Thalion fixait le plafond blanc et étincelant de l’infirmerie. Il s’attendait presque à ce que l’éclat aveuglant lui brûle la rétine. Devenir aveugle lui permettrait au moins de se soustraire à la vue de ses erreurs. Mais ce serait lâche de fuir les conséquences de ses propres décisions.
Le magérien ne se souvenait pas d’être arrivé dans ce lit si bien bordé qu’il pouvait à peine esquisser un mouvement en dehors des draps. Apparemment, il avait fini par s’endormir contre Nohan pendant qu’ils étaient escortés jusqu’à l’académie. Pas étonnant après une nuit aussi éprouvante.
Avec la pagaille qu’avaient semé les Néphalins, l’infirmerie était surchargée. Plusieurs jours étaient passés depuis cette nuit-là, mais le nombre de blessés ne diminuait pas. La plupart des lits étaient occupés par des élèves traumatisés. Thalion pouvait sans mal imaginer l’horreur qu’ils avaient dû ressentir en se faisant attaquer par des fées géantes. Une horreur qu’il aurait préféré partager plutôt que de vivre celle qui troublait son sommeil. Même si les dortoirs avaient été saccagés avec certains arbres-maisons dans un sale état, les professeurs avait su protéger les élèves.
À son arrivée, Mme Delacroix se serait empressée de l’examiner pour lui prodiguer les premiers soins et vérifier son état. Mis à part ses brûlures aux mains, rien de grave n’était à signaler. Certains apprentis avaient des blessures bien pires, comme sa voisine qui avait eu l’oreille gauche arrachée. Pour l’instant, on le gardait en observation, craignant l’apparition d’effets secondaires tardifs de la potion d’éveil. Cependant, une absence de dégât physique ne voulait pas dire être complètement indemne, notamment sur le plan émotionnel.
Thalion se demandait si c’était ça, le prix à payer de Shivana. Une amitié brisée. Des secrets dévoilés. Il aurait préféré vivre avec un sens en moins que de se faire amputer une partie de son cœur.
Madame Luciphella tenait absolument à s’entretenir avec lui. Les infirmières refusant de le relâcher maintenant, la proviseure adjointe avait conversé avec lui dans le cabinet de Mme Delacroix. Ses amis avaient été contraints de raconter ce qu’ils avaient fait, et dire qu’elle était fâchée était un euphémisme. Son ton était implacable et sa voix aussi froide que son regard. Pourtant, Thalion avait écouté ses réprimandes d’une oreille distraite. Il se souvenait uniquement de ne pas l’avoir entendu évoquer son renvoie. Sans doute avait-elle eu pitié de lui et de son air apathique et avait préféré annoncer sa sentence plus tard. Ou bien avait-elle estimé qu’il avait suffisamment été puni comme ça ?
Si Thalion avait détaché son regard du sol, il aurait aperçu la culpabilité qui tapissait les iris de Mme Luciphella, mais il n’avait pas envie de s’y confronter. Il n’avait pas envie de sentir cette colère sourde lui nouer l’estomac. Après tout, c’était normal que les professeurs aient protégé les élèves au détriment de sa personne. La priorité, c’était de sauver le plus de monde. Qu’un autre apprenti – un corbeau qui plus est – soit poursuivi par une meurtrière, c’était secondaire. Qui aurait pu imaginer qu’Eris soit aussi dangereuse ? Qui aurait pu croire que son amie lui voulait du mal ? Et puis, franchement, s’il lui arrivait quelque chose, était-ce dramatique ? Sa colère était égoïste, stupide, inutile. S’était-t-il vraiment attendu à autre chose ? Il n’avait jamais pu compter sur les professeurs avant, pourquoi cela aurait changé ?
Thalion étouffait sa rancune comme il l’avait toujours fait. Il n’avait pas le droit de l’exprimer parce qu’il n’était qu’un corbeau qui subissait ce qu’il méritait. Qu’il était lié aux Ombres et que libérer sa colère pouvait tuer aussi bien sa propre vie que celle des autres. Il aurait aimé ne plus rien ressentir. Éteindre son cœur et rendre muet son esprit. Mais il n’y parvenait pas. Pas complètement.
