Chapitre 38 : Frustration intérieure et thé

Notes de l’auteur : Comme promis, j'approche doucement de la fin. Je pense avoir encore 3 chapitres à écrire. Je vais bientôt commencer le 45 :) et si tout va bien et pas d'idées farfelues en plus ( comme souvent 😅) je devrais m'arrêter au 48 . Si je m'en tiens au plan !!!
Encore merci de me suivre jusqu'ici !

Ayra referma doucement la porte d’entrée. Dahlia était à ses côtés.

Le froid s’était bien ancré dans l’air, amorçant l’arrivée de l’hiver.

Elle prit une inspiration profonde — l’air glacé emplit aussitôt ses poumons.

Elle adorait cette sensation. Elle se sentit immédiatement revigorée.

À Aetheris, il était rare qu’il fasse aussi froid. Le ciel y restait souvent lumineux et, malgré le temps, le soleil perçait toujours les nuages. Cela donnait à chaque saison une touche de chaleur persistante, même dans les périodes les plus fraîches.

Ici, à Clairmont, le brouillard hivernal et le ciel gris avaient gagné le village depuis déjà un bon moment. Mira leur avait dit que Noël approchait — une fête religieuse très appréciée des humains.

Malgré les picotements dans ses yeux, dûs à une nuit écourtée, Ayra se sentait bien.

Elle se sentait… heureuse.

C’est avec le sourire qu’elle prit le chemin de Clairval.

Dans les ruelles pavées, elle aperçut quelques habitants installant des guirlandes lumineuses sur leurs façades.

Du sapin, sous toutes ses formes, ornait les appuis de fenêtres et les entrées des maisons. Des boules colorées — rouges, vertes, dorées — venaient parfaire les décorations, diffusant une lumière chaleureuse malgré le ciel gris.

Ayra était ébahie par la beauté du spectacle.

Ses yeux pétillaient tandis qu’elle observait chaque détail sur son passage, captivée. À ses côtés, Dahlia exprimait son émerveillement à voix haute, ponctuant leur avancée de « Woaw » enthousiastes.

Sur le large terrain de Clairval, quelques hommes s’affairaient à ériger un immense sapin.

L’un d’eux, juché en équilibre sur une grande échelle, installait une étoile brillante à la pointe.

Ayra s’arrêta un instant, fascinée par le spectacle qu’elle trouvait presque féerique.

— C’est magnifique… murmura-t-elle.

— Oui, vraiment, répondit Dahlia d’une voix rêveuse.

Dans le hall de l’université, le décor avait lui aussi changé.

Des guirlandes lumineuses serpentaient le long des murs, et les rampes d’escaliers étaient désormais garnies de branches de sapin ornées de boules colorées.

Le côté austère et strict du bâtiment semblait s’être effacé… remplacé par une atmosphère bien plus douce.

L’odeur du sapin emplit ses narines, accentuant la sensation de bien-être qui l’envahissait.

Le Varnak lui semblait désormais à mille lieues derrière elle.

Elle avait l’impression que rien ne pourrait venir entraver l’enthousiasme qui l’avait gagnée.

L’horloge sonna neuf heures.

Ayra sursauta, tirée brusquement de sa rêverie. Leur premier cours allait commencer.

Avec Dahlia à ses côtés, elles prirent la direction de l’étage.

Dans l’amphithéâtre, elle balaya la salle du regard à la recherche de Kael.

Il n’était pas là.

Une petite pointe de déception lui serra l’estomac.

Sans un mot, elle suivit Dahlia dans la rangée de bancs, en soufflant doucement par le nez.

Le professeur entra sur l’estrade, un cartable de cuir à la main.

Il l’ouvrit lentement et en sortit une pile de documents qu’il posa sur le bureau.

— Bien… avant de commencer, je voudrais faire une annonce, dit-il d’une voix enrouée et morne.

Ayra se pencha sur sa table, accoudée, pour mieux l’écouter.

— Certains le savent peut-être déjà, mais dans trois semaines aura lieu notre bal de Noël. Ici, à Clairval.

Quelques oh et ah enthousiastes s’élevèrent dans l’assemblée.

— Oui, oui… très bien, fit-il en agitant les mains pour faire taire le brouhaha. Cette opération vise à rassembler des fonds pour l’université.

Alors je compte sur vous pour faire venir autant de monde que possible.

… Bien, commençons.

Ayra se tourna vers Dahlia, qui avait les yeux brillants d’excitation.

— Génial ! lui souffla-t-elle.

Le silence retomba tandis que le professeur projetait une œuvre sur l’écran.

