Chapitre 40 - Fin du premier livre

Notes de l’auteur : MAJ : 29 juin.

Attention, ce chapitre marque la fin du premier livre. L'histoire sera fractionnée en deux livres et la seconde partie va être remaniée en prenant en compte les changements effectués dans ce premier opus.

Palais de la mer éternelle - Citée d'Ys

Deux jours avant

Alice coupait pour la énième fois la carotte dans son assiette, dépitée. Elle ne savait toujours pas pourquoi elle devait rester enfermée dans une suite luxueuse, et Niall venait de la laisser en plein milieu d'une discussion parce que « la Reine l’appelait ».

Depuis son arrivée, elle n’avait pu obtenir aucune information. Niall jouait avec elle, tentant un rapprochement grossier. Elle voyait là juste une tactique pour la garder à sa portée et décida que les négociations étaient terminées ; elle passerait à la vitesse supérieure en se débrouillant par ses propres moyens.

S’il fallait travailler son jeu d’actrice pour sortir de sa chambre et chercher ses amies, elle le ferait. Elle se pinça l’intérieur du bras suffisamment fort pour se faire pleurer et tira sur son t-shirt pour faire apparaître davantage son décolleté constellé de taches de rousseur.

Ouvrant la porte, elle fit deux pas en se tenant le ventre, priant que le garde soit réceptif et manipulable.

Un garde à l'apparence elfique se plaça devant elle, l’air fermé. Il semblait terriblement jeune dans sa manière de se positionner. La chance lui souriait.

Elle poussa un soupir tremblant et se courba en prenant un air misérable, esquissant un petit sourire grimaçant, comme si elle essayait de masquer une douleur.

— Excusez-moi. Je ne me sens pas très bien. Niall devait m'emmener prendre l’air pour voir si ça passait, mais il a dû partir en urgence. Je pense que si je sors un peu, ça irait mieux. Les humains dépérissent s’ils ne respirent pas d’air frais régulièrement.

Le garde sembla hésiter, la tenant par les bras pour qu’elle ne s’écroule pas, mais il semblait préoccupé par son état. Elle continua en poussant un gémissement pitoyable, s'accrochant aux bras qui la soutenaient.

— S'il vous plaît, je ne peux pas m’enfuir de toute façon, vous resterez avec moi tout le temps.

— Vous voulez juste respirer de l’air frais ? Est-ce que le jardin conviendrait ?

— Oui, merci beaucoup ! Je m'appelle Alice ! dit-elle en sortant avec son sac à dos.

Elle termina par un sourire larmoyant et mit ses cheveux sur le côté pour renforcer sa « fragilité ». Il avait l'air de s'adoucir et elle se félicita intérieurement. Elle avait eu raison de tester une approche différente.

Sur le chemin du jardin, elle en profita pour observer attentivement en lui posant des questions.

— Niall m'a parlé d'humains qui seraient au Palais, est-ce que vous êtes au courant ?

— Je ne peux rien vous dire à ce sujet.

— Oh ! Je comprends, c’est juste que… c’est dur pour moi, d’être seule dans ce monde, répliqua Alice en versant une larme de crocodile.

Il sembla touché, relâchant sa garde, ce qui le fit paraître bien plus jeune.

— Je ne sais pas pourquoi Niall vous isole dans cette partie du Palais, mais il doit avoir une raison louable. C’est un gardien de premier ordre, même s’il peut paraître effrayant.

Alice hocha la tête et prit la posture de jeune femme défaillante, s’agrippant de manière exagérée au bras du garde, qui se raidit légèrement, comme intimidé.

— Je m’appelle Alice, merci d’essayer de me rassurer.

— Je m’appelle Kenseved du clan Aevarn, dit-il fièrement, je serai de garde demain également.

Alice s’appuya un peu plus sur le bras, afin de le perturber, et en profita pour observer attentivement le jardin et les issues de secours. Elle aurait voulu se repérer en trouvant l'écurie.

— Est-ce que vous avez un cheval aussi ? Niall a un beau cheval blanc. J'aurais adoré faire un peu d'équitation à l'occasion, si je dois rester ici.

Il jeta un coup d'œil furtif dans un coin du parc arboré où ils étaient. Certainement là où se trouvait l'écurie.

