Chapitre 37 : Julie – Les laboratoires

La forêt cessa brutalement. Un beau bâtiment en bois et aux nombreuses ouvertures vitrées s’accordait parfaitement avec le décor. Le palais ? L’endroit ressemblait à une maison d’un village de vacances. Julie fronça les sourcils, sa bouche se tordant dans un rictus lui déformant le visage.

Cet endroit devait proposer trois ? Cinq pièces ? Guère davantage. Il n’y avait même pas d’étage ! Ça ? Un palais ? Ce n’était même pas un manoir ! Même pas une villa ! Le terme de chalet pourrait – à la limite – lui convenir.

Julie ronchonna avant de s’avancer vers le bâtiment.

- Voulez-vous que je vous accompagne jusqu’à la salle du trône ? demanda Cynthia.

Julie se tourna à demi vers la blonde pour constater que l’initiée souriait et papillonnait des paupières. Elle espérait obtenir une raison d’entrer. Elle tenait vraiment à se trouver proche des Vampires pour les servir. Julie soupira puis hocha la tête, n’ayant aucune raison de ne pas offrir à cette femme ce qu’elle voulait.

Ses talons claquèrent sur le marbre du hall d’entrée en marbre. Julie observa les tapis au sol, les splendides tapisseries et les tableaux de maître sur les murs, les chandeliers en or, les lustres en cristal. Au moins, la décoration claquait. Ça faisait un peu « trop » aux yeux de Julie mais le style « palais » était respecté.

- Si vous voulez bien me suivre, proposa Cynthia, très impatiente à l’idée d’être débarrassée de son boulet et de pouvoir servir.

Julie n’avait aucune envie de se presser. Elle poursuivit sa découverte. L’endroit sentait le frais. Logique : les immenses baies vitrées offrant une luminosité maximale étaient ouvertes.

Le chant des oiseaux fut soudain brisé par un hurlement qui fit sursauter Julie.

- Vous vous y ferez. C’est banal ici.

« Bientôt, ça ne le sera plus », pensa Julie. Chris lui avait demandé de faire en sorte que les Vampires aient envie de venir au palais mais également que les initiés cessent de mourir pour rien. Elle trouverait un autre moyen d’occuper ces prédateurs en mal de sensations fortes.

Elle n’avait pour l’instant aucune idée de comment réaliser ce miracle. D’abord, découvrir les lieux. Ensuite, se trouver des alliés. Enfin, réaliser la mission. Chaque chose en son temps !

Julie se tourna vers l’immense porte vers laquelle tout le corps de Cynthia se tendait.

- C’est la salle du trône, supposa Julie et Cynthia confirma d’un geste de la tête. Que se trouve-t-il derrière les cinq autres portes ?

Cynthia resta figée. Elle ouvrait et fermait la bouche, visiblement incapable de répondre.

- Ma question est compliquée ? demanda Julie.

- C’est la réponse qui l’est, indiqua Cynthia. Je serais tentée de répondre « des chambres » mais certaines ne comportent pas de lit. C’est là-dedans que les Vampires s’amusent avec les initiés, chacun à sa façon.

Julie fut certaine de ne pas vouloir connaître en détail le contenu des autres pièces du palais. Elle sourit machinalement avant de se diriger vers l’immense porte double en bois lourd.

Au bout de l’immense salle recouverte d’un parquet vernis immaculé se tenait un trône en bois simple drapé de rouge, à cet instant inoccupé. Un simple coussin pourpre offrirait un confort tout relatif au propriétaire des lieux s’il revenait. Le siège se trouvait sur une estrade de la hauteur d’une marche.

Une dizaine de Vampires occupaient difficilement l’espace. Julie eut l’impression de revenir à Musawa : aucun ne cachait sa nature. Ils parlaient par petits groupes sans se soucier de Julie à qui ils n’accordèrent pas la moindre attention. Deux statufiés ornementaient l’endroit avec style.

Julie se tourna vers Cynthia pour lui poser une question mais la blonde se trouvait déjà entre les mains d’un Vampire. Il paraissait parfaitement humain. Il faisait l’effort pour l’initié. Julie trouva cela sympa de sa part. Cynthia gloussait tandis que le Vampire passait ses mains sous son top et sa jupe courte.

Julie préféra détourner le regard. Elle ne comptait pas déranger des Vampires en pleine conversation alors elle choisit l’un des deux statufiés, un homme à la peau noire, très « pirate des Caraïbes » dans ses vêtements et sa coupe de cheveux. Elle espéra ne pas se prendre un vent total.