Un battement sec retentit à la porte.

Ayra se retourna : Kael venait d’arriver.

Le regard noir, la mâchoire serrée, il alla s’asseoir sur le premier banc libre, près de l’entrée, sans même chercher du regard quelqu’un en particulier.

Pas elle.

Ayra serra les dents et ramena son attention vers l’écran, en apparence.

Mais ses pensées, elles, s’entrechoquaient déjà.

Qu’est-ce qu’il lui prend encore ?

Je me fais peut-être des idées…

Il est juste entré. Il n’a rien fait de particulier…

Ça n’a rien à voir avec toi, Ayra…

La sonnerie du cours retentit. Ayra sursauta.

Elle était incapable de se remémorer les paroles du professeur.

Ce n’est que lorsque Dahlia se leva qu’elle l’imita machinalement.

En se dirigeant vers la sortie, elle remarqua que Kael avait déjà quitté la salle.

Elle eut l’étrange impression d’avoir fait un bond en arrière, à l’époque de leur toute première rencontre.

Sauf qu’aujourd’hui, ce genre de comportement l’irritait profondément. Ce qu’elle n’aurait jamais ressenti quelques semaines plus tôt.

— Une mouche l’a encore piqué, ou quoi ? lança Dahlia à côté d’elle.

— De quoi tu parles ? demanda Ayra, un peu sur la défensive.

Visiblement, Dahlia avait aussi remarqué l’attitude étrange de Kael.

— Kael… Il a fait comme s’il ne nous connaissait pas. Il est quand même vraiment bizarre parfois, et tellement lunatique, ajouta-t-elle en levant les yeux au ciel.

Ayra ajusta la bandoulière de son sac sur son épaule, puis répondit d’un ton détaché :

— Ah… Il était là ? Je n’ai pas fait attention…

Elle préférait jouer l’indifférente. Une manière de se protéger de la vexation cuisante qu’elle ressentait. Kael l’avait carrément ignorée, et ça lui restait en travers de la gorge.

Elle n’eut aucun mal à repérer Kael, quelques mètres devant elles. Même de dos, il était reconnaissable entre mille avec ses éternels vêtements noirs et ses mèches châtain retombant sur le col de sa veste en cuir.

Il s’était arrêté, balayant les élèves du regard comme s’il cherchait quelqu’un.

Arrivées à sa hauteur, Ayra ravala sa salive et décida de prendre sur elle pour le saluer.

— Salut… dit-elle simplement.

Il tourna légèrement la tête dans leur direction, sans vraiment les regarder.

— Je suis occupé. On se voit plus tard, répondit-il sèchement.

Ayra resta muette, trop choquée par la brièveté — et la froideur — de l’échange.

Sans un mot de plus, Kael reprit sa route, le regard toujours en mouvement, comme absorbé par quelque chose d’invisible.

Elle le vit se diriger vers un petit groupe d’étudiantes, qui le regardèrent aussitôt d’un air cajoleur. Il esquissa un léger sourire en coin, presque imperceptible, mais suffisant pour faire grimacer Ayra. Elle préféra tourner les talons, refusant d’observer plus longtemps une scène qui, elle devait bien l’admettre, éveillait en elle une pointe de jalousie.

Dahlia ne dit rien. Elle lui attrapa doucement le bras et l’entraîna avec elle.

Ayra observa distraitement les boiseries qui ornaient les murs, puis se dirigea vers leur prochain cours, même s’il ne commençait que dans vingt minutes.

— Franchement, c’est un bougre ! lâcha Dahlia en secouant la tête.

— Il ne vaut pas la peine qu’on s’énerve pour ses sauts d’humeur… répondit Ayra avec le plus de calme possible. Pourtant, elle sentit sa voix vibrer légèrement malgré elle.

Elle qui était de si bonne humeur le matin passa le reste de la journée tendue et irritée. Elle avait eu du mal à se concentrer sur ses cours.

À plusieurs reprises, elle avait senti le froid l’envahir, et il lui avait fallu un réel effort pour l’étouffer. Jamais ses émotions n’avaient influencé ses pouvoirs… pourtant, aujourd’hui, elle avait eu l’impression qu’au moindre mouvement, elle risquait de geler tout ce qui l’entourait.

Deux ou trois fois, elle avait aperçu Kael se diriger vers des filles et discuter avec elles. Visiblement, il en avait eu assez de jouer avec elle. Et pour une fois, elle donna raison à la première impression qu’elle s’était faite de lui.

