Loreleï prit la forme d’une grande pieuvre à neuf cerveaux, lui permettant de conserver ses facultés mentales, et partit à l’assaut des océans. Cette fois, elle savait mieux quoi demander. Les indications des poissons et mammifères océaniques furent plus nombreuses et précises. De nombreux animaux lui désignaient le même endroit, dans l’océan Pacifique. Loreleï sentit qu’elle touchait au but.
Elle approcha de la zone avec prudence. Une sirène fila près d’elle, bolide sous-marin, bientôt rattrapée par une autre. Les deux nageuses se bousculèrent en riant, ondes délicates transmises par l’eau. Loreleï les observa à travers ses huit tentacules recouvertes de récepteurs, ses trois cœurs battant lentement pour donner le change.
Qu’elle ne fut pas sa surprise en constatant que ces deux-là avaient eux-aussi un cœur battant. Ils respiraient par des branchies et leur sang circulait. Impossible dans ce noir profond de voir leur aura. Ce pouvoir ne fonctionnait que par les yeux et la vue classique d’un humain. Elle les suivit tandis qu’il rejoignaient des centaines d’autres comme eux, batifolant entre les anémones et les algues, s’amusant à poursuivre une raie ou une baudroie.
Loreleï reconnut là une ville. Elle compta des milliers de ces sirènes, jeunes, estima-t-elle même s’il lui était difficile de lire leur âge à travers ses sonars et sans points de comparaison.
Ils jouaient, nageaient, se battaient pour de semblant, chassaient des crevettes, ouvraient des coquillages qu’ils dégustaient avec de grands sourires ravis. Ils échangeaient des ondes se propageant dans l’eau mais Loreleï se trouva incapable d’y mettre le moindre sens, d’autant que sous cette forme, il lui était difficile de tenter de les reproduire.
Loreleï fut incapable de discerner les mâles des femelles. Tous se ressemblaient et à cette profondeur, sans lumière, elle devait se contenter de ses sonars qui ne donnait qu’une forme approximative. Une queue, un torse lisse, deux bras terminés de deux mains palmées, une tête chauve agrémentée d’une bouche remplie de dents pointues et assez solides pour casser les coquillages, quelques nageoires qui semblaient davantage ornementales qu’utiles, toutes les sirènes se ressemblaient.
La prêtresse du mal observa sans comprendre. Les sirènes existaient pour de vrai ? Pas des Vampires ayant changé d’apparence ? Des créatures bel et bien vivantes ? La prêtresse du mal ne pouvait y croire. Et si elle creusait au fond d’une montagne, elle trouverait un dragon endormi ? Non ! Il y avait forcément une explication rationnelle.
Loreleï resta un long moment dans la ville, se promenant, laissant le courant la porter. Nul ne s’intéressa à cette pieuvre géante placide. De nombreux jours passèrent et finalement, un événement se produisit.
Une sirène femelle Vampire apparut. « Femelle » car son torse proposait une poitrine ferme et bien dessinée et parce que sa tête se trouvait surmontée de longs cheveux. « Vampire » car son cœur ne battait pas et elle ne respirait pas.
Les sirènes vivantes se réunirent, formant un groupe compact autour de la nouvelle venue. De nombreuses créatures se dispersèrent et Loreleï eut de nouveau la possibilité de percevoir la femelle. Elle désignait les sirènes qui s’éloignaient.
Finalement, il en resta une centaine autour d’elle. Loreleï constata, horrifiée, que des sirènes Vampires s’approchaient, sortant des profondeurs. La femelle s’en rendit compte et elle cria, onde puissante relayée dans le liquide. Loreleï n’y donna aucun sens mais les Vampires comprirent car ils s’éloignèrent en ronchonnant – tout du moins Loreleï traduisit-elle ainsi les ondes provenant d’eux.
