Chapitre 36 : Un bijou pour la belle déesse

Après des mois à ignorer l'appel de la fatigue, retrouver les bras du Grand Fleuve fut un véritable soulagement pour Sygn. Lovée dans de chaudes couvertures, elle passa la nuit à savourer leur poids sur ses jambes. Au petit matin, ses paupières pesaient lourd et quitter leur confortable obscurité fut un crève-cœur. Toutefois, l'agitation qui secouait la chambre l'y contraignit. Loki était déjà levé, vêtu et boutonnait sa cape de laine.

« Lokten a disparu », annonça-t-il sans cérémonie.

Sygn se redressa sur les coudes, les cheveux tout ébouriffés. Elle baragouina quelque chose, une demande d'explication, une surprise, nul ne sut vraiment.

« Je pars à sa recherche. Il ne doit pas être loin. Vous, vous restez ici. Vous avez encore besoin de repos. »

Et ainsi, il quitta la chambre.

Sygn aurait voulu bondir sur ses pieds, lui donner tort et s'élancer elle aussi à la poursuite du garçon, mais ses jambes cotonneuses s'y opposèrent. Sa langue pâteuse n'avait même pas su articuler une objection. Comme si tout son corps dérivait encore sur le Fleuve. Prisonnière de son inertie, Sygn ne put que s'interroger quant à la disparition de Lokten. Elle douta que quiconque l'eut enlevé. Il se serait débattu bruyamment, aurait fait trembler les murs de la maison et aurait attiré l'attention de toute la Ville. Mais pourquoi serait-il parti ? En cherchant à rassembler ses souvenirs de la veille, Sygn réalisa qu'elle n'en avait que très peu. Ses pensées flottaient les unes avec les autres, déliées et en désordre. Lokten empestait la solitude. Qu'il soit parti de lui-même ne faisait pas grand sens, à prime abord. Et dans ce pays qu'il ne connaissait pas, où serait-il allé ? Par où commencer les recherches ? Le seul espoir de le retrouver résidait en Loki, aussi étrange cela pouvait-il paraître. Était-ce réellement si étrange ? Pourquoi serait-il étrange de placer un espoir en lui ?

D'ailleurs, ils... Sygn posa le plat de la main sur le matelas, légèrement embossé sur sa gauche. Les couvertures n'abritaient pas la chaleur de son seul corps. Elles étaient encore imprégnées de l’odeur d'une autre peau. Une odeur d'encens. Le cœur de Sygn fit un grand bond dans sa poitrine. Pareil un grand pas au-dessus du vide. Elle ne sut pas ce que cela signifiait. Les souvenirs du Fleuve ne restaient pas à la surface. Avec les regrets, les culpabilités et les désirs que les Vivants n'acceptaient pas en plein état de conscience, ils sombraient dans les eaux noires.

Un entêtant martellement troubla sa quête de réminiscence. Loki était parti, le reste du monde continuait de tourner. Et cette percussion du métal sur le métal, la poussière brûlée qui se glissait sous le seuil de la porte et qui lui prenait la gorge ne pouvait signifier qu'une chose. Le ventre creux, Sygn quitta le lit et enfila ses vêtements, suspendus près du feu par la même âme charitable qui les lui avait ôtés. Dans l'âtre, les dernières braises se mourraient. Quand battit la porte, une poignée de cendres froides voletèrent sur le seuil.

Dans l'atelier délaissé d'Eitri, s'activait le grand soufflet du four. Les flammes s'élevaient, ramenant par leur chaleur et leur éclat un semblant de vie dans la forge. Les bouteilles vides avaient été débarrassées et les plans de travail, nettoyés. Assise à l’établi, Solveig leva le nez . Elle eut un soupir, un haussement de sourcils chargé de jugement. Ses cernes et ses yeux rougis étaient ceux de quelqu'un qui avait fait nuit blanche.

