- La maison devait être leur plan de secours, suggère Yi.
Nous avons repris la route depuis une bonne dizaine de minutes et David vient de terminer le récit de notre rencontre avec Lara et Pete. Il a insisté sur le fait qu’ils n’avaient pas connaissance de la maison de la famille d’Alex. Ils ne connaissaient que l’existence de l’appartement.
- Un plan de secours ?, interroge Kari d’un air étonné.
- Oui, au cas où les démons trouvaient leur location principale, ils avaient prévu un lieu où se retirer et se cacher, lui explique Yi.
- Sauf que c’est justement leur cachette qui a été découverte, commente David.
Je croise le regard de Paul dans le rétroviseur. Il a les sourcils froncés, beaucoup plus que d’habitude.
- Il y a quelque chose qui cloche, dit-il alors.
- Il y a plus d’une chose qui cloche…, répond David dans un soupir.
- Non, sérieusement. La maison pouvait parfaitement servir de plan de secours, comme l’a dit Yi. Et vu que leurs amis n’en avaient pas connaissance, ça signifie qu’ils n’y allaient pas souvent, voire pas du tout. Donc qu’est-ce qu’ils y faisaient le jour de leur enlèvement ?
- Peut-être qu’ils savaient que les démons étaient sur leurs traces, suggère Sacha.
- Et ils les auraient menés jusqu’à la maison pour éviter de mettre leurs amis en danger ?, ajoute Yi.
- Pas seulement leurs amis, plutôt toute l’école ou tous leurs voisins, ou même toute la ville. La maison se trouve dans un quartier bien moins peuplé.
Sacha n’a pas l’air d’être convaincue par ses propres paroles en les prononçant. Ce qu’elle dit a du sens, mais la maison n’est pas non plus au milieu de la campagne, elle se situe quand même dans une zone résidentielle, avec des voisins de chaque côté.
Si on considère qu’il s’agissait de leur plan de secours, il y a de quoi se demander ce qu’ils y faisaient et aussi comment les démons ont réussi à les trouver là-bas alors qu’ils n’y allaient que très rarement. La même réflexion nous occupe tous lorsque David s’exclame soudain :
- Les voisins !
- Quoi les voisins ?, lui répond Paul.
- Les voisins justement. Vous vous rappelez du comportement bizarre de ces deux petits vieux lors de notre visite ? Et s’ils travaillaient pour les démons et qu’ils aient dénoncé la famille d’Alex ?
- Mais comment pouvaient-ils savoir que leur famille était liée à l’Assemblée ?
- Bonne question. Ça me semblait plausible pour que les démons aient pu les trouver au bon moment et au bon endroit, mais c’est vrai que ça veut dire que les voisins devaient déjà savoir en premier lieu.
- Il ne faut pas non plus enlever les voisins de l’équation, ajoute Sacha. Je pense vraiment qu’ils ne sont pas innocents.
- Pourquoi feraient-ils ça ?, demande alors Kari d’un air dégoûté. Pourquoi est-ce que leurs propres voisins les dénonceraient ?
Paul la regarde dans le rétroviseur avant de répondre.
- Les gens ont toutes sortes de motivations pour aider les démons. La plupart ne sont même pas forcés de le faire, ils adhèrent simplement à leur idéologie ; et d’autres sont vite convaincus, ils le font parce qu’ils reçoivent quelque chose en échange.
- De l’argent ?
- Majoritairement, mais aussi d’autres choses. Une nouvelle maison, une nouvelle voiture, …
- Des choses matérielles, termine Kari en tournant son regard vers la vitre.
Elle est assise dans le siège devant moi et en voyant son visage tordu par le dégoût et la tristesse, j’ai envie de la prendre dans mes bras. Diego, assis à côté d’elle, passe son bras sur ses épaules et tente une parole réconfortante.
- Le monde ne sera jamais parfait. Il ne l’a jamais été.
- Il faut garder un certain équilibre, ajoute Yi. Des gens pourris comme les voisins d’Alex sont malheureusement nécessaires dans la balance.
Je réfléchis à cette idée en tournant moi aussi mon regard vers l’extérieur.
La région est vraiment magnifique. Même si les circonstances ne s’y portent pas, je prends le temps d’admirer le paysage. Je ne pensais pas me retrouver du jour au lendemain à voyager aux quatre coins du monde. De l’Argentine à l’Australie en passant par l’Afrique… Tout ça en moins de dix jours, c’est insensé. Je me suis plongée dans cette nouvelle réalité sans la remettre en question autant que je pensais le faire. Comme si dès le départ, dès ce jour où Yi a débarqué avec Paul sur la plage et m’a dit que j’avais des pouvoirs et que mon destin était de sauver le monde, dès ce moment, il y a eu une sorte de déclic en moi. J’ai commencé par refuser d’y croire pour garder les apparences, mais dans le fond, j’y ai cru tout de suite. C’est probablement le cas pour nous tous. David se croit peut-être dans un film, mais Kari, Yi, Diego, Sacha et moi, nous savons qui nous sommes. Certains depuis plus longtemps, d’autres depuis quelques jours, mais ça ne change pas grand-chose. Nous avons tous accepté que notre destin était plus ou moins tracé.
