Chapitre 36 : Erzic

Erzic :

Comment ose-t-il ?!

Dans les rues animées de Mahldryl, Erzic fonçait vers le dôme. Les passants qu’il bousculait s’écroulaient aussitôt, tordus de douleur, tandis que d’autres détournaient les yeux, terrifiés. Qu’ils tremblent !
C’était Rhazek qui aurait dû se sentir trahi, pas lui. Jamais Malkar n’avait daigné lui apparaître. Alors pourquoi ce gamin couronné, qui ne serait rien sans lui, avait-il eu ce privilège ?

Erzic savait que son dieu disposait de peu de pouvoir pour intervenir directement dans ce monde. Cela le perturbait d’autant plus. Mais il avait bien vu que Rhazek avait changé : dans sa voix, dans son regard, une certitude nouvelle vibrait. Même lorsqu’il avait parlé d’Elira, Erzic avait perçu de la haine. Lui qui pensait pouvoir toujours utiliser Elira contre le roi…

C’est moi qui ai tout préparé, qui ai placé cet imbécile sur le trône. Tout ça pour vous, mon dieu !

Il gravit la pente jusqu’au dôme beige, passa dans le triangle des tours et entra dans la maisonnée. Dans le bureau où il avait offert le pouvoir à Rhazek — ou plutôt, grâce à Elira, qu’il aurait dû remercier.

Heureusement que je ne suis pas un idiot, sourit-il intérieurement.

Rhazek avait peut-être reçu la visite de Malkar, mais lui possédait plus d’alliés. Il devait à nouveau prouver qu’il était le plus digne auprès de son dieu. Car même si l’armée de Drazyl avait vaincu celle de Balar devant la Forêt Sans Morts, rien n’était encore gagné.

Il s’assit, ferma les yeux et appela ses alliés. Les visages apparurent dans l’ombre. Pas de politesses.

    — Je déteste les mots que je vais prononcer. Nous avons été utilisés par Calir. Il nous a donné une fausse Hirondelle. La véritable est sûrement déjà avec lui… et c’est la fille d’Elira, expliqua-t-il.

Des protestations éclatèrent parmi les mages.

    — Mais cela ne change rien ! poursuivit-il. Si le Loup et l’Hirondelle sont avec le Serpent, alors Malkar est proche de sa libération. Continuons de soutenir Calir. Et, le moment venu, nous nous débarrasserons de lui.

L’assemblée acquiesça.

    — Cependant, un point est plus inquiétant : notre dieu est apparu au jeune roi de Drazyl. Nous devons tout mettre en œuvre pour que ce soit nous, les sauveurs de ce monde, et non cet imbécile.

    — Comment Malkar a-t-il pu lui apparaître ? C’est impossible ! Pourquoi ne pas être venu voir ses plus fidèles serviteurs ? demanda l’un des mages.

    — Je me suis posé la même question. Rhazek n’est plus le même depuis sa rencontre avec Malkar. Peut-être n’est-ce qu’un plan de notre maître. Mais nous ne devons prendre aucun risque. L’heure est venue. Que les ombres s’élèvent, mes amis.

Les yeux des mages étincelèrent de joie.

    — Vor’Malkar. Var’mek zor’dral ! déclara Erzic.

    — Vor’Malkar. Var’mek zor’dral ! répétèrent les mages en chœur.

Puis il coupa la connexion. Tout allait s’accélérer à présent.

Notre nombre va encore croître, sourit-il. Et ce n’est pas une simple armée de Drazyl qui pourra nous arrêter.

Il aurait voulu contacter Calir, mais celui-ci l’avait interdit : le contact devait venir uniquement de lui, pour préserver sa couverture. Erzic comprenait la stratégie. Lui avoir donné une fausse Hirondelle, afin que tous les regards se tournent vers Drazyl, laissant la véritable élue dans l’ombre.

J’espère que ton plan fonctionnera, pensa-t-il avec rage.

Peut-être que Prasto aurait bientôt besoin de lui, ou que l’on viendrait l’informer de l’état de Rhazek. Mais il resta assis, se préparant à ce qui allait suivre.

Quand ses troupes marcheraient à travers la Terre de Talharr, tous les peuples trembleraient. Et quand la défaite les aurait accablés, ils plieraient le genou devant Malkar.

Il n’aurait pas le droit à l’hésitation.

Elira, Rhazek, Calir, Prasto… ou le reste du monde, je vous préviens : je ne laisserai personne prendre la place qui me revient.