
— Je ne pense pas repartir pour l’instant, Hermès. J’ai bien réfléchi et si Son Altesse me le permet, je souhaiterais faire de ces lieux un sanctuaire pour les pauvres mortels maudits injustement. Hygie, vous pourriez partager votre savoir et nous pourrons ainsi soigner les blessés.
Hermès recrache le contenu de son gobelet. Hadès arque un sourcil l’air intrigué.
— Voyons, que racontes-tu là ? Tu n’y songes pas sérieusement, si ?
— Je trouve que c’est un beau projet, approuve Hygie.
— Ce serait merveilleux en effet. Actuellement, d’autres mortels subissent le même calvaire et cela me révulse, rajoute Arachné.
Hadès se redresse sur le dossier de son siège.
— Comme je l’ai expliqué, faites ce que vous voulez de cette île perdue, j’en ai fait cadeau à Arachné et Médusa, répond le dieu des morts en regardant le fond de son verre.
— Et nos projets de voyage ? Tu les as oubliés ? s’emporte Hermès.
Le messager des dieux se lève et se tient droit derrière sa chaise. Il semble terriblement agacé et dans son regard je peux y déceler de l’incompréhension. Prenant conscience de son comportement, Hermès sort de la maison. Hygie et Arachné sont confuses. Aussitôt, je vais à sa poursuite.
Hermès frappe dans une pierre. Sa réaction est totalement puérile. Je ne m’attendais absolument pas à cela.
— Allons, mon ami, inutile de s’emporter.
— Cela devient une habitude chez toi ! Tu prends toutes les décisions seule et c’est à moi d’accepter sans broncher ! J’étais désemparé de te savoir avec Athéna ! Tout comme mortifié de découvrir que tu avais traversé les Enfers ! Tu te mets en danger sans arrêt et maintenant que l’on pourrait enfin se retrouver, tu veux rester ici !
— Tu vois bien qu’il y a plus important à faire Hermès. Elle a besoin de nous !
— Mais ce n’est même plus Médusa ! La pauvre est devenue un véritable monstre ! s’exclame-t-il.
Choquée par ses mots, ma main s’écrase sur sa joue avec fracas.
— Comment oses-tu ! Médusa est toujours là. Elle est vivante et elle va guérir !
Une larme de colère roule sur ma joue. Je suis déçue par son comportement. Le messager des dieux recule. Un silence pesant s’est abattu dans la cour.
— Je te présente mes excuses, je n’aurais pas dû dire cela, je ne sais pas ce qu’il m’a pris, avoue Hermès la tête baissée et la voix pleine de remords.
Je serre les bras contre mon corps. Parfois, sous ses boucles blondes se cache un petit garçon prisonnier de ses émotions. Je suppose que mes projets vont à l’encontre de son rêve de mariage. Il ne peut me contrôler. Quelque chose nous éloigne l’un de l’autre depuis un moment déjà. Je devrais lui dire de cesser de s’accrocher à cette idée que jamais je ne deviendrais sa femme, je ne sais si je pourrais ressentir quelque chose d’autre que de l’affection. Cependant, en faisant cela, peut-être que je perdrais son amitié pour toujours ?
— Et je n’aurais pas du lever la main sur toi, je réponds honteuse, en caressant sa joue.
— Non, tu as bien fait, je le méritais, dit-il en glissant ses doigts entre les miens.
Il me serre dans ses bras. Comme nous avions l’habitude de le faire après une chamaillerie. Je pose ma tête dans le creux de son cou. Il a l’odeur du soleil et des agrumes parfumés.
— Hermès, je crois qu’il y a un moyen d’aider Médusa et c’est de ramener Cyané ici.
— Allons, c’est impossible, les naïades ne peuvent s’éloigner de leurs points d’eau, tout comme les dryades de leurs forêts et les néréides de leurs récifs.
— Mais si tu observais le visage de Médusa lorsqu’elle parle de Cyané.
— Tu ne sais pas comment elle réagira en la voyant transformée ainsi.
— Je pense qu’elle ne sera que bienveillance et tendresse pour notre amie. Crois-moi, si elles pouvaient se retrouver, je suis persuadée que cela l’aiderait.
— Il existe un moyen, clame la voix grave du roi des Enfers.
Aussitôt, je me défais de l’étreinte d’Hermès, comme si nous avions commis une erreur. Depuis combien de temps nous espionne-t-il ? Le messager des dieux fronce les sourcils.
— Dans les forges d’Héphaïstos se trouve une amphore enchantée. Il l’avait fabriqué à l’époque pour Leucé pour qu’elle puisse m’accompagner aux Enfers et lorsqu’elle nous a malheureusement quittés, je la lui ai rendue.
Ce nom m’est familier, mais je ne saurais dire où je l’ai connu.
— Tu entends ça Hermès ? Ce serait formidable ! je m’écrie.
Une drôle de moue est apparue sur les lèvres du dieu du voyage. Il scrute Hadès d’un air presque suspicieux. Puis, il croise ses bras et gonflerait presque son torse.
