Chapitre 36.

Notes de l’auteur : Bonne lecture à tous et à toutes !

 Chapitre 36 

 

Anak était de retour sur le catamaran et dans sa cabine. Pour autant, elle n’arrivait pas à trouver le sommeil. Une arme de fortune pressée contre son cœur, elle restait immobile dans son lit, allongée sur le dos, à observer le silence et la pénombre. Le hublot, dont elle n’avait pas tiré le store, offrait suffisamment d’éclairage à la pièce pour qu’elle puisse contempler pleinement les lattes du lit surélevé au-dessus d’elle. Celui de Moh. Elle espérait qu’il se remettait des coups qu’il avait subi lors de leur mission insensée. Wanda dormait-elle dans le cagibi avec lui ? C’était une pensée réconfortante. De cette façon, ils pouvaient veiller l’un sur l’autre et se réconforter. Moh était doué pour remonter le moral des autres. 

 

Un soupir se préparait dans ses poumons lorsque un bruit de pas feutrés lui fit se dresser l’oreille. Son souffle resta bloqué dans sa poitrine et elle serra des deux mains son arme. Les pas approchaient vers sa cabine et elle les entendit distinctement s'arrêter devant sa porte. Une ombre vint remplacer la lisière de lumière jaune qui bordait le bas de sa porte, Veirn et Jasper assurant naturellement la garde du bateau et qu’aucun d’eux ne tente quoique ce soit. Qui de Veirn ou de Jasper se tenait de l’autre côté de sa porte ? 

 

Sans faire le moindre bruit, la poignée s’abaissa et la porte s’ouvrit doucement. Quelqu’un entra, refermant la porte derrière lui, et Anak projeta sa couette au loin pour se redresser en brandissant son arme. 

 

“Arrête, Anak ! C’est moi ! 

-Chad ?

-Un fer à friser ?”

 

Anak se laissa retomber sur son matelas alors que le clair de lune dessinait le profil si familier de Chad. Une pointe de moquerie retroussait les bords de ses épaisses lèvres et il secoua la tête de dérision alors qu’elle rabaissait le fer à friser avec lequel elle s’apprêtait effectivement à l’asséner de coups. 

 

“Ne te fatigue pas, j’en ai toujours pas besoin, chuchota-t-il dans une référence railleuse à ses bouclettes.

-Oui bah je n’avais pas mieux que ça… mais qu’est-ce que tu fous là ?”

 

Il vint s’asseoir près d’elle sur le lit et Anak jeta un regard à la porte fermée, sous laquelle la lumière continuait à glisser, imperturbable. Personne ne semblait prêt à surgir. 

 

“Je voulais te parler et c’est encore pendant la nuit qu’on a le plus la paix.”

 

Depuis leur petite manœuvre pour envoyer un message à Sib, la surveillance du Kozak s’était accrue, et ils ne pouvaient plus parler furtivement entre eux. Veirn, en particulier, ne les lâchait pas d’une semelle et les rappelait à l’ordre à la moindre messe-basse. La nuit, ils se contentaient de surveiller le carré ainsi que le membre qui s’acquittait de son quart de navigation. Les cabines du Yak ne se vérouillaient que de l’intérieur. A défaut de pouvoir les enfermer dans leurs cabines pour la nuit, ils avaient défoncé les verrous pour qu’aucun d’eux ne puisse leur en interdire l'accès. 

 

“Mais… et les deux autres ?

-C’est le quart de Jasper, Veirn dort. Et ce con de Jasper est trop occupé à regarder un film sur son téléphone pour surveiller quoique ce soit.

-Comment tu sais ça ?

-Moi aussi, je les surveille.”

 

La bouche d’Anak s'entrouvrit, impressionnée qu’elle était par les exploits de Chad. Ce n’était pas si surprenant que ça, en réalité. Alors qu’il était un tout jeune adolescent, il avait réussi à s’infiltrer dans la cale d’un paquebot et à tenir le coup pendant toute la traversée, sans eau, ni nourriture. Chad avait toujours été débrouillard et savait se faire discret quand le besoin s’en faisait sentir. Surtout sur un bateau qu’il connaissait par cœur. 

 

“De quoi tu voulais qu’on parle ? demanda-t-elle dans un murmure.

-Tu as réussi à envoyer un message au Mod, qu’est-ce que tu leur as dit ?

-J’ai seulement eu le temps de taper SOS… après, ils m’ont forcée à rappeler Sib pour l’enfumer. 

-Dis-moi que t’as glissé un truc suspect.”

 

Un petit sourire naquit sur le visage d’Anak et en miroir, un plus gros éclaira celui de Chad. 

 

“J’ai été la plus chelou possible sans pour autant trop risquer de me prendre une nouvelle beigne, lui révéla Anak.

-Tu crois qu’elle a compris ?

