Anastae, tu comptes m’expliquer ?
Sa belle-mère la fixait, une magnifique robe de bal sur elle, l’air profondément exaspéré de voir qu’elle ne faisait rien correctement, une paire de gant à la main qui se froissait de plus en plus au fur et à mesure qu’elle s’énervait. Toujours, elle avait été très claire : Anastae ne pouvait pas inviter d’elle-même des personnes à des bals alors qu’elle même était invitée par défaut. Ses frères le pouvaient, mais elle… Elle était restreinte.
Luciana était à ses côtés, plus ravissante que jamais, et souriait à cette femme qui ne devait être rien d’autre qu’un obstacle pour elle.
Luthias était assis sur le long canapé et les fixait d’un air blasé, quoi que légèrement satisfait, et devait sans doute se demander comment sa sœur avait pu se faire une seule amie. Elle avait toujours été du genre solitaire, d’un caractère froid ou méfiant qui repoussait ainsi toute forme d’affection :
- J’ai voulu qu’une amie m’accompagne.
- Mais tu ne le peux, sourit sa belle-mère d’un air pincé.
Ainsi, elle prenait dix ans. Sa belle-mère était jeune, comme tous les elfes et fées, et en âge humain devait avoir la bonne vingtaine. Elle était magnifique, sinon elle ne se serait pas retrouvée avec quelqu’un comme son père, et Anastae, bien qu’elle la détestait, avait toujours adoré en silence ses longues boucles blondes et ses yeux émeraudes tâchés d’écarlate.
Son air sévère se radoucit légèrement quand elle se tourna vers Luciana ;
- Navrée, mais Anastae n’est pas autorisée à emmener des amies lors des bals de la Cour. Mais si tu le souhaites, tu pourras revenir ici plus tard.
- Quel dommage, soupira Luciana, mais Anastae savait qu’elle préparait son coup en silence. Mes parents vont sans doute s’énerver lorsque je rentrerai après un refus d’invitation.
Elle lui sourit :
- Vous savez, chez nous, cela est un manque de respect.
- Et de quelle famille proviens-tu, demanda sa belle-mère, soudainement intéressée.
- Regardez-moi.
En temps normal, les elfes et fées de haute famille était toujours d’une beauté sans pareille, et sa propre famille n’échappait pas à cette règle, contrairement à elle dont son visage était rempli de défauts humains. Luciana était tellement belle qu’elle pouvait être la fiancée d’un des Princes si elle le souhaitait. Si elle parvenait à ruser correctement, il serait aisé de convaincre sa “mère” de la laisser venir avec eux.
Cette dernière l’observa sous toutes ses coutures. Elle était mariée à quelqu’un d'extrêmement important, bien plus que la plupart des nobles, mais il était toujours bon d’avoir de bonnes relations avec les meilleurs :
- Je pense que mon apparence en dit long sur moi, continua Luciana. Je ne ferais absolument pas tâche dans ce bal, bien au contraire.
- Eh bien, permets moi de te proposer de te joindre à nous, répondit sa belle-mère après une réflexion de quelques secondes.
- Je l'accepte avec joie.
Après une dernière remontrance contre sa belle-fille, elle se détourna finalement, toujours en ordonnant à un serviteur de sortir les chevaux et le carrosse. Luciana lui adressa alors un petit sourire complice et déclara :
- C’était plutôt simple.
- Tu es douée pour embobiner les autres, rétorqua Anastae. C’est tout.
Du coin de l'œil, elle vit Luthias soupirer et se lever, ennuyé de les entendre parler. Elle avait l’habitude de le voir partir lorsqu’elle arrivait et cela ne lui faisait plus rien. Mais en se remémorant la conversation qu’ils avaient eue ce matin, elle se demanda si son nouvel intérêt pour ses fiançailles n’était qu’une passe où il avait besoin de ressembler à leur père.
Son amie l’interpella alors :
- Je ne crois pas que nous avons été présentés.
Luthias se retourna lentement et mit sur son visage ce que sa sœur appelait le Masque. Cette expression bien que très réaliste, était la plus fausse qu’elle n’avait jamais vu : de cette façon, son frère se transformait et devenait attentionné, un brin charmeur, sociable et fort sympathique :
- Cela aurait été une erreur. Je me nomme Luthias.