- Bonjour. Excusez-moi de vous déranger…

Il prit vie, s’animant comme un pantin qu’on vient de remonter. Il devint humain en un claquement de doigts. Julie en sourit d’émerveillement. L’effet était saisissant.

- Comment puis-je vous aider, madame Admel ?

Julie cligna plusieurs fois des yeux en restant bouche bée.

- Vous savez qui je suis, s’étonna-t-elle.

Son regard sur elle fut accompagné d’un sourire ravageur. Ce mec connaissait ses charmes et en usait à merveilles.

- Bien sûr ! Vous l’êtes esclave intouchable de Chris qui nous offre de merveilleux événements. J’attends le prochain avec impatience.

Julie lui lança un regard narquois. Comme si elle allait tomber dans un piège aussi grossier.

- Sauriez-vous me dire quand Chris va se montrer ? interrogea Julie.

- Nous sommes tous là dans l’espoir de son apparition. Cela peut se produire dans la prochaine minute autant qu’au siècle prochain.

Julie plissa les paupières. Voilà qui ne l’arrangeait pas. Un allié de moins. Vers qui se tourner ?

- Merci beaucoup, dit-elle avant de s’éloigner.

Le pirate redevint statue.

- Excusez-moi mais j’aimerais aller aux laboratoires et elle est mon guide, indiqua Julie au Vampire en train de baiser Cynthia devant tout le monde sans la moindre pudeur.

La blonde fit une moue boudeuse en rajustant sa tenue. Elle mena Julie mais sans jamais lui décrocher un mot.

- C’est la porte, indiqua Cynthia devant ce qui ressemblait fortement à un cagibi. Où désirez-vous aller maintenant ?

- À l’intérieur, indiqua Julie.

- Personne ne rentre à l’exception de ceux qui travaillent là, répéta l’initiée sur un ton las.

Julie s’avança et la cloison glissa sur la droite, dévoilant une pièce vide toute blanche. Cynthia ouvrit de grands yeux tout en ouvrant grand la bouche sur un cri muet.

- Il faut croire que je bosse là, indiqua Julie avant de pénétrer et la porte se referma derrière elle, laissant Cynthia ahurie derrière elle.

Le mur disparut devant Julie, lui permettant de pénétrer dans le couloir tout aussi blanc que la salle de départ. L’un partait devant, un autre à droite et le dernier à gauche. Quelle direction prendre ?

- Où souhaitez-vous aller ? demanda une voix désincarnée.

- Vous êtes ?

- L’IA du complexe, lui indiqua la voix métallique.

- Parler à quelqu’un en mesure de m’aider à réaliser la volonté du roi.

- Suivez le trait jaune, je vous prie, proposa l’IA.

Le sol se colora. Julie observa cela. Devait-elle vraiment faire confiance à une intelligence artificielle ? Elle avait probablement été codée par les ingénieurs des laboratoires, ceux-là même en mesure d’ouvrir un trou de ver permettant de naviguer entre deux univers parallèles. Julie haussa les épaules et suivit le trait canari.

La ligne la mena à un homme tapant sur deux claviers en même temps. Les mots défilaient à toute vitesse sur les écrans correspondants. Il proposait un visage à la barbe bien taillée, des cheveux bruns courts en fouillis. Il portait un jean et un polo. Julie le constata pieds nus dans ses mocassins.

- Bonjour, Julie, dit-il d’une voix fluide sans cesser d’écrire et de fixer les écrans. Je suis Baptiste. Ravi de vous rencontrer enfin en personne. Je vous propose de commencer par vous connecter au réseau du palais, si cela vous convient.

Rien dans son ton ou sa diction ne laissait supposer qu’il était en train de faire trois choses en même temps.

- Me connecter ? Comment ça ? souffla Julie un peu apeurée.

- Rien d’intrusif, la rassura Baptiste. Tout est externe. Cela vous permettra d’obtenir toutes les informations désirées en une pensée.

Julie resta muette. Ce truc allait lire ses pensées ? Baptiste cessa de taper sur les claviers pour se tourner vers son interlocutrice. Lui aussi lui fit un sourire à tomber par terre. Des Vampires laids, cela existait-il seulement ? À Musawa, elle détestait leur proximité parce qu’ils étaient des cadavres ambulants. Ici, ils rayonnaient de vie.