-Oui, j’en suis sûre, certifia-t-elle, je ne sais pas si elle a relevé mon espèce de code pour Kosh, par contre…

-Tant pis, balaya Chad, au moins, maintenant, ils savent qu’on a besoin d’aide et ils vont sûrement alerter les autorités. 

-Mais la mer est si grande… comment ils vont nous retrouver ?”

 

Elle ne cessait d'y penser. Aurait-elle dû être plus claire, quitte à se faire tabasser ? Elle regrettait un peu. Même si elle avait mal à tous les endroits qu’ils avaient frappés, ce n’était rien face à l’espoir qu’on puisse leur venir en aide. A l’heure qu’il était, Sibéal avait dû réaliser qu’ils étaient dans de sales draps. Même si elle n’avait pas compris lesquels, elle s’était assurément posée les bonnes questions et peut-être avait-elle déjà prévenu les secours… mais ils ne pouvait pas sillonner les eaux au hasard. 

 

Plus elle y réfléchissait, plus elle avait l’impression d’en avoir trop fait ou pas assez. Par sa faute, Moh avait été passé à tabac et Wanda était retourné sur le Kozac avec Dani. Après lui avoir dit qu’elle venait peut-être de tous les condamner, Yakta ne lui avait plus adressé la parole et Anak s’était retrouvée seule avec ses doutes. 

 

“Tu as fait ce qu’il fallait, Anak, déclara alors Chad, comme s’il avait lu dans ses pensées, grâce à Moh et à toi, on a enfin peut-être une chance de s’en sortir. Si Apollo pense qu’on est en danger, il fera ce qu’il faut. Quant à Sibéal, c’est ton amie, elle te laissera pas tomber. S’ils peuvent, ils nous aideront.”

 

Anak ne l’avait que rarement vu si sérieux et grave. D’un autre côté, ils n’avaient jamais été dans une telle situation…

 

“Mais Yakta pense que j’ai tout foutu en l’air.

-Yakta est dépassée, lâcha Chad sinistrement, elle ne veut pas voir les choses pour ce qu’elles sont. A la fin de cette mission - peu importe la fin, d’ailleurs- tu crois qu’ils vont gentiment nous laisser partir tout ça parce qu’on a fait tout ce qu’ils voulaient ? Non, dès qu’on ne leur sera plus d’aucune utilité, ils vont se débarrasser de nous. Nous buter ou bien, s’ils en ont pas les couilles, nous laisser sur un caillou désert au beau milieu de l’océan. Et ça, Yakta ne veut pas le voir. Elle pense qu’il suffit d’être plus malins qu’eux et de les faire tourner en bourrique mais non. Dans quelques heures, on va arriver là où elle a promis qu’ils trouveraient la dernière cité. Qu’est-ce qui va se passer quand Ulmer comprendra qu’elle a menti et qu’ya rien du tout ?

-Elle a peur pour sa famille…

-Il va rien arriver à sa famille, certifia Chad, c’est n’importe quoi, ça, c’est des menaces en l’air. Tu crois qu’il va s’emmerder à traquer ses gosses pour aller les tuer ? Bien sûr que non, il va simplement s’en prendre à nous. A commencer par ceux qui lui sont pas utiles.”

 

Anak fronça profondément les sourcils, le souci la poussant à se mordiller la lèvre. Chaque mot que Chad prononçait était logique, cohérent, ce n’était ni plus ni moins que la plus stricte vérité. Et elle était alarmante.

 

“Tu veux parler de…

-De Wanda. Elle ne plonge pas et elle ne sert à rien pour la navigation, pas plus pour la malédiction. C’est juste une médecin et à quoi ça leur sert ? C’est elle qui va être la première à payer les pots cassés. Dès demain, peut-être.”

 

Un frisson d’effroi parcourut Anak et elle secoua la tête comme pour refuser cette éventualité. Mais Chad avait raison, il avait raison sur toute la ligne. C’était le plus probable.

 

“Mais… qu’est-ce qu’on peut faire ? 

-On ne peut plus attendre, conclut Chad. Faut qu’on se batte. On peut pas attendre de retourner sur Kosh parce que…”

 

Une ombre obscurcit le visage de Chad et ce n’était pas de celles qui appartenaient à la nuit. Il marqua une pause avant de terminer :

 

“...parce que demain on aura peut-être déjà perdu l’un des nôtres. Non, faut qu’on se batte maintenant.

-Ils sont armés…

-On leur prendra leurs armes !”

 

Devant la détermination sourde de Chad, Anak ne trouva rien à redire. Elle avait peur bien sûr, l’éventualité d’un combat la remplissait d’anxiété, d’incertitude -elle n'était qu’une exploratrice, qu’une chasseuse de trésor, elle n’était pas une combattante- mais Chad avait raison. Ces mots trouvaient résonnance dans un gouffre qu’elle creusait depuis des jours maintenant dans ses entrailles ; ils n’allaient pas s’en sortir, le Kozak ne les laisserait jamais partir vivants. Il ne leur restait donc qu’une option viable. Même s’ils s’agissaient de mercenaires, brutaux et cruels, et qu’ils étaient armés, et eux non, ils devaient se battre. En dépit de la folie et de la dangerosité de la chose, se battre se révélait peu à peu comme la meilleure décision à prendre même s’il s’agissait également de la plus terrifiante. C'était le seul choix qui leur appartenait encore et peut-être leur dernière chance. Pour son petit frère, pour Wanda, pour Yakta, pour Chad et pour elle. 