- Luciana, répondit cette dernière. Tu te rends au bal avec nous ?
- Bien entendu. Et j’ose espérer que tu m’accorderas une danse.
Luciana leva un sourcil :
- On pourra en discuter.
Anastae détourna le regard, soudainement gênée. Elle n’avait aucune envie que Luciana séduise son frère, ou inversement. Si elle avait une nouvelle amie, ce n’était pas pour que cette dernière passe tout son temps avec Luthias. Ce sentiment était égoïste, foncièrement humain, mais elle avait envie de penser un peu à elle.
Cette pensée la surprit : depuis plusieurs années elle n’avait encore jamais eu une telle envie de prendre ce qu’il restait de sa vie en main. Elle avait toujours vécu avec la certitude que cela ne servirait à rien de vivre pleinement si elle allait bientôt mourir. Désormais, son point de vue commençait à changer… :
- Je l’espère, salua Luthias avec un petit sourire Luciana.
Il passa à côté de sa soeur et s’arrêta pendant quelques instants pour lui chuchoter à l’oreille :
- Essaye de faire plaisir à père, au moins pour ce soir.
Anastae ne répondit rien, lui jeta son regard le plus glacial, et saisit le poignet de Luciana pour l’éloigner de cette créature perfide qu'était son frère. Si elle voulait faire quelque chose pour son père, elle l’aurait déjà fait depuis longtemps, ses paroles ne servaient à rien, seulement à lui rappeler qu’elle n’était pas pareille qu’eux.
La jeune fée aux cheveux blancs conduisit son amie au carrosse, alors que cette dernière lui demandait ce qu’il lui prenait. Après quelques questions sans réponses et après avoir atteint le carrosse encore vide, Luciana esquissa un début de sourire presque peiné :
- Tu ne t’entends pas très bien avec lui, n’est ce pas ?
- Je l’ignore, claqua-t-elle sèchement. Et il fait de même en général, c’est juste que…
Elle soupira, d’un soupir à fendre l’âme. D’un geste peu délicat, elle se laissa tomber sur le muret en pierre, et froissa sa robe. Malgré elle, un petit sourire apparut sur le coin de ses lèvres : Tanie allait s’égosiller quand elle verrait que cette belle robe était déjà légèrement abîmée.
Luciana se posa à ses côtés, avec beaucoup plus de grâce, et ses cheveux volèrent dans le vent quand elle pencha sa tête vers elle. Il ne fallait pas être devin pour comprendre qu’elle voulait des réponses. Anastae ne voulait lui en donner aucune mais pourtant, comme si elle en avait terriblement besoin, sa bouche s’ouvrit d’elle même :
- Mon père souhaite que je me trouve un fiancé.
- Oh, et est-ce un problème ?
Elle fronça ses sourcils :
- A ton avis ?
- A ta tête, j’en déduis que oui. Mais tu sais…
Luciana posa ses mains en arrière et courba légèrement le dos, dévoilant son beau visage à la lumière du coucher de soleil, l’éclairant d’une lumière étrange. Dans ses yeux se lisait une lueur nostalgique. Anastae ne connaissait presque rien d’elle en dehors de l’Académie, et il en était de même pour Luciana. Parfois, les expressions qui surgissaient sur le visage de sa nouvelle amie la rendait plus… humaine dans un sens. Elle perdait de cette allure de femme extraordinaire et semblait devenir plus proche d’elle.
Cette dernière poussa un long soupir :
- Je suis moi-même fiancée depuis mon plus jeune âge. Un garçon de famille noble, qui n’atteint certes pas le rang de la vôtre mais qui est tout de même plus élevé que le mien. C’est un gentil garçon, peut-être trop. Il est dingue de moi. Je ne le suis pas, il s’agit là d’un mariage d’intérêt pour ma famille et personne ne m’a jamais consulté. Toi, tu pourras au moins trouver quelqu’un, ton père t’en donne l’autorisation. Ton choix se portera sur qui tu le souhaites et tu n’auras pas de difficulté à l’obtenir. Je n’ai pas eu cette chance.
