Le Soleil de Ryloth semblait s’être éteint. Caché par l’immense Destroyer Impérial, plus aucun de ses rayons d’or n’atteignait la terre gorgée de sang. L’ombre que le navire projetait sur le champ de bataille avait envahi l'entièreté de la plaine, touchant presque l’orée lointaine de la forêt. Toute lutte avait cessé. Le temps était comme suspendu, et les combattants étaient enveloppés par une atmosphère contrastée. Chez les Rebelles, une frayeur glaciale avait remplacé leur révolte et leur courage. Les Impérieux, quant à eux, ne craignaient plus les forces de l’Alliance, désormais étant sûrs de leur victoire. Ils ne firent rien quand les Rebelles se mirent à se replier à la commande paniquée que les Généraux hurlaient. Leur fugue était aussi désœuvrée qu’inutile, mais dans la terreur, ils n'en prirent pas compte, et se précipitèrent aussi vite que possible vers la forêt du clan Tualin. Les guerriers Twi’lek les imitèrent, laissant pour la plupart leurs armes derrière eux ainsi que leurs morts. Les bois étaient loin, cependant, et déjà les vaisseaux TIE de l’Empire s’étaient élancés et ouvrirent le feu sur leurs ennemis, sans pitié. Les tirs pleuvaient lourdement sur le sol, projetant des mottes de terre et d’herbe dans tous les sens. C’était un véritable massacre. Les Rebelles étaient bien trop loin de la forêt pour se mettre à couvert, laissant ainsi aux pilotes Impériaux le loisir de les tuer avec une facilité effroyable. Des combattants tombèrent au sol, soit gravement blessés, soit tués par les tirs incessants.
Quelques-uns s’arrêtèrent de fuir au décès d’un frère d’arme, immobilisés par la brutalité de la perte, tandis que d’autres prenaient le temps de venir en aide aux blessés, les portant et les amenant lentement - trop lentement, pour la plupart - vers l’orée de la forêt impassible et assombrie par le vaisseau au-dessus. Les bois du peuple Tualin était presque comme un mirage, un rêve impossible à atteindre, seule porte de sortie salvatrice. Ce songe si empreint d’espoir mourut cependant en même temps que les premiers Rebelles tombés au sol. Les tirs des vaisseaux rapides ne ravageaient pas seulement la plaine, ils atteignaient également la forêt. Les arbres d’or de Ryloth tombaient violemment, piégeant parfois un animal sous leur tronc lourd et solide. Des morceaux de branches ou d’écorce étaient projetés dans tous les sens, se plantant dans la peau des Rebelles les plus proches, qui lâchaient des cris de douleur. Des cris, la plaine en était remplie. Il semblait même qu’elle n’avait connu que cela, et que jamais les rires si clairs des enfants Twi’lek n’avaient retentit pour briser les murmures incessants de la forêt et ses hôtes. Le vacarme strident des vaisseaux TIE recouvraient avec peine ces hurlements qui résonnaient dans les oreilles du chasseur.
Il n’avait pas bougé depuis la mort de Rusk. Orn tenait toujours le corps sans vie de son ami dans ses bras, sans se soucier du sang qui continuait doucement à couler et qui le recouvrait. Plus rouge que noire, son armure avait perdu son éclat, ternie par ce liquide vermeil. Dans le chaos qui s’était emparé du champ de bataille, personne ne s’était arrêté pour sortir le chasseur de son immobilité. Il regardait le grand Destroyer Impérial au-dessus de lui, presque sans émotion. Il n’y avait plus d’espoir, plus de victoire possible pour la Rébellion. La liberté était désormais hors de portée pour les Twi’leks, et Ryloth était destinée à souffrir sous le joug de l’Empire. Pour Orn, il n’y avait plus aucune raison de se battre. Fuir était inutile. Ils allaient tous mourir, après tout. L’Alliance avait échoué. Ce ne fut que lorsqu’un tir de vaisseau atterrit près de lui, soulevant de la terre, qu’il bougea malgré lui. Il se leva pour s’éloigner du tir, laissant Rusk sur l’herbe rougeâtre. Ce mouvement soudain et incontrôlé, qu’il devait à son instinct de survie, fut suffisant pour le sortir de cet état défaitiste qui l’immobilisait jusqu’alors. Orn allait imiter les autres Rebelles et courir vers la forêt, mais hésita. Laisser son ami ici, sur une plaine qui finirait par devenir une terre retournée et dévastée, paraissait impossible. Il fit un mouvement pour récupérer le corps de l’ancien pilote et le porter, mais les derniers mots de Rusk lui revinrent en tête. Il s’était sacrifié pour lui.