Des gens s’évertuaient à accorder de l’importance à son existence alors qu’aux yeux du monde, elle n’en avait pas. Des personnes qui s’efforçait d’apporter un peu de couleur dans sa vie pour pas que le noir ne prenne trop de place.
Cally et Nohan venaient régulièrement le voir entre les cours. Thalion ne savait pas si c’était leurs regards inquiets ou leurs tentatives pour lui remonter le moral qui lui donnaient envie de pleurer. Au moins, en leur présence, il n’avait pas l’impression de n’être qu’un pantin vivant uniquement parce qu’il sentait son cœur cogner dans sa poitrine. Parfois, la peur d’être trahi le prenait à la gorge et n’aspirait qu’à la solitude, mais même dans ces moments-là, ils restaient.
À part eux, il y avait aussi Aglaé qui passait de temps en temps prendre de ses nouvelles. Thalion soupçonnait sa mère de lui forcer un peu la main. Le plus surprenant fut Camille qui vint une fois voir comment il allait. Bien sûr, le maudit l’avait envoyé balader à la hauteur de son effort.
Mais la visite qui lui apporta le plus de réconfort fut celle de Berry.
— Thalion !
Le jeune homme leva la tête du roman que Nohan lui avait prêté, alerté par cette voix grave qu’il ne s’attendait pas à entendre. Quand il croisa le regard argenté du conseiller, les larmes lui montèrent aux yeux. Le livre dégringola de ses genoux quand Berry l’enveloppa de ses bras. Son étreinte familière lui donna l’impression d’être en sécurité. C’était tout ce dont il avait besoin.
Le magérien agrippa les vêtements du conseiller comme si c’était une bouée de sauvetage. Berry resserra son étreinte, et Thalion étouffa ses sanglots contre le tissu.
— Tout va bien, fiston, je suis là…
Berry caressa ses boucles noires dans un geste qui se voulait apaisant, mais sa tendresse acheva Thalion. Le barrage céda, et sa peine inonda ses joues.
— Eris… Elle… C’est… Je ne voulais pas…
Malgré le nœud dans sa gorge, il bafouilla en tentant de mettre des mots sur cette douleur émotionnelle qui l’accablait depuis plusieurs jours. Heureusement, son tuteur n’avait pas besoin de ça pour comprendre.
— Je sais. Je suis désolé. Tellement désolé…
Thalion pleura dans ses bras jusqu’à ce que les larmes se tarissent. S’il avait pu se contenir durant les nombreuses visites de ses amis, il était incapable d’en faire de même devant Berry. Sa chaleur avait le don de faire fondre ses résistances et de percer ses défenses. Chaque fois qu’il se trouvait devant lui, Thalion redevenait ce petit garçon confronté à la haine du monde qui ne pouvait compter que sur Berry.
Ils restèrent l’un contre l’autre pendant de longues minutes. Thalion s’autorisa à oublier les élèves qui ne rataient pas une miette du spectacle, profitant simplement de la présence lénifiante de Berry. Durant quelques instants, il ne se soucia de rien d’autres que de laisser cette étreinte le soulager de son chagrin. Il n’était plus qu’un adolescent qui avait besoin de son parent.
Une fois le réservoir de larmes vide et le quota de tactilité atteint, Thalion se détacha de Berry. Il avait l’impression d’être un peu plus léger, comme s’il s’était déchargé d’un poids en pleurant. Même si ça avait un effet apaisant, il n’était pas habitué à déverser ses émotions de cette façon. Il essuya rapidement ses joues humides, embarrassé à l’idée d’être vu dans cet état. Berry, lui, semblait à la fois soulagé de le voir s’exprimer que navré par sa tristesse.
— Je… je ne pensais pas te voir, avoua Thalion, se remettant peu à peu de ses émotions.
— J’ai pu entrer grâce à mon statut. Officiellement, je viens m’entretenir avec les professeurs au sujet de… toute cette affaire. Officieusement, je voulais m’assurer que tu allais bien.
— Tu n’as pas beaucoup de temps devant toi, du coup.
