La jeune-femme arriva en Suisse le 15 décembre et se rendit à la clinique après avoir déposé ses affaires dans un hôtel près de la gare. Cette maison de santé était placée non loin du Conseil Européen pour la Recherche Nucléaire (CERN), modèle de sciences depuis sa création dans les années 1950. En entrant dans la clinique blanche, Albane fut saisie par l’odeur d’aseptisation. Le médecin référent, la fameuse Mrs Beth Brown, vint directement à la rencontre de la jeune veuve. C’était une femme douce au look très british. Elle avait des anglaises brunes et de fines taches de rousseur mouchetaient son visage. La docteure lui expliqua comment ils allaient procéder. L’intervention médicale commencerait par une stimulation ovarienne contrôlée. Il fallait obtenir chez Albane le maximum d’ovules fécondables. En parallèle, Albane consulterait un psychologue du centre qui s’assurerait de sa stabilité mentale. Il prendrait également note des traits de caractère principaux de son ex-mari. Un graphiste spécialisé en chirurgie plastique l’accompagnerait pour retranscrire les traits physiques exacts de Riccardo d’après photo et description. Christophe acquiesça puis souhaita bon courage à la jeune femme.
Son entrevue avec le psychologue se passa très bien. Albane avait beaucoup de plaisir à lui parler de Riccardo sans se sentir constamment jugée comme elle croyait l’être avec ses anciennes amies. Après cinq jours d’attente où Albane enchaînait les visites de contrôle, elle put enfin remettre tous les papiers à la secrétaire de miss Brown. Elisabeth Brown convoqua alors Albane dans son cabinet. La docteure l’attendait, assise dans son fauteuil de cuir rouge, les mains jointes sur ses genoux. Albane entra lentement, priant intérieurement pour qu’aucune contre-indication ne vienne perturber ses rêves. Miss Brown sortit son dossier d’un de ses trieurs bleus. Elle le feuilleta longuement. Puis, elle releva doucement la tête. Ses lunettes glissèrent sur son nez. Elle les rechaussa, avant de proposer :
— Nous avons pour habitude, avec accord du patient, de garder certains de vos embryons. Ils sont conservés par congélation, ce qui permet, en cas d’échec du transfert, de recommencer le procédé immédiatement, sans avoir à repasser par tout le protocole médical. Un consentement doit être signé pour la congélation des embryons, elle avança une énième feuille sous les yeux d’Albane, et plus tard, si vous souhaitez les décongeler en vue d’un transfert, nous aurons de nouveau besoin de votre signature.
Garder de potentiels bébés congelés effrayait la future jeune mère. Le devinant, Beth Brown se montra rassurante :
— Ce sont juste des embryons. Vous savez, il n’est pas rare de devoir faire plusieurs tentatives avant que vous ne tombiez enceinte.
Albane hocha la tête et signa d’une main tremblante. Elisabeth se leva et se positionnant derrière sa patiente, posa une main sur son épaule, comme pour la féliciter d’avoir fait le bon choix. Beth avait raison, ce n’était pas un procédé rare, Albane l’avait déjà lu quelque part dans la documentation. Il fallait lui faire confiance, et surtout, réussir l’intervention. Le jour de la Fécondation In Vitro fut donc fixé au plus vite.
Albane n’osa même pas prévenir sa mère de ce qu’elle s’apprêtait à faire. Elle pensait que celle-ci n’approuverait pas son choix. Madame Beuron n’avait pas compris son chagrin : elle ne comprendrait donc pas non plus que cette solution était la seule qui pouvait sauver Albane, et Riccardo. « Trop fou, trop dangereux » : les anciens étaient toujours réfractaires à la science. Ça avait d’ailleurs toujours été l’objet d’amicales querelles entre Riccardo et la mère d’Albane qui ne comprenant pas la vocation que se donnait son gendre dans un corps si sombre de la médecine. Pour elle, ce travail contrariait l’éthique religieuse.
*
Le travail des scientifiques dura cinq jours intenses avant de transférer l’embryon dans la mère porteuse. Le transfert fut réalisé dans une salle médicale, à proximité du laboratoire. On demanda à Albane de s’asseoir sur une table gynécologique, à moitié nue, les jambes écartées et les pieds posés dans des étriers. C’est le docteur Elisabeth Brown qui s’occuperait du transfert, assistée par une frêle infirmière aux nattes blondes. Le médecin glissa un cathéter souple contenant l’embryon dans le col de l’utérus de la jeune femme et déposa délicatement l’embryon dans la cavité utérine sous contrôle échographique. Ce geste fut simple, rapide et indolore. Albane put se lever quelques minutes après le transfert. L’infirmière lui conseilla alors de retourner à l’hôtel se reposer. Elisabeth Brown lui prescrit un traitement de soutien par comprimés qu’elle devrait prendre durant douze jours.