Il devait vivre, ou du moins tout faire pour. Le Rebelle Chiss était mort de toute manière. Peu importait ce qu’il advenait de sa dépouille. S’il avait pu, Rusk se serait battu dans les airs, pilotant un vaisseau de la Rébellion, où son corps aurait été perdu à jamais s’il avait été abattu. Alors, malgré le déchirement qu’il ressentait, le Twi’lek recula, avant de se retourner et de courir vers la forêt, rejoignant ses frères d’armes dans leur fuite. Le sang sur sa visière ne l’empêchait pas d’apercevoir le triste état du territoire du clan Tualin. Les premiers arbres, à l’orée des bois, étaient presque tous tombés. S’ils étaient toujours debout, leur feuillage avait tristement diminué, et la plupart de leurs branches étaient au sol. Des armes gisaient avec des corps sur la plaine, que le chasseur enjambait s’il les voyait. Il trébucha et tomba plusieurs fois dans sa fuite précipitée. Son pied se coinçait dans une motte d’herbe discrète ou sous un cadavre, mais il continuait à se relever, animé d’un instinct de survie qui l’obligeait à se réfugier sous la forêt, même si elle n’apporterait pas de véritable cachette. Certains tirs de vaisseaux TIE le projetaient avec la terre, le faisant lourdement tomber au sol et le rendant temporairement sourd. Orn ne s’arrêtait pas. Il fuyait, évitant les tirs et traversant le champ de combat dévasté et morne. Enfin, il atteignit la forêt. Les arbres commencèrent à l’entourer, le protégeant de leur mieux et se dressant contre les renforts Impériaux.
Il continua sa course pour s’enfoncer dans les bois. Il slalomait entre les arbres dorés, parfois rejoint par un animal effrayé. La pénombre des feuillages le recouvrait tendrement, le cachant des vaisseaux bruyants dans le ciel sombre. Les Rebelles terrés dans la forêt les entendaient toujours, et apercevaient parfois leurs ombres se dessiner sur l’herbe verdoyante des bois. Ils avaient peur, et ceux qui voulaient toujours se battre cherchaient en vain un plan. Ils ne pouvaient rien faire contre cette force aérienne, à part espérer survivre à leurs tirs précis et mortels. Lorsque le chasseur les rejoignit, ils l'accueillirent silencieusement. Ils étaient une vingtaine, seuls survivants des attaques menées par les vaisseaux. Tous étaient accablés par la perte d’un ami, d’un proche ou d’un membre de leur famille.