Anastae y pensa pendant un moment. Luciana était donc déjà fiancée, à quelqu’un qu’elle n’aimait pas, mais en tirerait tout de même un avantage. Elle saisissait que ce soit frustrant de vivre une vie comme celle ci, sans amour. Cependant, elles savaient toutes les deux qu’un mariage n’était pas la même chose que dans le monde des humains : chacun pouvait battre de ses ailes aussi loin ou aussi près qu’il le souhaitait.
Il se pouvait que la seule chose qui la frustre soit qu’elle n’ait pas eu accès à plus grand :
- Tu dois te sentir désolée, la taquina Luciana.
- Pas vraiment, répondit-elle, totalement honnête.
Si elle pouvait mentir, elle détestait le faire, une condition de son sang de fée. Elle se permettait donc de dire la vérité pour des choses peu importantes et s’en sentait presque mieux après toutes ces années à mentir sur tout ce qu’elle était.
Luciana éclata de rire face à sa sincérité :
- Tu es vraiment honnête, c’est surprenant ! Quoi qu’il en soit, ne te fais pas trop de soucis, tu peux encore repousser la date de tes fiançailles. Et si tu veux un peu provoquer ta famille, choisit un serviteur.
- Ton idée n’est pas mauvaise, sourit Anastae, désormais de meilleure humeur.
- Les filles, nous y allons, déclara alors sa belle-mère en leur faisant signe de grimper dans le carrosse.
- Contente de te voir sourire, continua Luciana. Une belle soirée s’annonce et qui sait, peut-être que tu rencontreras l’elfe élémentaire ?
Anastae secoua sa tête, sûre d’elle. Cela faisait presque sept ans qu’elle attendait de la voir, jamais, au grand jamais, elle ne s’était montrée, encore moins que les Princes ou la Reine. Elle n’y croyait tout simplement plus désormais. Si elle venait à la rencontrer, ce ne serait pas lors d’un bal de la grande Cour.
Elle l’expliqua à son amie :
- Elle ne vient pas aux bals, ce ne sera pas ce soir où on la verra.
- Le futur réserve bien des surprises, répondit Luciana en s’installant dans le carrosse. Ce n’est pas avec un tel pessimisme que le destin jouera en ta faveur. Crois en tes rêves.
La jeune fée aux cheveux blancs s’installa à côté de Luciana et toutes les deux ainsi que sa belle-mère attendirent dans un silence ponctué de quelques questions ses frères. Elle s’étonna de les voir arriver ensemble. En général, ils ne passaient pas énormément de temps ensemble : leurs centres d’intérêts et leur cercle amical était différent, ils ne se retrouvaient que tard le soir dans le salon, riant et parlant de tout et de rien.
Anastae les trouvait étranges mais ne les connaissait pas assez pour déterminer quoi que ce soit : c’était des jumeaux, ils devaient bien avoir des petits secrets :
-Père nous rejoindra plus tard, il doit faire quelque chose, déclara Meludiz après un bref sourire pour Luciana.
Le carrosse se mit en route. Cette dernière fut assez courte, ils habitaient près du palais, et assez silencieux, si ce n’était la mère des jumeaux qui parlait avec Luciana de tout et de rien, convaincue qu’elle provenait d’une famille aisée. Quand ils sortirent tous, Anastae fut presque soulagée de ne plus l’entendre, son hypocrisie était tellement fausse qu’elle lui donnait envie de vomir. Luthias lui saisit alors le coude :
- Essaye de trouver quelqu’un du nom de Laliz, il paraît que…
- Tu vas me lâcher avec ça ?
Son propre ton énervé la surprit autant que son frère. Ils se fixèrent pendant un instant, dans l’incompréhension, et Anastae trembla. D’un seul coup, son regard fut attiré par le haut du palais. Ce dernier en rencontra un autre, d’une teinte qui semblait briller. Tout sembla changer, une nouvelle force vint dans ses veines et elle eut le sentiment de rencontrer quelque chose de nouveau. Cette personne était enroulée dans une cape, mais un clignement d'œil plus tard, elle n’était plus là.