— Effectivement, je dois évaluer les dégâts causés par les Néphalins, vérifier que ces derniers ont correctement été purifiés de la malédiction, établir les réparations à prévoir, les futurs mesures à prendre… C’est une situation inédite que le Conseil prend très au sérieux.
Le contraire aurait été étonnant. Qu’une jeune magérienne vrille au point de représenter un danger pour les autres élèves – et sans posséder le signe du corbeau, évidemment – était inattendu. L’académie et le Conseil étaient pris au dépourvu et la fureur des parents leur mettait une pression énorme. Ces derniers ne décoléraient pas face au refus persistant de l’école à garder ses portes fermées aux intervenants extérieurs. La sécurité était maximale, mais les élèves avaient le droit de rentrer chez eux si c’était ce qu’ils désiraient. Berry était en charge de la protection des magériens, il faisait donc partie des quelques personnes triées sur le volet à avoir l’autorisation d’entrer.
— Toutefois, ce n’est pas parce que je serais occupé pour les prochains jours que tu ne peux pas rentrer. La maison est parfaitement sécurisée, tu le sais.
Thalion reconnaissait que l’idée de pouvoir rentrer chez lui le tentait énormément. Il était sans aucun doute mieux au manoir, loin des commérages et des interactions sociales. Mais en acceptant, il aurait l’impression de fuir. D’abandonner Nohan et Cally et de laisser Eris gagner, d’une certaine façon. Il refusait de laisser la peur s’insinuer en lui, le poussant à se cacher.
— Non, je veux tenir jusqu’à la fin de l’année scolaire, comme c’était prévu.
Berry se laissa tomber sur la chaise près de son lit en soupirant.
— Je ne m’attendais pas à autre chose, venant de toi, mais quand même…
Il roula entre ses doigts le bout de sa moustache grise. À son front plissé, Thalion devinait que Berry aurait préféré qu’il choisisse de rentrer. L’académie n’était plus un endroit aussi sûr qu’avant.
— Eris n’a toujours pas été retrouvée ? l’interrogea Thalion.
Ses amis lui avaient rapporté que la magérienne avait réussi à échapper. Sa fuite était un véritable mystère. Pour semer autant de magériens expérimentés, elle avait dû envisager l’échec de son plan.
— Non. Ses parents n’ont aucune nouvelle de sa part et on ne parvient pas à remonter jusqu’à elle. L’E… « Il » doit l’aider à camoufler ses traces et à se dissimuler.
Les yeux gris de Berry s’assombrirent. Quand les professeurs leur avaient demandé si Eris avait agi seule, les quatre magériens répétèrent sa révélation, aussi extravagante soit-elle. Si l’information les prit de cours, ils alertèrent le Conseil qui imposa le silence pour ne pas que cela s’ébruite et fasse paniquer la population. La possibilité que le premier mage noir de l’Histoire soit encore en vie paraissait invraisemblable et les conseillers supposaient que quelqu’un usurpait le nom de l’Enfant Sanglant. Néanmoins, l’incertitude qui subsistait pouvait facilement affoler certains magériens, et la peur était contagieuse.
Le regard du conseiller s’adoucit lorsqu’il se posa sur Thalion. De la compassion teintait ses iris, ainsi qu’une profonde peine. Il n’y avait aucun jugement de la part de Berry, mais le jeune homme ne pouvait pas s’empêcher d’y voir un soupçon de déception. Ce n’était pas Eris qui lui avait soufflé l’idée de la potion d’éveil ni même de la bibliothèque secrète. Il avait agi de son propre chef.
L’adolescent tritura nerveusement la couette en percevant la question qui flottait entre eux et qui leur déchirait le cœur.
« Pourquoi avoir fabriqué cette potion ? »
— Je voulais juste… être un peu plus normal. Un magérien comme un autre, souffla-t-il sans oser soutenir son regard.
