Chapitre 35

Par Mila
Notes de l’auteur : Bonne lecture à tous !

Les poumons en feu, tous couraient le plus vite et le plus loin possible. Taïe, d’habitude plutôt rapide, se faisait largement distancer. Toutes ses douleurs s’étaient réveillées, les voix des Tsadiens hurlaient dans sa tête, et elle luttait pour maintenir Saziel figé. Elle avait beau tenter de fuir aussi vite qu’elle le pouvait, ses jambes refusaient de lui obéir et ralentissaient peu à peu.

 

“Elyie !” tenta-t-elle de crier, mais ce ne fut qu’un croassement minable qui sortit de sa gorge.

 

Ses poumons étaient de plus en plus comprimés. Ses paumes venaient d’heurter la terre froide, sans qu’elle ne se soit rendu compte qu’elle tombait. L’odeur de la mousse et de la boue emplissait ses narines, sans qu’elle ne soit capable de décoller son visage du sol. Des larmes de frustration, mêlées de peur, coulèrent sur ses joues. Il fallait qu’elle se relève ! La panique enflait en elle, faisait trembler ses muscles alors qu’elle tentait désespérément de les faire bouger. Elle ne parvenait qu’à respirer l’odeur âcre des mottes d’herbes humides. Au fond d’elle, elle sentait la pression que l’âme de Temps exerçait sur Saziel se dissoudre peu à peu, comme une corde qui devenait trop fine pour qu’on puisse continuer à exercer une pression dessus.

 

Des mains agrippèrent brusquement ses épaules, la serrant fort et la soulevant de terre. Elle se débattit, persuadée que Saziel avait réussi à la rattraper, avant d’entendre la voix de Ban’eh tout près de son oreille.

 

“Taïe ! Laisse-toi faire !”

 

Elle se détendit, et le laissa passer ses bras en dessous des siens. Une autre personne tenait ses jambes, la secouant en tous sens. Elle crut reconnaître la voix de Ka’ni quand il pressa Ban’eh d’accélérer. Elle se faisait ballotter au rythme de leurs foulées, mais était toujours incapable de reprendre le contrôle de son corps. Le souffle venait même à lui manquer, faisant réapparaître la peur en elle. Et si elle mourait asphyxiée, sans que personne ne s’en rende compte ? Ban’eh et Ka’ni étaient plus occupés à fuir le plus vite possible qu’à vérifier si elle était toujours en vie. Elle se les imagina, courant toujours, traînant avec eux son cadavre sans s’en rendre compte. Quand ils réaliseraient, est-ce qu’ils la laisseraient tomber, ou continuerait-il à porter sa dépouille ? Il valait mieux qu’ils la lâchent : ils seraient moins encombrés. Cependant, une toute petite partie d’elle-même, un peu égoïste, espérait qu’ils ne l’abandonneraient pas, même s’ils se mettaient alors plus en danger. Elle ne voulait pas laisser son corps aux mains de Saziel. Que pourrait-il faire d’elle ? Que devenait une âme quand son enveloppe charnelle mourrait ? Non non non, elle ne voulait pas finir à la merci des rebelles. Elle voulait se faire enterrer, enveloppée d’un voile de lin. Aux côtés de Naïde. Une petite partie de son esprit lui fit remarquer que cela était impossible, mais elle fut incapable de se souvenir pourquoi.

 

Sa tête heurta brusquement le torse de Ban’eh, assez brutalement pour la ramener à la réalité. Elle avait totalement divagué. Au moins, maintenant, elle pouvait respirer de nouveau. Le soldat Néréein raffermit sa prise, et son coude s’enfonça dans le dos de Taïe un instant. La douleur surgit à peine une seconde, mais si vive que son corps se crispa involontairement avant de reperdre toutes forces et de s’avachir à nouveau entre les mains de ses porteurs. Ce brusque soubresaut les surprit, et ils manquèrent de la faire tomber sur l’herbe. Ou était-ce des rochers ? Elle n’avait aucune idée du temps qui venait de s’écouler, son seul indice étant la respiration saccadée de Ban’eh, dont elle sentait la poitrine se lever et s’abaisser rapidement contre l’arrière de son crâne.