Même Cara avait perdu son habituelle envie de continuer à se battre comme si tout était perdu. Celle qu’elle aimait n’était plus. Comme des centaines de leurs frères d’armes, elle était tombée aux premiers assauts aériens, et n’avait pu se mettre à l’abri, tout comme les survivants. Déjà d’autres arbres tombaient avec fracas au sol, et les bois seraient bientôt comme la plaine : dévastés. Si certains Rebelles pouvaient continuer à courir, la majorité ne voulait pas laisser les blessés seuls, ayant déjà trop abandonné les leurs dans la fuite générale. Orn rejoignait ce sentiment, et avait accepté son sort. Il ne pouvait pas de toute manière retourner au Vautour Couronné. Son vaisseau noir et rouge était près de la Base Daala, et il ne survivrait pas à une nouvelle course. Il ne pouvait pas non plus laisser tomber les autres Rebelles et son peuple. Il devait rester. Le chasseur faisait partie de l’Alliance, et les abandonner à une mort certaine tandis qu’il disparaissait à bord du Vautour était impossible pour lui. Il était né sur cette planète. S’il devait mourir sur Ryloth, alors il le ferait sans hésiter, refusant la lâcheté et une mort indigne. Il pensa à Twik. Nul doute que le droïde était toujours sur Ryloth, à s’inquiéter pour son co-pilote. Étrangement, il n’avait fait aucun appel à Orn, ce qui l’étonnait et l’agitait. Twik aurait certainement voulu un ultime échange avec son ami et co-pilote. S’il ne lui envoyait aucun message, cela signifiait sans doute que lui aussi, de son côté, se battait. Après tout, de nombreux Impériaux avaient aperçu le chasseur combattre avec les Rebelles. Il n’était alors pas impossible que certains s’étaient attaqués à son vaisseau et à son co-pilote.
Perdu dans ses pensées, le chasseur ne portait aucune attention au nouveau bruit qui perça le ciel. Si certains Rebelles relevèrent la tête à ce son, incrédules, il continuait à se faire un sang d’encre pour Twik. Perdre Rusk était difficile pour lui, mais perdre son co-pilote, celui qui avait été son seul compagnon pendant des années, était impensable et insupportable. Il s’apprêta à tenter d’appeler l’ancien droïde de combat pour ne plus être dans un doute horrible, un grand cri le fit suspendre son geste et se retourner immédiatement, prêt à se battre à nouveau malgré la fatigue. Il ne vit rien, puis, imitant les Rebelles autour de lui, releva la tête. Sa respiration se suspendit un instant lorsqu’enfin il l’aperçut. Un Général Rebelle hurla un ordre, demandant à tous de reculer et de s’éloigner le plus possible. Avec une seconde de retard, due à la surprise et l’incompréhension, ils obéirent. Rapidement, ils se dispersèrent et s’écartèrent, laissant au vaisseau Impérial la place pour se crasher sans tuer un seul de ses ennemis. Le petit engin blanc s’écrasa lourdement au sol, puis glissa longuement et rapidement. Une centaine d’arbres tombèrent ou se brisèrent à son passage, et Orn protégea sa tête casquée avec son bras. Des morceaux de bois étaient projetés dans tous les sens, blessant certains et se figeant dans le sol ou dans d’autres arbres. Tous observaient le vaisseau Impérial, se demandant ce qui avait pu l’attaquer, mais certains se doutaient de la réponse, et un espoir hésitant naissait doucement dans leur cœur. Taisant pour l’instant cette espérance, ils reculèrent avec les autres, sachant pertinemment que bientôt, le vaisseau ennemi allait exploser.
Les Twi’leks du clan Tualin échangèrent des regards effarés lorsque le TIE Impérial explosa, créant un énorme cratère autour de lui et laissant des squelettes calcinés d’arbres. Une bouffée de chaleur se propagea rapidement, enveloppant les spectateurs qui, malgré leur joie de voir un vaisseau de l'Empire à terre, étaient attristés pour le sombre destin de la forêt, qui avait fortement diminué. Ils n’eurent cependant pas le temps de soutenir les Twi’leks dans leur perte, car une Rebelle poussa une exclamation de joie et pointa le doigt vers le ciel. Tout doute se dissipa chez les survivants, et l’espoir timide se fit téméraire, chassant toute peur et tout sentiment de défaite. Leur destin venait de changer en un instant, et certains se permirent un rire. Cara esquissa même un sourire, qu’elle partagea avec Orn, oublia, l’espace d’un instant, toutes les pertes qu’ils avaient subies. La roue venait de tourner, et la silhouette de la victoire se dessinait dans leurs esprits. Leurs cœurs étaient réchauffés rien qu’à ce son si familier et rassurant.
