BOUMMM !... BRAOUMMM !… BADABOUMMM !…
Ouhhh pinaise, Marge !
Regarde ça Homer, ma choucroute ça l'a toute dézinguée.
Pourquoi cette ombre sur ton visage ? Tu restes très belle dans l'agonie, Marge.
Tu pourrais au moins attendre mon dernier hoquet pour m'envoyer des fleurs. Remarque, t'es pas mieux loti.
Comment ça ?
On voit tes dents pourries à travers ta joue.
Ah, je l'avais même pas senti. Je suis comme anesthésié.
On pue sacrément, non ?
Je sens plus rien. Dis-moi, Marge, tu connais l'évangile selon saint Oppenheimer ?
T'en a de bonnes. Comment je pourrais connaître un truc pareil.
Il a été retrouvé à Hiroshima en 1946 au pied d'un ginkgo biloba.
C'est qui ça Ginkgo Biloba ?
C'est personne. C'est une espèce d'arbre très résistante aux agents mutagènes, le premier végétal à avoir bourgeonner quelques mois après l'explosion.
C'est quoi ce délire ? T'as fumé un joint ou quoi ?
Bouge pas, je te le lis.
Tu me lis quoi ?
Bah, l'évangile, pardi. Bouge pas.
Comment voudrais-tu que je bouge, je suis ensevelie jusqu'au croupion.
En ce temps-là, Oppenheimer disait à ses disciples à Los Alamos : je vous laisse la mort, je vous donne ma mort ! Ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. À peine un pet foireux imperceptible, et hop ! Ce sera une mort douce, la plus agréable qui soit. Vous verrez, les experts vous le confirmeront en temps voulu. Allons, que votre cœur ne soit ni bouleversé ni effrayé. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : je m’en vais, et je reviens vers vous ! Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars rejoindre le Père Einstein, le Père Einstein qui est plus grand que moi. Oh oui, bien plus grand mathématicien et chevelu que moi. Certes, sur moi il n’avait aucune prise, mais il faut que le monde sache que j’aimais le Père Einstein plus que Dieu et le Diable réunis, et que j'ai toujours fait comme le Père Einstein me l’avait suggéré en tapinois. Cependant, j'aimerais vous dire que si ma carrière était à refaire, j'aurais préféré être plombier ou colporteur. Ah ça oui ! Vous me croyez, j'espère ? Cela me ferait tellement plaisir que vous me croyiez !
Oui, et alors ? C'est très con !
Alors rien, c'était juste pour passer le temps avant de nourrir les pissenlits. Je t'aime Marge, tu sais. Je t'ai toujours aimé comme un puceau qui se croyait sans avenir.
T'approche pas, démon ! Tes pulsions nécrophiles tu peux te les garder pour les lapins.
Voyons, Marge, je n'ai jamais fait l'amour avec un lapin mort, je te le jure.
Oh tais-toi donc, je préfère entendre un serpent siffler qu'un homme qui jure.
On aura quand même eu notre étoile sur le Hollywood Walk of Fame.
Ça me fait une belle jambe.
Euh... tu veux dire celle qui te reste.
Hein ?... Quoi ?... Qu'était-ce ?... J'avais dû encore m'assoupir et laisser Morphée m'abuser.
Sauf que là, le lanceur de sable m'avait éclaboussé le chant du cygne des Simpson en plein dans les mirettes. Les Simpson qui avait toujours été ma série culte préférée, ma cocaïne des zygomatiques depuis tant et tant d'années. Je connaissais encore par coeur les répliques tordantes de la famille en jaune :
Je suis Woody Allen perdu dans un film de Stalone !
Marge, en étant flic tu deviens l'homme, ce qui fait de moi la femme !
Tais-toi mon cerveau, ou je te tue avec un coton-tige !
Incroyable ! J'avais eu l'insigne honneur d'accompagner mes héros caustiques de Springfield en leur dernière demeure. Homer et Marge grands seigneurs, le cul dans la vase, auréolés de fumée, étaient venus me faire leurs adieux. J'en fus fortement ébranlé. Quelle signification pouvait avoir ce rêve fugace ? Qu'avaient-ils voulu me dire ? Oppenheimer, bien sûr, je connaissais ce sale bonhomme, j'avais lu la biographie de Kai Bird et Martin J. Sherwin. Mais après ? Dali mort, Kubrick mort, les Simpson morts, qui allait mettre des rires dans ma tirelire satirique, maintenant ?
À part moi, qui d'autre ?