 

Trouve la vérité trouve la vérité trouve la vérité…

 

Son corps se posa subitement dans l’herbe. Ses yeux s’ouvrirent sur le visage d’Elyie, alors qu’elle ne se souvenait même pas de les avoir fermés. La soigneuse était penchée au-dessus d’elle, soucieuse.

 

“Taïe ? Tu m’entends ?”

 

Trouve la vérité la vérité trouve la vérité en…

 

“Oui, je l’entends… Elle crie, tu ne l’entends pas ? Comment est-ce que tu fais pour ne pas l’entendre ?”

 

Trouve la vérité trouve la vérité trouve la vérité en…

 

“Taïe ?

-La vérité en… en ?”

 

Trouve la vérité la vérité…

 

“En quoi ? Réponds !

-Taïe ! Calme-toi

-Non… j’ai mal.”

 

En…

 

Elle lui répondait d’une voix faible, presque geignarde. Pourquoi maintenant ? Qu’est-ce que j’ai fait ?

 

“Tu as mal ? Où ?

-Mon dos…”

 

Sans s’attarder, Elyie pressa Ban’eh de la retourner et dévoila son dos. Elle eut un petit cri de surprise en voyant apparaître la tache noire. Elle appela Lo’hic d’une voix tremblante, et le sage eut la même réaction, puis recula précipitamment. Taïe entendit ses pieds s’éloigner prestement.

 

“Lo’hic, elle n’est pas contagieuse, remarqua Elyie.

-Je sais, je sais. Je ne fuis pas la maladie.”

 

En Helere.

 

“En Helere, répéta Taïe, mais, le nez dans l’herbe, personne ne l’entendit.

 

Elle entendait des mouvements indistincts, comme s’il fouillait dans quelque chose.

 

“Je n’en ai plus, marmonna-t-il.”

 

Le sage avait réussi à conserver son sac, et en retournait chaque poche l’une après l’autre.

 

“En Helere, insista Taïe, mais son intervention passa encore une fois inaperçue.

-Il nous faut rester ici, déclara Lo’hic. Elle ne doit pas être bougée, j’ai trop peur d’aggraver son état. Il lui faut également un traitement. J’avais de la rougeolante mais…”

 

D’un geste, il repoussa son sac, qui atterrit devant les yeux de Taïe.

 

“Elle a dû tomber. Je vais retourner à Feli’ah, et revenir le plus rapidement possible.

-Mais c’est si loin ! s’exclama Elyie. À pied, ce sera beaucoup trop long.

-Je vais descendre le fleuve jusqu’au lac Aléane. Il y a là-bas un petit village Soboemns, je leur emprunterai un cheval. De là, rallier Feli’ah ne me prendra que deux ou trois jours à bonne allure.”

 

Tout le groupe murmura son assentiment, et Ban’eh fut dépêché à ses côtés. Ils partirent sans tarder, et Taïe se contenta de fermer les yeux. Elle n’avait presque pas couru, et la voilà qui tombait de fatigue. Une petite sieste ne lui ferait pas de mal. Même allongée sur le ventre dans l’herbe humide, ce serait bien. Ses paupières commençaient déjà à s’alourdir de plus en plus.

 

En Helere.

 

La voix des Tsadiens la fit brusquement sursauter, tant et si bien qu’elle roula à moitié sur le côté avant de vomir immédiatement. Elle regarda sa bile acide couler dans l’herbe, souillant les petits brins vert vif. Tiens… je ne me souvenais pas avoir mangé quoi que ce soit de rouge. C’est marrant… Elle en sentait un goût métallique dans sa bouche, mêlé à l’âcreté de ce qu’elle avait régurgité. Heureusement qu’elle avait roulé sur le côté : un peu plus et elle s’étouffait dans son propre vomi. Au moment où elle formait cette pensée -presque- réconfortante, un coup de vent envoya ses cheveux se déposer dans le mélange peu ragoûtant qu’elle avait rendu. Allons bon. Au moins était-elle capable de penser de manière cohérente.