Sans doute avait-elle rêvé, elle ne le saura jamais. Quoi qu’il en soit, son frère la regarda comme s’il s’agissait d’une nouvelle personne. Presque paniquée, elle poussa un petit cri et Luthias s’empressa de la lâcher et de reculer de quelques pas.
Elle se détourna rapidement, presque gênée d’avoir autant réagi, et s’empressa de saisir sa nouvelle amie par la main pour l'emmener dans l'intérieur du palais. Ce dernier était sublime, l’architecture dépassait l’imagination et pendant un instant, comme à chaque fois, elle regarda la cascade de l’entrée et le lustre en diamant. Tout était extrêmement luxueux, bien que les fées n’aiment pas tellement rester à l’intérieur. Anastae avait grandi dans la maison de l’ancien général du royaume et désormais d’un conseiller de la Reine : bien entendu qu’elle vivait dans un univers riche mais cela… Jamais ses yeux ne pourraient s’en remettre.
Luciana poussa un hoquet d’exclamation :
- Par la Reine… C’est tellement…
- Magnifique, compléta la jeune fée aux cheveux blancs.
De la musique parvenait des grands jardins ainsi que des rires, ponctués de cris de douleur : les fêtes et les bals des fées étaient remplis de douleur. La nature cruelle des fées faisait qu’elles ne pouvaient passer une soirée sans voir un peu de sang, de tristesse, de désespoir. Anastae n’avait jamais aimé cela, malgré ses origines, et devait se forcer pour ne pas détourner les yeux : au moins, les fées croyaient que son manque d’expression était sa cruauté.
Cette dernière se laissa guider par ses pieds qui avait déjà fait quelques fois ce chemin, parlant à Luciana de comment était le palais dans son intégralité, souriant en voyant à quel point elle était ravie d’être ici. Luciana était superficielle, elle en avait conscience. Mais elle était convaincue qu’il y avait plus que cela derrière son expression malicieuse. Elle l'avait déjà montré avec son mariage.
Rapidement, elles arrivèrent dans les magnifiques jardins. Désormais, il faisait nuit noire mais des lumières bleues ponctuaient le ciel et éclairaient les fées d’une lueur magique. Cet endroit était gigantesque et débordait de végétation plus sophistiquées les unes que les autres.
Anastae pensa aux pensées de Luthias. Son père avait-il déjà trouvé quelqu’un pour elle, malgré ce qu’elle avait compris ? Dans ce cas, elle allait tout faire pour l’éviter.
Luciana lui glissa quelques mots à l’oreille :
- Souviens-toi d’ouvrir les yeux, les bals cachent plus de choses que les nobles le pensent.
- Dis celle qui met les pieds ici pour la première fois.
Cette dernière lui adressa un petit sourire et se détourna pour aller vers le buffet. Anastae ne lui en voulait pas : elle avait aussi voulu tout observer la première fois qu’elle avait mis les pieds ici, à seulement l’âge de huit ans. Désormais, ce lieu lui semblait un peu plus familier et elle avait appris à trouver normal le fait que toute sorte d’espèce soit en train de circuler dans un immense jardin.
Une musique féerique atteignit alors ses oreilles. Elle devait être jouée quelques mètres plus loin car Anastae ne ressentait pas encore la violente envie de se mettre à danser jusqu’à ce qu’elle meurt d’épuisement. Les fées n’étaient en temps normal attirées par leur musique mais Anastae avait du sang humain : il était dur de résister et encore plus de s’arrêter.
Après que son père l’ait retrouvé les pieds en sang, haletante, délaissée dans l’orée d’une forêt, lorsqu’elle avait cédé à la tentation, elle s’était jurée de ne plus jamais s’approcher d’une telle chanson. Sans doute avait-elle été traumatisée par les cris de son père et celui de ses frères alors qu’elle n’était qu’une jeune fille de dix ans. Ces frères n’avaient jamais saisi ce qu’il c’était passé et elle leur avait vaguement répondu que quelqu’un pointait une lame sur elle pour qu’elle danse jusqu’à sa mort.
