Chapitre 38 : Tourner dans le vide, vide...

  —  Thalion ! cria Nohan.

Le magérien ouvrit les yeux. Nohan ? Était-il arrivé ? Les secours étaient là ? Thalion ne put le vérifier car la seule chose qui s’imposa à son regard fut le sol dans lequel il allait s’enfoncer. Son corps se contracta. Dans un battement de paupières, les ténèbres l’engloutiraient définitivement.

Il cligna des yeux… et eut l’impression que le temps s’était arrêté. Son corps était suspendu dans l’air, et le sol si proche qu’il n’avait qu’à tendre le bras pour l’atteindre. Encore tétanisé par cette mort imminente, son cerveau mit quelques instants avant de se remettre en marche. Les questions affluèrent dans son esprit lorsque le sol s’éloigna de lui, ou plutôt, que son corps s’en écartait. Quand le visage de Nohan apparut devant lui, choc et confusion se dissipèrent. Son ami avait donc eu le temps de lancer le sortilège avant qu’il ne soit trop tard. Le soulagement était si intense que Thalion pouvait sentir les larmes lui piquer les yeux.

En percevant l’émotion dans son regard, Nohan s’empressa de le faire monter sur son balai, annulant Volpao dès qu’il fut installé derrière lui.

  —  Bon sang, je… Par les dieux, Thalion ! Tu vas bien ? Je veux dire…

Nohan le fixait par-dessus son épaule. Thalion repéra sans mal la lueur d’inquiétude dans ses yeux. Ce n’était pas seulement parce qu’il avait failli mourir écrasé. Son souffle erratique et son corps tremblant étaient loin d’être rassurant.

Thalion déglutit, essayant d’organiser ses pensées encore tumultueuses.

  —  Je… La peur de… Juste… Bref.

Nohan le dévisagea avant d’acquiescer, comme s’il était parvenu à décrypter le message derrière cette succession de mots sans queue ni tête.

Un peu plus loin, Camille, qui flottait dans l’air grâce au sortilège, enjambait le balai de Cally.

  —  Que… que fais-tu ici ? bafouilla-t-elle, trop sidérée pour se sentir mal à l’aise lorsqu’il s’accrocha à sa taille pour ne pas tomber.

  —  J’en sais rien. À la base, je voulais juste passer un bon moment… bougonna-t-il.

Comme tout le monde semblait sain et sauf, Thalion détourna son attention d’eux pour chercher les professeurs du regard. Nohan était censé les avoir prévenus, mais personne d’autre que ses amis ne se trouvait dans les parages.

  — Vous… vous êtes seuls ? Et les profs ?

  — On a essayé de les avertir, mais ils étaient tous occupés à lutter contre les Néphalins et à protéger les élèves. Comme la communication a brusquement coupé, on s’inquiétait, alors on a décidé de te rejoindre sans les attendre… Quoi ! se braqua-t-il en croisant son regard effaré. Ce n’est pas prudent mais sans ça, tu serais mort !

Thalion ne pouvait pas le lui reprocher, mais ça signifiait qu’ils étaient tous en danger. Nohan, et surtout Cally, n’avaient pas encore conscience de la dangerosité d’Eris. Combien de temps restait-il avant qu’elle ne réapparaisse ? Ils devaient s’éloigner le plus possible tant qu’il était encore temps.

  —  Il faut absolument qu’on parte d’ici ! Maintenant ! les pressa-t-il.

  —  Je veux d’abord entendre les explications d’Eris ! s’opposa Cally.

  —  Cally, je sais que c’est dure d’y croire mais je t’en supplie, écoute-moi !

  —  Où. Est. Eris ? insista-t-elle.

Un cri de rage répondit pour elle. La concernée se trouver au bord du précipice duquel ils étaient tombés. Sa respiration était frénétique, et la poussière s’était mêlée au sang que ses nouvelles plaies avaient laissé échapper. Elle avait dû éprouver des difficultés à s’extraire du troue car la fatigue assombrissait les traits de son visage. En plus de la lassitude d’avoir à leur courir après, la frustration d’échouer n’améliorait pas son humeur.