Le formuler ainsi à voix haute lui donnait l’impression d’avoir cédé à un caprice inutile qui avait eu plus de conséquences néfastes que positives. D’avoir été immature en s’imaginant capable de se débarrasser de ses problèmes qui le suivaient depuis des années aussi facilement. Faible en fléchissant à la pression qu’exerçaient la malédiction sur lui. Malheureusement, il avait commis l’impair de faire confiance à la mauvaise personne.
L’expression de Berry se fit plus compatissante.
— Thalion… Quand on est un être exceptionnel, ce qui est la norme des autres ne peut pas l’être pour nous.
Sa réponse parvint à lui arracher un rire étranglé. Ne pas pouvoir manipuler la magie comme il le désirait le rendait unique, d’une certaine manière. Son tuteur était-il en train de sous-entendre qu’il n’avait pas à avoir honte de sa différence ? Le problème n’était pas tant l’embarras que la souffrance qu’il subissait à cause de ça.
— Pourquoi les êtres exceptionnels ont-ils autant de soucis s’ils sont extraordinaires ? La vie ne devrait pas être plus simple pour eux ?
— Parce que c’est leur capacité à tenir bon malgré tout qui les rend exceptionnels.
— Je suis un des êtres les plus exceptionnels que ce monde n’ait jamais porté, dans ce cas.
Berry sourit en lui ébouriffant les cheveux tout en réprimandant son arrogance, mais le jeune homme savait que son tuteur n’en pensait pas moins.
— Thalion, peu importe à quel point tes épreuves t’ont rendu fort, tu restes un adolescent. Ne t’en veux pas d’avoir voulu rendre ta situation plus supportable.
Le magérien acquiesça. L’indulgence de Berry était consolante et lui donnait l’impression d’être un garçon qui avait le droit à l’erreur comme tout le monde. Mais le monde extérieur n’était pas aussi clément. Son erreur avait donné l’occasion à Eris d’agir, et des élèves en avait payé le prix.
— Le Conseil va-t-il me punir ?
Sa question surprit Berry. Il prit une grande inspiration en s’adossant contre le dossier de sa chaise, triturant sa moustache du bout des doigts.
— Tout ça s’est passé dans l’enceinte de l’académie, et tu es encore un élève. Autrement dit, c’est à eux de gérer ta punition, ainsi que celle de tes amis. Je crois que ton sort fait débat, aucun des professeurs n’arrivent à se mettre d’accord sur ta part de responsabilité. Il y a aussi le traumatisme que cette histoire vous a causés qui est pris en compte… C’est le proviseur qui devra trancher. Comme tu n’as pas commis de crime, le Conseil n’a pas son mot à dire. Je ne vais pas te cacher que certains de mes collègues seraient ravis de ton renvoie et encouragent cette décision… mais ils ne peuvent rien faire d’autre.
Thalion garda les yeux rivés sur la couette. Techniquement, il avait commis un crime : celui d’utiliser la magie noire. Seul Camille était au courant. Le protégeait-il ? Venant de lui, ça serait étonnant, mais le jeune homme paraissait changé depuis cette nuit-là. Quant au sort de Nohan et Cally, Thalion espérait qu’ils n’aient pas à payer le prix fort pour l’avoir aidé. Les connaissant, ils essayeraient probablement de le déresponsabiliser au maximum.
Le maudit soupira. Il ne méritait pas des gens comme eux dans sa vie.
— Si tu veux améliorer les chances de t’en sortir, tu pourrais révéler pourquoi Eris a fait ça, lui conseilla Berry en pensant qu’il s’inquiétait pour sa sanction.
Thalion serra des dents comme pour empêcher les mots de sortir. Autant garder le silence pour ne pas mentir. Il n’avait communiqué à personne les révélations de la magérienne. On avait bien tenté de le faire parler, mais il restait muet comme une tombe. Que pouvait-il leur répondre ? Qu’Eris voulait décrypter le rituel qu’auraient pratiqué ses parents sur lui ? Qu’un supposé dieu l’habiterait depuis, qui serait à l’origine de tous ses problèmes ? Plutôt crever. On aurait vite fait de l’envoyer à l’asile. Ou pire, si on le croyait, qu’adviendrait-il de lui ? Se servirait-on de lui comme arme ? Deviendrait-il un cobaye destiné à assouvir les recherches de scientomages peu éthiques ?