Deux semaines après le transfert, elle fut rappelée pour opérer une mesure d’hormone de grossesse dans son corps. Le test était positif : Albane en pleura de joie. Ça y est, elle était enceinte ! Quelle joie ! La jeune femme fut autorisée à rentrer à Lille. Avant de quitter la Suisse, Albane s’autorisa une promenade. « Ça y est, mon amour, nous allons avoir notre bébé », pensa-t-elle en admirant le lac Léman qui scintillait de mille feux. Ce jour-là, ce merveilleux jour, les larmes vinrent à Albane. C’était la première fois depuis la mort de son mari qu’elle parvenait à ressentir quelque chose… et quelle émotion ! Elle espérait que le bébé puisse être l’exacte copie de son père. Aucun détail ne devrait manquer, pas même son grain de beauté près de l’oreille droite, le chirurgien le lui avait promis. La future mère avait déjà le cœur gonflé d’amour. Elle serra très fort sa bague de mariée.
Après son voyage à Genève où elle avait passé presque un mois, Albane trouva une pile de courrier dans sa boite aux lettres. Elle se rappela qu’elle avait oublié de prévenir son employeur de son départ. Sa responsable lui avait d’ailleurs envoyé une lettre pressante où elle l’invitait à reprendre ses fonctions de secrétaire, sans quoi on la remplacerait sans scrupule. Albane sourit cyniquement. Ces abrutis pouvaient bien l’abandonner. Maintenant qu’elle allait le retrouver, elle n’avait plus besoin de personne.
La future maman dut continuer la prise de comprimés jusqu’à ses deux mois de grossesse pour aider son corps. Une échographie de confirmation fut organisée dans une clinique belge. À Bruxelles, des médecins qui travaillaient en connexion avec Elisabeth Brown prenaient le relai. Christophe proposa de l’y conduire. Elle accepta volontiers. C’est là qu’elle vit son bébé pour la première fois… Vers huit semaines, il était déjà possible de distinguer la tête et les ébauches des membres. Les premiers mouvements de l’embryon à l’intérieur de l’œuf étaient visibles dès ce stade. Le cœur battait, lui aussi. Un petit cœur minuscule... La vie ! Dans la salle d'échographie, Christophe restait en retrait, laissant Albane à ses accès d’émotions. Il échangea quelques mots avec le médecin échographe pour s’assurer que tout allait bien. Et tout allait parfaitement.
En rentrant de sa première échographie, la jeune femme songea aux pauvres parents de son mari. Eux seuls avaient compris son calvaire après le décès de Riccardo. Comme elle, ils resteraient figés en cette peine pour le restant de leurs jours. Cette douleur partagée rassurait Albane. Cependant, les Donnelli seniors n’étaient même pas au courant de ce qu’elle était en train de faire. Eux qui avaient mis au monde le vrai Riccardo, trente-trois ans auparavant, étaient en droit de savoir. Albane avait beaucoup de mal à se décider à leur avouer. Comment réagirait une mère à qui on volait son propre rôle ?
Mais cet après-midi-là, elle avait vu le minuscule bébé, et même le petit cœur… Elle se décida enfin à les appeler. Sa voix était pleine d’émotion et de couleurs, pour la première fois depuis ces deux douloureux mois. Les parents de Riccardo répondirent à sa nouvelle par un silence embarrassé. Mr Donnelli finit par reprendre le combiné des mains de son épouse, rendue muette par cette annonce:
— Bon, bon. La science nous étonnera toujours… et toi aussi ma petite Albane. Félicitations à vous, j’aimerais que mon fils voie ça du ciel et s’en réjouisse. Nous tâcherons d’en faire autant…
Albane entendit la mère de Riccardo se pencher vers le combiné, et dans un élan mystique, clamer :
— Après tout, c’est l’annonce d’une heureuse naissance. Nous l’accueillerons comme notre petit fils. Sa naissance restera l’œuvre du bon vouloir de Dieu, qu’en plaise à la science. Qu’il ressemble à notre Riccardo, cela n’a pas d’importance, Amen !
Albane les remercia avec soulagement.
— Mais… Je voulais vous demander...
commença Albane gênée.
— Dis-nous donc,
insista Lorenzo, alors que sa femme était encore sous le choc.
— Je voudrais l’appeler… Riccardo …
souffla Albane, un peu honteuse.
— Ah non ! Ah ça non ! Il ne peut pas s’appeler Riccardo !
tonna le vieux Donnelli.
— Calme-toi Lorenzo per favore !
Monsieur Donnelli jurait dans le combiné. En arrière-plan, Albane entendait les faibles pleurs de Mamie Donnelli qui essayait de le calmer.
— S’il y a bien une chose que je déciderai, c’est qu’il ne s’appellera pas Riccardo ! Cet enfant n’est pas notre fils : Riccardo est mort ! Toi comme ma femme, rentrez-vous ça dans le crâne !
J'ai trouvé le première paragraphe un peu répétitif par rapport au chapitre précédent sinon, comme on savait déjà à quoi ressemblait le centre ;)
C'est un chapitre intéressant, mais je pense qu'il se cherche encore un peu au niveau de sa longueur. Il est à la fois trop court (car on dirait que tu veux tout de même raconter des choses) et un peu trop long (au fond, la plupart des détails reportés n'apportent pas grand chose à l'histoire)
J'espère que ça va bien se passer pour Albane, je croise les doigts en tout cas haha, même si bon, jme fais pas trop trop d'illusions
Et non, tkkt haha je vais pas me lasser pour quelque chose comme ça, PA est fait pour s'aider à s'améliorer
la confrontation avec les parents est vraiment très cool je dois dire, très intéressante à lire