  — Par les dieux, vous êtes toujours là pour compliquer les choses ! explosa Eris en les foudroyant du regard.

Calysse et Nohan échangèrent un regard, confus. Thalion comprenait leur trouble. Rien qu’en apparence, elle ne ressemblait plus à la magérienne qu’ils avaient quittée. Eux aussi allaient voir l’illusion qu’ils avaient d’elle s’effondrer.  Celle-ci commençaient déjà à s’effriter, laissant percevoir la vérité dissimulée, sauf qu’ils ne comprenaient pas encore la raison de ce changement.

Cally s’avança vers elle, inquiète.

  —  Eris ? Que se passe-t-il ? Tu saignes…

  —  Quand vas-tu comprendre qu’elle est dangereuse ! s’époumona Thalion, horrifié de la voir s’approcher d’elle.

  —  Mais c’est Eris, voyons ! Elle a forcément une raison de…

  —  Elle a tué Roxy ! cracha Camille d’un ton acide, comme si ces mots le brûlaient de l’intérieur, au point que ses amis frémirent.

Cette révélation ébranla Nohan et Cally. Leurs regards convergèrent vers Eris, s’attendant ce qu’elle démente. Thalion vit sur le visage de ses amis le même air implorant qu’il avait affiché dans la Cabane. Mais le sourire désinvolte sur le sinistre visage d’Eris n’était pas l’expression qu’ils espéraient voir.

  —  Je ne vais pas nier. Son cadavre gît encore dans la Cabane. Je vous aurais donnés plus de détails avec plaisir, mais j’aimerais qu’on en finisse vite avant l’arrivée de ces adultes barbants.

Elle siffla. Le son perçant sembla retentir dans toute la montagne. Quelques secondes après, son balai surgit, sans doute laissé à l’entrée de la grotte, et se posta aux côtés de sa maîtresse. De la bile remonta l’estomac de Thalion.

  —  Fonce ! FONCE !

Le hurlement de Thalion poussa Azrel, le balai de Nohan, à réagir avant que son propriétaire, encore sous le choc, n’en donne l’ordre. Il plongea dans le vide, esquivant de justesse le sortilège d’immobilisation Igmopa.

Eris enjamba son balai et se lança à leur poursuite, délaissant complètement Cally qui peinait trop à se remettre de son choc pour agir, et Camille. Une pluie d’enchantements s’abattit sur Nohan et Thalion, ne leur laissant pas une seconde de répit. Occupé à diriger Azrel pour ne pas se faire toucher et à jongler entre les sorts défensifs quand c’était inévitable, Nohan avait le plus grand mal à trouver le temps de lancer une attaque pour faire la différence. Sa poitrine se soulevait rapidement à cause de l’adrénaline et des gouttelettes de sueurs soupoudraient son front alors que la nuit était fraîche. Le manque de luminosité était un inconvénient qui les pénalisait, mais qui les avantageait aussi puisqu’Eris avait plus de mal à les cibler.

La magérienne était impitoyable, enchaînant les sorts offensifs qui usaient la défense de Nohan. Contrer des attaques à un rythme aussi soutenu était épuisant et la fatigue demandait deux fois plus d’efforts pour rester concentré. Thalion regrettait de n’être qu’un poids sur le balai et de ne pas pouvoir l’épauler.

Azrel filait dans l’air, zigzaguant avec une telle vitesse que si Thalion n’était pas fermement accroché à Nohan, il aurait déjà passé par-dessus bord. Cette cadence restait difficile à suivre. Combien de temps allaient-ils tenir ? À cette pensée, il remarqua que la distance qui les séparait du château et des dortoirs s’accentuait. Eris agissait dans cette intention, lançant à foison des sorts à esquiver pour contrôler leur direction et les empêcher de rejoindre les professeurs.

  —  Nohan, on s’éloigne de l’académie ! l’avertit Thalion. Change de trajectoire !

  —  Ni comptez pas ! intervint Eris. Raéra !