Julie grimaça sans pouvoir empêcher un gémissement de franchir ses lèvres. Elle aurait eu envie de lui serrer la main. Il faisait l’effort d’arrêter ses activités pour elle. Il méritait bien cette petite marque d’attention. Ne pas pouvoir le faire rongeait Julie de l’intérieur. C’était si dur !

- Je ne souhaite en aucun cas vous faire du mal, assura Baptiste.

Elle ne sut s’il parlait de la blesser psychologiquement en lui mettant sous le nez le fruit défendu ou de la connexion au réseau censée lire ses pensées.

- Quand j’ai dis d’une pensée, c’était exagéré. Il s’agit juste de capteurs analysant vos mouvements, surtout oculaires, qui déduisent par statistiques ce que vous souhaitez. Vous constaterez que c’est plutôt efficace.

Le discours rassura Julie. Baptiste n’avait pas constaté sa réaction face à sa beauté incendiaire ou avait choisi de ne pas relever. Il restait professionnel, ce qui convenait à Julie.

- Accepteriez-vous de m’expliquer ?

Elle avait grand besoin d’être rassurée.

- Il s’agit de drones miniatures, comme un moucheron environ mais blanc donc beaucoup moins visibles et surtout, totalement silencieux. Ils travaillent en essaim.

- J’ignore ce que cela signifie, indiqua Julie.

Elle n’y connaissait rien en technique. Elle ordonnait et des petites mains réalisaient ses envies. Bien souvent, elle ignorait totalement comment les ingénieurs parvenaient au résultat attendu.

- Vous voyez les films Terminator ? demanda Baptiste.

Julie ne put s’empêcher de ricaner.

- Pardon, dit-elle entre deux rires étouffés. C’est tellement inhabituel. Jusque là, mes références cinématographiques ont toujours été des flops devant des Vampires et voilà que vous me parlez d’un film.

Baptiste resta stoïque, attendant simplement que son interlocutrice se calme, ce qu’elle fit rapidement. Il la transperçait des yeux, pas méchamment, pas vraiment, mais son regard la mit mal à l’aise.

- Oui, j’ai vu les Terminator, indiqua Julie.

- Dans l’un des films, les humains doivent détruire l’unité centrale. Lorsqu’ils le font, tous les robots cessent de fonctionner, commença Baptiste.

Julie acquiesça.

- Dans un autre film de la même licence, cette action est impossible car Skynet n’a pas d’unité centrale. Il est réparti un peu partout dans des millions d’ordinateurs.

Julie se souvint de ce passage.

- Les essaims appartiennent à la seconde catégorie. Chaque drone n’est pas relié à une unité centrale. Il est autonome et prend ses propres décisions, dans un but établi préalablement, évidemment. Grâce à ses capteurs, il se coordonne avec ses comparses, sans qu’aucun d’eux ne soit le chef.

- Et ça fonctionne ? Ils remplissent la mission ?

- Aussi bien qu’un banc de poissons, un essaim d’abeilles ou une nuée de chauves-souris.

Julie hocha la tête, épatée.

- Des dizaines de petits drones voleront autour de vous. Aucun entretien n’est nécessaire de votre part. Ils iront se charger tout seul dès que nécessaire et seront remplacés en cas de défaillance. Ils seront mis à jour automatiquement.

- Que feront-ils ? interrogea Julie.

- Ils sont capables de projeter de la lumière sur vos yeux, vous permettant de voir quelque chose qui n’est pas réellement là, une chose visible seulement par vous. Vous voulez un exemple ?

- Volontiers.

Sous les yeux ahuris de Julie, une carte du palais apparut, par dessus le monde réel. Elle flottait dans l’air, maquette très réaliste et colorée de la bulle accueillant la salle du trône. Julie bougea un peu la tête et la maquette se tourna.

- Ouah ! Je n’ai rien dit et elle a fait ce que je voulais ! s’enthousiasma Julie.

- Ils peuvent aussi envoyer des ondes sonores vers vos oreilles – sans jamais entrer dans vos conduits auditifs. Le son ne sera perceptible que par vous.

De la musique classique emplit l’air.

- Je suis la seule à entendre ça ? demanda Julie.

- Oui, lui assura Baptiste.

- C’est très pratique ! Les gens autour de moi n’entendent pas ? Même si ce sont des Vampires à l’ouïe fine ?

- C’est prévu pour. La sécurité sera maximale. Nul ne souhaite qu’un Vampire se fasse passer pour vous et accède à votre console personnelle durant votre sommeil, découvrant ainsi les secrets du prochain événement.