— Vous montez à cheval ? demanda le garde. C'est une noble activité. Malheureusement, nous avons rarement un cheval en arrivant ! D'ici deux ans, je pourrai en choisir un et l'élever.

Un sourire naquit sur le visage du jeune garde, qui avait maintenant relâché sa méfiance. Après tout, une jeune humaine toute frêle qui s’agrippait à lui ne pouvait pas être dangereuse.

Alice crut voir un mouvement derrière des buissons et la tête de Gwen sortir en faisant un « plop » muet. Elle faillit éclater de rire et tenta de trouver un moyen de détourner l'attention.

Prenant les mains du Teirionnour, elle lui sourit prudemment.

— Merci de m’avoir emmenée ici, je vais m’asseoir un peu sur le banc juste là. Est-ce qu’il y a une fontaine pour avoir de l’eau par ici ? demanda-t-elle en se souvenant en avoir aperçu une à une trentaine de mètres.

Il sembla hésiter, mais devant le sourire d’Alice, céda à sa demande.

— Il y en a une pas loin, je reviens.

Elle se sentait vraiment coupable de le manipuler alors qu'il commençait à se décarcasser pour elle.

— Merci beaucoup, je ne bouge pas ! répondit-elle.

Elle resta sur son banc, écrivit un petit message avec un papier de son sac et le laissa dans un buisson bien en vue de Gwen, puis lui fit un clin d'œil en se remettant sur son banc sagement.

Un instant après, Kenseved revenait avec un gobelet en bois rempli d’eau.

Alice resta un moment assise, profitant des rayons du soleil et soulagée d’avoir vu Gwen, quand un Bugul Noz sous forme de loup traversa le jardin d’un pas rapide, le regard contrarié.

Son garde avait retrouvé sa raideur martiale, toute trace de sourire disparue, comme prêt à se prendre une remarque. Niall allait faire un scandale, il fallait qu'elle désamorce la situation. Son papier avait disparu, mais elle ne savait pas si Gwen s'était échappée.

Elle s’avança vers Niall avec son sourire solaire et lui prit le bras. Il se figea sous son geste, ce qui lui permit de prendre la parole.

— Je me sentais très mal quand tu es parti tout à l’heure, j’avais besoin de prendre l’air. Kenseved a été vraiment gentil de céder à mon caprice. Si tu n’étais pas avec la Reine, tu aurais remarqué mon état… je crois que c’est le fait d’être isolée, sans savoir ce qui va m’arriver, qui m’angoisse.

Elle ne lui avait pas laissé le temps d'en placer une, et sa fureur première s'était éteinte. Sa tentative de culpabilisation avait fonctionné.

— Je suis désolé (se frottant le museau) je suis très occupé depuis hier. (Il prit un air sec en fixant le garde.) Kenseved Aevarn a bien fait de t'aider... Viens, je te raccompagne.

Il retrouva son apparence humaine et Alice lança un regard à Kenseved, qui lui sourit discrètement.

— Est-ce que tu veux m’accompagner dans le jardin demain ? demanda-t-elle, continuant son bluff.

— Je suis navré, Alice, mais nous avons une visite importante demain. Je vais devoir te laisser... encore (elle cessa de sourire, il fallait qu'elle puisse revenir au point de rendez-vous le lendemain, sinon son plan d'évasion tombait à l'eau) mais le garde pourra t'accompagner, si ça ne dure pas trop longtemps.

Elle réussit à convaincre Niall de lui faire visiter d'autres zones du palais et continua son repérage en profitant honteusement de l'attraction qu'il ressentait pour elle.

Elle parlait toujours de Garen pour ne pas donner de faux espoirs, mais cela semblait rendre Niall encore plus motivé à lui faire plaisir. Elle n'aurait pas dû lui prendre le bras juste avant et lui faire penser que sa présence lui avait manqué; c'était envoyer un signal contradictoire. Mais après tout, il la gardait captive sans explications. Elle ne lui devait aucune allégeance.

Le lendemain, après le déjeuner, une harpie à la chevelure rouge vif toqua à sa porte, c'était sa première visite depuis son arrivée.

— Bonjour Alice ! Je suis Aeronwy. Je viens d'apprendre que Niall te gardait ici en secret. Est-ce que je peux entrer ?