C'est alors qu'une illumination ne s'embarrassa pas pour m'illuminer. Pas de doute possible, Homer et Marge étaient venus m'adouber comme leur héritier post-apocalyptique. Le message était clair, quoi qu'il m'en coûte, je devais perpétuer la folie hilarante des Simpson, rendre aux Simpson tout le bonheur qu'ils avaient répandu dans mes veines au cours de ma vie.
Ni une ni deux, je me suis propulsé dans la chambre. Paf ! J'ai posé ma main comme un aimant sur la pile de carnets qui trônaient sur la table de chevet.
J'en ai ouvert un.
J'ai laissé vierge la première page pour le titre. Comme rien ne me venait, j'ai écarté délicatement les cuisses des deux suivantes. J'ai empoigné mon stylo. Et je me suis mis à faire couler mon encre fièvreusement...
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BOUMMM !... BRAOUMMM !… BADABOUMMM !…
Baroufs tintamaresques, shrapnels tentaculaires, gerbes chatoyantes. Parée de couleurs nitescentes, la pyrotechnie venait donc d'étaler ses miracles dans tous les coins du globe. Criticité et neutronique aux petits oignons. Impulsion magnétique, vaporisation, dislocation, à l’abri de toute critique. De vos neurones disjonctés jusqu'aux viscères de la matière, je vous mets 20/20 les zélotes physiciens. Un vrai travail d’orfèvre !
Peut-être juste un bémol. Pour parfaire l’exhibition, histoire de pleurer un peu pour le plaisir de l’âme, ne manquait à mon goût que les oratorios exaltés et grandioses de Haendel, le compositeur qui le premier étrenna la tradition des feux d’artifice musicaux. Mais bon, ne chipotons pas. Même privé des enceintes les plus puissantes au monde, le triomphe était là. Je soupçonnais le public enchanté, des applaudissements à tout rompre, des claquements de mains poudrées. Et même phosphorescentes. Ô Pompéi de rêve !
Ah sacrebleu ! Ils l’avaient fait !
Ils avaient roussi jusqu’aux racines l’herbe tendre sur laquelle ils se prélassaient. Que voulez-vous, ils en rêvaient depuis tellement longtemps de ce charter pour l'éternel oubli. Le tour opérateur le moins cher ? Lastminute.Boum, bien sûr ! N'hésitez pas, c'est gratuit pour tout le monde. Ah, vous allez vous régaler. Voyage en première classe vers les abysses, plongeon dans le benthos jusqu'à la zone hadale d'où l'on ne revient jamais. Have fun, les supra nullos. Adieu ! Wadae ! Gàobié ! Lebewhol ! Salute, nigaude race humaine. Bon vent, bouches-gouffre à dévorer de l’homme, haine pure à désosser de l’homme. Finito vos perpétuels besoins de vous croire plus fort que l'autre, meilleur que l'autre, plus juste que l'autre. Finito vos broncas, huées, cancaneries, médisances, si vains caquets. Si on ne vous a pas appris la politesse à Oxford Cambridge, je vous en toucherai deux mots. Allez ouste, du balai !
Motus et bouches cousues !
Et place au zinzinulement du colibri, au frou-frou du machaon sous les jupes du zéphir, au friselis de la rivière entre les coteaux sablonneux. Place au bruissement de mon feu, au chant de ma bouilloire, aux soupirs de mes masques primitifs. Et puis m’asseoir dans la ouate, clope au bec, sans plus penser au Mal, à vous les Zhoms, en dégustant peinard la noblesse du temps d'excellence retrouvé.
Si bout de chou se vengeait encore du marchand de sable, ce n'était à vrai dire pas si jouissif que cela. Tout ce qui restait de bon encore en moi refusait de vibrer. Le chagrin n'accrochait pas. La pitié fainéantait. Ma miséricorde ne voulait plus dealer. Seule l’ironie, tel un ersatz d’indulgence, continuait de danser la gigue dans mon cervelet.
Pauvre race qui se disait humaine, me répétais-je tout mielleux ! Elle respectait tellement la Vie qu'une poignée de dingos avaient suffi pour concrétiser ses désirs enfouis d'anéantissement.
Ah, ah, ah ! Mortecouille ! Ils l'avaient fait !
Que dire ? Loués soient-ils !
Moi, l'animal farouche, ils m'avaient libéré de mes absurdes chaînes philanthropiques. Plus besoin de grognonner dans ma tanière. Plus besoin de vitupérer la bêtise humaine qui jouissait d'une liberté sans bornes depuis les guéguerres sumériennes, puniques, lamiaques. J'en passe et des meilleures.