Celle qui était jouée par un orchestre lui semblait bien plus raisonnable. Elle s’en approcha donc, trébuchant deux fois à cause de la traîne de sa robe et frissonnant dans le froid de la nuit à cause de son trop plein de peau dénudée. Au passage, elle saisit une coupe d’un délice qu’elle savait inoffensif et la but en quelques gorgées. Cela l’étourdit un peu et, inconsciemment, elle se détendit.
Anastae souhaitait passer sa soirée près de l'orchestre ou tout simplement près du bassin gigantesque qui laissait quelques places pour s'asseoir. Elle aimait observer ce monde, tant qu’elle ne s’en mêlait pas, et le trouvait magnifique. Mais quelque chose, ou plutôt quelqu’un, contra son plan.
Une main saisit son verre vide, le remplaça par un suivant, et un jeune homme lui fit face. Anastae l’étudia, suspicieuse. Il avait des lèvres rouges sang, des cheveux d’une couleur fauve et des yeux couleur océans : sa peau était parsemée de taches de rousseur mais son visage en était dépourvu. La jeune fée fronça ses sourcils et lui demanda :
- Qui êtes-vous ?
- Excusez-moi, sourit-il sincèrement. J’ai omis de me présenter.
Il se plia en deux, d’un geste très “gentleman”, et lui offrit son regard le plus audacieux, tentateur. Anastae le fixait, avec comme seul préoccupation comment elle allait faire pour se débarrasser de lui. En temps normal, personne ne lui parlait, ne la regardait, et elle passait inaperçue jusqu’à ce qu’elle se trouve près de ses frères ou de son père. Serait-il…:
- Leith de la famille Laliz. Accepteriez-vous une danse ?
- Vous êtes envoyé par ma famille, répondit-elle à moitié. Ne perdez pas votre temps. Je ne suis pas intéressée.
Sur ces mots plutôt directs, elle lui tourna le dos et reposa son verre sur un plateau qui circulait dans les airs. Anastae voulait trouver son petit endroit tranquille et éviter de parler à qui que ce soit. Elle songea pendant un instant aux paroles de Luciana qui lui avait dit que l’elfe élémentaire serait peut-être là. Pleine d’espoirs, malgré elle, elle tendit son cou pour sonder la foule.
Mais aucune elfe élémentaire ne s’y trouvait.
Elle se trouvait ridicule quand cette même main la saisit par le bras et la fit volter à une vitesse folle. Son souffle se coupa, bien malgré elle, et elle se retrouva forcée de regarder dans les yeux ce certain Leith. Elle n’avait pourtant qu’une seule envie : qu’il la lâche et qu’il la laisse en paix. Seulement, toute son attitude supposait le contraire :
- A vrai dire, je ne suis pas envoyé par votre famille… Je me suis juste intéressé à vous.
Il ne pouvait pas mentir mais cela lui semblait grotesque. Elle le laissa très clairement transparaître sur son visage, un sourcil haussé, une moue désabusée sur ses lèvres et ses yeux lui envoyaient tout son jugement :
- Vous ne me croyez pas, se ria-t-il. Venez donc danser, je vous prouverai le contraire…
- Je ne suis pas…
- Intéressée, je le sais bien. Mais je pourrais sans doute vous faire changer d’avis. Cela ne vous prendra que quelques minutes, et cela vous évitera de tourner dans le vide, une coupe dans la main.
Il saisit sa main dans la sienne, posa la seconde sur le bas de sa taille, et l’attira contre lui, dans une douce étreinte. Heureusement pour elle, la musique qui se jouait n’était pas féerique. Anastae fronça ses sourcils, songea à protester une nouvelle fois, mais rencontra le regard de son père, visiblement ravi. Sa bouche se crispa en voyant qu’elle pouvait le rendre fier, d’une certaine manière en faisant cela.
Alors, elle hocha la tête et laissa Leith la guider dans une douce danse. La jeune fille ne dansait pas vraiment bien mais ce jeune homme avait un tel talent dans ce domaine qu’elle se retrouva à exceller dans ce domaine, en se calquant sur ses pas. Pendant un instant, ils ne parlèrent pas mais Leith engagea la conversation :
- Puis-je vous tutoyer ?
- Fais, répondit-elle, pensant totalement à autre chose.