La peur de la trahison scellait sa bouche à chaque fois qu’il songeait à se confier à ses amis. Il préféra ne rien dire à Berry non plus. Pas par manque de confiance, son tuteur le croirait certainement, lui-même avait émis l’hypothèse d’une magie divine, mais tant que Thalion n’avait pas de preuve, il préférait garder ça pour lui. C’était plus sûr pour tout le monde.
— C’était juste une suggestion, je ne veux pas que ton silence se retourne contre toi… reprit Berry devant son mutisme.
La culpabilité de Thalion lui comprima le cœur en voyant son visage crispé par l’inquiétude.
— Je sais, Berry. C’est juste… un peu compliqué d’en parler.
— Ne t’inquiète pas, je comprends. Je te laisserai le temps qu’il faudra.
Les muscles du jeune homme se détendirent. Un élan de reconnaissance pour son tuteur le submergea, ce que Berry sembla percevoir dans son regard car un sourire chaleureux étira ses lèvres.
— Je vais devoir y aller, annonça-t-il après avoir jeté un coup d’œil à sa montre. Mais avant de partir, je voulais te donner ça.
Il sortit de la poche intérieure de sa veste une baguette identique à celle qu’Eris avait brisé.
— M. Cyan m’a fait une remise de 15% pour soutenir « son plus fidèle client ».
Thalion ricana en saisissant l’auxiliaire de magie. Ce vendeur de baguette ne changerait donc jamais.
— Quel chic type. La prochaine fois, il me fera peut-être une remise de 20%.
Berry s’esclaffa avant de se lever de sa chaise et de lui ébouriffer les cheveux.
— Ce n’est pas vraiment un cadeau, ni la situation idéale, mais je te souhaite un joyeux anniversaire, fiston.
Thalion sourit à s’en faire mal aux zygomatiques.
Un élève à proximité lança un timide « Joyeux anniversaire » qui récolta quelques « Shhhhut » de la part des autres spectateurs. Le maudit s’empressa de les fusiller du regard alors que les têtes disparaissaient une part une sous les couettes. Il avait complètement oublié les oreilles indiscrètes en quête de ragots qui suivaient leur discussion. Enfin, Thalion pouvait difficilement leur reprocher de chercher un peu de divertissement quand on ne pouvait rien faire d’autre que de fixer le plafond de l’infirmerie.
Au même moment, Mme Delacroix s’approcha d’eux, un verre à la main. Les poils de Thalion se hérissèrent en devinant ce qui l’attendait.
— Berry… Tu tiens à moi, n’est-ce pas ?
— Pourquoi me poser une question si évidente ?
— Si tu veux mon bien, dis à Mme Delacroix de cesser de m’apporter ces potions dégoutantes ! Elle est en train de tuer mes papilles !
— Ce qu’il dit est vrai ? demanda-t-il en fixant l’infirmière.
— Je plaide coupable.
— Je vous acquitte. Surtout, continuez comme ça. Je veux qu’il soit remis au point de s’en plaindre toute la journée.
— Berry ! s’indigna Thalion. Tu es censé être de mon côté !
Madame Delacroix rit alors que son tuteur le gratifia d’un sourire espiègle.
— Allons, Thalion, tu devrais être habitué à boire des potions maintenant.
Justement, il ne supportait plus de se gaver de philtres. Un jour, il finirait par dégurgiter toutes les mixtures avalées, c’était certain.
— C’est inutile, je vais parfaitement bien ! s’agaça-t-il lorsque la magérienne déposa le verre sur sa table de chevet.
— Les potions sont nécessaires pour purifier ton organisme et s’assurer qu’il récupère correctement. Prends ton mal en patience, tu pourras bientôt sortir.
Thalion croisa les bras sur sa poitrine en adressant un regard noir à Berry. Il n’y avait donc que des traîtres autour de lui ?
