Chapitre 39

Notes de l’auteur : Après sa rencontre avec le sulfureux Bryn, Morgane est bien décidée à aller sur Aldaria pour retrouver la trace des jeunes femmes disparues.

MAJ : 29 Juin

Pointe du Raz, Plogoff – Bretagne

 

Morgane roula sur le dos, fixant les rayons de soleil qui filtraient à travers les volets en bois, et le grand corps de Bryn apparut dans son champ de vision, à côté d'elle. Ses cheveux presque blancs retombaient devant son visage, et son sourire, qui n'avait rien de taquin, lui serra les tripes. C’était le genre de sourire qu’elle rêvait de voir au réveil tous les matins, et elle détourna le regard un instant, presque gênée de l’intensité qu’elle lisait dans le regard du Ceffyl Dwr.

Ces deux jours de torture avaient pris fin quand elle avait enfin cédé au charme ravageur de Bryn.

Elle avait d’abord tenté de résister en étant inquisitrice, insupportable, se cachant derrière son travail de journaliste, en lui racontant la vie qu’elle menait pour le décourager, mais il ne s’était pas démonté. Quand Morgane lui montrait ce qu'elle faisait, son travail, presque par provocation pour le faire réagir et tenter d'extraire de sa bouche des propos qui le rendraient moins parfait à ses yeux, il était admiratif de sa détermination et de son engagement, respectueux, ne cherchant pas à la juger ou la brider. Puis elle avait tenté de diminuer l’intensité de son attraction en gardant une distance physique, mais un simple effleurage de mains déclenchait un incendie dans son ventre, et le premier baiser partagé fut suivi par toute une série, de plus en plus torrides, l’empêchant de renier leur connexion.

Elle rit en pensant à son oncle qui avait été mauvaise langue, lui souhaitant presque de rester célibataire à vie. Sans un mot, Bryn la tira doucement contre lui, l'enveloppant dans ses bras puissants, créant un carcan solide. Morgane sentait la chaleur de son corps, mêlée à l'odeur saline de la mer qui imprégnait sa peau.

— Qu'est-ce qui te fait rire ? chuchota-t-il.

— Ce qu'a dit mon oncle avant que je lui échappe il y a trois jours. Il pensait que je n'étais pas prête de rencontrer un homme à la hauteur de mes exigences, et je ne parle pas des prouesses nocturnes, ne sourit pas !

— Je n'ai rien dit. (Il chassa le sourire qui relevait une commissure et lui embrassa la main prudemment en la fixant.) Et qu'est-ce que tu en penses, maintenant que la fièvre de notre connexion s'est calmée ?

— Que j'aimerais envisager quelque chose avec toi et pas parce qu’une communion mystique me l'impose.

— Mais ?

— Je dois terminer ce que j'ai commencé et boucler mon sujet du mieux possible. Je sais que pour toi, je suis l’équivalent de la femme de ta vie parce que c’est ce que te dicte ton instinct de Ceffyl Dwr, mais je suis juste humaine… On ne se marie pas au bout de quelques jours.

Un bruit de clochette tinta et Bryn sortit devant le poste d’observation pour revenir avec une lettre inhabituelle dans ses mains. Morgane lui lança un sourire éblouissant quand il lut à voix haute le courrier qu'il venait de récupérer, écrit à la main sur une sorte de parchemin très fin.

— Super ! Je t'avais dit que ça marcherait, dit-elle en bondissant presque.

Il la prit dans ses bras et l'embrassa tendrement.

— Tu es la plus rusée de toutes les femmes.

— Tu pourrais dire la plus intelligente, mais j'accepte le compliment. Je ne suis pas journaliste pour rien.

— Tu leur as envoyé un exposé de tous les événements que tu as rencontrés, et c'était malin de parler à la fois des troubles climatiques et d'y ajouter mes remarques concernant l'activité marine. Et j’ai adoré ta signature : « Morgane, compagne de Bryn McAllister, citoyen d’Avalorn ».

— C’est pour mon enquête, tu le sais bien…

— Oui, je sais qu’il te faut du temps, je ne te mets pas la pression. Mais je fais un bon parti, non ?

— Mon oncle ferait une syncope si je revenais fiancée au bout de deux semaines. Ma mère, par contre, t’adorerait. Mais tu valides déjà ce qui est important pour moi.

— Une beauté foudroyante ? Le sens de l'humour à point ? Une bête de sexe ? Morgane éclata de rire en lui tapant gentiment le torse.

— Je me sens apaisée quand tu es là, tu t'intéresses à ce que je fais, ce que je suis, et tu n'es pas du genre à m'enfermer pour m'empêcher de faire ce qui me tient à cœur. Je ne suis pas juste une belle blonde qui passe bien à l'écran. En plus, tu peux me guérir si je me fais tabasser !! Fini l'hôpital.

Il fronça les sourcils et la serra contre lui.

— Je sais que tu plaisantes à moitié pour le dernier point, mais je n'aime pas trop ça.

Elle leva la tête et poussa son menton avec son front pour attirer son regard.