Loreleï put assister, médusée, à la transformation des sirènes vivantes en Vampires. Elles offrirent toutes leur cou à la femelle. Lorsqu’elles furent toutes mordues, la femelle désigna l’une d’elles qui s’approcha en toute confiance. Loreleï constata qu’aucune sirène vivante n’était proche. Les survivantes s’étaient cachées dans des trous ou derrière des rochers et attendaient sagement. Le cérémoniel semblait bien rodé.
Loreleï sursauta en voyant la femelle se jeter à la gorge de l’élu et boire son sang jusqu’à ce qu’il disparaisse purement et simplement. Les jeunes Vampires ouvrirent de grands yeux ahuris. La femelle leur parla – Loreleï enregistra un maximum d’ondes afin de pouvoir revenir dessus plus tard dans sa mémoire parfaite – puis elle disparut. Les jeunes Vampires se regardèrent avant de se jeter les uns sur les autres dans une mêlée indescriptible.
Loreleï s’éloigna tranquillement tandis que certains parvenaient à s’extirper de la masse grouillante, rejoignant le fond où les attendaient les Vampires plus âgés, faisant d’eux une proie facile. Certains jeunes, plus malins, s’associèrent pour quitter les lieux en groupe.
Loreleï les laissa à leurs débuts difficiles pour suivre la femelle. Elle la retrouva aisément un peu plus loin. Elle l’observa, ayant d’abord du mal à comprendre ce que ses perceptions lui indiquaient. Pourtant, rapidement, il fut impossible de ne pas comprendre : la femelle Vampire pondait des œufs dans un trou, une bonne centaine, estima Loreleï. Puis, elle se tortilla et un cordon sortit de son ventre. Elle le déposa sur les œufs puis s’éloigna un peu avant de pousser un cri.
Les sirènes humaines sortirent de partout. Elles entourèrent le nid et commencèrent à le protéger, mettant en place des tours de garde. Loreleï suivit la femelle Vampire qui rejoignait le fond. Elle ne sembla pas s’inquiéter de la pieuvre empruntant par hasard le même courant océanique qu’elle.
La femelle nageait vite vers le fond. Loreleï la suivait sans peine malgré la pression toujours plus forte. La prêtresse du mal avait l’habitude de subir ce milieu hostile, passant tous ses temps libres au fond de l’eau à la pouponnière, où les laborantins s’ingéniaient à reproduire le plus fidèle possible les conditions terrestres, avec succès.
Finalement, ils parvinrent à un assemblage de rochers ressemblant furieusement à une forteresse sous-marine. Loreleï se figea tandis que la sirène femelle disparaissait derrière les murs imposants.
Il était impossible que ceci fut naturel. Des tours, des murs, des portes, la construction faisait froid dans le dos. Des sources de magma sous-marins offraient une lumière rouge sensationnelle et oppressante mais au moins offrirait-elle assez de vision à Loreleï pour utiliser ses pouvoirs, à condition de reprendre forme humaine, ce qu’elle ne comptait pas faire immédiatement, jugeant son apparence camouflante. Après tout, jusque-là, personne ne s’était intéressée à elle.
Loreleï contourna l’édifice. Elle compta une bonne dizaine de gardes aux cœurs morts qui ne s’intéressèrent pas une seule seconde à elle. Loreleï attendit, espérant quelque chose, n’importe quoi.
Après trois jours d’observation ennuyeuse, Loreleï vit venir une femme Vampire, non pas une sirène mais une humaine. Elle était entourée de sirènes avec qui elle discutait via des ondes plutôt classiques que Loreleï décrypta aisément.
- Tu vas voir ! enthousiasmait une sirène. C’est merveilleux. La vie de sirène est fantastique.
- Je n’aspire qu’à une vie douce et tranquille, loin des hommes et de leur fureur, expliqua la femme.
- Le monde du silence n’attend que toi.