— Oui, bien sûr. (Elle salua Kenseved qui était devant et installa son invitée dans le salon.) Qu’est-ce que vous voulez dire par « en secret » ?

— Avant de te donner une réponse, dis-moi si tu l’as gratté sous le menton.

— Q.. Quoi ? Non ! Déjà qu'en lui tenant le bras il me regarde comme si j’étais son seul espoir d’avoir une femme dans sa vie. Si je l'avais gratouillé, il ne quitterait plus ma chambre, même la nuit !

— J'en étais sûre !! Il a osé, dit la harpie en éclatant de rire sous le regard incrédule d’Alice.

— Je ne comprends pas... ?

— Ce n'est pas important, mais sache juste qu'il t'avait repérée et t'a chassée dans toute la cité pour te ramener ici, à l’abri, pour tenter de te séduire.

— Mais comment a-t-il fait pour me voir ?

— Par un de mes bassins, je peux retrouver des personnes disparues. Et je l’ai fait à la demande de ton amie Noémie.

— Personne ne voulait me parler d’elle. Il paraît qu’elle est chez un certain Calys. Je dois absolument la retrouver, ainsi que Léa. Sais-tu où elle est ?

— On pourra essayer d’aller parler à Calys, mais c’est compliqué… Pour ton autre amie, la dernière fois que je l’ai vue, elle était près d’Arborflor.

Alice avait identifié l’endroit où se trouvaient ses deux amies. Il ne lui restait plus qu’à prévenir Garen. Elle était persuadée qu’Aeronwy l’aiderait sans qu’elle ait besoin de s’enfuir en cachette.

— Je dois aller au jardin près des écuries… Un de mes amis risque de faire une bêtise pour me faire sortir du Palais. Aidez-moi à le contacter ou ça risque de chauffer.

— Très bien ! répondit la Harpie, faisons vite.

Aeronwy emmena Alice avec elle, suivie de Kenseved jusqu'au jardin. C'est alors qu'elle vit Gwen débouler et lui sauter dans les bras, à la grande surprise des personnes présentes.

— Tu es là !! On t'attendait, je vais prévenir Garen.

— Quoi ! Attends, le plan est annulé !

Mais la petite korrigane avait déjà filé.

— Aeronwy... Est-ce que tu serais capable de raisonner un géant et lui dire que tout va bien ?

— Un géant ? Mais, je ne t'ai vue qu’avec des korrigans et un chapalu dans ma vision...

— Oui, eh bien il y a aussi un géant balèze qui compte bien venir me secourir, répondit Alice en riant nerveusement.

— Je peux essayer... Mais qu'est-ce que je peux lui dire pour qu'il sache que c'est toi qui m’envoies ?

— Heuuu... dites-lui que mon plat préféré, c'est le chocolat et que je l'aime. Je ne veux pas qu'il ait des ennuis.

— Le chocolat ? Mais…

Alice lui coupa la parole.

— Gwen est super rapide, dépêchez-vous, s’il vous plaît !

Aeronwy s'éleva dans le ciel et fonça vers la sortie empruntée par la korrigane. Alice se frotta le visage de ses mains alors que Kenseved se rapprochait.

— Ça ne va pas ?

— J'ai un ami géant qui comptait me faire sortir du Palais, mais je viens de découvrir que mes amies humaines sont ici... (une grosse vibration retentit, comme un choc sourd) ohh, merde, je crois que c'est trop tard. Surtout s'il vient, ne cherchez pas à l'en empêcher, il est un peu susceptible.

La porte de l'écurie éclata alors qu'un géant fonçait vers elle à toute allure. Kenseved se recula alors qu'Alice tendait les bras vers Garen en lui souriant. Elle n'aurait pas dû, mais le voir courir vers elle lui serrait le ventre. Il la souleva jusqu'à son visage avant de l'embrasser avec fougue.

Alice lui rendit son baiser, le cœur battant, et quand il se stoppa, elle lui prit le visage entre les mains.

— Garen... Pourquoi tu es venu ? Tu n'as pas croisé une harpie à l'entrée ?

— Si, répondit-il en souriant, béatement.

— C'est trop risqué, pourquoi ?

— Moi aussi, je t'aime.

Alice sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle souriait, les yeux brillants d'émotion.