Julie frémit. Les Vampires pouvaient changer d’apparence à volonté. Comment allaient-ils empêcher un suceur de sang d’usurper son identité ? Elle décida de leur faire confiance. Ils feraient le nécessaire.

- Partante ? demanda Baptiste.

- Carrément ! Vous m’avez convaincue !

- Parfait, sourit le frère du roi. Ils sont à vous. Ils vont apprendre à vous connaître. Ça sera un peu comme dresser un chien ou éduquer un jeune enfant. Au début, il ne fera pas forcément ce que vous voulez. Énervez-vous ! Rabrouez-le. Vous pouvez lui donner un nom… ou pas. Chacun fait comme il veut mais il doit comprendre ce que vous voulez ou pas. En revanche, évitez de le considérer comme votre ami imaginaire. Ce n’est pas bon psychologiquement. N’oubliez pas que ça reste une machine.

- Je saurai m’en souvenir. Merci pour vos conseils, monsieur.

- Baptiste sera largement suffisant, la corrigea le frère du roi.

- Baptiste, sourit Julie.

- Je suis au courant de ce que mon frère vous a demandé, précisa Baptiste. Ah d’ailleurs ! Voici pour vous !

Il lui mit un petit boîtier noir entre les mains. De forme cubique, il proposait sur une face un bouton rond entouré d’une couronne. Les autres faces étaient parfaitement lisses.

- C’est une bulle de sécurité. Activez-la et vous deviendrez invisible car n’oubliez pas que si nul n’entend ou ne voie ce que les drones vous transmettent, tout le monde en revanche perçoit les sons sortant de votre bouche. De même si vous tapez sur un clavier virtuel : n’importe quel Vampire peut déterminer ce que vous écrivez sans le moindre effort. Appuyez sur le bouton et vous serez seule. La ceinture tournante permet de déterminer la taille de la bulle : entre deux et dix mètres. Là, elle est au minimum. C’est largement suffisant. L’énergie durera toute votre vie alors pas d’inquiétude à avoir de ce côté-là.

- Merci, dit Julie.

- Quand vous l’activez, seules les personnes à l’intérieur, Chris et moi-même entendent ce qui s’y passe.

Seule mais pas trop, comprit Julie. La nuance l’amusa. Lorsque Chris était venu lui parler à Musawa, il lui avait précisé avoir lancé une bulle de sécurité, lui indiquant qu’il ne souhaitait pas que son objectif soit connu. Elle savait désormais Baptiste être le seul dans la confidence. Le maître des laboratoires poursuivit :

- Puis-je également vous proposer de vous injecter un produit qui vous permettra de ne plus avoir vos règles ? Le palais n’est pas exactement l’endroit idéal pour saigner tous les mois.

Julie frémit. Elle n’y avait pas songé mais la remarque se tenait.

- Quel genre de produit ? demanda-t-elle, terrifiée.

- Pas d’inquiétude. Il n’empêche pas vos ovaires de fonctionner correctement ni ne change votre production hormonale. De ce fait, votre humeur n’en sera pas affectée. Je pourrais vous expliquer son fonctionnement mais ça prendrait des mois pour que vous compreniez.

- Autant qu’un trou de ver ? proposa Julie.

Il lui envoya un regard entendu signifiant « Non, le trou de ver, même un siècle n’y suffirait pas ».

- D’accord. Je vous fais confiance. Vous êtes médecin ?

- Entre autres, répondit Baptiste.

Il tapota en l’air devant lui.

- J’aimerais réaliser l’injection de base sur Julie. Elle a accepté. M’en donnes-tu l’autorisation ? dit Baptiste.

Julie supposa que le maître des laboratoires parlait à son frère, le roi. On frappa à la porte. Une jeune femme en blouse blanche entra. Baptiste se saisit du pistolet injecteur et la femme ressortit sans un mot.

- Le roi a donné son accord ? demanda Julie.

- Non, dit la voix du roi, faisant sursauter la petite humaine.

Chris venait en effet d’apparaître comme par miracle devant elle. Il se saisit du pistolet et l’appuya sur l’épaule gauche de Julie. Elle sentit comme une piqûre de moustique puis ce fut fini.

- Bonne installation aux palais, lui dit-il.

- Merci, Majesté, répondit Julie et le roi disparut après avoir jeté le pistolet vide à son frère qui l’avait attrapé sans difficulté.

- Ce n’est pas tout ça mais j’ai à faire, indiqua Baptiste. Contactez-moi si vous avez le moindre souci.

