Chapitre 35

Cinq messages. Son ex lui avait envoyé 5 nouveaux messages en l’espace de quelques heures. Raphaël n'imaginait certainement pas un tel réveil. Il ne prit même pas le temps de les lire avant de les supprimer. Il ajouta le numéro à sa liste noire. 

Le jeune homme posa le téléphone sur son matelas pour se retourner dans son lit. Les vibrations de l’appareil l’avait réveillé alors qu’il ne souhaitait qu’une chose : se rendormir. Les yeux fatigués, il ne tarda pas à somnoler. Seulement, il fut de nouveau réveillé par des secousses dans son dos. L’étudiant grogna : si c’est cette folle, je demande à changer de numéro, jura-t-il dans sa barbe.

Une notification Twitter. Il fronça des sourcils en voyant la photo de profil. Il l’avait pourtant supprimé de ses amis… Raphaël appuya sur l’onglet pour découvrir des mots glaçant d’effroi : 

“Si je meurs, c’est de la faute de cet enfoiré de @RaphaëlADS. J’espère le hanter dans cette vie après la mort... #Balancetonporc”

Une dizaine de commentaires fleurissait déjà sous le post, tous demeurant sans réponse. Le rythme cardiaque de l’homme entreprit une sacré course. Il repoussa prestement les couvertures et contacta immédiatement la personne. Une première sonnerie. Puis une seconde.

– Si c’est une blague, elle est de très mauvais goût… murmura-t-il dans le silence de sa chambre.

Le cœur au bord de l’explosion, il quitta sa chambre et dévala les escaliers. Raphaël avait besoin d’aide. Il ne pouvait plus gérer cette situation seul.

– MAMAN !

Gloria releva la tête à la voix de son fils. Ce dernier était blanc comme un linge, le smartphone à la main. La panique qui traversait les yeux lui apprit de la gravité de la situation. Son aîné n’était pas du genre à venir lui demander conseil. Et quand il lui mit son écran sous les yeux, elle eut toutes les raisons de s’inquiéter.

– Elle ne répond pas quand je l’appelle, lui avoua t-il la voix tremblante.

– Tu as le numéro de l’un de ses amis ? Il faut contacter ses parents.

Raphaël contacta l’un de ses proches sous les yeux de sa mère. Il serra les poings en entendant l’homme décrocher.

– Tu as vu le post de Manon sur Twitter ?

– Non, pourquoi ? Elle t’insulte encore de tous les noms, je parie ?

– Il faut appeler ses parents, elle est peut-être en danger, vieux… Annonça l’étudiant en tirant sur ses boucles.

L’interlocuteur à l’autre bout du fil comprit tout de suite la situation puisqu’il raccrocha après lui avoir assuré qu’il allait contacter sa copine, une amie de son ex. Raphaël s’assit à table, impuissant. Il espérait que ce post ne soit fondé que sur de fausses menaces… Il ne voulait pas avoir la mort de quelqu’un sur la conscience !

Il se prit le visage entre les mains et souffla. Il pouvait toujours sentir les vibrations parcourir son corps. Si seulement il avait lu ses messages avant de les supprimer… Le jeune homme était assailli de regrets : et s’il était passé à côté des derniers mots de Manon ? Il ne portait pas l’étudiante dans son cœur, certes, mais de là à souhaiter sa mort… Il se mordit la lèvre pour s’empêcher de pleurer.

Raphaël sentit la main réconfortante de sa mère sur son dos. Même si son soutien ne parvenait pas à le consoler, il n’avait plus l’impression d’affronter cette situation seul.

– Vous êtes sortis longtemps ensemble ?

– Même pas… Je l’ai quittée et elle a commencé à me harceler. Mais je ne pensais pas que les choses iraient aussi loin.

Gloria dut tendre l’oreille pour l’entendre tant il parlait bas. Les révélations de son grand garçon l’ébranlait : jusqu’où cette histoire était-elle allée ? Il aurait dû venir lui en parler. Elle continua à réconforter sa chair et son sang du mieux qu’elle put, mais que dire dans ce genre de situation ? Ils ne connaissaient pas encore l’état de cette fille, la harceleuse de son fils. A ce propos, la mère n’avait pas besoin de preuve pour croire les mots de son garçon. Son fils n’était pas un menteur

Ils attendirent tous les deux que le téléphone prenne vie. Et autant dire que l’attente était intenable. Le besoin de connaître et la peur de savoir se menaient bataille. La santé mentale du jeune homme ne tenait plus à grand-chose.

Dans son dos, Gloria entendit une nouvelle présence les rejoindre. La démarche lui assura qu’il s’agissait de son mari. Ce dernier retint difficilement un bâillement en rejoignant le drôle de duo.