 

“Quand ça ? demanda-t-elle.

-Quand je sentirai que c’est le moment, j'attaquerai. Tu n’auras qu’à suivre le mouvement.”

 

Anak laissa l’information couler dans son cerveau et s’y implanter, aussi invraisemblable qu’elle puisse paraître. C’était leur réalité, maintenant. 

 

“Tu es avec moi, Nanak ?

-Bien sûr que je suis avec toi.”

 

oOoOoOoO

 

Le lendemain, ils se levèrent comme tous les matins. Chad avait retrouvé la sûreté de sa propre cabine dans le coffin de la nuit et ni Jasper, ni Veirn n’en sut jamais rien. Comme tous les matins, Anak se soumit à la corvée qui était la sienne, préparer les petits déjeuners des deux intrus armés et alors qu’elle versait le café dans leurs tasses en un long ruban d’eau brûlante, elle s’imaginait leur lancer le breuvage directement dans la figure et les ébouillanter. Pendant une affreuse seconde qui se mua en deux, elle l’envisagea réellement. Ce serait peut-être le moment idéal. Mais Chad avait dit qu’il déciderait de quand et comment, aussi Anak laissa l’opportunité s’envoler et partit replacer la bouilloire sur son socle. 

 

L’aurore venait à peine de poindre dans le ciel qu’on annonça que Moh partait pour la plongée. Anak sortit sur le pont vers la proue pour observer le Zodiac, conduit par l’immense masse de Dani, se détacher du Kozak en emportant son petit-frère. Quelque chose se crispa et se tordit dans son être, comme une main de sorcière qui était apparue de nulle part pour la plier de l’intérieur, et elle suivit la silhouette du petit bateau à moteur comme une marche funéraire. 

 

Anak était d’un naturel optimiste, si bien qu’elle avait essuyé déjà bien des critiques sur le sujet. Si une graine d’espoir venait à tomber dans le terreau fertile de son cœur, la pousse se changeait très vite en baobab. Pourtant, en ce jour, elle avait cette peur qui la tétanisait, cette pensée épouvantable qu’elle voyait son frère pour la dernière fois. Malgré tout ce qu'ils subissaient, tout ce que lui-même avait souffert, Moh porta son regard vers elle et l’y trouvant, lui fit un grand geste de la main, et Anak imagina sa voix dans le vent qui battait son visage. Oui,  Anak, je te vois, croyait-elle l’entendre lui dire, sois forte, ma sœur, sois forte. Et elle le serait, elle se l’était juré cent fois dans la glace ce matin. Alors qu’elle tressait une natte haute et serrée sur le sommet de son crâne pour que ses cheveux ne la gênent pas plus tard. 

 

Les sioux avaient coutume de se maquiller de peinture de guerre avant un combat. Elle n’avait pas de peinture, aussi elle avait plutôt tracé dans sa tête le visage de son père. S’inquiétait-il de ne pas avoir de nouvelles depuis une semaine ? Certainement pas. Après tout, que pouvait-il se passer de si grave ? 

 

“File m’en une.”

 

Anak se retourna pour voir Veirn qui s’adressait à Chad. Celui-ci, adossé contre le mur extérieur du carré, la jambe plié, était vraisemblablement sorti pour fumer une cigarette. Anak ne l’avait pas entendue, mais elle avait alors été trop engluée dans ses pensées, pas plus qu’elle n’avait entendu Veirn jusqu’à maintenant. Son pistolet pendant négligemment à la main, Veirn attendait une réponse de Chad qui le regardait avec impassibilité. 

 

Sans répondre, Chad sortit son paquet de clopes de la poche de son jean et laissa Veirn se servir. Puis, sa propre cigarette coincée entre ses lèvres, Chad s’empara de son briquet et l’alluma. Veirn utilisa sa main libre pour protéger la flamme vacillante du vent et il se pencha, lui aussi clope au bec, pour l’incendier. 

 

Le regard de Chad était braqué sur lui dans un calme réfrigérant et l’épisode parut se passer au ralenti pour Anak. Elle s’était tendue comme un arc, attendant, pressentant un signe. Elle ne voyait que l’arme dans la main de Veirn, si vulnérable, alors qu’il était courbé en avant pour allumer sa cigarette. Et Chad juste à côté qui ne laissait rien paraître.

 

Une nuée de possibilités défilèrent dans la tête d’Anak. Elle pouvait envoyer son genou dans le visage de Veirn puis, lui prendre son arme. Ou bien le pousser de toutes ses forces avant de lui prendre son arme. Lui faucher les jambes, lui expédier le plus gros coup poing de sa vie, foncer sur lui tête en avant ? 