Elle n’avait qu’une envie : rentrer chez Mira, fuir Clairval pour ne plus avoir à voir Kael jouer les indifférents, la nier, et draguer la moindre fille sur son passage.

C’est avant le dernier cours qu’elle décida d’écourter sa journée et de rentrer. Une migraine commençait à lui tambouriner les tempes. Dahlia l’avait suivie sans poser de questions, silencieusement solidaire.

Elles marchaient sur la route pavée lorsque Dahlia s’arrêta soudain, retenant Ayra par le bras.

— Attends, dit-elle doucement.

— Quoi ? répliqua Ayra d’un ton un peu sec, en se passant une main dans les cheveux, visiblement à bout.

— Et si on s’arrêtait dans ce petit bistrot pour boire un chocolat chaud ? proposa Dahlia en désignant du menton une enseigne nichée entre deux maisons.

Le café était décoré aux couleurs de Noël. Une arche de sapin encadrait l’entrée, et les volets de bois, un peu défraîchis par les années, donnaient un charme mystérieux à la façade. Un tableau noir, griffonné à la craie, affichait le menu du jour : gaufres, chocolat à la cannelle… Une odeur sucrée s’échappait du bâtiment, embaumant l’air d’un parfum irrésistible.

Ayra réfléchit quelques secondes, puis lui répondit :

— D’accord. C’est vrai qu’on n’a jamais pris le temps de s’installer quelque part depuis qu’on est à Clairmont.

Dahlia lui répondit par un sourire triomphant et l’entraîna sans attendre vers l’entrée.

L’odeur du chocolat chaud régnait dans la pièce, petite mais pleine de charme. L’ambiance était chaleureuse et cosy.

Des petits troncs faisaient office de tables, entourés de tabourets en bois garnis de coussins moelleux aux couleurs variées. Le tout formait un ensemble harmonieux, parfaitement en symbiose avec l’esprit du lieu.

Les murs aux teintes de terre cuite apportaient une douceur feutrée, et plusieurs plantes retombaient doucement des voûtes en bois du plafond.

Sur les murs, des étagères en bois brut avaient été fixées. Certaines supportaient de jolies tasses anciennes en porcelaine, toutes différentes, décorées de motifs floraux ou dorés. D’autres étagères étaient remplies de livres au dos usé, comme s’ils attendaient que quelqu’un vienne les ouvrir le temps d’une boisson chaude. Ce décor simple, mais plein d’âme, renforçait l’impression de havre paisible.

Ayra se sentit instantanément apaisée.

Dahlia se dirigea vers le comptoir pour commander les boissons chaudes, pendant qu’Ayra repérait une table libre près d’une étagère garnie de livres anciens. Elle s’y installa, posant son sac à ses pieds, les yeux encore absorbés par les détails chaleureux du lieu.

— C’est tellement apaisant, cet endroit, dit Dahlia en revenant s’asseoir face à elle.

— Oui… vraiment, répondit Ayra d’une voix rêveuse, son regard glissant à nouveau sur les coussins colorés, les plantes suspendues et les étagères garnies de tasses.

Un léger silence s’installa, serein, avant que Dahlia ne reprenne, plus bas :

— Au fait… Je ne t’ai pas dit. J’ai eu l’occasion de discuter avec Caelis. À travers le miroir de Mira.

Ayra redressa la tête, soudain plus vive.

— Ah bon ? Et qu’est-ce qu’il a dit ? Il était content de te parler ? Il regrette ton départ ? lança-t-elle en rafale, tout à coup remplie d’enthousiasme.

Dahlia sourit, un peu surprise par l’élan d’Ayra. Elle croisa les bras sur la table, visiblement en train de chercher comment décrire ce tête-à-tête.

C’est alors qu’un léger cliquetis les interrompit. Une jeune serveuse venait d’apparaître, un plateau entre les mains. Elle y déposa deux grandes tasses fumantes, d’où s’élevaient des effluves enivrants de chocolat et de cannelle, ainsi qu’une assiette garnie d’un assortiment de biscuits dorés et encore tièdes.

Ayra se redressa légèrement sur sa chaise, un sourire au coin des lèvres.

— Merci beaucoup, dit-elle doucement.

La serveuse répondit par un clin d’œil complice avant de s’éloigner.

Dahlia prit une gorgée de chocolat avant de commencer son récit.

— Égal à lui-même, dit-elle en reposant sa tasse. Il ne m’a pas paru heureux… ni malheureux non plus.

Ayra haussa les sourcils, attentive.

— Il m’a demandé si je me plaisais à Clairmont, et si j’avais eu affaire au Varnak. Je lui ai répondu que oui, en espérant provoquer une réaction. Mais… rien. Il est resté impassible.