— Si je ne finis pas trop tard, je repasserai te voir, l’informa son tuteur avant de se tourner vers Mme Delacroix. Si vous voulez bien, j’ai quelques questions à vous poser concernant le nombre de blessés et les blessures que vous traitez…
L’infirmière et lui s’en allèrent, laissant le maudit seul avec ses pensées. Les élèves qui écoutaient semblaient aussi déçu que lui de voir leur source de divertissement disparaître.
Thalion examina la baguette qu’il tenait toujours. Sa couleur marron cachou était typique du bois de sangrier, et sa surface lisse rendait sa prise en main agréable. Le magérien n’avait pas lancé de sort depuis qu’il s’était retrouvé allonger dans ce lit. Déjà, parce qu’on le lui avait interdit, mais surtout, parce qu’il redoutait ce qui pourrait se produire.
— Tu es quelqu’un de prudent à ce que je vois.
Thalion se figea. Cette voix. Cette pensée. Elle ne venait pas de lui. Ni des Ombres.
— Par mes pairs, c’est dure de reprendre conscience après un si long sommeil !
Sa main serra si fort la baguette qu’elle aurait pu se briser entre ses doigts. Non. Non non non non non ! C’était impossible. Impossible !
— Ça fait combien de temps que je comate ? Eh, réponds-moi !
— Qui es-tu ? souffla-t-il du bout des lèvres, le cœur tambourinant dans sa poitrine.
Thalion le savait. Il n’avait même pas besoin d’entendre sa réponse pour connaître son identité. Il n’y avait qu’un être possible. Pourtant, Thalion espérait. Il espérait que ce ne soit pas lui.
— Prudent mais insolent. C’est bien ma veine. Sache que je suis nul autre qu’Apocryphos, le dieu de la mort. Donc un peu de respect, mortel !
Le cauchemar ne se finirait donc jamais ? Même le jour de son anniversaire arrivait à être gâché par l’apparition d’un dieu dans sa caboche !
— Ah, ton anniversaire, hein ? T’es un sacré veinard, toi. J’ai justement une bonne nouvelle à t’annoncer.
Quelle bonne nouvelle pouvait bien lui apporter le dieu de la mort en personne ?
— Non seulement tu vas pouvoir profiter de ma divine présence à partir d’aujourd’hui, mais je suis aussi ravi de t’apprendre qu’il ne te reste plus que deux ans à vivre. Joyeux anniversaire !
Un peu de calme après la tempête. C'est bien de revoir Berry et de voir Thalion se laisser aller un peu après toutes ces épreuves. C'est émouvant.
Et évidemment, Apocryphos apparaît pour le grand final ! Je ne sais pas pourquoi, je m'attendais à ce qu'il parle différemment, peut-être de manière plus soutenue ? En tout cas s'il peut lire dans toutes les pensées de Thalion celui-ci ne risque pas d'apprécier !
Et pour finir une belle menace sur le temps qu'il lui reste à vivre.. Que de suspens pour la fin !
C'est triste d'arriver au bout...mais je suis ravie d'apprendre qu'il y aura une suite :)
Thalion mérite bien un peu de réconfort !
Je voulais créer un petit contraste entre le caractère antique, divin d'Apocryphos, et son cynisme, sa familiarité. Et puis du temps a passé pour les dieux, leur langage s'est un peu familiarisé, d'autant qu'il considère les humains inférieurs donc j'ai pensé qu'un langage moins soutenu fonctionnerait mieux. Mais en effet, sa présence ne va pas plaire à Thalion !
Oui, Thalion reviendra un jour promis ^^
j'avoue tout de même que j'aurai apprécié que Thalion réponde à l'élève qui lui a souhaité un joyeux anniversaire, je sais pas trop pourquoi
L'apparition d'Aprochryhpos arrive à point nommé dis donc :') J'ai directement pensé à Sukuna (dans Jujutsu Kaisen, je ne sais pas si tu connais ?)
Il aura une sacrée compagnie qui entendra toutes ses pensées : COOL entre les Ombres et lui, grosse ambiance...
Je connais Jujutsu kaisen donc je vois bien ce que tu veux dire xD Ce sera un peu de cet ordre là, même si son corps ne pourra jamais se regénérer et que les pouvoirs d'apocryphos peuvent le tuer.