***

Sa position était très inconfortable. Allongée sur le dos, le corps arqué, la tête en bas, une pierre lui rentrait dans la colonne vertébrale. Elyie l’avait disposée ainsi, sa tête au plus proche de l’eau du fleuve, afin de laver ses cheveux tant bien que mal. Il lui était très compliqué de se mouvoir : le moindre mouvement, quand elle était en capacité de l’effectuer, lui causait une douleur atroce. Au moins n’était-elle presque plus paralysée. Après l’avoir nettoyée, Elyie l’avait allongée au soleil dans l’espoir qu’il fît sécher sa chevelure plus rapidement. Peine perdue : le ciel automnal ne lui apportait pas beaucoup de chaleur. Essoufflée, la soigneuse s’assit à ses pieds. Toujours aussi épuisée, Taïe tourna néanmoins la tête en sa direction, les yeux remplis de larmes.

 

“Je suis désolée… murmura-t-elle.

-Pourquoi tu ne nous en as pas parlé ? Nous aurions pu faire quelque chose, essayer de…

-Quoi ? souffla Taïe. Faire quoi ? Nous étions déjà loin de Feli’ah quand je l’ai découvert et…”

 

Elle s’arrêta un instant pour reprendre son souffle. Son état ne l’alarmait pas outre mesure : elle se sentait déjà bien mieux que plus tôt, et cela allait aller en s’améliorant. Elle en était sûre. Elle ne pouvait pas rester malade longtemps : elle devait poursuivre sa quête. Trouver la vérité, retrouver l’homme, et se rendre en Helere. Helere…

 

“Helere ?”

 

Elyie la ramena à la réalité.

 

“C’est ce que j’ai dit ? s’étonna Taïe. Je ne pensais pas l’avoir dit à voix haute, je dois divaguer un peu…

-Non non, je l’ai entendu dans ma tête.

-Les Tsadiens ? Tu as entendu les Tsadiens ?”

 

La guerrière tenta de se redresser, en vain.

 

“Non, c’est ta voix que j’ai entendue. Tu as parlé dans ma tête.”

 

Taïe était trop fatiguée pour émettre la moindre interrogation.

 

“Ce doit être l’âme”, affirma-t-elle d’un ton tranquille.

 

Cela lui paraissait parfaitement logique. Pourquoi pas, après tout ? Ses yeux se fermaient déjà tout seuls. Elle devait dormir.

 

Temps se tenait face à elle, au milieu de la plaine. Les Montagnes Laires, sinistres, bordées par la Forêt de Brume, s’étendaient dans son dos. Taïe reconnaissait l’endroit : c’était ici qu’elle avait déjà rencontré la Tsadienne. Elle ne lui avait alors adressé qu’une seule phrase. “Une tempête se prépare.” Cette fois-ci, si le ciel était gris, il ne cachait aucun nuage d’orage.

 

“Tu as compris ?”

 

Temps inclina la tête, attendant sa réponse. Les lèvres scellées, Taïe était incapable d’ouvrir la bouche. Portant ses mains à son visage, elle s’aperçut qu’une surface de peau lisse s’étendait à la place. Loin de paniquer, elle se contenta de pencher la tête à son tour, observant Temps.

 

“Mon âme est faible. Mais pas autant que toi en cet instant. Je peux te parler, puiser dans la force que tu as laissée. L’autre nous entend aussi.”

 

Elyie ? Taïe fronça les sourcils.

 

“La soigneuse. Celle qui porte le reste de mon âme.”

 

Une rafale de vent fit bruisser le long manteau de la Tsadienne.

 

“Va en Helere. Cherche Saziel. Vous possédez en vous mon âme, et le Lien. Son affinité, qui m’a permis de m’incarner en vous, en vous modulant pour former le parfait réceptacle.

 

Mais pourquoi elles ? Malheureusement, Taïe n’était pas en capacité de poser des questions. Temps poursuivait.

 

“Vous devez trouver la vérité. Je sais que la tâche est ardue : ne vous découragez pas. Je ne peux…”

 

Elle secoua la tête d’un air désolé.

 

“Je ne peux rien te révéler en te voyant ainsi. J’ai fait le serment de n’en parler à quiconque. La promesse de dix Tsadiens me retient. J’arrive parfois à te partager des moments vécus au travers des visions, puisant dans toutes mes forces. Petit à petit, tu finiras par tout comprendre. Beaucoup sont ceux qui ne sont pas liés par le serment : vous devez les trouver. En attendant… je vais te faire comprendre la promesse.”