- Où est-ce qu’on va exactement ?, questionne David après un certain temps.
- Au supermarché, lui répond Paul très sérieusement.
De fait, nous voilà arrivés sur le parking d’un centre commercial.
Paul s’explique.
- Nous avons quelques courses à faire. Il nous faut de quoi manger pour les jours qui viennent, nous allons nous éloigner un peu de la civilisation. Et prenez aussi des vêtements si vous pensez ne pas en avoir assez… Et des vêtements chauds parce que ce n’est pas l’été ici. On va se séparer les tâches. Sacha et Diego, vous restez avec moi pour la nourriture. Kari et Marina, vous vous chargez des vêtements. Et David et Yi, il y a un magasin de sport au bout à droite. Trouvez de quoi faire du camping improvisé.
- Et… Euh… On paye comment ?, demande David d’un air un peu gêné.
- Ah, oui, c’est vrai, bafouille Paul en sortant son portefeuille. Tenez, ça devrait suffire.
Il tend des billets aux garçons, puis en donne aussi quelques-uns à Kari et moi. En fermant la voiture, il ajoute :
- Rendez-vous ici dans quarante-cinq minutes. Pas une de plus.
- Ok chef, répond David d’un ton ironique.
Et nous voilà partis vers nos différentes missions.
Les magasins de vêtements ne manquent pas et nous en choisissons un qui fait à la fois femmes et hommes, ça ira plus vite. Faire du shopping me semble un peu bizarre après ce que nous venons de vivre ces derniers jours… C’est presque trop normal et en même temps complètement déplacé.
Kari me sort de ma rêverie en m’agitant un tee-shirt devant le nez.
- Tu crois que c’est assez grand pour Yi ?
Il s’agit d’un tee-shirt bleu tout simple. Elle en tient d’autres sur le bras, tous unis et sans artifice. Nous ne sommes pas vraiment là pour faire du shopping, nous sommes là pour renflouer nos stocks et ne pas nous retrouver à court de vêtements en plein désert australien. Si c’est bien vers le désert que nous allons parce que Paul est resté assez vague sur notre prochaine destination. Mais vu ce qu’il a dit sur le parking, je pense que nous allons nous éloigner de la côte et de ses grandes villes. Nous optons donc pour des vêtements plus chauds que ceux que nous avions emmenés, le désert risque d’être plutôt frais à cette période de l’année.
Pas le temps de faire des essayages, nous ressortons du magasin les bras chargés de vêtements de base pour tout le monde, en espérant que nous ne nous soyons pas trop trompées dans les tailles. Dans le doute, nous avons souvent pris plus grand et de toute façon, nous ne prenons pas la route vers un défilé de mode.
Le coffre de la voiture est plein une fois que nous avons tous déchargé nos sacs et nos bras. On devrait survivre pendant quelques jours avec tout ça. Tant que les démons ne nous volent pas la voiture…
Tes personnages se posent les mêmes questions que moi pour cette mystérieuse maison, sans avoir plus de réponses ! J'avoue qu'aucune des théories évoquées ne m'a parue convaincante.
Pour l'instant, tout est calme. Trop calme. On ne sait toujours pas comment les démons finissent par apparaître au mauvais moment, mais je me dis que cela fait quelques jours qu'ils n'ont pas attaqués notre petite équipe. Surtout que je doute que les charmants voisins n'aient pas avertis les mauvaises personnes...
Ah, et "tâche" est correct dans ce chapitre ;-)
Tu l'as bien dit, c'est trop calme... Et ce n'est jamais bon signe.
Comme on suit les narrateurs, je trouve intéressant qu'on ne sache pas du tout ce qui se passe de l'autre côté et qu'on soit aussi perdus qu'eux dans l'intrigue. Enfin, sauf moi évidemment ; )
Et en effet, les voisins ont très probablement accompli leur tâche de charmants voisins : )
Je note pour le dynamisme, même si, comme tu le dis, l'objectif est un peu de calmer le jeu et de développer l'intrigue sans blesser personne. Après, c'est aussi le calme avant la tempête...
C'est vrai qu'il y a un paquet de chapitres, il en reste encore entre 10 et 15, je fais parfois des regroupements, donc le chiffre peut varier !
Et tu auras des nouvelles d'Alex d'ici-là ; )
J'espère ne pas trop te faire attendre !