« Sais-tu quand est parti Lokten ? demanda Sygn.

— Je n'étais pas là, cette nuit. Je ne l'ai pas vu. »

Solveig posa plus longuement ses yeux noirs sur la Sorcière. Elle avait l'air d'aller mieux, constata-t-elle lorsqu'elle avança d'un pas supplémentaire dans la lumière.

« Que fais-tu ? »

Depuis l'aube, Solveig dessinait, raturait, recommençait au point d'être encerclée de parchemins froissés. Une bougie, dont la longueur se graduait de régulières entailles, lui indiqua que depuis plus de six heure, elle invoquait sans succès les souvenirs des œuvres de Brokk et Eitri. Leurs seuls travaux avaient su faire venir la Belle Déesse sur ce continent de charbon, de sel et de poussières. Pour le moment, elle n’égalait pas le tier de leur talent.

« J’vais l’faire. Pas pour lui, ni pour toi, ni pour ton ami le souffreteux, répondit Solveig de mauvaise grâce. Pour Freya. Pour elle et pour personne d'autre.

— En ce cas, je devrais peut-être te laisser.

— Reste, gronda Solveig. Tant qu’t’es ici, je suis certaine que Loki évitera toute entourloupe. Alors tu restes. »

Se tirant une chaise, Sygn préféra obéir. Solveig aussi, empestait la solitude et elle incrustait chaque recoin sale de la forge.

« Où as-tu dormi, hier ?

— Je n'ai pas dormi, mon lit était occupé », rétorqua-t-elle dans un reproche.

Si elle avait été tout à fait honnête, Solveig aurait admis ne pas avoir dormi faute de tranquillité. Passé le remplissage de la bassine de glaçons, elle avait quitté la maison de son père et avait laissé à la caresse argentée de la lune le soin de la guider jusqu'au port. Là où était apparue la douce Freya, la première fois. Solveig avait attendu sans que le moindre spectre ne se manifeste. Elle avait arpenté les plages de galets où Freya lui avait appris à fabriquer des colliers, les dunes où elle lui avait conté les beautés de Vanaheim, avait traversé toutes les rues qu'elles avaient foulées ensemble, main dans la main. Les embruns lui avaient râpé les joues, démangé les yeux et ils en étaient restés rouges depuis. Le parfum de Freya avait depuis longtemps disparu de la brise mais Solveig n'avait pas perdu espoir de le sentir, glissant contre sa nuque.

Mais elle ne vit rien d'autre que des nappes de brouillard.

Ses grandes boucles d'oreilles tintèrent contre son cou, contracté de sévérité. Sous la pression, le fusain se brisa entre ses doigts. Solveig le regarda, qui s'effritait en dispersant une poudre noire sur le dessin. Signe qu'il était temps d'abandonner cette idée.

Brusquement, elle chiffonna sa feuille et la jeta.

Sygn l'attrapa au vol. Elle défroissa le brouillon et l'examina avec une grande attention. Solveig, comprenait-elle en déchiffrant ses annotations, envisageait de mêler les pierres, les métaux, les gemmes, les fleurs et les perles, tel que seul le territoire de Nidavellir y parvenait au gré de ses montagnes de cendres et ses averses. Une harmonie d'argent, de transparence, de nacre et d'encre qui n'apparaissait pas à tous les regards, qui ne se dévoilait qu'aux âmes capables d'apprécier sa singularité. Un extrait de la grisaille de Nidavellir, capturée dans un somptueux bijou. Ce serait bien plus que la parure d'une Reine, ce serait une parcelle de l'âme de l'Ancien Dieu pendue au cou de sa plus belle enfant. Ce serait indécent, presqu'autant que la Déesse.

« Pourquoi avoir écarté celui-ci ?

— Freya n'est pas aussi frivole, trancha Solveig.

— Bien sûr qu'elle l'est. C'est une véritable pie voleuse à ce qui se dit.