- Tu es ravissante.
Elle évita le compliment :
- Etudie-tu à l’Académie, je ne t’ai jamais vu ?
- Je suis dans la section chevalerie, nous n’avons pas de cours en commun, mais je suis avec ton frère.
Serait-ce son frère qui lui avait gentiment suggéré de venir lui parler ? Il semblerait que non, s’il ne pouvait mentir, mais était-ce le but de Meludiz ? Ce dernier, en temps normal, était celui qui se fichait le plus de ce qui arrivait dans sa famille. Il souhaitait juste suivre le chemin de son père et devenir, à son tour, chevalier.
Anastae ne l’avait jamais compris. Comment pouvait-il vouloir devenir un assassin de sang froid ? Sa gentillesse à son égard lui semblait désormais bien illusoire en voyant son projet d’avenir :
- Êtes-vous amis ?
- Bien entendu, c’est quelqu’un de très charmant.
- Va donc lui proposer une danse dans ce cas.
Leith éclata de rire. Cela ne fit pas frémir la commissure de ses lèvres mais lui provoqua un sentiment de satisfaction. Peut-être n’était-elle pas totalement sans émotion et sans divertissement… Elle pencha alors sa tête et lui offrit un début de sourire, ce qu’il sembla prendre pour un encouragement :
- Ton frère n’est pas vraiment ce qui me plaît chez quelqu’un. Pour répondre à ces critères, tu serais la personne idéale parmi celles que je connais…
- C’est donc ton plan ? Me séduire, me mettre dans ton lit, et me fiancer par la suite ?
Elle approcha son visage du sien et lui marcha intentionnellement sur le pied :
- Que cherches-tu ? La gloire ? Le pouvoir ? L’argent ? Un rang ?
- Pourquoi tu…
- Car je suis une proie facile. La fille de l’ancien général de l’armée, le plus proche conseiller de la Reine désormais, la sœur de ton ami. Je dois paraître fragile, banale, peu intéressante, seulement quand on sait de quelle famille je proviens… Je ne suis pas convoitée et tu dois me penser si seule que je tomberais dans les bras de quiconque me donne de l’attention. En te donnant ma main, tu auras tout ce que tu souhaites et cela est bien important pour beaucoup de personnes.
Leith la fixa de ses beaux yeux, encore plus intéressés désormais. Anastae se demanda une nouvelle d’où sortait cette nouvelle fougue et se referma de suite sur elle-même. Elle n’aimait pas être animée de sentiments, de quelque chose, elle voulait retrouver la fille qui se faisait malmener par quiconque le souhaitait…
Ses yeux plongèrent dans ceux de Luciana, qui l’observait sur le bord de la piste, entourée de deux elfes qui riaient à gorge déployée. Un sourire satisfait naissa sur les lèvres de son nouvelle amie et elle lui adressa un pouce levé en signe de félicitations.
Anastae ferma ses yeux.
Elle penserait à tout cela cette nuit. Maintenant, elle avait autre chose à prendre en mains et elle n’avait pas envie de commettre une erreur sous prétexte qu’elle ne se reconnaissait plus :
- Tu es bien méfiante, répondit alors Leith. Et c’est tout à ton honneur. Ce serait mentir de te dire que ton statut n’a pas facilité ma venue mais… il y a autre chose. Tu es différente.
Elle tourna des yeux surpris vers lui, bien qu’elle savait qu’il ne pouvait voir dans quelle direction elle regardait :
- Je suis quelqu’un qui veut ce que personne ne souhaite. Ensuite, je leur montre ce que j’ai vraiment vu et ils s’en mordent les doigts. Quand je veux une belle histoire, je l’invente.
Il lui offrit son sourire de chat :
- Aujourd’hui, j’en ai commencé le prologue.
Un très bon chapitre !
(petite note qui rappelle mes précédentes remarques ^^ ) et une petite maladresse :
Elle s’étonna de les voir arriver ensemble. En général, ils ne passaient pas énormément de temps ensemble (répétition de ensemble)
Merci encore pour tes petites remarques, je pense commencer à corriger ce week-end, ce me sera donc bien précieux !!