— Ohh, Garen. Repars vite, je sais où sont Léa et Noémie. Aeronwy pourra sûrement me faire sortir du Palais.

Un groupe de gardes Teirionnours arriva à vive allure, et Garen se mit à courir, son précieux paquet dans les bras.

— Arrête !! Laisse-moi descendre !

— Non ! Où sont-elles ?

— J... Je ne sais pas où habite Calys, et pour Léa, je… (Le géant continuait à courir comme un dératé et entra dans le palais.) Mais arrête-toi ! Tu vas avoir des ennuis.

— On est poursuivis, je ne te lâche plus.

Alice secoua la tête. Il n'écoutait plus et s'engageait dans un nouveau passage.

— Sors du Palais alors, je parlerai à Aeronwy et à Niall...

Garen faillit percuter un homme-arbre et bifurqua dans une petite pièce où une table ronde était couverte de fruits.

Il ne s'arrêta pas là et prit la porte au fond avant de débouler dans une énorme salle... avec un trône au centre et une assemblée de quelques personnes qui les regardaient sur la défensive.

Niall, sous sa forme de loup, faisait rempart de son corps pour protéger une femme à l'allure elfique assise sur le trône, qui les regardait mi-amusée, mi-impassible.

Juste en face se trouvaient trois femmes et trois hommes, dont Léa qui la fixait, surprise.

— Oh, shit... c'est pas du tout la sortie, chuchota Alice, réalisant qu’il valait mieux ne pas crier le nom de son amie.

La Reine se redressa, leur faisant face alors que Niall baissait les bras, comme vaincu.

— Effectivement, jeune humaine, ce n'est pas la sortie.

 

À suivre dans le tome 2

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Bleumer
Posté le 02/05/2024
Quel garde peu consciencieux! Alice aurait dû mettre un peu plus d'effort pour se faire sortir de sa chambre. Je ne sais pas, se faire passer pour malade, demander à aller aux toilettes ou montrer un peu plus de peau pour avoir l'air plus séductrice!^^
Encore une fois, Alice ne devrait pas savoir que Noémie est là. Je verrais plus le dialogue ainsi:
"J'ai bien vu d'autres humaines au palais, dit Aeronwy. Une femme nommée Morgane.
- Connais pas, m'en fous.
- Valentina?
- Connais pas, m'en fous.
- Léa?
- Ah! Léa, enfin je la trouve! C'est formidable après tout ce temps, on va enfin...
- Et une autre. Noémie.
- Quoi? Noémie est là aussi, mais où est-elle?
- Je ne sais pas, elle est partie il y a quelques jours."
Ou un truc dans ce genre.
Et en me disant que Noémie, se sentant négligée par ses amies qui ne la recherche pas car elles ignorent qu'elle est là, aurait pu faire une formidable antagoniste, je me suis rendu compte, à moins que je me trompe, d'un gros problème dans l'histoire: je ne me souviens qu'il y ait de véritable méchant! Aucune vraie menace pour entraver le chemin des héroïnes. Pourtant, il me semble que même dans les histoires romantiques, il y a des obstacles: Vincenzo le jaloux qui ne supporte pas l'amour entre Brandon et Pamela ou un truc dans le genre!^^ Même en amour, pour les 6, c'est l'amour au premier regard ou presque: pas de filles effrayées par le gros monstre qui a finalement un coeur d'or ou l'un des garçons qui hait profondément les humains (sauf Calys, mais ça ne le dérange pas bien longtemps)...
Papayebong
Posté le 29/06/2024
Petit correctif concernant l'évasion et les échanges avec le garde et Aeronwy.

Oui, le garde étant un peu jeune et naïf, il se laisse plus facilement berner, mais j'en ai rajouté une couche pour que ce soit plus crédible.

Concernant les antagonistes, je suis en pleine réflexion là-dessus. Je n'avais pas envie de créer trop de disputes entre les "couples", mais il existe une force opposée au régime de la Reine qui était déjà présente dans mon histoire, mais que je n'ai pas développée. Ce serait intéressant d'en parler davantage dans le tome 2.

Je ne suis pas certaine de pouvoir tout réécrire très vite, mais je me fixe comme objectif de traiter un chapitre par jour minimum.
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