Grosse ambiance dans sa tête effectivement xD Au moins il ne s'ennuiera pas !
L'ajout d'une diversion pour justifier le temps de réaction des profs, c'est bien pensé !
Sinon, je suis encore d'accord avec les autres commentaires (ça va devenir une habitude 😆). Je crois que ça aurait valu le coup de montrer certaines scènes, comme les retrouvailles avec Berry. Éventuellement un petit peu de Nohan et Cally, aussi. Même si, factuellement, ces conversations n'apportent rien de nouveau, quand on est investi dans les personnages, on a aussi envie de voir comment ils réagissent à tout ce qui vient de se passer.
Accessoirement, je pense que ça permettrait de mieux amener la fin avec la manifestation d'Apocryphos. C'est une excellente fin, mais j'ai trouvé que la scène arrivait bizarrement. Le paragraphe d'avant, on est encore dans le résumer de tout ce qui s'est passé depuis le réveil de Thalion et là, pouf, on est dans le présent avec le dieu qui parle. Hum... Je crois que l'effet serait meilleur si ça arrivait à la fin d'une scène, genre quand Berry s'en va ? C'est une suggestion que je pose là.
Sur le papier, le chapitre est bon, mais ça sent un peu le rushé. 😄 Ce que je peux comprendre, moi aussi j'ai tendance à rushé un peu sur les fins à la première écriture, parce qu'on en peut tellement plus à ce stade. 🥴 Mais tu peux te permettre de prendre un peu plus de temps je crois !
Triste que ce soit déjà la fin. TwT
Avec le recul, j'ai trouvé que vous aviez raison, donc j'ai modifié un peu le chapitre en développant les retrouvailles avec Berry. J'ai peur d'avoir été un peu longue dans les dialogues, mais j'espère que ça rend le chapitre plus intéressant et agréable à lire. Tu avais raison aussi, je trouve que la fin arrive de manière plus naturelle et (j'espère) que ça se ressent aussi chez le lecteur x)
C'est vrai qu'en voyant le bout du tunnel, on a un peu tendance à se précipiter xD
Merci pour ton commentaire et ta suggestion ! Je suis tout aussi triste que toi même si je vais récupérer un peu de temps libre :')
C'est émouvant de voir Thalion pleurer dans les bras de Berry. TvT Et en même temps, ça fait du bien de le voir relâcher toutes cette tension accumulée. Pour le lecteur aussi, c'est un peu une délivrance !
Et du coup, ça fait encore plus roller coster avec l'éveil du dieu à la fin ! Tip top.
C'était l'effet recherché :') il a bien le droit de craquer un peu après ce qu'il a traversé, le petit Thalion !
Décidément, Thalion mérite une carte d'abonnement premium à l'infirmerie avec une réduction spéciale sur les potions dégueux de Mme Delacroix. Pour deux potions ingurgitées (ou régurgitées ?), une offerte !
Trêve de plaisanteries, voici le chapitre où la tension retombe et dans lequel on tire le bilan des aventures du héros. Ce qui rend à mes yeux d'autant plus nécessaire et bienvenu le dynamisme que tu as apporté au duel entre Eris et Cally juste avant, car il s'agit de facto de l'apothéose de l'affrontement entre Eris et ses camarades de classe. Terminer une série de chapitres où la tension monte, où les révélations s'enchaînent et où l'action ne s'arrête pas avec un long dialogue plat et figé, ç'aurait été frustrant.
Mais revenons-en à celui-ci, de chapitre. Je salue l'idée de rajouter une attaque de Néphalins pour justifier le retard des professeurs. C'est bien que tu en montres les conséquences en décrivant les camarades de Thalion blessés dans l'infirmerie, ça rend le danger plus crédible et ça montre que les profs ne sont pas complètement nuls. J'ai néanmoins deux remarques à faire sur ce paragraphe :
- "Thalion pouvait sans mal imaginer l’horreur qu’ils avaient dû ressentir en se faisant réveillés par des fées géantes" --> réveiller. Perso, je remplacerais ce verbe par "attaquer" ou l'un de ses synonymes. Se faire réveiller par une fée, ça n'évoque pas une idée de violence ou de traumatisme. Alors qu'une attaque, c'est plus parlant.