 

Et lui prendre son arme. 

 

Mais Chad ne tenta rien et Veirn se releva en inspirant une longue latte avec une tête de pure jouissance comme si, enfin, la croisière valait le coup d’être vécue. 

 

“T’en veux une, Nak ?” lui proposa Chad.

 

Il lui avait fait l’offre comme si de rien n’était, comme s’ils n’allaient pas à tout moment reprendre le Yak par la force. Veirn la regardait lui aussi avec une sorte d’indifférence et réalisant qu’elle les observait avec un peu trop d’intensité, elle se reprit. 

 

“Non, ça va, refusa-t-elle, merci.”

 

Chad et Veirn expirèrent leurs bouffées de fumée dans une parfaite synchronisation, et Anak se crut un instant dans un film. Elle fit volte-face pour voir où en était le Zodiac. Il s’éloignait et rétrécissait à vue d'œil. 

 

Et déjà, elle ne pouvait plus voir son frère.

 

oOoOoOoO

 

Cette nuit, Chad l’avait prévenue.

 

Il lui avait dit “Tu verras, Anak, il y aura quinze opportunités. Je les observe chaque jour depuis Kosh, ils font tout le temps des erreurs”. Maintenant que Chad avait retiré les rideaux qui obstruaient sa vision, elle aussi repérait leurs erreurs. Ils manquaient de vigilance, leur tournaient souvent le dos, baillaient en fermant les yeux ou plaçaient leurs armes là où elles ne leur seraient d’aucune utilité en cas d’attaque. Leur pire erreur étant qu’ils n’avaient pas peur d’eux, qu’ils se croyaient invincibles. “C’est des brutes et des sales cons mais c’est des amateurs, c’est la première fois qu’ils font ça”, avait ajouté Chad, “on peut les avoir”. Il avait terminé en lui disant de se tenir prête et que parmi toutes ces opportunités, il saisirait la meilleure. Ce qu’Anak n’avait pas compris, c’était que Chad comptait aussi en créer une.

 

Comme souvent, histoire de les occuper mais aussi d’avancer dans la mission, Ulmer donnait l’ordre que les yaks étudient les images vidéos des derniers sites visités. Et qu’importe que ce fut-ce la vingtième heure passée sur le visionnage du même segment d’images, il en fallait une vingt-et-unième. Tant qu’ils n’auraient pas la bonne cité, Ulmer voulait qu’ils ne décrochent pas les yeux des écrans d’ordinateur. Pour la protéger à la suite de sa mission de rébellion avec Moh, Yakta avait dit à Ulmer qu’Anak était la grande spécialiste de la malédiction, que c’était elle qui connaissait le mieux l’affaire et que Moh, en grand scientifique de la faune et la flore, était lui aussi d’une importance capitale. Et qu’il serait donc particulièrement stupide d’envisager se débarasser d’eux ou les sanctionner trop lourdement. Ulmer devait garder leurs pleines facultés. 

 

Ce fut donc sans surprise qu’Anak fut placée devant l’écran avec ordre d’analyser les mêmes images encore et encore. Que Chad se porte volontaire pour l’assister n’éveilla pas les soupçons des deux geôliers qui prirent cette attitude comme un acte de soumission. Anak, de son côté, sut tout de suite ce que ça signifiait et s’écarta avec crispation pour laisser la place à Chad. Celui-ci lui glissa un sourire qui se voulait rassurant. Respire, Anak, respire, semblait-il lui dire. Elle essayait, elle essayait de tout son corps. 

 

Rien ne se passa pendant près d’une demi-heure puis, Chad se rapprocha de l’écran comme s’il avait repéré quelque chose de singulièrement étrange. Or, il n’y avait rien sur l’écran, sinon un banc de poissons grisâtres qui se frayait un chemin parmi les ruines d’un bâtiment qu’ils pensaient être d’anciens thermes. Puis, ses doigts pressèrent deux touches simultanément. Toujours rien. Anak observait son ami avec confusion jusqu’à ce qu’il s’agace sur le clavier de l’ordinateur, appuyant sans relâche sur la touche Espace sans que rien ne se passe. Son énervement alertèrent les deux hommes du Kozak qui lui demandèrent ce qui se passait. 

 

“C’est votre putain d’ordi, il a freeze ! s’irrita Chad en frappant l’ordi d’un geste d’humeur. Tout votre matos, c’est de la camelote !

-Baisse d’un ton !” grinça Veirn.

 

Mais celui-ci approchait, accompagné de Jasper qui n’avait rien d’autre à faire de toute manière que de jouer les techniciens informatiques. De son côté, Anak commençait à comprendre que Chad avait désactivé le clavier avec une combinaison de touches. Il lui avait déjà fait le coup plusieurs fois pour l’emmerder quand elle chattait, ado, avec ses divers crushs. 