Elle fut accompagnée dans la forteresse. Ses accompagnants et elle disparurent derrière les murs. Loreleï savait qu’une rumeur disait que les femmes Vampires préféraient rejoindre l’océan. Voilà qui démontrait leur véracité.
Serait-ce si facile ? Suffisait-il de dire « Hé ! J’aimerais vous rejoindre. Je peux ? » Loreleï grimaça. La femme Vampire ne reparaissait pas. Que s’était-il passé dans la forteresse où elle était entrée volontairement ?
Loreleï décida d’attendre mais elle ne vit pas reparaître la femme Vampire, seulement des sirènes. Loreleï grimaça. Si la nouvelle venue avait été acceptée, nul doute que les sirènes lui auraient montré comment changer son corps afin qu’il s’adapte aux nouvelles conditions de vie, la rendant méconnaissable.
Loreleï doutait. Et si les sirènes avaient mangé la Vampire désireuse de les rejoindre ? Après tout, elle-même avait été attaquée dans ce but et elle avait vu la sirène féminine drainer un petit de sa vie. Oserait-elle se jeter dans la gueule du loup ?
Cet endroit méritait-il qu’elle risque sa vie pour le découvrir ? Loreleï tenait à prouver qu’elle avait le cran d’aller jusqu’au bout. Et puis, Chris voulait que tous les Vampires quittent la Terre. Il serait ravi d’obtenir des informations sur ceux-là. Loreleï en était certaine : Chris apprécierait si elle investiguait.
Loreleï observa la forteresse en grimaçant, s’attardant sur les coquillages, les algues et les coraux dont la présence à une telle profondeur avait de quoi surprendre. La prêtresse du mal crevait d’envie d’aller voir ce qui se passait dedans.
- Salut, dit une sirène près d’elle en usant du langage classique des dauphins. Je sais que t’es pas une pieuvre. T’y connais rien. Elles n’agissent jamais de cette façon.
Loreleï serra les dents – qu’elle n’avait pas sous cette forme. La sirène mâle chauve se tenait, stoïque, près d’elle. Pas d’agressivité. Un petit sourire narquois. Une attitude neutre voire nonchalante. Était-ce sa porte d’entrée ?
- Tu nous observes depuis un bon moment maintenant et crois-moi, nous comprenons ta méfiance. As-tu envie de visiter ? Si ça ne te plaît pas, tu pourras toujours repartir. Nous ne forçons personne.
Loreleï se transforma pour prendre forme humaine, avec les écailles, les nageoires, les mains palmées, la queue, les cheveux d’algues et les yeux protégés par une pellicule transparente mis à part. Son interlocuteur flotta dans une aura d’un noir d’encre. Cette apparence s’approchait assez de celle d’un être humain pour permettre au don de s’exprimer. Tant mieux. Ainsi, Loreleï verrait aussi la différence entre la vérité et le mensonge.
- J’aime bien ton choix, annonça la sirène. Si notre mode de vie te convient, tu devras cependant devenir comme nous.
Loreleï indiqua d’un geste qu’elle comprenait.
- Tu me suis ? proposa gentiment la sirène.
- Mon amie est entrée en début de journée, mentit Loreleï. Elle devait me donner de ses nouvelles. Je suis inquiète de n’en avoir pas reçues.
- Vela se porte à merveille, répliqua la sirène.
L’aura s’éclaircit. Il venait de lui dire la vérité. Loreleï cligna les yeux d’incrédulité.
- Tu viens ? insista-t-il en nageant un peu vers la forteresse.
Loreleï n’avait plus aucune raison de ne pas le suivre. Quelques gardes observaient la scène. Si Loreleï refusait, la courseraient-ils ? Probablement. Mieux valait jouer profil bas et aller dans leur sens… pour l’instant et en gardant les yeux grand ouverts.
Loreleï accepta d’un hochement de tête. Il nagea tranquillement vers la porte, simple arche de pierres noires entre deux cratères rougeoyants ornée de statues antiques, et elle le suivit. La sirène mâle ne semblait pas agressive pour un sou, comportement très différent de celui croisé en surface.