Trois escadrons Rebelles perçaient le ciel avec leur vol grâcieux et effréné. Un à un, ils abattaient les vaisseaux ennemis avec une précision redoutable, faisant renaître de ses cendres l’espoir dans le cœur des survivants. Puis, à travers la communication de Cara, une voix claire et enjouée s’éleva.
"Ici la Générale Nouhr, pour vous servir ! L’Escadron Écho vous conseille de rester à l’abri, car une pluie de vaisseaux Impériaux est prévue à l’instant même !
— L’Escadron Bleu est ici également. Nous vous informons que toutes les autres bases Impériales ont déjà été capturées. Préparez-vous à partir, parce que tout est bientôt fini !
— Ici le meilleur escadron de l’Alliance, c’est-à-dire l’Escadron Rouge pour ceux qui ne suivent pas ! Dites adieu aux Impériaux, ils sont en train de quitter Ryloth à jamais !"
Des rires exténués mais sincères retentirent dans la forêt. Certains pleuraient même de joie. D’autres, pour la plupart des Rebelles, échangèrent des sourires, mais murmuraient quelques mots à l’intention d’un certain "Rogue One". Alors qu’il allait interroger Cara à ce sujet, il se mit à reculer rapidement en voyant un autre vaisseau tomber au sol, tournoyant avec un bruit assourdissant. Une ombre familière traversa la forêt, et le chasseur releva la tête, avant d’être la proie d’émotions contradictoires. Un soulagement en lui affrontait une inquiétude forte à la vue du Vautour Couronné, qui serpentait élégamment dans le ciel, aidant les escadrons de la Rébellion à descendre les vaisseaux Impériaux. Submergé par le nombre et la surprise, le Destroyer Impérial se mit enfin à bouger. Attaqué de toute part, il s’éloigna rapidement puis disparut en une fraction de seconde, fuyant à la vitesse-lumière. L’immense navire laissait derrière lui une vingtaine de vaisseaux TIE, qui se retrouvèrent à la merci des escadrons Rebelles. Désœuvrés et abandonnés, ils devinrent des cibles faciles pour les forces aériennes de l’Alliance, qui prirent un malin plaisir à les abattre. Les Rebelles à terre se précipitèrent hors de la forêt, le regard tourné vers le ciel si salvateur. Les doux rayons de Soleil se remirent à caresser la plaine dévastée, n’étant plus caché par le Destroyer. À chaque tir de leurs alliés, les combattants de la Rébellion poussaient des cris et des encouragements, puis ils se jetèrent sur le reste de l’armée Impériale au sol. Un combat gagné d’avance s’engagea, et si certains ne se relevèrent pas, ils s’étaient éteints dans une joie aussi grande que le plaisir de savoir Ryloth libre et fière.
Le sang continuait à abreuver la planète, et des carcasses de vaisseaux ornaient la plaine et la forêt. Les combats étaient rapides, et s’enchaînaient les uns après les autres. Une force nouvelle habitait les Rebelles, qui souriaient dès qu’ils apercevaient les ombres des vaisseaux alliés. Si un seul pilote eut son engin endommagé, aucun escadron ne souffrait de perte. Leur arrivée imprévue avait suffi à semer le chaos et la panique dans les rangs des pilotes impériaux, qui avaient perdu aussi facilement qu’ils avaient tué les Rebelles au sol. Rapidement, seul le son des vaisseaux de l’Alliance résonnait avec puissance dans le ciel, et les exclamations de joie et de soulagement les rejoignirent. Les Twi’leks du clan Tualin échangeaient des regards entre eux, et même Orn partagea leur joie. Il avait eu la chance de ne pas avoir souffert de l’occupation de sa planète natale, mais il était l’un des seuls. Savoir que son clan - et toutes les autres communautés - étaient enfin libres était un soulagement énorme. Plus que tout, il était heureux d’avoir participé à cette libération, et d’avoir, pour une fois, agi contre l’Empire, sans sous-entendu.
