L’après-midi touchait à sa fin quand Callinoé envoya un texto à Apolline pour qu’ils se retrouvent. Assis sur un banc, Roxanne et lui regardaient leurs achats. Des cartes hideuses à envoyer à leurs parents (avec les traditionnels animaux mal photoshopés envoyant leur « gros bisous baveux » au destinataire), un décapsuleur en forme d’huître pour Baptiste, une bouteille d’hydromel pour l’amie de Roxanne. Ils avaient même trouvé quelque chose pour Apolline.
« Je suis près d’un bar qui a l’air sympa. Ça vous tente ? »
« Oui ! On va juste réserver à l’auberge de jeunesse avant, on est à côté. Dortoir comme la dernière fois, ça te va ? Donne l’adresse du bar. »
Après un crochet à l’auberge où ils purent abandonner leurs sacs (les épaules de Callinoé criaient au supplice), ils se dirigèrent vers le « Troll Radieux ». Roxanne dut user du GPS de son smartphone — ni Callinoé ni elle n’étant particulièrement doué d’un bon sens de l’orientation — mais ils ne tardèrent pas à arriver à bon port.
L’extérieur aurait pu passer pour un charmant salon de thé, voire une habitation coquette. Des volets verts étaient à moitié refermés sur des fenêtres au verre brouillé. De l’intérieur, on ne percevait qu’une lueur jaune qui devait être le fait de bougies. Deux vaillants ficus gardaient la porte, des mégots pleins les pots.
À l’intérieur, un agréable brouhaha se mêlait à l’atmosphère chaude du bar. Les murs en pierre, que les bougies et l’éclairage rendaient orangées, apportaient une touche un peu étrange à l’ensemble. C’était comme si quelqu’un avait arraché les façades de pierre, le plafond strié de poutres et le mobilier en bois brut à une autre ville, voire un autre temps, pour le poser là.
Apolline se trouvait dans un coin, sous un cadre. Concentrée sur la photo de sa pinte et de la bougie, elle ne les entendit pas arriver.
— Bonne balade ? s’enquit-elle.
Callinoé lui trouva l’air effacé, bien que son visage exprime du plaisir et de la bonne humeur.
— Excellente, et toi ? demanda Roxanne.
— Tranquille.
— On a un truc pour toi ! ne put-elle retenir plus longtemps.
Elle tira le paquet de son sac. Paul le regardait sans oser le prendre.
— C’est rien de bien fou, précisa Callinoé en la voyant toute émue.
— Bah si, quand même.
Durant un instant, il eut peur qu’elle se mette à pleurer. Mais ce devait être une illusion dut à la luminosité, car l’impression disparut totalement quand elle sortit le carnet et les crayons.
— C’est pour que tu penses à nous, expliqua Roxanne. Et que tu gardes une trace de tes dessins.
Apolline se leva pour l’embrasser. Les laissant à leurs effusions, Callinoé observa le cadre. C’était une photo ; une silhouette floue se tenait au centre, encadré par deux arbres.
— Ne crois pas échapper à mes remerciements en fixant le mur !
Callinoé rit et accueillit l’étreinte et la bise de Paul.
— Je te prends quoi, sœurette ? demanda-t-il en tirant son porte-monnaie.
— Fais gaffe, prévint Paul, le barman a essayé de me vendre une liqueur de quetsche tout à l’heure. Mais on dirait une couille au fond d’un bocal.
Quand il revint à leur table, hilare, il raconta qu’il venait de lui arriver la même chose. Roxanne se leva de façon peu discrète pour voir à son tour l’homme impressionnant par sa silhouette et ses rouflaquettes. Il portait une djellaba et parlait d’une voix tonitruante, se joignant aux conversations des gens installés au comptoir. Ceux-ci s’en moquaient, manifestement, et l’accueillait avec plaisir dans leurs discussions. Paul confia qu’elle lui avait déjà demandé de le prendre en photo. « Un tel personnage, déclara-t-elle, je tiens à en garder une trace. »
Ce fut, à nouveau, une soirée joyeuse. « Pétillante », aurait même dit Callinoé. Il parla bien plus facilement que la veille, avec Manu. Il avait fini par se trouver légitime dans leur trio et il aimait commenter sans s’inquiéter de déranger ou de provoquer un froid. Il ne fallut qu’un verre à sa petite sœur pour lui dire son plaisir de le voir si détendu.
Mais après un moment, Callinoé se posa des questions sur Paul. Paul qui se levait pour aller commander à nouveau alors qu’ils finissaient tout juste leur boisson, Paul qui s’attardait au comptoir pour papoter avec le barman, qui se dessinait sur tout le bras en les écoutant, qui sortait son carnet pour simplement en caresser la reliure avec un petit sourire attendri. Paul, que Callinoé trouvait trop expansive, trop bruyante, trop survoltée.
« Tu la connais pas tant que ça » se sermonna-t-il. « Rien ne te dit qu’elle est différente. »
Mais Roxanne finit par demander :
— Tout va bien, Paul ?
Brusquement, Callinoé oublia tout : les lumières douces, la chaleur réconfortante, son ivresse. Apolline avait les yeux brillants.
— Qu’est ce qui se passe ? demanda-t-il, la gorge sèche.
Leur amie secoua la tête en souriant.
— Rien, dit-elle.
— Je te crois pas, opposa Roxanne.
Le téléphone de Paul vibra à cet instant. « Tata » put lire Callinoé avant que la jeune femme n’ôte l’objet de leur vue.
— Je reviens, déclara-t-elle. Tout va bien, vraiment.
Elle porta le téléphone à son oreille avec un « allo » pimpant et sortit du bar. Par une fenêtre, ils purent observer son dos tandis qu’elle parlait. Sa main libre jouait avec ses longs cheveux. Les quelques fumeurs près d’elle l’observaient.
— T’en penses quoi ? s’enquit Roxanne.
— Que si elle veut nous parler, elle le fera, répondit Callinoé. On se connaît que depuis deux jours. S’il y a vraiment quelque chose, ce n’est sûrement pas à nous qu’elle se confiera en premier.
— Possible, souffla pensivement sa sœur.
Elle avait l’air déçue. Il se garda bien de lui dire que lui aussi.
Moi aussi je suis déçu. Sauf qu'en même temps, Paul a le droit d'avoir son jardin secret. Il lui faut peut-être du temps.
Et maintenant… roulement de tambour… je peux dire : Claquette, à quand la suite ? :P
Shame on me j'ai pas posté comme je t'avais dit. J'ouvre immédiatement mon document pour le faire dans la journée
Paul toujours aussi mystérieuse. Il y a quelque chose qui ne va pas, je penche pour des soucis familiaux, peut etre un deuil qu'elle fuit. En parler a ses nouveaux amis pourrait lui faire des bien (et le lecteur veut savoir :p) et en meme temps, c'est pas facile. Ca pourrait briser la magie.
Ta jolie histoire me fait revasser, tout est tellement touchant dedans !
Le lecteur saura bientôt, c'est promis, et j'espère très fort qu'aucune magie ne sera brisée en chemin (mais c'est un risque à prendre, je ne vais pas laisser cette histoire inachevée sur NFPA, ce serait dommage :p)
détails
Callinoé lui trouva l’air effacé : je ne comprends pas bien ce que tu entends par là.
une silhouette floue se tenait au centre, encadré par deux arbres : encadrée
Ceux-ci s’en moquaient, manifestement, et l’accueillait avec plaisir dans leurs discussions : un peu contradictoire cette phrase
qu’elle lui avait déjà demandé de le prendre en photo : si elle pouvait le prendre en photo ?