Bien des fois, j'avais vu rouge pour des choses futiles ou de grandes causes, mais là le déconnage avait été si rutilant, si absolu, qu'au lieu de tempêter contre mon présage, l'ankylose me roidit jusqu'à me porter hors du monde sensible.
Ah, ah, ah ! Que Belzébuth me tripote avec ses mains pouacres, ils l’avaient fait. D’un holocauste l’autre, d’un « plus jamais ça » l’autre, les Zhoms de carton-pâte étaient enfin parvenus à porter l’art de se détruire à son apogée. In nomine Patris, Al Hamdoulilah, Chema Israël ! Paroles d'empoisonneur de termitière : bon débarras !
Je ne sais pourquoi, je me suis mis à penser aux moines trappistes et autres moniales blottis au fond des prieurés. Ces bienheureux cisterciens de la Stricte Observance avaient dû s'ébaubir en voyant fondre sur leurs poivrons, tomates, courgettes, ces gigantesques boules de flammes torréfiantes. Je supposais la stupeur éclabousser leurs rétines dubitatives : sont-ce dragons de la géhenne, fournaise du désir de l'ardente vérité ? J'entrevoyais un grêle "Dieu Tout-Puissant" coincé au fond de leur gosier. Et puis ce flash fulgurant pendant que les laudes se dissolvaient en gaz de ratatouille. Rosaire, psautier, scapulaire, tout cela avait été rendu au néant en un éclair. Tel un abracadabrantesque viol d'éternité. Drôle de récompense pour ces ascètes qui vénéraient les inertes voluptés faites de silence, de patenôtres et de scaroles frisées.
Sérieux ?
Était-ce là le signe parlant du Dieu saint et sacré qui avait voulu dispenser sa gratitude à leurs hommages assidus ? J’en doutais forcément. L’ère n’étant plus aux béatitudes, les prêches sur Tik Tok n’attendrissant plus personne, que serait venu foutre un Être suprême dans ce pandémonium béotien, à part brader son auréole sur E.bay ?
Quant à la masse ! Devais-je m’épancher sur son innocuité artificielle ? Me fallait-il plaindre ces wagons de niais pétris de bons sentiments, de flasques idéaux, de valeurs éparpillées à fleur de rêve, qui passaient à travers la Vie comme des fantômes égarés ? Quelle excuse pouvais-je trouver à ces pékins magnétisés sans cesse par les frelons asiatiques ? Comment pardonner l’innocence astucieuse de tels hypocrites quand, dans chaque pays, tous autant qu’ils étaient, ils ne pouvaient s'empêcher de désigner les pires arrivistes, les pires teigneux, les pires mabouls, pour administrer leurs angoisses existentielles.
Au juste, comment s’y prenaient ces maîtres dingos pour faire autant d’adeptes ? Abracadabra ! En ne faisant rien d’extravagant en fait. Il leur suffisait de mettre le doigt sur le tout petit salaud qui se terrait au fond d'eux. Avec des images faciles et parlantes, usant d’un lexique mesquin qui touche à l’instinct de préservation, ils saupoudraient du sel sur les plaies des plus démunis, émulsionnaient le coeur des indignés, des loosers, des dépressifs, jusqu’à ce que ce coeur trouve enfin un ennemi responsable de son mal-être. Dès lors, commençait à tinter dans leur ciboulot ce mantra entêtant : après moi les mouches ! Zappons cette vie de zombie, se disaient-ils, et voyons voir si morte la mort, plus rien ne meurt, comme vaticinait ce bon Shakespeare.
Piane-piane, chacun avait donc nourri l'âcre ventre de l’ogive puis l’avait propulsé dans le lointain pour ruiner son nuisible. Rapport de stage de ce suicide planétaire : non seulement ils s’étaient tous ébouillantés la gueule, mais ils avaient laissé sur l’astre sublime qui les avait vu naître les traces indélébiles de leur déchéance.
Bien sûr, l’aliénation mortifère des Zhoms de carton-pâte ne datait pas d’hier. Quand, à l’aube de l’histoire, l'Australopithecus se jeta sur le singe, l’estomac plein, une massue à la main et le meurtre dans les veines, le singe sut que l’homme était sinoque et qu'il le resterait très longtemps.
Quitter le règne paisible des primates avait sans doute été la première bévue transcendante de l'Australopithecus. Lui cherchant une excuse, d'utopistes anthropologues avaient eu la crânerie d'appeler son mutationnisme : théorie syntétique de l’évolution. Tu parles, Smith ! Évoluer vers quoi ? La vacuité ? Les geysers de l'ego ? La mélasse neurologique ? Restons seyant. Un yéti s'en serait taper le cul sur un cactus pour qu'en sorte un pet festif.