— Du Caelis tout craché, souffla Ayra en secouant la tête. Comme s’il avait été drillé à rester de marbre, peu importe la situation.

— Oui, même avec moi, confirma Dahlia en riant, d’un rire léger, presque résigné. Mais tu sais quoi ?

Ayra se pencha, intriguée.

— Qu’est-ce qu’il a encore dit ?

— Il m’a demandé si je m’entraînais bien.

Dahlia éclata de rire, un vrai rire cette fois, franc et communicatif. Ayra la suivit aussitôt.

— Mais il n’est pas possible ! J’espère que tu l’as laissé en plan après ça !

Elles riaient toutes les deux, mais Ayra devinait bien que derrière l’humour, un petit pincement restait dans le cœur de son amie.

— Oui, répondit Dahlia en haussant les épaules. Je me suis levée, et je lui ai dit : « À la prochaine, Caelis. Entraîne-toi bien. » Là… j’ai cru voir quelque chose dans son regard. Une hésitation peut-être… mais je suis sortie avant de lui laisser le temps de répondre.

Ayra la regarda en silence, un léger sourire au coin des lèvres. Elle admirait cette force douce chez Dahlia — cette capacité à rire de ce qui lui faisait mal, sans jamais devenir amère.

— Je suis désolée pour toi, Dahlia, dit Ayra, qui avait repris un ton plus sérieux.

— Il ne faut pas, répondit son amie en souriant. Je me suis fait une raison.

Elle haussa les épaules avant d’ajouter, avec douceur :

— Je suis vraiment contente de t’avoir accompagnée dans cette aventure… malgré ces dernières péripéties.

— Et moi, je suis contente que tu sois là ! répliqua Ayra avec sincérité.

Au même moment, elle détourna les yeux, attirée par une pancarte accrochée au-dessus du bar.

— Oh, regarde, ça me tente bien, dit-elle en désignant l’ardoise du doigt. Ils font du thé maison… aromatisé à la liqueur d’orange.

— Ça nous fera du bien ! s’exclama Dahlia en riant.

— Oh que oui ! confirma Ayra avec un sourire.

Ayra ne savait plus dire depuis combien de temps elles étaient là.

Elles avaient ri, s’étaient moquées de l’espèce masculine, et surtout, elles avaient parlé de tout et de rien — ce qui lui avait fait un bien fou.

Elles avaient vidé, à elles deux, deux théières de ce fameux thé aromatisé, et Ayra commençait à avoir la tête qui tournait légèrement.

— Alors c’est donc ça, boire de l’alcool ! lança-t-elle en riant. Je me sens tellement détendue !

Dahlia éclata de rire à son tour, puis jeta un œil par la fenêtre.

— Je pense qu’on devrait quand même rentrer… il fait tout noir dehors ! Le dragon va nous engueuler !

Elle accompagna sa phrase d’une grimace exagérée, en approchant sa tête d’Ayra avec de grands yeux.

— Quel dragon ? Oh bien joué ! répondit Ayra en riant. Tu parles d’Élika ! Oui, tu as raison, vaut mieux rentrer.

 

 

Le chemin lui parut plus court que d’habitude. Et, pour une fois, l’obscurité ambiante ne lui inspirait aucune crainte.

Elles marchaient bras dessus, bras dessous, en riant. Tout paraissait plus facile, comme si rien ne pouvait troubler cette quiétude.

La maison de Mira apparut au loin, baignée de lueurs chaudes qui filtraient par les fenêtres.

— Tu penses qu’on va se faire engueuler ? demanda Dahlia, mi-amusée, mi-inquiète.

— Oh, sûrement ! répondit Ayra avec un petit sourire.

Mais à peine eurent-elles posé un pied sur le perron que la porte s’ouvrit brusquement.

Ayra s’attendait à voir surgir Élika, les bras croisés et le regard sévère.

Mais c’était Kael.

Il se tenait dans l’encadrement, les traits tendus, le regard noir. Une tension électrique semblait émaner de lui, et Ayra crut presque voir des éclairs passer dans ses yeux.

Ses yeux brillaient d’un éclat orageux sous la lumière de l’entrée. Il avait les bras croisés, les mâchoires contractées, comme s’il s’était retenu d’exploser pendant une heure entière.

— Qu… mais… qu’est-ce qu’il fait là, lui ?! s’écria Ayra, les yeux écarquillés, la main plaquée contre sa poitrine.

Elle donna un coup de coude discret à Dahlia.