— Tu ne la connais pas telle que je la connais. »

Solveig estimait avoir accordé suffisamment d'attention à la Sorcière pour ne pas avoir à recroiser ses yeux. Qu'elle avait gris, comme le ciel de Nidavellir, comme sa Mer, comme ses dunes. Solveig cachait volontairement du bras sa nouvelle esquisse. On ne juge pas un travail inachevé, avait-elle coutume de dire à ceux qui outrepassaient cette règle.

L'admiration que Sygn manifesta sur ses autres idées, éparpillées et parfois consumées de moitié par les flammes voraces du four, flatta naturellement l'orgueil de Solveig, mais elle fit mine d'en être parfaitement détachée. L'or était le vice du dragon, disait-on partout. Ce qu'on criait moins sur tous les toits, c'est que l'orgueil était celui des gens de Nidavellir et qu'il pouvait s'avérer tout aussi destructeur.

« Quand vous lui donnerez, dit-elle sans cesser de dessiner, jure-moi que tu lui diras qui a réalisé son bijou.

— Je veux d'abord connaître le prix que tu en demanderas. »

Son audace contraria Solveig. Ses lèvres noires pincées, l'air renfrogné, elle fut prise par l'envie de se murer dans un silence vexé.

« Je veux que la dignité soit rendue à mon père. Je veux le cou de ton démon. Cette fois, je le lui trancherai pour de bon et j'exposerai sa tête sous cette cloche, dit-elle en désignant une étagère derrière elle.

— Si tu fais cela, il ne pourra pas nous guider jusqu'à Freya et nous ne pourrons pas lui remettre ta parure. »

Solveig renifla, mauvaise. Dans son regard noir se reflétait la danse des flammes. La colère y brûlait toujours, alimentée par le souvenir de Freya, ravivée par la présence impudente de Loki, elle ne s'éteindrait pas par quelques mots mièvres

« Que penses-tu de celui-ci ? cracha Solveig en envoyant balader son dernier croquis vers Sygn.

La perplexité de la Sorcière la convainquait avant même d'entendre son opinion :

« N'est-ce pas un peu... trop simple pour ... »

Sygn s'interrompit. Non, ce n'était pas trop simple. C'était brillant. L'idée de Solveig était brillante et la stratégie de Loki l'était davantage. Il avait vu juste. Cruellement juste. Ce n'était pas un cadeau qu'il voulait offrir à Freya. Il suffisait de l'écouter pour savoir qu'il détestait la Belle Vane. Il ne voulait pas la gâter, il ne voulait pas la flatter, il voulait la clef de son royaume. Il voulait un passe-partout, il voulait carte blanche, il voulait avoir toute liberté d'arpenter sa demeure. Il lui fallait plaire au cœur de Freya et le cœur de Freya était tout ce que Loki ne pouvait atteindre. Seul quelqu'un ayant réellement aimé la Belle pouvait lui livrer une arme si terrible. Solveig s'en rendait-elle compte ?

Que la question lui importât ou non, elle se dirigea vers un coffre, soudé à même le sol et scellé par un mécanisme complexe. Ses invisibles rouages cliquetèrent avant de l'ouvrir en grand. Solveig y plongea à demi pour récupérer ce dont elle avait besoin. Tout tenait au creux de sa main droite. Il n'en fallait pas plus.

« Si nous partons, qu'est-ce qui te fait croire que Loki reviendra se faire couper la tête ? Si j'en crois tes paroles, il n'est pas du genre à honorer ses dettes.

— Cela, je le sais bien sûr ! Heureusement, j'aurais bientôt de quoi forcer son retour s'il décidait de me faire faux bond.»

Tout bougonnant, Solveig se mit à l'œuvre.