 

Alors que Chad se reculait contre le dossier de sa chaise en feignant toujours une profonde exaspération et laissant la place à Jasper de jeter un coup d'œil, Anak se décalait pour Veirn. Elle jeta aussi un coup d'œil à Yakta qui avait fait une pause dans la vaisselle pour observer la scène, celle-ci arborait une paire de sourcils froncés. 

 

Jasper tenta plusieurs touches en prenant le temps de la réflexion, comme profondément interloqué face à cette énigme, et Anak le vit très distinctement accrocher le canon de son pistolet dans sa ceinture. La lenteur de son collègue agaça Veirn qui lui lança : 

 

“Essaye le pavé tactile.

-Il marche pas non plus…

-Putain, c’est pas vrai, tu t’y connais pas en ordi alors que t’y passes tout ton temps pour tes paris sportifs et tes autres trucs à la cons ?

-Il a jamais fait ça avant, j’y peux rien, moi…”

 

Subtilement, Chad pivotait sur la chaise pour s’orienter vers Jasper et cernant le mouvement, Anak suivit l’arme de Veirn des yeux. Celui-ci, moins négligent, la gardait dans sa main mais alors qu’il s’appuyait de l’autre sur la table pour se rapprocher de l’ordi, elle pouvait voir sa prise se détendre et le manche du pistolet glisser quelque peu. Elle n’aurait qu’à lui tordre le poignet pour s’en saisir. 

 

“Vous êtes sûrs que vous avez touché à rien au moins ?” les suspecta Veirn.

 

Loin d’imaginer qu’il pouvait s’agir d’un jeu de dupe, il semblait plutôt imaginer un cas d'incompétence notoire et en prononçant cette pensée, il s’était tout naturellement tourné sur Anak, toujours à sa gauche, comme si elle était la fautive parfaite. Anak ouvrit la buche pour protester et assurer qu’elle n’avait rien fait, la première syllabe était d’ailleurs déjà sur sa langue, quand Chad profita de l'inattention de Veirn pour attaquer son confrère. La main saisissant le manche du pistolet à la ceinture, Chad administra un puissant coup contre la hanche de Jasper pour le propulser au sol. Dans un éclair, Chad fut debout, canon pointé sur sa victime tandis que Veirn se tournait vers lui mais Anak n’attendit pas une seconde pour agripper son poignet, le tordre et lui tirer son arme des mains tout en se levant. 

 

Tout s’était passé très vite, un clignement de paupière aurait valu à Yakta, l’unique témoin de la scène de tout manquer, mais elle avait pressenti l’évènement avant qu’il ne se produise. Elle ne connaissait que trop bien Anak et Chad. Au fond d’elle, elle avait toujours su qu’une telle chose allait finir par arriver. 

 

Anak et Chad étaient désormais en possession des armes de leurs ennemis, et les pointaient indiscutablement sur eux. Au sol, Jasper fit l’erreur d’essayer de se lever, ce qui lui valut un coup de pied dans le ventre de Chad qui lui ordonna de ne pas bouger. Quant à Veirn, qui avait rapidement sondé la situation, se garda bien de toute tentative. Il fixait simplement Anak qui le braquait en reculant pour instaurer une distance de sécurité entre eux. 

 

“Vous faites une grave erreur, les prévint-il, mais il est encore temps de changer d’avis… rendez-nous les flingues et…

-Tu fermes ta sale gueule, le coupa Chad avant d'inclure Jasper qui s’était résigné à rester à terre, et toi aussi !”

 

Il y eut une courte pause durant laquelle tous ses regardèrent par accoups, se jaugeant, calculant les chances et les risques, puis la voix de Chad résonna une nouvelle fois dans le carré : 

 

“Yakta. Faut que tu te réveilles maintenant, à moins que tu veux qu’on fasse tout tous seuls ?”

 

L’interpellée réfléchit un instant de plus, une mine lugubre plaquée sur le visage, puis elle posa la planche à découper qu’elle nettoyait avant que la situation ne tourne subitement au vinaigre. Elle avança vers eux mais ce ne fut que pour les dépasser, elle se dirigeait vers la porte qui menait sur le pont. 

 

“Sortez-les,” commanda-t-elle.

 

Chad permit alors à Jasper de se lever et les menaçant toujours de leurs propres armes, lui et Anak firent sortir les deux hommes sur le pont. Yakta les attendait en fixant le Kozak qui flottait paisiblement à une vingtaine mètres d’eux. Ils avaient mouillé l’ancre dans une crique  en attendant que la plongée soit terminée. Cette pensée eveilla un sursaut d’inquiétude chez Anak qui s’écria en direction de Chad : 

 

“Et Moh ?

-Moh est en sécurité sous l’eau à chercher une cité qui n’existe pas, la rassuré Chad. Ca nous laisse le temps de régler la question ici, récupérer Wanda et après on fonce jusqu’à lui. Dani sera tout seul à poireauter dans le Zodiac et on pourra s’offrir le plaisir de lui exploser la gueule.”