Ils atterrirent dans une cour de sable, de rochers et de coquillages. Des bancs de poissons aux reflets rouges dans cet édifice éclairé de lave passaient paresseusement.
Loreleï frissonna. La rougeoyance lui rappelait sa nébuleuse natale. Les Vampires affectionnaient-ils tous le pourpre ? Loreleï observa une bouteille de gaz en métal posée sur le fond marin. Elle la désigna à son guide.
- C’est une calamité ! grogna la sirène masculine. Nous passons nos journées à nettoyer et il y en a toujours. Les humains sont si sales. Ils jettent tout dans l’océan. La quantité de poissons a largement décru ces derniers temps. C’est une catastrophe.
Loreleï resta muette, ne préférant pas aborder ce sujet avec cet inconnu mais elle n’en pensait pas moins. Elle-même avait rejoint une organisation visant à sauver les mammifères marins des parcs aquatiques qui les maltraitaient. Elle était consciente du problème. En revanche, elle avait essayé d’agir au lieu de rester cachée au fond d’une abysse.
Elle ne critiqua pas son interlocuteur, ne le connaissant pas assez. Après tout, peut-être remontait-il de temps en temps à la surface. Peut-être agissait-il, à sa manière. Elle se garda de toute pensée trop rapide.
Ils remontèrent un peu pour atteindre un plateau surélevé où se trouvaient des centaines de sirènes occupées à nettoyer, bâtir des murs ou discuter. L’endroit rayonnait : des statues recouvertes d’algues et de coquillages semblaient sortir de l’antiquité grecque. Des coquillages, étoiles de mer et coraux multicolores dont Loreleï se demanda encore comment ils survivaient si profondément et sans lumière.
L’endroit n’était pas silencieux. Loreleï recevait de nombreux signaux mais se trouvait incapable d’en décrypter un seul. Cette langue lui échappait totalement. Elle espéra qu’ils allaient la lui apprendre. Voilà qui ravirait Chris.
La sirène mena Loreleï devant un petit groupe. Deux événements se produisirent en même temps : la sirène féminine se retourna vers Loreleï en souriant et la prêtresse du mal se trouva maintenue fermement par des sirènes masculines, l’une d’elle tenant son cœur dans sa main.
Loreleï se figea tandis que la sirène féminine, usant du langage des dauphins, s’exclama :
- Chris m’envoie encore une de ses filles ?
Loreleï s’en figea de stupeur. Comment pouvait-elle savoir cela ? Était-elle une prêtresse du mal, ce qui expliquait sa volonté de rester féminine ? Afin de garder ses pouvoirs intacts ?
La sirène féminine explosa de rire. Ses cheveux blonds virevoltaient autour d’elle. Elle proposait une peau bleue lisse sur une poitrine nue ferme et rebondie. Des hanches fines, une queue de sirène écaillée rougeoyante, des mains palmées, des dents pointues, des yeux d’un bleu profond, elle portait tous les attributs d’une reine des mers.
Sauf que ses seins bombés augmentaient sa résistance à l’eau, rendant sa nage moins performante. Pourquoi une telle perte d’énergie alors même qu’elle pondait des œufs ?
Loreleï comprit qu’il s’agissait d’une réminiscence d’une vie terrestre. Cette Vampire n’était pas née dans l’eau mais sur la terre ferme, humaine devenue sirène, jusqu’à changer de mode de reproduction.
Les autres sirènes arboraient des corps lisses, dépourvus de toute excroissance. Seulement des mâles. La blonde pondait les œufs qu’elle ensemençait elle-même, lui permettant de choisir le sexe des bébés. De ce fait, elle pouvait tout à fait choisir de n’avoir que des mâles, interdisant toute reproduction. Elle contrôlait ainsi tout son peuple. C’était malin, reconnut Loreleï qui en fut maintenant certaine, la nouvelle venue s’était faite manger.