— Bryn, je te promets que je ne me jetterai pas tête la première dans le danger, sous prétexte que tu peux me soigner. Je n'aime pas souffrir, et quand on flirte trop avec le danger, ça se termine à la morgue, j'en connais un rayon.

— Je sais. Laisse-moi juste savourer ce moment avant qu'on y aille. Je ne pensais pas que tu serais convoquée par la Reine Dahut en personne. Ces quelques jours tranquilles étaient trop courts.

— Trois jours coupés du monde, c'est presque des vacances pour moi. Quand je pense qu'il n'y a pas de réseau internet ou téléphonique en Brocéliande, je vais devoir laisser mes réseaux sociaux au repos. Après ma dernière grosse affaire, je peux prendre facilement deux semaines sans que ça inquiète qui que ce soit, et j'ai déjà des publications programmées.

— J'ai envie de toi.

— Là, maintenant ? On doit changer ma voiture de place. Ils viennent nous chercher dans quelques heures...

— Raison de plus, je refuse de partager ton attention, pas encore.

Morgane lui prit le visage entre les mains, essayant vainement de contenir son sourire.

— Tu vas survivre, il faut qu’on y aille !

Ils riaient main dans la main alors qu'ils s'approchaient de la voiture, et Morgane vit deux yeux verts furieux la fixer, puis regarder Bryn : Oncle Hans. S'il était là, c'est qu'il avait installé un traceur sur la voiture ; il n'y avait pas d'autre explication, et il avait dépassé les bornes cette fois-ci à l'attendre dans sa voiture comme un flic en filature. Morgane resserra la main de Bryn et respira un grand coup pour adopter la bonne intonation : surprise, douceur, et apaisement. Car il avait clairement besoin d'être apaisé quand il souriait, les bras croisés à en rompre les coutures de ses manches.

— Bonjour oncle Hans !

— Bonjour ma tempête. Tu me présentes à ton ami ? Répondit-il en ne lui jetant même pas un regard.

— Bien sûr ! Voici Hans, mon oncle préféré, et voici Bryn, mon petit ami. J'espère que vous arriverez à ne pas vous étriper quand je ne serai pas là.

Il y eut un gros blanc et Hans se mit à rire. Un rire froid que Morgane connaissait bien. En même temps, elle l'avait bien cherché en balançant une bombe dans les cinq premières secondes de retrouvailles ; elle était fâchée et blessée du manque de confiance dont il faisait preuve à son égard et n'avait pas pu se retenir. Il tendit volontairement la mauvaise main à Bryn pour qu'il lâche celle de Morgane. Puis, quand il la prit, Hans, de sa force d'ours, la lui écrasa littéralement et s'approcha de son oreille.

— Si vous lui faites le moindre mal, je vous le ferai payer. Morgane prit sa grosse voix.

— Tu vas arrêter tout de suite ton manège ; je ne m'abaisserai pas à te faire du chantage pour que tu stoppes. Ce n'est pas une blague pour te faire chier, et vu ce que tu as fait avec la voiture, tu vas te calmer.

Bryn resta le plus immobile possible et se laissa faire quand Morgane se plaça devant lui, l'agrippant par le bas de sa chemise. Hans ne parvint pas longtemps à garder sa contenance, voyant la fureur froide dans les yeux de sa nièce.

— Je m'inquiète pour toi, le kouign amann avait un goût de trahison...

— Je n’aurais pas culpabilisé si j'avais su que tu avais trafiqué la voiture. ET ne me dis PAS que tu n'as rien fait (Hans leva les mains devant lui en signe de rémission), je t'aime, mais tu dépasses les limites. Il faut que je t'attache la prochaine fois que je suis en déplacement pour mon travail ?

Bryn éclata de rire et Morgane le regarda incrédule, les sourcils encore froncés.

— Tu es adorable quand tu essaies de me défendre, j'en peux plus. (Il se plaqua dans son dos, l'entourant de ses bras tout en fixant Hans, au regard indéchiffrable.) Vous pouvez me détester autant que vous voulez et ne pas m'accepter pour partager sa vie, mais si vous la rendez triste, je l'embarque sur mon bateau et il faudra venir à la nage pour lui parler.

— Bryn ! s'indigna Morgane.

Il continua sans lâcher Hans des yeux.

— Je n'ai pas besoin d'expliquer à quelqu'un qu'elle considère comme son père que, quand elle s'énerve comme ça, c'est pour s'empêcher de pleurer.

— Tu crois qu'un gamin peut me donner des leçons sur la manière dont je protège ma famille ?

— Ça vous énerve que je mette le doigt sur ce qui fait mal ?

— Tu ne sais pas ce que ça fait d'avoir un enfant ou une fille à protéger.

— Si vous voulez, on peut s'y mettre maintenant, comme ça je pourrais le découvrir.

— BRYN ! Chut ! répondit Morgane en lui couvrant la bouche de ses deux mains. Il riait entre ses doigts et embrassa l'intérieur de sa paume alors qu'elle hésitait entre rire avec lui et se fâcher.

— Ma tempête ?

— Hum ? dit-elle en se retournant vers son oncle.