 

Un brouillard blanc envahit la plaine, engloutissant Temps sur son passage : quand il se retira, Taïe se trouvait à nouveau en haut du Mont Tsadis. Les dix Tsadiens se tenaient en cercle, la paume tendue. Un filet de lumière serpentait entre leurs doigts ouverts. Tous prirent la parole en même temps.

 

“Ne laissons jamais le secret s’ébruiter. Protégeons-le du monde.”

 

Le serpent de lumière s’éleva, et se colla sur le front de chacun des êtres. Il s’y enfonça, y disparaissant sans laisser de traces.

 

“La promesse est scellée”, tonna la voix dure d’Ombre.

 

Taïe ouvrit les yeux, le cerveau brumeux. Elyie était toujours assise au même endroit et la regardait, muette.

 

“J’ai tout vu, tout entendu, déclara-t-elle simplement.

-Oui…murmura Taïe. Elle me l’a dit.

-Je sais. J’étais là.

-Tu as vu la vision ?”

 

Elyie acquiesça.

 

“Comment ? souffla Taïe.

-Elle l’a dit. Tu es faible. Elle est plus forte. Son âme peux nous atteindre toutes les deux. C’est pour cela que je ne l’entendais pas avant : toute sa force était concentrée dans la partie de son âme la plus forte, en toi. Mais maintenant que tu es si faible… Je comprends, à présent. Tout prend sens.

-Tout ?

-Oui ! Nous connaissons maintenant le fonctionnement de l’âme. Comment elle s’est retrouvée en nous, comment elle communique…”

 

L’esprit fatigué de Taïe n’était pas parvenu à comprendre la même chose. Tout ce qu’elle avait plus ou moins retenu, c’était la promesse.

 

“Je vais faire simple. La seule chose que nous ignorons, c’est pourquoi l’âme s’est incarnée en nous, et pas quelqu’un d’autre. Comment elle l’a fait, en revanche… C’est grâce à l’affinité volée de Saziel, ce qu’elle a appelé le Lien. Un lien qui permet à notre simple âme de supporter celle d’une Tsadienne, un lien créé par un pouvoir Radvenheng. Que Temps possédait.”

 

Sans laisser à Taïe le temps de répondre, ce dont elle aurait d’ailleurs été bien incapable, elle poursuivit, les yeux brillants.

 

“Cependant, la déchirure de son âme la laisse faible. Elle concentre alors toute sa force et sa volonté pour communiquer avec celle qui, entre nous deux, en possède la plus grande partie. Toi. Les visions qu’elle parvient à t’envoyer sont sporadiques. Aujourd’hui, tu es si faible qu’elle est parvenue à nous parler à toutes les deux. Nous avions déjà vu cela : c’est quand ta conscience est la plus faible, quand tu es sur le point de t’endormir, que les voix sont les plus fortes. Et les visions surviennent le plus souvent dans ton sommeil. C’est ta faiblesse qui fait sa force, qui la libère.”

 

Un sourire s’étendait sur les lèvres de la soigneuse. Elle était heureuse d’avoir enfin compris. La connaissance était l’une des choses qu’elle chérissait le plus. Son assiduité dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, des remèdes Soboemns… Tout ce temps où l’âme était restée un mystère complet devait avoir été éprouvant pour elle, qui voulait tout comprendre.

 

“Il nous manque encore quelque chose, parvint à articuler Taïe. La chose que Temps a prise à Saziel, en plus de son affinité.”

 

Cette fois-ci, Elyie n’avait aucune conjecture. Leur seul espoir était d’apprendre quelque chose dans les visions, ou en Helere. Taïe avait insisté pour s’y rendre : en plus de l’injonction de Temps, elle s’était souvenue d’un détail. Lorsque Nali’ah était venue à Feli’ah pour l’arrêter, elle lui avait montré le poignard que l’armurier portait sur lui. Il n’était pas Oedorien, et ne venait pas de la Forêt Oubliée. Taïe avait conclu qu’il ne pouvait provenir que d’un seul endroit : Helere. Si des personnes là-bas connaissaient le fameux secret… Ils devaient y aller. Ce qui était impossible pour Taïe, au vu de l’état dans lequel elle se trouvait. Autre difficulté, la Brume. Comment allaient-ils la traverser ? Elle n’eut pas le temps d’y penser davantage. Ka’ni avait pris la place d’Elyie sans même qu’elle ne s’en rende compte.