Un liquide glacée parcourut sa moelle épinière. Son guide ne lui avait pas menti. Vela se portait probablement à merveille. Mais qui était Vela ? Probablement pas la Vampire venue demander asile. Non seulement cette femme savait qui elle était mais elle savait également comment contourner ses pouvoirs. C’était terrifiant !
Ceci n’expliquait pas comment la blonde pouvait connaître Chris et encore moins son lien de filiation avec lui. Et pourquoi pensait-elle que Chris l’avait envoyée vers elle ? Son but était de trouver Caly, pas une sirène au fond d’une abysse sous-marine.
- Caly ? bafouilla Loreleï.
La blonde répondit d’un sourire carnassier. Sans le faire exprès, Loreleï avait trouvé sa proie. Sauf qu’elle était censée la trouver et revenir, pas entrer en contact.
Loreleï s’en voulut. Elle n’aurait jamais dû entrer dans la forteresse. Elle avait pêché par orgueil et le payait. Elle voulait tant rendre le père fier qu’elle en avait oublié d’être humble. Elle aurait dû remonter, transmettre ses informations et laisser le père décider.
Elle avait osé penser à sa place. Elle repoussa la culpabilité, inutile, pour tenter de trouver une solution. S’enfuir, il fallait s’enfuir ! Sauf que la main autour de son cœur la privait de toute issue.
- Il n’a toujours pas compris, cracha Caly en perdant tout sourire. Les océans sont à moi ! Toi, tu vas me servir, comme tes sœurs avant toi.
Loreleï en hoqueta de stupeur. Ses sœurs la servaient, elle ? Traîtresses ! Elle savait qu’on ne pouvait pas leur faire confiance. Quant à imaginer qu’elle puisse la détourner du père, cette connasse pouvait toujours rêver.
Caly s’élança d’un bond gracieux dans l’eau, élément qu’elle maîtrisait à merveille. Loreleï, maintenue par ses geôliers, se trouva obligée de suivre.
Après quelques mouvements, Caly désigna le sol. Loreleï fut déposée sur le sol et un coup derrière les jambes l’obligea à se mettre à genoux. Des algues enlacèrent les pieds, les mollets, les cuisses, les hanches, le ventre, les bras et le cou de Loreleï. Elle gémit en sentant l’algue visqueuse suivre le bras de la sirène enfoncé dans son torse pour venir entourer son cœur.
Enfin, la sirène lâcha Loreleï qui se découvrit dans l’incapacité de bouger. Elle tenta de déplacer son bras droit. L’algue serra son cœur en retour, faisant crier Loreleï de douleur.
- Pas bouger, s’amusa Caly. Je te conseille de te statufier, ma petite amie est très sensible.
Loreleï gronda et envoya un regard noir à la sirène.
- À partir de maintenant, tu n’auras qu’une seule occupation : ouvrir tes yeux et me prévenir si tu vois passer une de tes sœurs. C’est simple. Si un être humain n’a pas d’aura, tu cries, comme ça.
Caly émit un son. Loreleï l’avait entendu mais dans le brouhaha ambiant, ne l’avait pas perçu comme une alarme. Loreleï se souvint des statues sur la plateforme et de chaque côté de l’arche d’entrée. Elle en aurait pleuré si elle l’avait pu. Il ne s’agissait pas de belles antiques sculptées dans le marbre mais de ses sœurs, les précédentes.
- Plusieurs de tes sœurs ont le même champ de vision que toi. Si l’une d’elle crie, mais pas toi, tu meures. C’est simple, non ?
Loreleï ressentit une forte envie de hurler… et de meurtre. Aucun des deux ne lui était disponible.
- Tu vas être une gentille fille, n’est-ce pas ?