Souvent, je m'étais posé cette question : quel avait bien pu être ce premier narcisse qui s'était distingué de son frère singe en faisant le clown ? Mon hypothèse en valant d'autres, j'imaginais ce corniaud se prélassant sur la branche d’un baobab, à se demander comment il allait pouvoir impressionner la macaque qui lui refusait son derrière. Je le voyais se redresser d’un coup en se grattant les roupettes, faire quelques pas de kizomba et lui gesticuler : eh regarde un peu, on a pas besoin des bras pour marcher sur les jambes. La bipédie avait dû naître ainsi, puis le harpon, puis le feu, puis la roue, la fainéantise, l'envie, la loi du plus gros braquemard, et avec eux les premières emmerdes de l'Humanité.
En restant bonobo, tranquillement à quatre pattes, jamais nous n'aurions eu l'idée de larguer des bombes sur nos têtes et la déesse-Terre. En restant bonobo, jamais nous ne serions devenus pédantesques, m’as-tu-vu, pontifiants, au point de nous voir comme l’entité centrale la plus significative de l’Univers, au point de nous targuer d’être supérieurs à toutes autres espèces, excluant même les animaux de toute considération morale. En restant bonobo, notre Dieu s'appelerait toujours : Fornication ! Queutards intelligents, saute-au-paf pacifistes, nous stabiliserions toujours l'osmose en privilégiant l’amour à la guerre, le Kama Sutra au coup de sang. Qu’une tension surgisse entre nous, nous irions toujours au yaourt tous azimuts, amènerions fissa le petit au cirque, pour radoucir les énervés, désamorcer le moindre conflit. Si nous étions restés ces grands libertins de la jungle, nous aurions pu envelopper d'Amour la Terre entière, garder l’Amour qui enivre, garder l'espoir qui fait vivre, faire de l'espoir une lumière et de l'Amour une liqueur.
Trois jours avant le "Doomsday", les dernières gouttes de liqueur avaient malheureusement été lampées par la fatalité.
Rien de vraiment nouveau sous le soleil, me direz-vous ! Face à l'imminence du péril, les comportements des Zhoms prirent des tournures aussi débiles qu'attendues. Évidemment, bille en tête, pris d'une panique effrénée, les pillards enclenchèrent les razzias. Armés jusqu'aux dents, des miliciens improvisés leur dire : non, vous ne volerez pas cette pyramide de PQ, ni ces cartes Pokemon, ni ce lot de bonbons moelleux à la coque croustillante, pas plus que ce chiotte japonais qui parfume la rondelle au jasmin ! Très vite, des mares de sang inondèrent les parvis des supermarchés. Évidemment, dans la foulée les gauchos s'offusquèrent sur X : qui vole est un voleur, sauf quand il a faim ! Ce à quoi les miliciens leur rétorquèrent : qui tue est un assassin, sauf quand il sauve le bien d'autrui, qui plus est un chiotte japonais qui parfume la rondelle au jasmin !
Plus tranquilles, les simples d’esprit, flegmatiques et autres moucherons anesthésiés continuèrent de vaquer à leurs mornes occupations attendant l'heureux pare-brise qui allait les percuter de plein fouet.
Enfin, les ombrageux, péteux et autres snobs qui aimaient encore un peu la vie commencèrent à couvrir d'implorations les marches d'or des séraphins. Regard rivé au ciel, tout ce vulgum pecus s'engoua soudain pour la prière angélique. Dans les dunes, les rizières, les taudis, les palaces, chacun appela son Dieu perso, ses saints, les cousins de ses saints, les dobermans des cousins de ses saints, la fée Clochette, à la rescousse. Sous toutes les latitudes, le temps se suspendit atrocement. Vissés au minaret, les muezzins s'égosillèrent, chantant leur triste complainte séculaire sans boire un filet d'eau, sans porter une cuillère dans la semoule. Des monceaux de cierges pascal se hissèrent en dominos sur les places les plus touristiques, les cloches des cathédrales tintinabulèrent à tue-tête, les bols tibétains Full Moon, riches en étain, fabriqués uniquement les nuits de pleine lune, résonnèrent de notes graves et aiguës, cependant que les génuflexions pullulaient autour du moindre calvaire paumé en rase campagne. Pour fuir les larves de l'angoisse, nombre d'athées se mirent même à psalmodier des suppliques pour écarter du globe terrestre les puissances malfaisantes.