- "Sauf ceux qui n’étaient pas malmenés par des Néphalins." --> ça fait un peu too much je trouve, on le sait que les profs sont arrivés tard pour sauver Thalion, pas besoin de le redire 30 fois ;)
Je rejoins également l'avis de Reveanne concernant la visite de Barry. Avec ce chapitre, on bascule d'un point de vue immersif avec une action haletante en direct (le combat contre Eris) à un "rapport en décalé" de ce qui s'est passé à l'infirmerie.
Concrètement, tu nous dis "Thalion a ressenti ça, Mme Delacroix lui a fait boire ça, Nohan et Cally sont venus, Barry lui a fait un câlin..." mais tout est déjà passé, on n'assiste pas à ces évènements, tu te contentes de les évoquer comme pour nous dire "bon, voilà ce que vous avez loupé, je passe dessus hein parce que c'était pas très intéressant".
Je pense qu'il faut nuancer ce changement dans la narration qui est un peu trop brutal. Raconter "en direct" la visite de Barry serait un bon moyen de conserver l'attention du lecteur avec une scène immersive. D'introduire de l'émotion en montrant à quel point son tuteur est important pour Thalion. Maintenant qu'Eris l'a trahi et qu'il se méfie de ses amis, Barry est de nouveau la seule personne sur qui il peut vraiment compter.
Le réveil d'Apocryphos en fin de chapitre, je ne m'y attendais pas et c'est bien joué ! On peut en effet plaindre le pauvre Thalion qui se retrouvera bientôt avec une rave-party démentielle dans son crâne x)
J'adore la manière dont Apo (je vais l'appeler comme ça pour faire court) le prend de haut, en mode "Insolent petit mortel. Il te reste deux ans à vivre, amuses-toi bien". J'espère que c'est un trait de caractère que tu vas renforcer chez lui, ce serait vraiment trop cool que le dieu de la mort soit arrogant et cynique et balance des saletés à Thalion en permanence x)
En tout cas, j'ai hâte de lire ce dernier chapitre !
Au plaisir,
Ori'
Je valide l’offre, Thalion sera le premier à en bénéficier xD
Je me suis rendu compte que les professeurs étaient vraiment montrés comme des incompétents de première donc j’ai voulu corriger ça x) et puis ça rend leur arrivée tardive plus logique.
Pour « Sauf ceux qui n’étaient pas malmenés par des Néphalins », le but était surtout d’illustrer la rancune de Thalion, mais c’est peut être pas très claire ni nécessaire que je garde cette phrase puisque je le montre aussi après
Mon attention première dans ce chapitre était de montrer que la tension était retombé en faisant une narration qui contraste avec les précédents chapitres. Mais l’effet compte rendu est peut être un peu trop exacerbé du coup, je pense vous écoutez et développer l’échange de Thalion avec Berry.
Oui franchement le pauvre il a de quoi s’arracher les cheveux x)
C’est précisément ce genre de caractère cynique et condescendant que je voulais lui donner x) Un dieu qui le caresserait dans le sens du poil, ça ne serait pas drôle !
Merci pour ton commentaire, j’espère que le dernier chapitre te plaira ! ^^
surtout avec une fin pareil!
Sinon, vive la schizophrénie... il y en a du monde dans la tête de Thalion. Le pauvre.
Sinon, c'est bien de raconter ce qu'il y a après, mais certaines choses auraiznt eu plus d'impacte en les montrant (comme la visite de Berry).
J'ai hâte d'avoir la suite... mais pas envie que ce soit la fin! Ouuuuiiiinnnn!
Oui, j'ai un peu l'impression d'en faire trop d'ailleurs. Je reverrai peut-être la fonction de leur bague pour utiliser un autre moyen que la télépathie.
C'est vrai que je ne vais qu'évoquer les évènements. Je songerai peut-être à montrer la visite de Berry ça pourrait être plus intéressant.
Je t'avoue que même moi je suis triste x) Il faudra que je me dépêche d'écrire la suite !