 

Il avait vraiment pensé à tout, réalisa Anak avec admiration. Sa poitrine contractée se détendit un peu et elle hocha la tête avant que Chad ait une dernière idée de génie : 

 

“On pourra même laisser Wanda s’en charger elle-même…”

 

Un petit rire s’extirpa des lèvres d’Anak. Oui, tout allait s’arranger, enfin. Elle en aurait pleuré de soulagement si elle ne tenait pas encore Veirn du bout de ce pistolet étranger. Elle craignait de ne pas savoir s’en servir. Elle connaissait les bases, savait tirer à la carabine et Chad les avait emmenés quelques fois au stand de tirs. Après tout, ils avaient déjà été menacés par des pirates lors de leurs explorations et avaient dû les prévenir qu’ils avaient les moyens de riposter avec les quelques armes que Chad entretenait et gardaiet en sécurité dans l’armurerie du Yak - mais dès leur capture, Ulmer avait bien évidemment vidé le placard. 

 

Cependant, jusqu’à maintenant, ils n’avaient eu qu'à tirer quelques coups de sommation dans les airs et le message était vite passé. Aujourd’hui, c’était différent. Aujourd’hui, il s’agissait d’échanger des otages contre d’autres.

 

“Le taklie-walkie,” réclama Yakta.

 

Elle tendit une main impérieuse en direction de Veirn et celui-ci hésita une micro seconde avant de se soumettre à la requête. Il plaça l’objet dans la paume de Yakta et celle-ci se retourna vers le Kozak en allumant le canal.

 

“Le Yakttanton au Kozak,” lança-t-elle. 

 

Elle répéta deux fois avant que le talkie-walkie ne grésille sur une réponse. La voix d’Ulmer crachotta, incrédule, le prénom de Yakta et ils purent voir son visage qui se plaque à la vitre du cockpit pour inspecter la situation. D’ici, ils ne pouvaient pas discerner avec son expression mais Anak était certaine qu’il était livide. 

 

“Comme tu peux le voir, on tient tes hommes, précisa-t-elle.

-SALOPE !! J’TE JURE QUE JE VAIS TE BUTER !

-Ce serait mieux si on parlait calmement.”

 

Il avait disparu pour revenir avec Wanda qu’il tenait par les cheveux et dont il plaqua le visage gémissant sans ménagement contre la vitre. Le talkie-walkie à la bouche, il cracha : 

 

“Oublie pas qui je tiens de mon côté !”

 

Même si sa voix ne trahissait aucun stress, et que d’où il se trouvait, Ulmer ne pouvait certainement voir les quelques signes d’angoisse sciante qui faisait trembler son visage par quelques endroits, Yakta peinait très clairement à préserver son sang-froid. Elle abaissa le talkie-walkie jaune un instant pour réfléchir avant de jeter un coup d’oeil rapide à Anak. Sa capitaine avait coupé le canal avant de s’adresser à elle : 

 

“Quand je te le dirai, il va falloir que tu fasses des tirs de couverture, Anak.

-Qu-quoi ? hoqueta celle-ci.

-Quand je te le dirai,” répéta Yakta.

 

Elle posa la lame tranchante d’un long couteau fin à viande, qu’avec toute la pression de la situation Anak n’avait pas remarqué dans ses mains, sous le menton de Veirn qui le redressa avec rigidité sous la menace. 

 

“C’est deux otages contre une, exposa-t-elle à son interlocuteur, fais les calculs, Ulmer. Sans parler de Dani qu’on va cueillir juste après. Fais pas le con.

-Et tu penses à tes marmots ? répondit-il. J’vais les retrouver ! Après ça, je vais les retrouver et je vais les tuer.”

 

Il avait lâché Wanda qui se retira aussitôt. Bien qu’Ulmer enchainait les menaces et les éclats de colères, ils s avaient tous qu’il perdait peu à peu le contrôle sur la situation. Il pouvait bien menacé de faire exploser la planète entière s’il le voulait, présentement, il n’avait plus les moyens pour faire pression et les soumettre. 

 

“Tu vas rien faire du tout, lui dit Yakta, parce que je vais te faire une fleur. Je vais te donner le nom de la bonne cité et on va se séparer, aujourd’hui, pour ne plus jamais se revoir. En tout cas, ça vaudrait mieux pour toi, parce que t’auras très bientôt ta tête placardée dans tous les commissariats de port du monde pour enlèvement, séquestration et agressions aggravées. Et encore, j’te la fais courte.”

 

Bien que Yakta ait fini de parler, Ulmer persista dans un silence parfait. Il bouillonnait, fulminait et voulait très certainement tout casser, et tous les tuer, mais il ne pouvait pas. Au bout d’une minute de mutisme, sa voix reparut, plus calme et plus posée : 

 

“Et mes hommes, comment je les récupère ? 