Ce disant, elle lui tapota la tête avant de s’éloigner. Loreleï observa autour d’elle, bougeant les yeux, seul mouvement permis. Elle ne voyait aucune autre statue. La vue était belle : des pierres volcaniques, quelques poissons, des calamars, des étoiles de mer, des coquillages.
Loreleï ouvrit grand les oreilles. Elle devait apprendre à capter les sons émis. Caly contrôlait cette algue et cela sans magie. Elle lui parlait simplement. Il suffisait de l’écouter. Toute la journée, Loreleï tendit l’oreille, ouvrant son esprit à toutes les ondes possibles, usant de sa mémoire parfaite pour tenter de trouver une cohérence, en vain.
Caly revint vers elle dans cette journée rouge permanente. Seule, elle se plaça devant sa prisonnière et sourit, dévoilant ses dents pointues. Allait-elle se repaître de son sang ? Loreleï mangeait grâce aux zooplancton et au phytoplancton qu’elle ingurgitait mais de là à survivre à une saignée, il y avait loin.
Caly caressa le sein gauche de Loreleï. La jeune femme ne comprit pas. Elle plissa les paupières, clignant frénétiquement des yeux.
- Tu es jolie, s’amusa Caly.
Elle s’approcha de Loreleï et goûta ses tétons dressés dans ce froid sous-marin. Loreleï en frémit de dégoût et ce simple mouvement amena l’algue à comprimer son cœur.
- Tss, tss, pas bouger, ma jolie, chanta Caly.
Loreleï grogna. Caly explosa de rire et dans un mouvement brusque, plongea sa main entre les jambes de Loreleï pour la violer d’un doigt. Loreleï voulut resserrer les cuisses et détacher les bras pour rejeter l’intruse. La douleur dans son torse explosa.
- Tu n’apprécies pas ? ricana Caly. Ah, je comprends, c’est trop doux. Tu aimes la brutalité. Très bien.
Loreleï hurla mais rien n’empêcha Caly d’y mettre sa main toute entière. Loreleï ne broncha pas, se laissant violer sans bouger, cette satanée algue la privant de tout droit de réponse. La douleur la percuta de plein fouet. Pas celle créée par le viol en lui-même. Loreleï maîtrisait son corps. Elle pouvait distendre son vagin pour accueillir l’intrus sans souffrir.
Qu’est-ce qui la faisait souffrir de la sorte ? Il lui semblait que de l’acide dévorait ses chairs tendres.
- C’est du venin d’uranoscopidae, une version améliorée. C’est mortel pour un humain et quasi létal pour un Vampire.
Loreleï tremblait de partout. Le feu dévalait son corps, se répandant lentement mais sûrement et la douleur augmentait.
- Ton sang circule à vitesse réduite, précisa Caly. De ce fait, tu vas subir pendant un long moment. Voilà qui va te donner à t’occuper dans ta longue attente. Chris envoie environ une fille tous les dix ans.
Caly retira sa main et la remua dans l’eau comme pour la nettoyer. Elle souriait.
- Je reviendrai te voir chaque jour. Demain, c’est dans tes entrailles que je déverserai le venin. À plus, ma jolie.
Caly disparut en riant aux éclats. Loreleï pleurait mais dans l’océan, ses larmes ne se voyaient pas. La douleur physique n’en était pas la cause. Le problème était tout autre. Sa chasteté reflétait tout son don au père. Chris le respectait. Et voilà que Caly la lui prenait. Loreleï devait absolument trouver un moyen de quitter les lieux au plus vite.
« Tes sœurs n’y sont pas parvenues, dit une petite voix dans sa tête. Tu te crois meilleure qu’elles ? »
Loreleï se mit à désespérer. Chaque tentative de libération lui coûtait une douleur indescriptible dans le torse. Il lui semblait que l’algue la déchiquetait de l’intérieur. Le venin l’obligeait à consommer sans relâche le plancton présent dans l’eau pour regagner de l’énergie. Loreleï se statufia et profita du répit pour penser.