 

“Comment te sens-tu ?" demanda-t-il d’une voix triste.

 

Son chagrin se reflétait au fond de ses grands yeux noirs. Taïe tenta un timide sourire, se remémorant leur première rencontre. L’atmosphère était à la fête alors, non comme aujourd’hui.

 

“Tu aurais pu nous le dire. Je ne sais pas ce que j’aurais pu faire mais… j’aurais su. Été à tes côtés. Tu sais que tu peux toujours compter sur moi.”

 

La sollicitude et la grande tendresse qu’elle voyait dans ses yeux déstabilisèrent Taïe. Légèrement mal à l’aise, elle se contenta de souffler un “Je sais”, à peine audible.

 

“Lo’hic va revenir avec le traitement. Il ne te guérira pas, mais tu te sentiras mieux. Tu n’en es encore qu’au deuxième stade. Après la fatigue et la douleur viennent les crises, violentes, mais entre elles tu auras presque l’impression d’être guérie.”

 

Cependant, la crise prenait son temps et ne semblait pas cesser. Un petit camp s’était organisé au bord de l’Aléane, et, chacun leur tour, les membres du groupe venaient lui tenir compagnie. Le soir était le quart de Pavel : sa chaleur tenait éloigné le froid de l’automne qui commençait à s’installer.

 

“D’où vient Ka’ni, exactement ? demanda Pavel un soir où Taïe pouvait participer à une discussion sans trop de difficultés.

-Un village Soboemns, dans la Forêt de la Vie. Quelque part entre Feli’ah et le Mont Tsadis.

-A-t-il de la famille là-bas ?

-Ses parents, et un frère. Je sais qu’il avait une sœur, mais elle a succombé à la temporelle.”

 

La mention de la maladie la refroidit brusquement, mais Pavel ne sembla pas s’en apercevoir, plongé dans ses questions.

 

“Est-ce que tous les Soboemns sont ainsi ?

-Ainsi ? Qu’entends-tu par là ?

-Des cheveux de jais, des yeux profonds, un visage fin…”

 

Il s’arrêta brusquement, et Taïe était persuadée que s’il avait pu rougir, il l’aurait fait.

 

“Enfin, bredouilla-t-il, je veux dire que Ka’ni est comme ça oui, mais Lo’hic est semblable, bien qu’avec moins de charme, enfin juste un peu plus vieux et je me demandais…”

 

Il sembla prendre conscience qu’il s’enfonçait, et Taïe décida de poursuivre comme si de rien n’était, en répondant à sa question.

 

“Ils se ressemblent un peu, oui. J’ai surtout vu des bruns, mais aussi des châtains et quelques blonds. En tout cas, jamais de roux comme moi, sourit-elle.

-D’accord”, se contenta de dire le Korafiè.

 

Il passa le reste de la soirée dans un silence contemplatif. Taïe, adossée contre son rocher, regardait les étoiles en pensant à la Brume. Elle avait retourné le problème dans tous les sens, sans trouver de solution. Chaque fois qu’elle avait partagé son indécision avec ses camardes, ils lui avaient dit qu’il fallait d’abord attendre le retour de Lo’hic.

 

“Chaque chose en son temps, avait affirmé Nali’ah. D’abord on te soigne, ensuite on traverse.”

 

Cela exaspérait Taïe, qui, chaque fois qu’elle pensait se sentir mieux, faisait une rechute spectaculaire. Pavel était encore à côté d’elle, pensif, quand elle se redressa vivement. Du moins, elle essaya : la douleur lui fit aussitôt lâcher prise, et des étoiles dansèrent devant ses yeux.

 

“Je sais comment faire !” cria-t-elle en murmurant avant de s’évanouir.

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