Un courant d’air s’enroula autour d’eux, faisant danser leurs cheveux. Au début, il était simplement agaçant. Puis il s’intensifia et ne se contenta pas de les envelopper. De plus en plus dense, il tentait de prendre le contrôle d’Azrel, le poussant pour modifier sa direction et s’opposer au commandement de Nohan. Ce dernier serrait le manche qui tremblait sous sa main à force de lutter pour aller à contre-courant. Mais quand l’emprise du vent les comprima, compressant leurs poumons par la même occasion, Nohan ne put rester maître du balai plus longtemps.

Gauche. Droite. Gauche. En bas. Droite. En haut. Stop. Demi-tour. Le vent, manipulé par Eris les ballotait dans tous les sens, effectuant de brusques changements de direction, des arrêts nettes ou de violentes acrobaties. Son objectif étant de le récupérer, elle cherchait par tous les moyens à l’arracher de Nohan. Thalion préférait avaler de la bave de carcolh que de finir entre ses mains. Il resserra sa prise, craignant plus de lâcher que d’étouffer son ami. Malgré tout, il commençait à avoir mal au bras. Nohan s’agrippait à Azrel de toutes ses forces. S’il tombait, il l’emportait aussi. Il tenta de se concentrer sur un sort, mais c’était compliqué quand le ballet aérien donnait le tournis à en avoir des nausées. Quand le balai freina comme s’il venait de se prendre un mur, et opéra ensuite un virage serré, Thalion sentit ses muscles céder. Le corps de Nohan glissa entre ses bras et il tomba dans le vide.

Eris plongea vers lui comme un rapace fondant sur sa proie. Le sort s’annula, libérant Nohan, mais il n’avait pas le temps de l’atteindre avant elle. Ses griffes étaient sur le point de l’attraper quand une voix intervint.

  —  Igmopa !

Le balai d’Eris s’immobilisa dans l’air, si bien qu’elle manqua de peu de basculer dans le vide. Thalion observa son visage figé de surprise s’éloigner de lui, soulagé, jusqu’à ce qu’il réalise qu’il était toujours en train de chuter. Heureusement, Nohan, redevenu maître de son balai, vint le rattraper. Pour la deuxième fois. En une soirée. Ça deviendrait presque une habitude.

À peine était-il remonté sur Azrel qu’Eris, libérée d’Igmopa, chargea de nouveau.

  —  Élév…

  —  Épithès ! intervint soudainement Calysse alors que tout le monde la pensait trop affectée pour se joindre au combat.

Eris esquiva de justesse le jet de magie blanche, s’éloignant de Thalion et Nohan à l’instant où Cally surgit devant eux pour faire barrage. Le maudit ne s’attendait pas à ce que l’adolescente s’oppose aussi frontalement à son ancienne meilleure amie.

Les deux magériennes se faisaient face, l’atmosphère était électrique.

  —  Euh, Calysse ? l’interpella Camille dans son dos, peu rassuré. T’es courageuse mais si tu veux l’affronter, fais-le sans moi parce que…

  —  C’est n’importe quoi ! cria-t-elle en ignorant le jeune homme. Tuer quelqu’un… La Eris que je connais ne ferait jamais ça !  

  —  Ah, Cally, tu es dans le déni, soupira Eris. Peut-être que tu ne me connais pas si bien que ça, finalement ?

Les yeux de Nohan s’embuèrent de larmes, prenant conscience de la mort de son amie d’enfance durant ces quelques instants de répits, et Cally secoua la tête, ne pouvant accepter la réalité qui s’imposait à eux. Eris était une meurtrière. Et la personne qu’ils croyaient connaître n’était qu’un mirage. Quelque part, Thalion était content qu’ils ne se soient pas retrouvés dans la Cabane avec lui. Ce qu’ils auraient vu les aurait détruits.

Indifférente au désarroi de sa meilleure amie, Eris attaqua.

  —  Mavrosos !

De la paume de sa main naquit une horde d’oiseaux au plumage ténébreux et aux yeux rouge vif. Ils tourbillonnèrent au-dessus d’elle comme un nuage noir difforme au son discordant. Quand Eris ferma le poing, ils foncèrent sur Cally et Camille, les enveloppant dans un cocon de plumes frétillantes dont on ne distinguait rien. Mais ce n’était qu’une diversion pour Eris dont l’objectif était toujours de récupérer Thalion.