Mais en observant le champ de bataille, un sentiment étrange l’envahit. Devant tant de dévastation et de pertes, il était difficile d’être véritablement heureux. L’herbe était rouge et terne, et de nombreuses crevasses ornaient la plaine triste. Les corps jonchaient le sol, recouvrant des étendues de sang. La victoire laissait un goût amer dans la bouche du chasseur. Il repensa à Rusk, mort dans ses bras. Il n’apercevait pas sa dépouille, mais savait que, quelque part dans les centaines de Rebelles morts, il s’y trouvait, et avait probablement ses yeux rouges encore ouverts, fixant le vide. Son sang tachait l’armure du Twi’lek, qui garda tout de même son casque malgré le haut-le-cœur qui le saisit. Il se força à se concentrer sur la forêt devant lui, qui avait aussi triste allure que la plaine.
D’innombrables arbres étaient à terre, barrant l’entrée de des bois. De la fumée s’élevait çà et là dans les feuillages, et le vent ramenait l’odeur des cendres et du brûlé aux combattants. Certains arbres, qui tenaient encore debout, étaient noirs, une pâle image des troncs d’or qui avaient résidé en ces lieux. Orn détourna le regard. Il n’arrivait pas à ressentir une grande joie. Il ne le pouvait pas. À chaque endroit où il posait son regard, des dizaines de corps de frères d’armes gisaient à terre, immobiles à jamais. Dès qu’il reconnaissait un visage, son cœur se serrait davantage. Il voyait des Loups de la Division Wolffe avec qui il avait discuté, des combattants avec qui il avait échangé des rires, des histoires et des excuses. Il avait mangé avec eux, il avait partagé des moments, des routines pendant deux semaines entières. Leur perte pesait sur lui. Ils avaient beau avoir gagné, avoir libéré une planète et combattu avec courage, beaucoup étaient morts. Orn ne s’en voulait pas, sachant pertinemment qu’il n’était pas à l’origine de ce massacre. Il lança un regard vers Cara.
La Shock Trooper était légèrement blessée, et discutait tendrement avec d’autres Rebelles. Elle avait l’air triste, presque défaitiste, mais l’on sentait qu’elle n’avait pas dit son dernier mot. La Rebelle aux cheveux noirs ne prenait pas de temps pour pleurer celle qu’elle avait perdue, jugeant bien plus utile de s’occuper des survivants et de continuer le combat. Avec un de ses frères d’arme, elle obligeait les blessés à s'asseoir et à se reposer, consolant avec douceur et compréhension ceux qui n’arrivaient pas à faire leur deuil rapidement. Orn comprenait, en les regardant, que cela était la réalité de leur combat. Ils devaient faire deuil après deuil sans s’arrêter, pour continuer leur lutte incessante et juste. Les Rebelles laissaient derrière eux les dépouilles de leurs amis, sans parfois pouvoir les enterrer ni les honorer. Le chasseur n’avait jamais eu à faire de telles choses. Certes, Taano profitait d’un repos éternel dans un lieu qui lui avait été interdit, mais cela ne l’avait jamais empêché de venir la voir. Il n’avait par contre jamais dû faire face à la mort d’un ami, jusqu’à la Bataille de Ryloth. Orn arrivait difficilement à faire son deuil aussi rapidement que les autres Rebelles. Il était dur de laisser derrière ceux avec qui il avait vécu, même si ce n’était que pendant deux semaines. Rusk et les Loups avaient été les premiers à l’accueillir dans la Rébellion, après Leia et Mon Mothma. Se retrouver sans eux était non seulement douloureux, mais faisait également peur. Ils avaient constitué son repère dans l’Alliance, et bien que la Division Wolffe existât toujours malgré les soldats en moins, d’autres allaient les remplacer, et le chasseur devait à nouveau tenter de se faire une place.