 

Un peu plus tard dans la matinée, Eitri fit irruption dans l'atelier, titubant à moitié, ce qui n'adoucit pas l'humeur de sa fille. Elle le chassa à grands cris et lorsqu'il objecta que leur invitée devait mourir de faim et de soif, Solveig aboya à Sygn de le suivre si cela pouvait lui offrir un peu de paix.

La maison d'Eitri sentait le houblon tiède et le tabac froid. Une odeur plus profonde, âcre, rance, émanait des murs gonflés d'humidité. Bloquée par d'épais rideaux, la lumière ne passait qu'aux travers des trous grignotés dans l'étoffe. Sygn en eut un haut-le-cœur.

De ses mains difformes, Eitri lui servit une boisson au goût affreux. C'était comme boire du vinaigre. Le même breuvage qui devait lui tapisser la bouche depuis l'aube. Pour autant, Sygn le remercia et fit l'effort de boire.

Avec ses gestes saccadés, les mots qu'il ne prononçait que pour lui-même et la tristesse qui alourdissait son regard, Eitri lui faisait de la peine. Tout en avançant sur la table tranches de viande séchée, fromage et pain de seigle, Eitri parlait, mais ses mots étaient pâteux, collants dans sa barbe. Il prononça le nom de Solveig, pour laquelle il ne paraissait nourrir aucune rancœur en dépit de l'accent guttural qui teintait chacune de ses phrases. Une admiration évidente l'animait. Ses yeux scintillaient au nom de sa fille. Et plusieurs fois, entre deux éloges, il incita Sygn, par de grands gestes, à se resservir, l'accusant de n'avoir que la peau sur les os.

Ils partagèrent un semblant de repas jusqu'à ce qu'étanché par une quatrième chope de vin, Eitri ne tombe de sommeil. Sa grosse tête hirsute blottie dans le coude, ses ronflements ne laissaient aucun doute.

Faute de pouvoir l'installer plus convenablement dans son fauteuil, Sygn lui enroula les épaules dans une couverture. Elle prit une bûche au sommet de la pile qui reposait contre le manteau de la cheminée et réalimenta le feu qui y mourait et resta là, accroupie devant les flammes, à les contempler.

L'idée de retourner auprès de Solveig lui inspirait un grand inconfort. Quelque chose de terrible n'allait plus tarder à se produire.

Ce qui arriva ensuite n'apaisa en rien son intuition.

Loki poussa prudemment la porte et quand il découvrit Eitri, affalé sur la table, il indiqua à celui qui le suivait d'entrer à son tour. Lokten ne fit qu'un pas à l'intérieur. Loki dut le bousculer pour pouvoir fermer la porte. Le garçon tremblait. Le front luisant, il paraissait fiévreux.

« Qu'est-il arrivé ? demanda Sygn à voix basse. Lokten, où étais-tu ? J'étais si inquiète, que...

Elle s'interrompit en découvrant ses mains, couvertes de sang. Sans doute le même que celui qui avait éclaboussé ses joues et sa tunique, cachée sous la cape que Loki lui avait mis sur le dos, et qui tombait, goutte après goutte, sur le plancher. Sygn le tira doucement par le bras vers le fauteuil d'Eitri. Le regard assombri de Lokten l'évitait. Il paraissait vide.

« Aidez-le à se nettoyer, s'il vous plaît Sygn.

— Je veux savoir ce qui est arrivé. »

Loki ne cacha rien de son agacement. Il lui fit signe de le suivre dehors. Sygn pensa que c'était pour lui parler. Elle aurait préféré. Sur le pas de la porte, gisait un homme, au visage lacéré de trois plaies profondes.

« Est-ce qu'il est... Que s'est-il passé ?

— Tout ce que je sais, c'est que lorsque j'ai retrouvé Lokten, il n'avait pas de mains mais des griffes, qu'il était recroquevillé entre deux maisons et que ce type était là, à terre, à côté de lui.

— Cet homme, est-il mort ? eut enfin le courage de demander Sygn.

— Il respire encore.