-Une fois sortis de la crique, on les jettera à la mer, indiqua Yakta, t’auras qu’à les repêcher.

-Ca me va pas.

-Ca, c’est ton problème, jugea Yakta avant de crier sans prévenir dans le taklie, WANDA, COURS SUR LE PONT ET PLONGE ! MAINTENANT !”

 

Encore une fois, Ulmer disparut de la vitre et ils ne purent que percevoir du mouvement. Il pourchassait certainement Wanda qui traversait en courant le Kozak pour trouver une issue. Tendue comme un arc, Anak sut avant que Yakta ne lui dise que c’était le moment qui était prévu. 

 

“Quand elle sortira, lui dit Yakta avec un léger frémissement dans la voix, tu tires peu importe où !”

 

Pour la libérer, Yakta se plaça plus proche de Veirn et appuya plus fort la lame contre son coup jusqu’à y enfoncer la pointe qui provoqua une fine coulée de sang. Se rapprochant du bastingage, la souffle presque douloureux dans sa gorge, Anak raffermit sa prise sur le manche et commença à viser la porte du petit bâtiment du Kozak. Une seconde à peine plus tard, celle-ci s’ouvrit à la volée et Wanda en surgit, Vanessa et Ulmer à ses trousses. Sans réfléchir davantage, Anak tira volontairement au-dessus du bateau pour ne pas risquer de toucher Wanda. Le son se réverbéra dans la crique et provoqua une panique sur le bateau d’en face. Wanda s’accroupit, les mains se protégeant la tête, tandis qu’Ulmer essaya de se cacher derrière une caisse et que Vanessa retournait à l’intérieur.

 

“COURS, WANDA, PUTAIN !! hurla Chad de toute la force de ses poumons. QU’EST-CE QUE T’ATTENDS !”

 

Comprenant qu’il s’agissait d’un tir allié, Wanda se releva et se remit à courir tandis qu’Ulmer se relançait à ses trousses. Anak tira une nouvelle fois mais cette fois-ci, ce ne suffit pas à effrayer Ulmer, alors elle visa plus bas pour la troisième et aussi pour la quatrième fois. Une balle toucha la coque, et Ulmer dut se cacher à nouveau. Enfin et pour le plus grand soulagement de ses trois amis, Wanda put enjamber le bastingage et sauter à l’eau. 

 

“VAS-Y, C’EST BIEN ! l’encouragea Anak. Nage, Wanda, on va te récupérer !”

 

Wanda battait l’eau comme elle le pouvait et Anak s'agenouilla pour continuer à la motiver. Sur le Kozak, Ulmer piquait une crise de nerf et hurlait sur Vanessa qui mettait enfin le nez dehors. Derrière elle, elle entendait Yakta qui parlait de nouveau dans le talkie, invitant son rival à se calmer et que cela ne servait plus à rien de s’énerver. Ils allaient reprendre le large dans des directions différentes et il n’y aurait pas de mort, ni de blessé, que c’était mieux comme ça pour tout le monde. Ulmer, en réponse, jetait mille menaces de morts et leur jurait qu’il les pouchasserait jusqu'au bout du monde pour leur faire la peau. 

 

Mais Anak n’entendait rien, ne voyait rien sinon Wanda qui était bientôt là. Elle tendait déjà le bras pour l’aider à monter à bord quand soudainement un fracas et des cris la firent se retourner, les poils dressés sur ses bras. D’un commun accord, Veirn et Jasper avaient retourné le dessus. Le premier avait reussi à échapper à la menace piquante de Yakta, qu’il avait repoussé si fort qu’elle avait manqué de tomber à l’eau. Quant à Jasper, il tenait un canif dans la main et lui et Chad se roulaient au sol, s’échangeant des coups. Chad essayait principalement de maintenir loin le poing de son adversaire qui tentait inlassablement de le poignarder. 

 

Anak resta figée un instant devant ce chaos avant de se rappeler qu’elle tenait encore un pistolet dans ses mains. Elle tenta naïvement un tir de sommation qui n’accomplit pas grand-chose. Jasper se battait encore avec Chad et Veirn avançait sur elle, couteau en main. 

 

“TIRE-LUI DESSUS, ANAK !” lui hurla Yakta.

 

Elle parlait de Veirn et son sang battant à sa tempe, Anak regarda le concerné qui approchait sans être impressionnée par la menace de l’arme dans ses mains. 

 

“Stop !” tenta-t-elle d’ordonner.

 

Mais il marchait toujours sur elle, brandissant déjà sa lame pour frapper, alors Anak tira. Elle n’avait pas spécialement visé et la balle atteignit l’épaule de Vern qui poussa un juron dans un grognement. Malheureusement, cela ne le stoppa pour autant et l’instant d’après, il était sur elle et elle n’eut pas le temps de tirer de nouveau. Il l’avait plaquée au sol et le couteau qui avait alors servi à l’immobiliser était désormais, froid comme la glace, contre la trachée d’Anak. Impuissante, elle lui laissa reprendre son pistolet de ses mains et ne put que voir Chad qui se faisait transpercer le ventre de deux coups simultanés de lames. 