— Je croyais que cet objet avait été brisé dans ta colère, explique Hermès.
— C’est faux. Si tu t’envoles ce soir, demain vous pourrez tous vous réunir.
Cette nouvelle bouleverse mon cœur. Je m’agrippe aux bras du messager des dieux et le secoue.
— Allons Hermès ! Écoutons sa majesté !
Mes yeux doivent briller d’espoir à cet instant. Hermès soupire, hausse des épaules et finit par acquiescer.
— Très bien, laissez-moi au moins manger une part de tarte avant de partir et si tu veux bien veiller sur elle en attendant mon retour.
Hadès approuve en silence.
Lorsque le messager des dieux s’envole pour les forges d’Héphaïstos, je ne peux m’empêcher de trépigner et tourner sur moi-même. Les mains sur les lèvres, je me retiens de crier d’allégresse et de réveiller Arachné et Hygie parties se coucher. C’est fabuleux après tout ce que nous avons traversé, nous allons nous retrouver !
Je me rends soudainement compte que je ne suis pas seule. Hadès m’observe avec attention. Confuse, je lui souris timidement. Il secoue la tête et semble amusé. Je tente de détendre l’atmosphère.
— Pourrais-je descendre aux Enfers de temps à autre ?
— Personne ne descend aux Enfers par plaisir et personne n’en ressort sans mon autorisation.
— De toute façon, je connais des portes et Cerbère m’apprécie déjà, je réplique d’un ton malicieux.
Hadès se caresse la barbe.
— Tu as peut-être amadoué Remíyios et Belisários, mais je suis certain que Ceryios grognera encore.
Mes yeux s’écarquillent en comprenant que Cerbère n’est qu’un mélange des noms des trois chiens ! Si je redescends, je ne devrais pas oublier d’apporter de douces pâtisseries.
Je frissonne sous le vent frais.
— Majesté, je t’en prie, comment te remercier ? Tu m’as permis de libérer Médusa et grâce à toi nous serons réunies.
Le roi des Enfers contemple le ciel étoilé en silence. La lune n’est qu’un mince croissant presque englouti par la nuit. La nouvelle lune arrive. Je me souviens du plafond de sa chambre, il semble fasciné par les astres. À mon tour, j’admire la beauté des cieux. C’est si apaisant. Je sens qu’il se rapproche de moi.
— Je vais bientôt partir. C’était agréable de vivre cette aventure. Tu es une jeune femme très courageuse, Perséphone, ne change jamais quoi qu’il advienne, déclare Hadès de sa voix rauque.
Je penche la tête et souris, flattée d’être ainsi complimentée par le roi des Enfers. Il tend sa main vers mon visage, mais prenant conscience de son geste, recule et disparait dans la nuit.
C’est incroyable à quel point ma vie a évolué en quelques mois. De fille soumise, je suis devenue l’aventurière que je suis. J’ai combattu avec ardeur et j’ai rencontré tant de personnes surprenantes. Ce soir, je me retrouve à quelques pas du dieu des morts. Il n’est pas aussi terrifiant et bourru qu’il le laisse paraitre. Sans lui jamais tout cela n’aurait été possible.
En m’endormant, mon cœur bat plus fort. Cela fait tellement de temps que je n’ai pas revu Cyané. La vie que nous mènerons avec Médusa sera pleine de rires et chants. Je suis sure qu’Arachné s’intègrera parfaitement à notre groupe. Son caractère mordant enchantera la naïade. Ce sera amusant de vivre seules sur une île où tout est à refaire.
Alors que je dormais, il me semble paisiblement, une abominable douleur traverse mon corps. Je me redresse en hurlant à la mort. J’ai si mal, j’ai la sensation de ressentir dans ma chair la lance d’Athéna, le crochet de Tirésias, le glaive d’Hélios. Tout est concentré exactement dans mon dos pile où se trouvait l’étrange brûlure. Je ne pensais pas qu’il était possible de vivre tant de souffrance ! Hygie et Arachné accourent dans ma chambre.
— Que s’est-il passé ? demande Arachné, paniquée.
Je peine à expliquer la situation. Je pleure et me suffoque dans mes sanglots. Je désigne mon épaule droite, incapable d’articuler un mot.
Hygie se penche et déchire mon vêtement.
— Mon enfant tu es brûlante ! s’exclama-t-elle.
— Qu’est-ce que c’est ? questionne alors la femme araignée.
Je ne sais pas ce qu’elle montre. La fille d’Asclépios se couvre la bouche pour étouffer son cri. Elle examine la plaie à la lueur de sa lanterne.
— Perséphone, quelle promesse as-tu faite à Styx ? demande Hygie en caressant mon visage.
J’ai si chaud et à la fois je meurs de froid. Mon corps tressaute et je suis incapable de retenir mes larmes.
— De quoi parlez-vous ? j’articule entre deux sanglots.