— Qu'attendez-vous pour l'amener à l'abri ? Pourquoi l'avoir ramené ici ? Loki, vous n'imaginez pas ce que Solveig prépare pour vous, mais si quelqu'un le découvre et apprend que...

— Calmez-vous Sygn. J'ai un plan, mais avant, vous allez me répéter ce que Solveig vous a dit. »

Sa voix portait à peine plus que les battements terrifiés du cœur de Sygn, dont le regard ne se détachait pas du malheureux, étendu à même le sol mouillé par la pluie. L'os de sa mâchoire se devinait sous les lambeaux de chair qui s'effritaient sur ses joues. Elle bougeait, cherchant à exprimer une supplique terrible, réduite à un râle continu. Sygn eut l'impression que ses yeux s'enfonçaient dans leurs orbites. Une fièvre soudaine fit fondre ses muscles et, sans prévenir, elle rendit son déjeuner.

La langue de Loki claqua contre son palais avec dégoût ; pour elle, à moins que ce ne fut pour ses souliers ainsi souillés. Sygn attrapa la main qu'il lui tendit, reprenant son souffle dans une grimace écœurée. Les larmes aux yeux, la respiration affolée, elle tâchait tant bien que mal de reprendre consistance.

« Ça va aller ?

— Solveig, en échange du bijou, elle réclamera votre tête. »

Loki accueillit la nouvelle, qui, de toute évidence, ne le surprit pas outre mesure. Il attendit une suite qui ne vint pas et la véritable surprise se trouvait là : il n'y avait rien d'autre.

« Ne vous inquiétez pas avec si peu, répondit-il avec son habituelle désinvolture.

— Vous comptez partir sans payer à nouveau ? Elle a prévu cela, vous savez.

— Je sais très bien ce qu'elle a prévu et c'est du vent, croyez-moi.

— Non.

— Comment cela, non ?

— Je veux savoir. Je ne veux pas suivre bêtement ce que vous me direz.

— Cela vous a-t-il déjà porté préjudice ?

— Arrêtez un peu cela ! s'emporta-t-elle. Je vous fais confiance depuis le début mais vous, on dirait bien que non.

— Puisque vous insistez, soupira Loki, je vais vous le dire : il y a longtemps, Brokk et Eitri ont aidé l'Enchanteresse à concevoir une... une prison, spécialement pour moi. Et Solveig imagine depuis des années que, parce qu'elle me désigne responsable de tous les maux de ce fichu pays, son père finira par lui en livrer les plans. Cela n'arrivera jamais. Et même si elle les avait sous les yeux et que mille années lui étaient données, elle n'arriverait pas à en esquisser une seule ébauche. Sans la magie d'Angrboda, le Cœur que Brokk et Eitri lui ont forgé n'est qu'une vulgaire boite. L'Enchanteresse ayant disparu depuis plusieurs décennies, je peux vous assurer que la menace de Solveig ne repose sur rien. »

Sygn sonda son regard et n'en tira rien de plus qu'une sensation de vérité. Elle ne s'attendait pas à glaner davantage. Loki savait, il gardait beaucoup aussi. D'un coup d'œil, elle désigna le mourant :

« Et pour lui ?

— Occupez-vous de Lokten, s'il vous plaît Sygn. Il vous fait confiance. Je me charge de l'autre.

— Vous n'allez pas le ...

— Pour qui me prenez-vous ? Si Viggo est retrouvé mort, je peux vous assurer que les choses vont se compliquer. Tant qu'il n'est que disparu, nous avons une petite marge. Un jour ou deux pour que quelqu'un s'en aperçoive, fit-il en en commençant à compter sur ses doigts, un autre pour que quelqu'un décide de s'en soucier, deux pour...

— Et Solveig aura achevé son œuvre d'ici là, comprit Sygn du bout des lèvres.

— Vous voyez, Sygn. Il n'y a pas de quoi s'inquiéter. »

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