 

Tous les deux au sol du pont de leur catamaran, n’entendant plus que les supplications de Yakta qui implorait Jasper d’arrêter et qui promettait qu’ils se rendaient tous, qu’ils feraient tout ce qu’ils voudraient, Chad et Anak ne pouvaient que se regarder. Ce plan qui avait si bien commencé baignait maintenant dans le sang de Chad dont la flaque grossissait. Tout était fichu, ils avaient tout foiré et Chad…

 

Toujours sous la menace d’un couteau, d’épaisses larmes découlèrent des yeux d’Anak alors qu’elle voyait Chad s’évanouir, que Yakta accourait pour s'agenouiller près de lui et presser la plaie béante des deux mains et que Wanda criait leurs noms avec désespoir depuis l’eau. Et Moh qui était tout seul sous l’eau sans se douter de rien. 

 

“Je vous avais dit que c’était une grave erreur,” lui rappela Veirn.

 

C’était comme si, bizarrement, il avait un peu pitié d’eux. Après tout, maintenant, il savait aussi bien qu’eux ce qui les attendait.

 

oOoOoOoO

 

“Arrête de pleurer, Nanouille, tu vois bien que j’suis pas encore mort…”

 

Usant de la bouteille d’eau que Veirn leur avait discrètement passé, Anak s’échinait à rafraîchir le front perlé de sueur de Chad avec une taie d’oreiller imbibée d’eau. L’attaque remontait à quelques heures maintenant mais les larmes continuaient de couler sur ses joues et à vrai dire, elle n’essayait pas de les ralentir. Devant elle, Chad était avachi sur le matelas sale du cagibi où on les avait jeté dès qu’ils avaient mis le pied sur le Kozak et ses plaies étaient exposées à leur vue, à vif et encore ouverte pour l’une d’elles. Wanda, une fois montée sur le bateau, avait couru chercher le nécessaire pour traiter les plaies et Veine ainsi que Jasper l’avaient laissée faire. De l’équipage du Kozak, ces deux-là étaient clairement les moins cruels alors même que c’étaient ceux qui avaient essuyé leur tentative de renversement. Ils ne voulaient clairement pas que Chad succombe à ses blessures. Wanda avait donc pu, sous leur surveillance étroite, désinfecter les plaies et faire cesser l’hémorragie, elle avait même eu le temps de coudre les points de suture de la première avant qu’Ulmer ne comprenne ce qui se passait et aboie qu’on l’arrête. 

 

Suite à leur tentative avortée, Ulmer était resté un long moment silencieux. Sans doute avait-il prit le temps de réfléchir à ce qu’il convenait de faire. Quand sa voix avait surgi du talkie-walkie pour ordonner que tout le monde soit rapatrié via le Zodiac du Yak sur le Kozak à l’exception de Wanda, Anak avait cru un moment qu’ils seraient tous exécutés. 

 

Mais non. Alors que Yakta s’était vue emmenée au cockpit par Jasper, Veirn et Vanessa les avaient guidés elle et Chad sur le cagibi. Leurs morts n’apporteraient rien à Ulmer sinon la satisfaction de la vengeance, c’était en tout cas la conclusion d’Anak. En attendant, la survie de Chad n’était clairement pas la première priorité du capitaine du Kozak et Anak contemplait, la mort dans l’âme la mine de Chad qui blêmissait à mesure que le temps passait. 

 

“On n’aurait jamais dû faire ça…, regretta-t-elle dans un étranglement.

-Tais-toi, Nanak, gémit-il avec agacement, si c’est pour dire ça, tais-toi…

-Tu vas peut-être… tu vas…”

 

Elle ne pouvait pas terminer cette phrase, rien que l’idée lui donnait le tournis. L’air du cagibi suintait de leurs larmes, de leur sueur et du sang de Chad, et il était irrespirable. Anak devait lutter contre la nausée et l’évanouissement. 

 

“On a fait c’qui fallait, décréta Chad, buté, on a juste pas été bons.”

 

Un grimace tordit le visage au supplice de Chad et elle s’allongea contre lui sur le matelas, ses pleurs s’intensifiant. 

 

“On réessayera une autre fois,” blagua-t-il.

 

Un silence accablant s’échoua sur eux. Il n’y aurait pas de prochaine fois et ça, ils le savaient tous les deux. Ils avaient utilisé leur dernière munition et manqué leur cible. Si Anak ne pouvait se réjouir que d’une chose, c’était qu’elle était enfermée avec lui, ce deuxième frère que la vie lui avait offerte et qu’elle comptait lui reprendre.

 

“Oui, souffla Chad, on réessayera une autre fois…”

 

Ils fermèrent tous les deux les yeux sur ce joli mensonge.

 

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