Cette fois-ci, Nohan n’était plus en position de fuite et ne comptait pas laisser le temps à Eris d’attaquer la première au risque de lui laisser l’avantage.

  —  Ekvallo ! lança-t-il sans hésitation avant d’enchaîner : Épithès !

Elle se protégea. Nohan continua de la mitrailler d’attaques. Dans leur lutte, ils s’éloignèrent des deux magériens emprisonnés, Nohan poursuivant Eris pour éviter qu’elle ne les assaille par derrière. Thalion n’avait jamais vu son ami jeter autant de sorts offensifs avec hargne. Eris s’apprêtait à contre-attaquer quand des explosions les stoppèrent dans leur affrontement. Leurs regards se dirigèrent vers la prison d’oiseaux qui… volait en éclat. Les oiseaux explosaient un par un comme des bombes dans une réaction en chaîne. Thalion se serait bien bouché les oreilles pour atténuer le bruit de la détonation s’il ne craignait pas de tomber en lâchant Nohan.

Le plus étonnant survint après. Au lieu de s’évaporer, les déflagrations se mouvèrent à l’unisson pour créer un tourbillon de flammes qui prit progressivement la forme d’un dragon de feu. Le corps longiligne de la créature incandescente finit par laisser entrevoir les deux magériens. En plus d’être essoufflés, ils étaient couverts d’égratignures et de plaies, comme si les oiseaux avaient tenté de les dépecer.

  —  Quel merveilleux sort ! s’exclama Eris, franchement admirative. Je suis impressionnée. Cependant, tu ne vas pas tenir longtemps avec un enchantement de cette ampleur.

  —  Je tiendrai tant que tu ne m’auras pas dit pourquoi tu fais ça ! s’obstina Cally. On te fait du chantage ? On te manipule ? Dis-moi !

Tout le monde savait qu’Eris n’était pas du genre à se laisser faire. Quand elle agissait, c’était toujours selon sa propre volonté. Raison pour laquelle ses aveux étaient si difficiles à encaisser.

Eris roula des yeux, l’air ennuyée.

  —  Tu es pathétique, Cally. Tu n’es même pas capable d’accepter que je puisse agir de mon propre chef. Toi et mes parents, vous êtes pareils. Vous attendez tous quelque chose de moi. Et quand je n’y réponds pas, que je ne vais pas dans votre sens, vous vous plaignez d’être déçus.

  —  Je n’ai jamais…

  —  Élévma ! lança Eris en visant la magérienne.

Le dragon flamboyant avala l’attaque. Nohan était bouche bée. Thalion était tout aussi impressionné par les capacités de la magérienne. Les explosions devaient avoir été causées par Camille, et Cally avait transformé les déflagrations grâce à ses talents en métamorphose. Thalion ressentit une pointe de jalousie, mais s’efforça de la chasser. Ce n’était pas le moment, surtout quand elle s’acharnait à le défendre.

Sachant qu’elle n’atteindrait pas le maudit avec ce dragon prêt à le protéger, Eris entama le combat contre Cally. Accompagnées par la créature incandescente, elles tourbillonnaient ensemble dans l’air, créant ce ballet mêlé de grâce et de férocité dont on n’arrivait pas à détacher le regard. Ce n’était qu’une question de temps avant que le sort ne s’estompe, ce que recherchait précisément Eris en épuisant Cally. Elle ne lésinait pas sur les sorts, érodant peu à peu les forces de la jeune fille.

Thalion crut entendre Camille jurer, empêtré dans ce combat alors qu’il aurait préféré fuir, d’autant que parallèlement aux attaques que le dragon gobait, la discussion poursuivait, prenant des allures de règlements de compte.

  —  En début d’année, tu t’es éloignée de moi car tu ne supportais pas que je mette mon avenir en danger en côtoyant Thalion. Mon avenir. Ma carrière. Pas ma vie. Ce ne sont pas des attentes, ça ? Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. On se connaît depuis si longtemps, mais jamais tu ne t’es souciée de la façon dont je pouvais vivre cette pression.

  —  Tu aurais dû m’en parler ! Comment suis-je censée deviner si tu ne m’en parles pas ?

