Chapitre 5

Notes de l’auteur : Retrouvez-moi sur instagram : raphaelle_eviana_auteure, je fais aussi du manga et de la BD !

Rdv chaque semaine pour un nouveau chapitre. C'est mon premier roman, je suis ouverte à toutes corrections et suggestions, n'hésitez pas ! :)

Richard Beuron était né durant une chaude soirée d’août. Albane était au bord des larmes : il était bien là ! Elle le prit dans ses bras avec précaution. Cette petite chose semblait prête à se briser. Il s’agita lorsqu’Albane le porta à son sein. Elle le nourrirait. Elle serait son essence. La femme se mit à penser qu’on ne pouvait être plus lié qu’à un être qu’on avait enfanté. Un sentiment nouveau la submergeait, et se confondait totalement avec l’amour qu’elle portait toujours à son défunt mari. Sa relation avec Riccardo serait plus fusionnelle et plus complète qu’elle ne l’avait jamais été. Cependant, le clonage étant interdit en France, Albane n’était pas parvenue à faire porter le nom de famille de Riccardo à leur fils. Faute de mieux, l’enfant était « Né sous X ». Sa mère, sa sœur, et ses anciennes amies d’enfance pensaient Richard être l'enfant d'un inconnu. Même si certaines croyaient à cette histoire de clonage, elles le considèrerait toujours comme une sorte de Frankenstein au visage d’ange. Albane et lui seraient seuls, à deux contre le monde entier, et ce, pour toujours.

*

Durant les premières années qui suivirent la naissance du petit Richard, Albane appelait constamment sa belle-mère. Elle s’informait sur la façon dont cette dernière avait élevé Riccardo : le laissait-elle jouer aux jeux vidéos ou plutôt aux jeux de plein air... ? La jeune mère et la vieille dame partageaient maintenant quelque chose d’unique : elles avaient porté le « même enfant ». Ainsi, à chaque vacance, Albane se rendit à Trieste avec Richard, que Lorenzo prit l’habitude de surnommer « Richy ». Les deux femmes adoptèrent également le surnom, si bien que « Richy » devint le nom d’usage de Richard aux yeux de tous. La mère d’Albane devint jalouse de cette nouvelle proximité entre Mamie Donelli et sa fille. Elle prit ses distances. La naissance de Richy élargit simplement la fissure d’incompréhension qui les séparait.

Albane ne se quittait jamais son petiot. Elle n’acceptait toujours pas qu’une autre personne qu’Anna Donnelli ne s’en occupe. Elle sentait qu'il lui manquait quelque chose, chaque fois qu’il ne se trouvait pas dans son champ de vision. Elle dormait toujours avec lui. Un jour, Lorenzo Donnelli laissa entendre que ce comportement n’était pas très sain pour Richy. Albane, qui communiquait toujours avec Élisabeth Brown, la médecin de Genève, soutint que ce comportement maternel était naturel. Miss Brown, très attentionnée, épaulait beaucoup Albane, malgré son travail très prenant. La jeune mère était sous le charme de cette quadragénaire qui avait tout réussi dans la vie.

**

En grandissant, le petit Richy, s’avéra être un enfant assez docile. Par habitude, il suivait les directives de sa mère. L’enfant remarquait que, lorsqu’il imitait bien son père, elle devenait animée et même parfois souriante. Au contraire, s’il n’obéissait pas, sa maman le délaissait. Elle s’asseyait devant la fenêtre, les yeux dans le vague. Au début, suivre les habitudes d’un autre paraissait à Richy être un « jeu du mime » amusant. Il s’exécutait donc sans trop d’efforts. A l’école primaire, il suivait attentivement les cours. Sa maman le déposait le matin, et l'embrassait -sur la bouche- comme le font de nombreuses mères. Puis, elle le regardait courir pour aller retrouver ses jeunes copains. Christophe Maes et elle lui serinaient souvent qu’il était très important d’avoir les meilleures notes possibles. L’enfant ne se posait pas de questions particulières à propos de la présence de Christophe dans son éducation. Les deux adultes lui parlaient souvent de son papa, un génie de la médecine qui faisait le bien pour les autres. Ils lui racontaient ses milles prouesses et leur souvenir de sa bonté. Albane n’avait d’ailleurs de cesse de lui montrer l’album photo de son père.