Ce que le Twi’lek ne réalisait pas, c’était qu’en combattant à leur côté, perdant un ami et des frères d’arme, il était devenu un Rebelle à part entière. Il s’était affranchi de l'emprise de l’Empire sur lui, et avait renié tout ce que le Chasseur Impérial avait fait. Aux yeux de tous, il s’était prouvé. Orn avait obtenu leur confiance, et même leur admiration, car la Mission "Liberté", qui jamais n’aurait eu lieu sans lui, avait été un grand succès. Au-delà des morts et de la destruction enragée de la plaine et de la forêt, Ryloth était libre, et pouvait guérir de ses blessures. Elle allait enfin pouvoir se régénérer, car ses forêts et ses terres étaient résilientes et fortes. Cela prendrait du temps, mais c’était un luxe que désormais les habitants avaient. Ils étaient libres, leurs territoires leur appartenaient à nouveau. Ils n’avaient plus à rester enfermés chez eux, à ne manger que le strict nécessaire et à voir le fruit de leurs travaux être pris par l’Empire, pour faire on ne savait quoi. La forêt allait revivre de ses cendres, et la plaine la suivrait, et se ferait à nouveau verdoyante et éclatante sous le Soleil. Les carcasses des vaisseaux Impériaux allaient servir de terrains de jeux aux enfants Twi’leks, et les bases grises et ternes seront changées pour devenir quelque chose de beau, ou alors allaient verdir en même temps que la plaine, recouvertes de mousse et de lierre grimpant. Les clans allaient enfin pouvoir revivre et voir leurs enfants ne plus ressentir la peur en allant dehors. Plus de couvre-feu, plus de déforestation, plus de prisonniers et de torture. Ils pourront honorer leurs victimes et leurs guerriers avec une tristesse joyeuse, célébrant leur accomplissement mais pleurant leur mort. Car finalement, leur sacrifice n’avait pas été inutile, comme les Rebelles l’avaient craint.
Les guerriers survivants étaient plus nombreux que la vingtaine de Rebelles qui restait debout, mais ils étaient moins habitués à perdre des proches aussi brutalement. Orn ne savait pas combien de temps tous les combattants étaient restés sur le champ de bataille, à se reposer et à penser à ceux qui n’étaient plus à leurs côtés. Lorsque les escadrons les rejoignirent, avec Twik dans leurs rangs, des embrassades, des remerciements et des mots de deuil avaient été échangés, mais ce ne fut pas suffisant pour briser l’étranger atmosphère autour d’eux, qui était un mélange de victoire et de mort. Les Shock Troopers s’étonnaient cependant de la présence salvatrice des escadrons. La Générale Nouhr, à la peau sombre et aux cheveux bouclés, leur expliqua que les Escadrons Écho, Bleu et Rouge avaient récupéré la base Rebelle de Yavin IV, et qu’ils avaient été contacté par la Chancelière Mothma, après avoir reçu un message de Twik. Ce dernier fut longuement remercié, autant par les Rebelles que par les Twi’leks, et son co-pilote le remercia avec tout l’amour qu’il avait pour lui. Pour une fois, le droïde garda le silence. Il n’était pas habitué à recevoir des compliments, mais il était heureux. Orn était en vie. C’était pour lui tout ce qui importait, bien qu’il fût content que Ryloth soit libérée.
Aucune fête n’eut lieu, cependant. Toutes ces pertes et cette destruction faisaient que personne n’avait le courage ni la force de célébrer cette victoire. À la place, ils discutaient doucement jusque tard dans la nuit, avec les chefs des clans qui remerciaient les Rebelles et leurs guerriers, tout en honorant les morts. De grands bûchers de bois furent élevés, où les corps furent disposés. Ces grandes tours de bois s’enflammèrent la nuit tombée, formant de grandes ombres et un feu gigantesque, dont les flammes serpentaient vers les cinq Lunes de Ryloth, vers l’infinie étendue qu’était l’Espace, où le combat et le devoir appelaient les survivants. L’Empire était toujours là, et rien ne l’empêchait de revenir sur cette planète, tant qu’il n’était pas arrêté. La lutte était loin d’être finie. Pour Orn, elle venait seulement de commencer.