  —  Parce que tu es ma meilleure amie ! Mais tu es tellement égoïste que t’intéresser aux autres ne t’effleure même pas l’esprit.

Le regard brillant de Cally se durcit.

  —  C’est culotté comme réponse ! Tu me reproches d’avoir eu des attentes sur toi, mais tu en as aussi me concernant.

Un rictus déforma les lèvres d’Eris en percevant l’éclat de colère tapit dans ses pupilles.

  —  Quand tu t’énerves, j’ai enfin l’impression de voir la « vraie » toi. Celle que tu dissimules. Parce que tu ne fais que ça, te cacher. Au fond, tu n’es pas mieux que moi, Cally.

Cette dernière contracta la mâchoire, mais demeura muette. Malgré les larmes qui striaient ses joues, ses yeux ne lâchaient pas son ancienne meilleure amie dont le sourire s’agrandissait.

Eris jeta un énième maléfice que le dragon parvint à étouffer de justesse. Son éclat était passé d’une flamme ardente à celui d’une allumette. Il ne supporterait pas à une attaque de plus.

La traîtresse se tenait fièrement devant eux, contemplant à la lumière de la lune leurs visages ravagés par la colère et la détresse.

  —  Regardez-moi tous ces regards teintés de déception ! Il avait raison. Si je déçois en tentant de satisfaire, autant décevoir en faisant ce dont j’ai envi !

  —  C’est-à-dire devenir une criminelle ? cingla Thalion.

Eris se contenta de le fixer avec arrogance, comme s’il n’était qu’un enfant encore trop jeune pour comprendre. Elle ouvrit la bouche, probablement pour lancer un sort, mais Cally la devança.

  —  Métapyra !

Le dragon s’éleva dans les airs et se transforma en feu d’artifice. La lumière irradia le ciel jusqu’à ce que les étincelles s’effacent dans l’obscurité. Un spectacle d’une beauté saisissante né de leur douleur. Le simulacre de leur relation qui prenait définitivement fin.

  —  Je suis désolée, commença-t-elle calmement, ce qui contrastait avec l’expression de son visage, d’avoir échoué en tant qu’amie. Tout ce que je souhaitais, c’était de te voir heureuse. Mais la magérienne que j’aimais, que j’admirais, n’était en aucun cas une meurtrière.

Après ces mots, des tâches sombres au loin se dessinèrent, grossissant à mesure qu’elles s’approchaient d’eux. Pour Thalion, il n’y avait aucun doute : les professeurs arrivaient enfin. Le feu d’artifice de Cally avait attiré leur attention, à moins qu’ils aient choisi de s’occuper d’eux une fois tous les élèves hors de danger.

Le visage d’Eris se décomposa en réalisant que les secours débarquaient. Son regard noir se figea sur Thalion

  —  N’espère pas en avoir fini avec moi. On se reverra, aussi bien dans tes cauchemars que dans les prochains mois de ta misérable existence. Et quand Il…

  —  Qui est « Il » ? la coupa Thalion, voulant absolument connaître le visage qui était derrière tout ça.

Eris plissa les yeux, gardant le silence quelques secondes, avant qu’un sourire condescendant n’étire le coin de ses lèvres.

  —  Qui d’autre que l’Enfant Sanglant mériterait que je m’associe à lui ?

Cette réponse les déstabilisa. La bouche grande ouverte, ils ne surent quoi répondre ni comment réagir. L’Enfant Sanglant ? C’était impossible. Aucun magérien ne pouvait vivre aussi longtemps, même un mage noir comme lui. Elle devait forcément mentir.

Avant qu’ils n’aient pu lui tirer les vers du nez, Eris s’en alla, devenant une tâche sombre qui disparut dans l’obscurité. L’instant suivant, Mme Luciphella, accompagnée d’une horde d’enseignants, jaillissait autour d’eux.

Pendant que ses amis leur expliquèrent la situation, Thalion ne quittait pas des yeux l’emplacement d’Eris quelques minutes plus tôt.

Après cette nuit-là, plus rien ne serait jamais comme avant.

En buvant la potion, Thalion s’était attendu à tout, sauf à finir avec le cœur en lambeaux