4.
Dans la voiture qui les ramenait dans le sud de la France, Callinoé rêva de son grand-père. Plus précisément, il rêva du dernier souvenir qu'il avait de papy Del. C'était la fin de l'été, ils venaient de caser toutes les bagages dans le coffre. Callinoé et Roxanne pensaient encore qu'ils reviendraient l'année d'après. Elle était insupportable de stress à l'approche de sa rentrée universitaire, lançant à son frère, quand celui-ci râlait pour qu'elle change de sujet, qu'il ne savait pas ce que c'était, lui.
En bref, l'atmosphère était crépitante, et leurs parents s’en plaignaient déjà.
Papy Del était fatigué ce matin-là, aussi se déplaçaient-ils l'un après l'autre pour l'embrasser et lui dire au revoir. Ce ne fut qu'en en rêvant que Callinoé perçut l'aspect funèbre d'une telle séparation.
La chambre de Papy Del avait un délicat aspect vieillot, de la tapisserie aux meubles en bois brut. Une photo de mariage décorait le mur au-dessus de la commode. En entrant, le regard de Callinoé s’y posa machinalement. Il y avait aussi la figurine d'un enfant sur une balançoire, Callinoé fit bouger la nacelle, comme chaque fois.
— Au revoir, Papy, dit-il en approchant du lit.
Les joues mal rasées de son grand-père lui piquèrent la mâchoire. Il sentait le gel douche au cèdre.
— Au revoir, mon petit. Sois pas trop sage, hein ?
— Ça marche, rit-il. À bientôt !
Il allait sortir quand Papy Del le héla.
— Oui ? dit Callinoé, une main sur le chambranle.
Dans sa tête, il était déjà parti. Il venait de réaliser que Roxanne allait certainement prendre la meilleure place dans la voiture, celle où il n'y avait pas la glacière entre les jambes, et il n'en était pas question.
— Fais attention, Callinoé.
Le regard de Papy Del était dénué de fatigue en disant ça. L'éclat de ses yeux et la solennité de son ton ton glacèrent Callinoé.
— Attention à quoi ? demanda-t-il.
Son grand-père se fendit d’un sourire rassurant.
— À la vie, aux cons, à toi. Prends ça comme un conseil de vieux.
Le souvenir s’arrêtait là.
Il se trouvait dans la voiture, le visage englouti dans le sweat qu'il avait coincé entre la vitre et son front, la nuque raide de sa mauvaise position, la vessie pleine et les chroniqueurs de France Inter débattant trop fort. Il se redressa en grimaçant et un paquet de kleenex atterrit sur ses cuisses. Roxanne lui sourit. Il avait les larmes aux yeux.
Je trouve le conseil très bien dosé. Je sais que mon grand-père avait tendance à dire cela comme ça, sans prévenir, sans fioriture. C'est une manière de dire : la vie, elle est grande, profonde, il s'en passe des choses... et personne n'y est préparé. Je trouve ça très juste... tout comme le fait qu'il arrive alors que Papy Del sent qu'il arrive à la fin de son chemin.
Très beau.
Mais je pense que ton histoire est en train de m'achever xD REGARDE CE QUE T'AS FAIT. Mais c'est bien parce que ouais, elle est toute pleine d'émotions et c'est cool. C'est cool de garder les souvenirs, de penser au disparu. C'est cool de ne pas oublier.
<3
Peut-être me pardonneras-tu un jour ?
L'avertissement de papy, j'ai peur que ce soit… bon, peut-être pas une prophétie, n'allons pas aussi loin… mais un avertissement qui pourrait aider Callinoé dans les chapitres suivants. Faut-il se méfier de Camille ? Oui, je fais ce raccourci et je me pose la question très sérieusement. Et en même temps, il a perdu son papy mais ce conseil comme les souvenirs vont rester là et vont l'aider à avancer dans la vie. C'est si beau !
Je vais m'arrêter là pour ce soir (normalement, si je ne change pas d'avis après l'envoi du commentaire). Merci pour cette belle histoire qui émeut mais qui est tellement attachante !
A bientôt !
Un petit relevé de coquillette :
- "ils venaient de caser toutes les bagages" --> tous
Si ça peut te rassurer, on change de registre maintenant que l'enterrement est terminé. Il faut varier les plaisirs et ce n'est pas censé être un texte tout noir !
Merci à toi pour tes si gentils commentaires, j'espère que la suite te plaira aussi
Et faire attention aux cons, cela reste un excellent conseil pour tout le monde ;-)
J'allais continuer mon bonhomme de chemin, histoire de laisser un commentaire un peu plus détaillé qui engloberait le chapitre 4 et 5. Mais en voyant d'autres commentaires, je me permets de réagir pour dire que, au contraire, je n'ai pas ressenti le besoin de savoir pourquoi Papy Del donnait ce conseil. Pour moi, il s'agit d'un conseil de vie de manière très générale, qu'une âme expérimentée peut donner comme ça, sans raison, aux gens qu'elle aime. Et je trouve ça aussi simple que beau :-)
Je ne sais pas quelles étaient tes intentions exactement avec ce conseil mais voilà, j'ajoute mon grain de sel pour nuancer un peu les interprétations possibles de la part des lecteurs/trices !
Et je poursuis très vite avec le chapitre suivant !
Merci de partager cet avis <3 J'aime assez les deux petites phrases que j'ai rajouté, mais ça me rassure aussi de savoir qu'on peut lire ce passage sans chercher d'explications supplémentaires à "c'est son dernier souvenir"
Je tenais simplement à partager ce souvenir qui me revient en tête depuis des années.
Merci de continuer à lire, en tout cas, et à vite <3
Le dernier paragraphe est en double.
Il est court ce chapitre, c’est juste le rêve de Calinoé, ou plus exactement le souvenir, puisqu’il semble refléter fidèlement la réalité. Du coup, je n’ai rien à dire de spécial, si ce n’est qu’on ne comprend pas pourquoi le grand père dit à son petit-fils de faire attention. (mais Calinoé non plus visiblement)
Sinon, c’est toujours aussi facile à suivre, simple et sensible, avec un parfum de vérité qui fait qu’on y croit et qu’on s’attache à tes personnages.
Oui les chapitres sont souvent très très courts. Dans ces moments là j'en publierai deux d'un coup ! Ne te sens pas obligée de toujours commenter, du coup, hein ?
Pour cette histoire eh bien... C'est autobiographique. C'est l'un des derniers souvenirs que j'ai de mon papy. Du coup c'est toujours difficile de mêler la réalité à une fiction ou on se pose ce genre de question.
Et si j'ajoutais un court dialogue où Callinoé demande franchement pourquoi il lui dit ça. Ça passerait mieux ?