— Dis, je rêve, on est d’accord ? Je suis en plein cauchemar, non ?

Dahlia lui répondit d’un sourire crispé, la mâchoire serrée.

— Non… pas du tout… Il est bien là, Ayra.

Kael, qui n’avait pas bougé, fronça les sourcils et s’approcha d’elle.

Sans prévenir, il pencha légèrement la tête vers la sienne et renifla à peine.

— Vous avez bu ? demanda-t-il en scrutant successivement les deux jeunes filles.

Ayra, se sentant plus affirmée qu’à l’accoutumée — ou peut-être portée par l’alcool — le repoussa d’une main ferme pour entrer.

— Et si c’était le cas ? Qu’est-ce que ça peut bien te faire ?

Elle le vit se retourner vers elle, le regard noir, mais avec une pointe de surprise. Elle préféra faire comme si elle ne l’avait pas vu et entra sans un mot.

Élika se tenait dans l’entrée, les bras croisés. Eren se tenait juste derrière elle.

— Oh, vous n’allez pas commencer, vous aussi ! lança Ayra en les désignant d’un geste agacé, déjà exaspérée par l’accueil de Kael — ou plutôt par ce retour soudain après une journée d’indifférence glaciale.

Elle vit Élika serrer les lèvres. Difficile de dire si elle allait exploser de colère… ou éclater de rire.

— Il est tard, Ayra, dit simplement Élika d’un ton neutre.

Ayra grogna quelques mots indistincts, passa devant tout le monde et se dirigea vers l’escalier.

— C’est pour ça. Je vais me coucher ! Bonne nuit à tous ! lança-t-elle en agitant la main de manière exagérée.

Elle tituba légèrement dans les premières marches, manquant de peu de rater une marche.

Kael, qui avait regagné le hall, pesta entre ses dents, la mâchoire crispée.

Elle entendit Élika s’adresser à Dahlia derrière elle :

— Dis-moi, Dahlia… vous n’auriez pas un peu bu ce soir ?

— Un chouïa ! répondit-elle en riant franchement.

Ayra ne se retourna pas. Elle poursuivit son ascension de l’escalier, s’efforçant de garder contenance. Une main bien agrippée à la rampe, juste au cas où ses jambes décideraient de ne plus lui obéir.

Elle fit couler un bain et s’y détendit un long moment. L’eau chaude lui fit un bien fou, et elle ferma les yeux, profitant du silence. Elle aurait pu s’endormir là si elle ne s’était pas rappelée qu’elle avait encore les cheveux à sécher.

Après une bonne trentaine de minutes, elle se décida enfin à sortir. Elle enfila un pyjama confortable et se jeta directement dans son lit.

Dormir lui ferait le plus grand bien. Elle s’étira longuement, les bras au-dessus de la tête, puis se roula sous les couvertures. Le contact des draps frais contre sa peau lui arracha un soupir d’aise.

Enfin un peu de calme. Rien d’autre à faire que dormir.

Le vent frappait en bourrasques contre la fenêtre, qui tremblait sous les assauts répétés. Ayra se retourna en soupirant.

Une rafale plus violente que les autres fit claquer le battant, qui n’avait visiblement pas été bien fermé.

Elle se leva en maugréant, un peu chancelante. Ses cheveux encore humides frissonnèrent au contact de l’air glacé. Et comme si son corps répondait à un appel instinctif, elle sentit le froid monter en elle, lentement, doucement, comme un frisson ancien qui la reconnaissait.

En posant la main sur le bois pour refermer la fenêtre, une fine couche de givre se déploya autour de ses doigts.

Elle sursauta et recula. Ses mains… elles semblaient intactes. Aucune trace de gel.

Le cœur battant, elle referma le châssis et verrouilla la poignée.

Et c’est là qu’elle le vit.

Gravé dans le bois, invisible quelques secondes plus tôt : le symbole du destin. Une spirale traversée d’un trait, finement tracée, comme sculptée dans la glace. Il brillait faiblement, pris dans une lueur givrée qui ne ressemblait à rien de naturel.

Elle retourna dans son lit, mais ne s’y coucha pas. Prenant ses genoux entre ses bras, elle fixa un instant la fenêtre.

La fenêtre ne tremblait plus. Le vent avait cessé ses assauts. Elle aussi, s’était apaisée. Comme si l’appel s’était tu.

Dans le coin gauche, elle vit encore le symbole scintiller.

Elle entendit des pas dans le couloir. Quelqu’un frappa à la porte. Elle décida de ne pas répondre. Elle voulait la paix.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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