Julie hocha la tête avant de sortir. Tandis que le frère du roi se remettait à ses claviers, elle se retrouva dans le couloir.

- Puis-je vous guider vers l’extérieur ? demanda une voix cristalline.

Julie grimaça.

- Non, non ! Ça ne va pas ! Ne me fais pas croire que tu es humaine. Une voix féminine modulée, d’accord, mais fais-la métallique.

- Puis-je vous guider vers l’extérieur ? répéta l’IA.

Julie dut s’admettre impressionnée. Sa demande venait d’être prise en compte à la perfection.

- Pourrais-tu me faire voir un plan des laboratoires ?

- Demande rejetée. Vous n’avez pas les droits nécessaires. Puis-je vous guider vers l’extérieur ?

Façon polie d’indiquer qu’elle n’était plus la bienvenue en ce lieu. Elle ne comptait pas s’opposer à la volonté de Baptiste.

- Je veux bien, dit Julie.

Elle retrouva les arbres sans avoir croisé personne ni vu quoi que ce soit d’autres que des murs blancs.

- Comment puis-je vous être utile ? demanda la voix métallique.

- J’ai faim. Où puis-je me restaurer ?

- Au quartier des initiés, lui répondit l’IA.

- Manger avec les dociles ? Et puis quoi encore ? Je préfère encore déjeuner avec des Vampires. Où se retrouvent-ils pour se nourrir ?

- Nulle part, répondit la voix gênée. Les Vampires boivent du sang en poche tout en se promenant. Il n’y a pas de lieu dédié à cela.

- Je parle de nourriture, pas de sang !

- Les Vampires ne mangent pas au palais.

Julie serra les dents. Tout était à faire. Elle se frotta les arêtes du nez puis se lança :

- Je ne suis pas architecte mais j’aimerais que le palais propose des chambres, des appartements, appelez-ça comme vous voulez. Chaque résident doit obtenir un endroit privé, rien qu’à lui, ou à plusieurs si un groupe a envie de proximité. Le mobilier de base sera composé d’un lit double et ses deux tables de chevet avec lampe, d’une table, de quatre chaises, d’une armoire et d’une commode. Une salle de bain sera adjointe à chaque lieu privé. Un système de fermeture, peu importe lequel, devra permettre au résident de décider qui a le droit d’entrer ou non.

Julie prit une longue respiration, se donna un moment de réflexion puis poursuivit :

- Quelque soit la disposition choisie par l’architecte, la salle du trône devra rester primordiale, lieu de passage obligé ou central. Le palais sera ainsi séparé en quartiers d’une vingtaine d’appartements. Chaque quartier devra proposer son propre lieu de restauration. Je vois bien un Vampire en chef – des Vampires qui aiment cuisiner, ça doit bien exister, il y en a à Musawa – et des initiés en commis, à éplucher les légumes et faire la plonge. Ceci dit, l’organisation interne, je m’en fiche. Ce n’est qu’une proposition. Plus il y a de types de cuisine différents, et mieux c’est. Combien de temps pour que les ingénieurs des laboratoires mettent cela en place ? »

- Allez-vous rajouter des choses ensuite ? demanda l’IA.

- Oui, plein. Mais j’ai envie de pouvoir manger et dormir, râla Julie.

- Le quartier des initiés vous offrira… commença la voix métallique.

- Je ne veux pas m’approcher des dociles ! Je veux un endroit à moi au palais.

- Les ingénieurs ont pris note, tenta de la calmer sa console personnelle. Ils feront le nécessaire pour vous mais n’offriront pas encore le lieu intime à chaque résident. Ils attendront d’avoir vos demandes complètes. Votre appartement sera prêt dès ce soir. Pour la nourriture, nous pouvons vous proposer un dîner froid. Faire venir des Vampires cuistots risque de prendre un peu de temps.

Julie ronchonna mais dut admettre que c’était déjà pas mal. Elle soupira. Elle avait besoin de réfléchir. Elle regarda autour d’elle pour ne découvrir que des arbres, à perte de vue.

- Un étang ? proposa l’IA.

- Ça ressemble sacrément à de la télépathie, murmura Julie.

- Simple déduction de vos mouvements, assura la voix métallique.

- Va pour l’étang.

Julie découvrit un endroit magnifique : un ponton en bois, des nénuphars, des libellules brillantes, une eau claire et fraîche dans laquelle elle se baigna avant de se sécher au soleil.

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