— C'est vraiment du sérieux alors ?

— Oui, et je compte aller sur son bateau pour une durée indéterminée si tu continues de me fliquer ; ça te fera du bien de nager.

Hans poussa un grand soupir et jeta un regard plein d'arrogance à Bryn, toujours bâillonné.

— Je ne t'aime pas, mais je ferai l'effort de te tolérer et de ne pas te traiter de p’tit con à la tignasse décolorée.

Bryn retira doucement les mains de sa bouche.

— Je ne vous aime pas non plus, mais si vous êtes raisonnable, je ne vous traiterai pas de vieux con jaloux et possessif.

Morgane roula des yeux... ça ne volait pas haut. Elle pensa à une excuse et un plan germa dans son esprit. Elle poussa Bryn pour l'éloigner tout en parlant à son oncle.

— Bryn m'emmène deux ou trois semaines sur son bateau pour que je termine un dossier en cours (elle lança les clés de la voiture à son oncle). Je te laisse réfléchir à la meilleure manière de te repentir et enlève-moi ce mouchard. Je serai trop occupée à manger ses p'tits plats pour répondre au téléphone. C'est toi qui m'as suggéré de prendre du recul, tu devrais être content.

Hans ne bougea pas alors que Morgane s'éloignait au bras de Bryn.

— Tu veux que je te fasse des œufs au bacon ? lui chuchota Bryn.

— J'en aurai bien besoin. Mais on a des sacs à boucler.

— Je peux te donner la becquée, tu pourras garder les mains occupées.

— Comment est-ce que j'ai trouvé un chéri aussi prévenant ? dit-elle en riant.

— Le destin ?

— Peut-être bien... Je ne regarderai plus jamais les cartes de tarot de la même manière.

Deux heures plus tard, fins prêts, Bryn et Morgane se rendirent à l'entrée d'une grotte marine à l'abri des regards à l'aide d'une barque plate qu’il manœuvrait en contrôlant l'eau autour d'eux. La grotte marine, ressemblant davantage à une cavité qui devait se remplir à marée haute, se terminait en cul-de-sac après un virage exigu.

L'air était humide et le ressac des vagues résonnait fortement, ce qui n'entamait en rien la bonne humeur des tourtereaux qui se tenaient la main. L’ambiance changea subtilement et la peau de Bryn se mit à irradier d’une brillance nacrée. Une énergie mystique se dégagea du fond de la grotte, donnant des frissons à Morgane qui raffermit sa prise sur la main qu'elle tenait. Soudain, une lueur éthérée émana des profondeurs de la grotte, se rapprochant d'eux.

C'était une créature humanoïde dont la peau avait un aspect d'écorce usée. Ses yeux d'un vert profond brillaient de sagesse et Morgane se sentit alors minuscule, face à cette présence imposante. Bryn était également devenu calme et sérieux, alors que l'être s'approcha d'un pas léger jusqu'à eux. Ses longs cheveux argentés flottaient dans l'air et contenaient des milliers d'inclusions brillantes, comme une cascade d'étoiles. Elle inclina la tête en signe de respect, ses yeux s'illuminant d'une lueur bienveillante.

— Je suis Eilidh, gardienne de Brocéliande, et je suis honorée de vous accompagner dans la cité d'Ys, la perle d'Aldaria, déclara-t-elle d'une voix profonde et mélodieuse.

Bryn et Morgane sentirent une vague de chaleur et de confiance les envelopper.

— Nous sommes honorés de votre présence, Eilidh, répondit Bryn d'une voix respectueuse.

Morgane inclina également la tête en signe d'approbation.
Eilidh sourit et sortit de ses vêtements un petit poignard.
Morgane savait ce qui l'attendait, son sang devait être testé pour s'assurer que c'était bien elle. Elle tendit sa main et la créature la piqua sur le côté du poignet avec la pointe du couteau, faisant couler une goutte sur un médaillon. Celui-ci brilla faiblement au contact du sang, puis Eilidh rangea son arme, satisfaite, avant de baisser les yeux vers eux.


— Suivez-moi, amis de Brocéliande, et laissez-vous guider à travers les eaux mystiques vers la cité d'Ys.


Une sorte de flaque se forma au sol et Bryn, pas le moins perturbé, se plaça devant.


— Viens dans mes bras, tu risques d'être un peu désorientée quand on traversera.


Elle l'écouta et glissa ses bras autour de ses épaules alors qu'il la soulevait dans les siens. Il marcha droit devant et ce fut la chute libre.

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Bleumer
Posté le 25/04/2024
Pas de commentaire sur ce chapitre, enfin, d'habitude je dis ça et je fais quand même un commentaire, mais pas cette fois-ci. Notre dernier personnage arrive à Aldaria. Le marathon continue!
Papayebong
Posté le 29/06/2024
Voilà, la dernière correction. J'ai modifié le chapitre en fonction du précédent traitant de Morgane et Bryn. Elle l'interroge avant de tomber sous le charme, ce qui est plus logique par rapport à son tempérament. Ensuite, ce sont des modifications mineures.
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