Deux jours avant le "Doomsday", le miracle sembla jaillir. D'un coup, chacun se souvint qu'on était tous des enfants perdus en mal d'innocence. Dare-dare, les quatre coins de la terre s'animèrent d'une généreuse concorde, liquéfiant toutes les complications, faisant fondre, comme il arrive dans les songes de la nuit, la gêne et l'affectation. Presto, cette goutte fraternelle se transforma en une pluie diluvienne. De Lima à Bamako, de Shenzhen au pôle Sud, des millions de mains s'agrippèrent pour former de vibrantes chaînes humaines aux sons des cornemuses, des djembés et des luths. Et l'on se sourit avec de la buée plein les yeux, et l'on se bécota la peau, le sang, le coeur, et l'on dansa jusqu'à l'ivresse, bras en croix, tels des derviches qui activent le mécanisme parasympathique de leur système nerveux.
Émus aux larmes, les médias nous empiffrèrent alors de flashes saisissants, poético-loufoques. Ainsi, défilèrent en boucle ces quinze traders New-Yorkais lesquels, à genoux dans Financial District, déchiraient sauvagement des billets de 100 dollars. On nous montra ces rabbins hassidiques qui désertaient en courant les yeshivas de Méa Shéarim et venaient devant les caméras promettre aux non-juifs une initiation express de la Kabale. Dans l'Empire du Milieu, on nous montra ces centaines de mères pékinoises qui poussaient leurs chérubins devant les ambassades, les obligeant à répandre leurs larmes sur les pompes diplomatiques. À Kaboul encore, on exhiba ces afghanes qui arrachaient leur burka et venaient embrasser la bouche de talibans ébahis.
C'était beau à voir cet élan de bonne intelligence universelle. Vraiment beau à voir. Ma glotte en avait trémulé.
C'était beau à voir, mais c'était trop tard. Tout cela n'avait servi à rien.
Visiblement, Arès, le dieu de la guerre, n’avait pas entendu les « Peace and Love » scandés par ces choeurs pacifistes venus défiler en short, bermuda, mini-jupe et débardeur, à cause de la poisseuse canicule qui sévissait dans les deux hémisphères. Resté sourd aux chants de paix et d’harmonie entre les peuples, Arès avait statué : « Game over, bande de nazes ! Que cette Troisième Guerre mondiale soit la Der des Ders ! Et basta ! ». Oui, Arès avait dû dire quelque chose d’assez approchant. Du moins, mon instinct héllénique le subodorait.
Toujours est-il que presque aussitôt le degré Celsius de la canicule avait été multiplié par six mille sur de nombreuses capitales, centres économiques et autres complexes militaro-industriels, jusqu'à vaporiser la moindre bague de mariée.
Chance pour les secouristes, les brancardiers, les ambulanciers, le feu d’artifice n'avait pas duré très longtemps.
Chance pour les fossoyeurs, il y avait déjà pas mal de monde incinéré.
On ne manifesterait plus avant un bail sur les plus belles avenues du monde, pour crier sa rage de vivre mieux.
Sinon en panoplie de spectre.
"C'étaiENT des hommes" et "s'ensuivraiENT également", seules coquilles débusquées ;-)...
Bon, je meuble encore pour que mon commentaire fasse les cent cinquante caractères minimum pour le poster :-)...
Je poursuis ma lecture toujours curieuse de cet étrange personnage, définissable et indéfinissable, attrayant et repoussant, intelligent jusqu'à une forme de stupidité obsessionnelle. Car lui, il sait. Il a vu venir le désastre, en connaît les conséquences, et tel un esthète éclairé peut seul en apprécier la saveur ou l'amertume. Faut-il le plaindre ou l'envier ? Plaindre son irascibilité, envier sa lucidité, regretter son manque d'empathie... mais l'empathie semble plutôt, pour lui, la caractéristique des faibles et des inconscients.
Pourtant, comme tous les autres, il semble bien que lui aussi soit dominé par ses peurs. Le dénigrement, la logique implacable peuvent paraître comme une forme de système d'autodéfense.
Je te livre en vrac mes sentiments et c'est une analyse incomplète car ton texte prête à réflexion et discussions. Je sens qu'il va tourner dans ma caboche !!!
Juste une remarque :
- Comme j'ai retrouvé peu à peu ma quiétude maladive, la violence en moi s'étant désamorcée dès la disparition du véhicule : la tournure de la phrase me chiffonne un peu. Peut-être inverser les deux parties de la phrase et supprimer le "comme"?
A très bientôt
A très bientôt