— Papa serait fier que tu deviennes un génie comme lui et que tu aides les autres,

lui répétait Albane lorsqu’elle le déposait à l’école.

Alors, Richy imaginait son père comme une sorte de génie des lampes des contes arabes. Il se mit à poursuivre le rêve de sauver le monde. Richy qui ne savait pas vraiment ce qu'était un père, assimila le mot à l’idée de divinité.

Quand sa grand-mère lui téléphone, Richy lui posait souvent cette question :

— Je veux faire comme papa. Il le saura ?

— Mais bien sûr mon trésor, de là-haut, ton papa voit tout ce que tu fais et il est très fier de toi.

***

Cependant, plus Richy grandissait, plus coller à l’image d’un inconnu devenait fatigant. Lorsqu’il entra au collège, l’enfant fit face à de nouvelles difficultés : son père ayant toujours excellé en sciences, Richy se devait d’être à la hauteur. Émergeant du rêve de devenir un superhéros, il se heurtait maintenant à la réalité : suivre les pas d’un génie demandait bien des efforts. Christophe Maes était en contact avec chacun de ses professeurs de sciences et de mathématiques, et il suivait ses résultats de près. Maintenant que Richy était plus grand, sa mère répétait souvent au jeune garçon que sa naissance avait été possible grâce aux scientifiques qui attendaient beaucoup de lui. Il devait être reconnaissant, et obéir à Christophe. S’il refusait, il ne serait qu’un enfant ingrat. Pourtant, Richy ne brillait pas dans ces matières. L’école ne l’intéressait pas trop, bien qu'il soit censé posséder les mêmes aptitudes que Riccardo. Christophe Maes et sa mère lui faisaient la morale conjointement après chacun de ses médiocres résultats. Dans ces moments-là, Albane s’asseyait sur le canapé, la tête entre les mains, pendant que Christophe enchainait les cent pas dans l’appartement, la mine absorbée. Richy faisait exprès de les décevoir. Après tout l'argent et les efforts engagés, c'était inadmissible : il devait se montrer la hauteur de son génie de père.

Christophe Maes avisa alors d’engager un professeur particulier. Ce dernier vint trois fois par semaine : le lundi, le mercredi et le vendredi. Ces créneaux rapprochés ne laissaient aucun répit à Richy. Le professeur lui donnait des exercices à faire en plus de ses devoirs. En contrepartie, Richard demanda à Albane de l’inscrire au club de judo. La jeune femme, inquiète qu’il ne se blesse, n’accepterait qu’en échange de notes supérieures à 13 en sciences. Richy n’accéda jamais au dojo.

Déplorant cette absence d’améliorations, Maes conclut un jour :

— Ça ne peut être qu’un enfant surdoué qui refuse de nous montrer ses atouts.

Il expliqua sa théorie à Albane, un énième soir où il venait rendre visite aux Beuron dans leur appartement, rue de la Halle. Christophe prit alors la décision de faire participer Albane et son fils à deux séances de thérapies. L’une se déroulait chaque semaine, et prenait la forme d’une discussion avec d’autres élèves « surdoués » qui refusaient d’utiliser leurs capacités scolaires. Les familles se réunissaient autour d’une table circulaire, ce qui donnait l’impression à Albane de se rendre chez les alcooliques anonymes. Les parents aussi étaient présents, ils aimaient parler longuement de leur petit génie et semblaient parfois avoir davantage besoin de cette thérapie que leurs enfants eux-mêmes. La séance était orchestrée par une médiatrice opulente et à l’optimisme suintant. L’autre séance de thérapie était individuelle. Albane et Richy étaient contraints de se rendre une fois par mois chez un psychologue de Louvain recommandé par Christophe. Les scientifiques d’Anvers suspectaient sans doute la jeune femme de ne pas s’y prendre correctement avec le jeune prodige. Richy devait devenir un homme équilibré pour garantir l’avenir de la science. Albane détestait cette entrevue. Le vieux psychologue édenté la questionnait longuement sur l’éducation de Richy. Il ne manifestait jamais aucune réaction à ses réponses. « Continuez » disait-il, lorsque ce n’était pas « Poursuivez ». Il la laissait déblatérer seule et la fixait de ses yeux vitreux, le doigt sur la tempe, pendant que Richy s’occupait de ses crottes de nez. Pour Albane, Richard, au même titre que Riccardo, était tout ce qu’il y avait de plus sain d’esprit. Quant à elle, l’idée que Maes puisse la prendre pour une incapable et donner raison à tous ces abrutis : ses voisins, ses collègues… qui la jugeaient folle, cela la répugnait.

