Chapitre 35 - Meos - Des rêves tissés de déceptions

Un appel à l’aide écho de la forêt, d’une voix inconnue de tous, sauf un, le garde, qui recule d’un pas pris d’effroi. Garo s’apprête à se ruer en direction du danger, mais se retrouve stoppé net par Galgot, sans éprouver le moindre effort.

 

« Tu comptes t’y jeter sans armes ? Reste là, Gol va gérer la situation.

— Je ne me méfie pas pour Gol… mais de Meos. »

 

Galgot titille de la tête, n’arrive pas à déchiffrer l’intention de Garo, mais accepte ses craintes. Il lève le bras en direction des tentes, où deux autres Aventuriers s’entraident pour soulever, balancer puis lui envoyer, avec une parfaite trajectoire en cloche, un immense amalgame de métal contondant aux aspérités tranchantes. Galgot réceptionne l’amas sans incident, d’un létal cinglant.

 

« J’ouvre la voie, essayez de suivre le rythme de mes petits bébés, nargue Galgot en revêtant la ferraille sur ses deux poings.

— Attends, pause Garo en se tournant vers le garde qui devenait livide, tant ses yeux se perdait dans l’obscurité de la forêt.

— Laisse-le, soupire Galgot, c’est évident qu’il va se pisser dessus. »

 

Garo tend la main au garde, pour l’insister de venir. Il sait que ni sa parole, ni celle de Galgot, ne suffiront jamais à justifier de ce qu’ils vont témoigner à l’ensemble des villageois, ou commettre… si Meos se révèle hostile.

 

« On peut juste attendre », propose le garde avec hésitation, qui essaye de construire une argumentation sans fondation. « Si Meos revient avec votre gars, c’est un miracle. Si Meos revient seul, c’est un fléau. Et si personne revient, c’est… tout est revenu à la normale.

— Quelqu’un d’autre à appelé à l’aide, souligne Garo.

— J’ai rien entendu », supplie le garde, dont le timbre de la voix transpire d’une vile complaisance.

 

***

 

Quelques instants auparavant, à la sortie latérale du village, en vue sur l’ancien hôpital nomade de Mer, aucun marchand, ni patrouille ne se trouve à proximité, hormis un garde, seul, adossé à la palissade. Il contemple son arme d’hast brisée, sa fierté blessée. On peut voir sur son visage le désir de se venger, ainsi que l’anxiété d’une nouvelle responsabilité.

S’approchant de lui, apparaît une jeune villageoise, le visage éclatant, un panier en main.

 

« Prête pour la cueillette ! exclame-t-elle devant le garde, avant de le dévisager. Où est… ?

— Il est pris. C’est à mon tour.

— Avec une arme brisée en deux ? On risque rien ? s’inquiète la jeune femme qui hésite à mentionner l’expression troublée du garde, par peur de le provoquer.

— Les Aventuriers sont déjà rentrés de la chasse, tant que tu te tais, on n’attirera aucune créature.

— Je sais, je sais, mais… Bon allons-y ! Plus vite on ira ! plus vite on rentrera !

 

Ils s’avancent ensemble vers la lisère de la forêt. Dans le fond, on peut observer le cordon de tentes sombres des Aventuriers, dont Meos qui est agenouillé sur des carcasses fumantes avec Gol le surveillant.

 

« Mer a déjà avalé tout ce que j’avais cueilli ? interroge la jeune femme, dubitative.

— Son appétit a grandi, répond sèchement le garde.

— Par contre, ça va être la dernière fois ! Après, je quitte le village pour rejoindre mon amoureu aux forges. Sa dernière chasse s’est mal passé, on m’a dit qu’il a perdu un bras, mais ne s’est pas découragé, et a décidé de rejoindre ses parents. C’est passé si vite. C’est peut-être de ma faute. Je l’ai rencontré là-bas, et l’ai encouragé à venir ici. L’idée de devenir Aventurier le motivait, plus que vivre aux forges. Cependant, les rêves sont parfois tissés de déceptions.

— J’ai tous mes membres, et suis costaud, si tu changes d’avis, avance le garde.

— Je sais pas comment je dois le prendre, mais merci quand même. »

 

Ils arrivent à la lisière de la forêt, et suivent un sentier avec une précision millimétrée. Le garde tente répétitivement de faire des avances à la jeune femme, mais se voit rebuter courtoisement. Il est conscient que le moindre bruit peut annoncer un danger imminent, et l’utilise avec perversité.

 

Entre les troncs se dévoilent un coin à champignons, épargné par les ronces. Leur forme charnue est repoussante, et n’est connue comme délicatesse que par ceux qui se sont abandonnés au fruit défendu. La jeune femme en cueille un maladroitement, reproduisant un geste mémorisé, et le pose dans son panier.

 

« Ça suffira », termine le garde, dont le mécontentement laisse place à une obligation.

 

Perplexe, la fille n’a pas le temps de se retourner, que le garde utilise son arme brisée pour l’étrangler. Ses cordes vocales sont écrasées, elle se débat mais ne se dégage pas, tente de le griffer mais ne l’atteint pas. Le garde lui susurre des mots apaisants, l’encourage à se laisser faire, qu’elle va rejoindre son amant.

 

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