– Qu’est-ce qu’il se passe ? Des résultats d’examen ? Demanda Marcus en appuyant sur le bouton de la machine à café.

Aucun des deux ne répondirent à ses questions, trop obnubilés par l’écran du téléphone qui restait infiniment noir. Le père de famille s'assit face à eux après avoir récupéré sa tasse de café. Il étudia leurs visages, à la recherche d’un indice. Il vit de l’inquiétude, de l'anxiété même, sur le visage de sa femme et de son fils. Ce n’est pas un examen, allons bon, pensa t-il en savourant le goût du café sur sa langue.

Marcus sursauta et manqua de lâcher sa tasse en voyant Raphaël bondir de sa chaise. Le cinquantenaire grogna en sentant la brûlure du liquide sombre. Il écarta immédiatement le tee-shirt de sa peau. Des légers picotements situaient la zone de brûlure mais il n’en fit pas cas, bien plus préoccupé par la situation de son aîné. Ce dernier avait le téléphone collé à l’oreille, le teint toujours aussi blafard.

– Ok, merci, dit-il au bout de quelques minutes.

Il souffla puis lâcha.

– Cette folle est à l’hôpital.

L’étudiant se massa le crâne. Il était fatigué par la situation, par cette fille… S’il l’avait en face de lui à ce moment précis, il n’était pas sûr de pouvoir retenir ses poings de lui fracasser le visage. Là, se dit-il, elle aurait des raisons d’aller à l’hôpital. Sans un regard pour ses parents, il ouvrit son application Twitter qui saturait de messages haineux. A cet instant précis, il était devenu l’ennemi numéro 1 des femmes. Ces dernières se permettaient de l’attaquer sans en connaître les tenants et les aboutissants. Il prit la décision de désactiver son compte. Des explications de sa part ne changeraient pas grand chose.

– Tu sais ce qu’elle a ? C’est grave ?

– Elle est vivante, c’est le plus important., rétorqua Raphaël, la voix éteinte.

– Est-ce qu’on peut m’expliquer ce qui se passe ?

Le timbre grave du père interpella la mère et le fils. Papa ours n’était plus aussi détendu qu’à son réveil, et ce qu’il entendait ne lui plaisait pas du tout.

– Une ex de Raph a tenté de se suicider, l’en informa Gloria.

Cette fois-ci, Marcus se figea d’horreur. Il n’avait pas élevé son fils de la sorte ! D’ailleurs, que faisait-il encore ici ?! Le visage du cinquantenaire interpella celui de son aîné puisqu’il se justifia dans la seconde :

– Elle me harcelait de messages, p’pa !

Le jeune homme déverrouilla son téléphone pour lui montrer les captures d’écran prises au fil des jours. Il avait gardé trois photos en tout : chacune d’entre elles démontraient l’acharnement de l’étudiante à son égard. Elle l’insultait régulièrement depuis leur rupture et il avait eu le droit à des appellations plus grossières les unes que les autres.

Cependant, un message interpella particulièrement l’homme de la maison. Son cœur de vieil homme reprit du galop, frisant la crise cardiaque.

– Tu l’as mise enceinte ?

La question surprit ses deux vis-à-vis et la mère vola le smartphone de ses mains. A nouveau, le jeune homme s’empressa de répondre :

– NON ! Mon Dieu, NON ! C’est juste un coup de bluff, elle espérait que je me remette avec elle.

– Et si ce n’est pas de la comédie, Raphaël, rétorqua son père, la mine sévère.

L’absence du surnom habituel le fit serrer des poings. Des tremblements vinrent agiter son corps : il vibrait désormais de colère, de peur… De panique. Dans son esprit, tout ce qui sortait de la bouche de cette vipère n’était que mensonge. Elle ne pouvait pas être enceinte. Une grimace de dégoût déforma son beau visage. Impossible.

– On doit prendre contact avec ses parents.

– Quoi ?! Mais--

– Tu te tais, Raphaël. T’as essayé de gérer la situation comme un adulte et regarde où ça t’a mené…

Marcus souffla. Il reposa sa tasse de café loin de lui et invita son aîné à partir d’un simple regard. Raphaël se mordit la lèvre en voyant la déception dénaturer les traits de son père. Il quitta la pièce, le pas furieux. Il s’enferma dans sa chambre, sans manquer de bousculer Gabriel au passage. Ce dernier venait de se réveiller. Les vestiges de son sommeil l’empêchérent de voir les larmes silencieuses redessiner les joues de son frère. 

Il descendit les escaliers et rencontra un tableau insolite : celui de son père et de sa mère, s’envoyant des mots à la tête. Au lieu d’affronter le champ de bataille, le lycéen sonna sa retraite. Tant pis, je déjeunerai plus tard, pensa t-il, sans se douter un instant que la vie de famille était sur le point de changer.

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