Malgré ces difficultés d’éducations, Christophe, célibataire depuis une bonne quinzaine d’années, commençait à tomber sous le charme de la fragile Albane. Il n’en restait pas moins professionnel en ce qui concernait le programme. Il dirigeait l’emploi du temps du jeune garçon avec une volonté de fer. Cependant, lorsqu’il n’était pas question du programme, il se laissait aller à la douceur mélancolique qui entourait la jeune veuve. Il arrivait plus tôt chez elle. Ils discutaient alors de tout, de rien, de Richy, du temps, de la nature… Pour Albane, la présence de Christophe était rassurante. Mais pas davantage. Évidemment, elle songeait toujours à Riccardo. Elle perçut la timide attirance que Christophe commençait à nourrir pour elle, mais n’y réagit pas. L’homme semblait assez respectueux et délicat pour qu’elle n’eût pas à mettre au clair leur relation, pour elle seulement amicale. D’un certain côté, laisser un espoir à Christophe lui permettait de se sentir moins seule, moins vieillissante. Et puis, ils avaient un but commun.

Mais son âge la rattrapait malgré tout. Elle le comprit lorsqu’un jour, en sortant de la boutique de la pâtisserie Méert, elle trouva Christophe qui l’attendait. Tous les deux marchèrent en silence vers la Grand-Place de Lille. Ils trouvèrent une place dans un chaleureux café où ils commandèrent café et gaufres liégeoises. Ils échangèrent des banalités, où Christophe se confortait, ayant l’impression d’être en rendez-vous avec la belle femme. Mais, en entamant sa gaufre, le scientifique revint à un sujet plus sérieux dont il devait lui parler :

—  Je sais que tu as conservé des embryons en Suisse, dans le cas où ta grossesse n’aurait pas fonctionné du premier coup...

Il y eut un silence, où, comme le dit joliment l’expression, un ange passa. Albane s’était arrêtée de mastiquer, elle agrippait la table en essayant d’avaler sa bouchée. Mais sa gorge restait nouée. Christophe revint à la charge :

— Tu ne penses pas que ce serait peut-être le moment de donner un petit frère à Richy ?

Cette fois-ci, Albane s’étouffa. Christophe lui tendit le fond de tasse de son café. Après s’être remise de ses émotions, elle s’exclama :

— Mais, tu n’y penses pas… Et puis j’ai 40 ans maintenant... mon corps n’est plus en âge de porter un enfant

Elle aurait souhaité que Christophe l’assure que si, qu’il la flatte, qu’il lui dise qu’elle seule pouvait remplir cette mission. Mais l’homme resta de marbre, et focalisé sur sa mission première, l’avenir de la science :

— Les embryons sont là, il n’y a pas besoin que ce soit toi…

se hasarda-t-il,

— Il y a des mères porteuses...

— Ah non !

Albane fondit en larme.

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Alice_Lath
Posté le 10/05/2021
J'ai beaucoup aimé ce chapitre je dois dire, voir le jeune Richard donne vraiment de l'élan au récit, avec son côté rebelle bien justifié et la détresse psychologique d'Albane. J'ai hâte de voir plus de scène avec ce jeune adolescent.
Pour 40 ans, on peut encore avoir des enfants, tsais. Ma mère a eu mon petit frère à 42 ans et ça s'est très bien passé, même si c'est vrai que c'est pas l'âge optimal
Mais je comprends la réticence d'Albane, c'est autre chose encore
Juste un point : à nouveau, dans ce chapitre, je remarque que tu es beaucoup dans le "tell" et pas tellement dans le "show", ce qui réduit la puissance de l'intrigue
N'hésite pas à me contacter par mp sur le forum si tu veux qu'on en discute (mes notifications sont cassées, je peux plus voir les réponses à mes coms : ') )
RaphaelleEviana
Posté le 17/05/2021
Merci pour ton comm ! Oui c'est un défaut de mon récit que j'ai tenté de travaillé en vain, je dois m'accrocher pour revenir dessus haha, normalement plus on avance dans l'histoire et moins je le suis. Mas c'est vrai que des conseils pour réécrire dans le "show" seraient bienvenus :D
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