— Ta promesse ? Tu as juré sur le Styx quelque chose qui doit s’accomplir ! Tu en portes la marque ! explique la divinité, angoissée.
Je souffre tellement que je n’arrive pas à réfléchir. Mes pensées sont confuses. Une promesse ? Je n’ai jamais rien juré sur le Styx ? C’est impossible !
— Persée ?
La voix terrifiée de Médusa retentit. La pauvre a dû malgré ses blessures gravir les escaliers. Arachné se précipite vers elle pour l’aider et lui décrit ce qu’il se passe. J’ai si honte d’avoir réveillé tout le monde et provoquer ainsi la panique générale. Hygie sort en courant de la chambre.
— Réfléchis Perséphone ! s’écrie la femme araignée.
J’ai beau fouiller dans mes souvenirs, je ne comprends pas de quoi il s’agit là. La douleur est si intense, c’est à peine si je tiens assis. J’ai la sensation que l’on m’enfonce une lame bouillante. Ma chair se consume, mes os se brisent et mon souffle est coupé.
Hygie m’oblige à avaler une étrange boisson au goût amer. Puis elle applique un cataplasme rafraichissant. Arachné tapote mon visage avec un tissu humide et Médusa me caresse la main comme je l’ai fait pour elle dans la journée.
— Dans quelque temps, cela devrait t’endormir et diminuer la douleur. Mais ma chère enfant, il faut à tout prix que tu te souviennes de ta promesse où tu succomberas dans de terribles souffrances puisque ta condition divine est éteinte.
Tout à coup Hadès entre dans la chambre. Il porte à nouveau sa chlamyde noire.
— Sortez mesdames, ordonne le dieu des morts à Arachné et Médusa.
À contrecœur elles s’exécutent.
Ses yeux me regardent avec intensité. Je ne veux pas qu’il me voie dans cet état pitoyable. Il soupire.
— Rappelle-toi Perséphone, le jour où tu t’es enfuie avec mon casque, tu as juré devant le soleil de devenir mon épouse avant la nouvelle lune.
Soudain, les souvenirs me frappent de plein fouet : la lutte acharnée contre Hélios, la course poursuite avec les quadriges, le combat des guerriers, et moi, mentant éhontément afin d’être libérée de ce dépravé. C’est Hadès qui a parlé de mariage. Il a fait cela pour sauver son honneur et le mien par la même occasion. J’ai voulu appuyer ses dires. Je m’entends prononcer mes propres mots : je suis promise au dieu des Enfers et notre union est prévue pour la nouvelle lune, je le jure sur le Styx.
Je suis prise de vertige. Les silhouettes deviennent floues et une vague de douleur me submerge. Comment ai-je pu être aussi stupide ! Comment aurais-je pu savoir que les serments sur le Styx étaient plus que de simples mots ?
— Non ce n’est pas possible ! C’est un cauchemar ! je m’exclame.
Hadès s’assoit sur le bord du lit. Il tend sa main vers moi.
— Il y a peut-être un moyen de cesser cela. Si nous descendons voir Styx et lui demandons de défaire ta promesse, déclare-t-il calmement.
— Allons, jamais Styx n’a…
— Il suffit Hygie, je suis roi des Enfers, gronde Hadès.
La divinité baisse les yeux, soumise à son autorité.
J’ai si mal que je n’arrive pas à réfléchir. J’ai la sensation que mon cœur ou ma tête vont exploser. Tout ce que je veux c’est que l’on éteigne cette douleur. Je ne peux mourir aussi lamentablement, pas après tous les sacrifices et les combats menés. Les visages inquiets de Médusa et Arachné dépassent du cadre de la porte. J’ai entraperçu un avenir idéal avec mes compagnes, il ne peut disparaitre ainsi.
— Mes amies, ne craignez rien, je reviendrai, je crie à leur intention.
Les sanglots de Médusa me fendent le cœur. L’expression détachée et froide d’Hadès est déroutante. Toutefois, la douleur est si intense que je peine à réfléchir correctement.
— Hygie, je vous en prie, veillez sur mes compagnes et expliquez à Hermès ce qu’il s’est passé.
— Soyez prudente, dit-elle en me caressant le front et en glissant dans ma main un aryballe.
— Emmène-moi avec toi Hadès, allons défaire cette promesse, je murmure en tendant la main.
Aussitôt, les bras puissants du dieu des morts me soulèvent comme une vulgaire poupée. Mon corps tressaute et il resserre sa prise contre lui. Ma vision devient floue et je disparais dans les ténèbres.
Je suis ravie de voir que la tournure n'est pas rose et idyllique comme elle l'espérait.
Cette histoire ne cesse d'être incroyable rt tes mots et ta plume sont un véritable plaisir
À méditer !
Après ce tome 1, il sera temps pour moi de réviser la mythologie grecque que j'ai tant oubliée mais que tu as rendue captivante.
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Déjà finie la quiétude alors ?
Vite la suite !