Chapitre 4 - Au Poney Pochtron - Partie 3

L’agent Courtois était assis sur une chaise bien inconfortable, face à une petite table qui était le seul meuble de la chambre exiguë à permettre un travail d’écriture. En vérité, sa destination première était tout autre. Tour à tour chevet, guéridon, table à manger, la planche de bois de qualité médiocre, soutenue par quatre pieds tout aussi bas de gamme, n’offrait qu’un espace réduit dont Courtois, le temps de sa mission, devrait se contenter.

Les logements à destination des personnels du Poney, matérialisés au premier étage de l’établissement par quatre chambres, et des sanitaires sur le palier, offraient un confort on ne peut plus spartiate. Courtois, es qualité de chef, occupait la plus grande. Sa subalterne devait se contenter d’une couche entourée de murs décrépis. Il était cependant impensable que les deux représentants des Renseignements ne vécussent pas ici. Les gens n’auraient pas compris ; leur couverture aurait été compromise. Il leur faudrait prendre leur mal en patience.

Courtois tenait dans sa main droite une plume qu’il trempait régulièrement dans un encrier. Dans son dos, l’agent Saria se tenait droite comme un piquet, le temps que son supérieur terminât son rapport.

Niveau de confidentialité élevé
Importance normale
À destination du Seigneur Vice-baron Delachaise
Message chiffré
Clé de chiffrement 4-4-3

Investigations à Calmélieu
Rapport premier.

Votre Seigneurie,
Comme vous me l’avez indiqué, je vous transmets par ce pli le premier rapport sur nos observations au village de Calmélieu. Nous avons réussi à obtenir deux postes dans la taverne locale : le « Poney Pochtron ».

C’est dans ce cadre que nous avons pu nous insérer parmi la population locale sans éveiller de soupçon. Un premier contact a par ailleurs pu être établi avec un des deux suspects, il y a cinq jours, par l’agent S. Il s’agit du fossoyeur du village, un dénommé Silas Picsapin. Le suspect était venu se restaurer en compagnie d’un ami proche, le menuisier du village, un certain Colomban Duclou.

L’objectif que j’ai alors fixé à l’agent S. est de consolider cette relation nouvelle. Pour ce faire, elle se rendra dès demain au domicile de Picsapin et de sa fille Pousse, prétextant la confection d’une spécialité culinaire de son enfance, et le souhait de partager des objets féminins avec l’enfant.

Je resterai pour ma part à proximité afin de sécuriser la rencontre.

Une fois leur confiance acquise, nous serons à même d’entamer le processus de collecte des preuves de leur culpabilité et de procéder, avec votre accord, à leur arrestation.

Parallèlement à cette opération, nous nous attacherons également à mener une enquête sur l’entourage de Picsapin ; en commençant par le dénommé Duclou, afin d’établir si des responsabilités annexes nécessitent des mises en accusations supplémentaires.

Je vous ferai parvenir un nouveau rapport dans trois jours.

L’agent S. et moi-même vous prions de croire en notre plus sincère dévotion.

 

Courtois, sans se retourner, tendit d’une main dédaigneuse le message.
—     Lis-ça.
Saria se rapprocha, saisit la feuille de ses doigts fins et la consulta. Pendant qu’elle prenait connaissance du rapport, Courtois se pencha et tira une petite valise verrouillée de sous son lit. Il l’ouvrit et en tira un fin instrument de cuivre, ainsi qu’un pochon de velours rouge. La jeune femme s’approcha de la table et y déposa le papier.
—     Tu es d’accord avec tout ce qui a été inscrit ?
Elle hocha faiblement la tête.
—     Oui, Sire.
—     Bien. En vérité, tu n’es qu’une bleue. Je ne devrais pas avoir à te demander ou à te montrer quoi que ce soit. Mais c’est la procédure, tu comprends ? En mission, les agents doivent établir, avoir connaissance et approuver l’ensemble des rapports transmis.
—     Oui, sire. Je comprends, sire. J’aurais une question, si vous le permettez.
Courtois grimaça.
—     Je t’écoute.
La jeune femme désigna le petit objet de cuivre.
—     C’est une règle d’encodage ?
L’homme jeta un coup d’œil au matériel qu’il tenait toujours dans la main.
—     Oui, un objet de pointe, de très faible encombrement, conçu par les experts du service du code. Ils sont destinés aux agents en mission.
Un sourire admiratif se peignit sur le visage de l’agent Saria.
—     C’est impressionnant ! C’est beaucoup plus petit que ceux qu’on avait à l’école ! Vous rentrez la clé à l’aide de ces trois molettes, là ? C’est ça ?
Elle voulut s’approcher mais Courtois la repoussa d’un regard courroucé.
—     Oui. C’est plus petit que ceux de l’école. Je viens de te dire qu’ils sont destinés à des professionnels avertis. Ce que tu n’es pas ! Bon. Maintenant je vais chiffrer ce message et l’envoyer. Rejoins tes quartiers. Je ferai appel à toi quand j’aurais terminé.
La jeune femme se mit au garde à vous.
—     Bien, Sire.
Elle rejoignit la porte, avant de se retourner.
Courtois était en train d’ouvrir le pochon de velours rouge, et d’en sortir trois graines qu’il déposa sur le rebord de la fenêtre. Les yeux de Saria s’étrécirent en deux fentes en le voyant faire. Elle sortit de la piéce. Elle referma doucement, sans un bruit, la porte sur elle.

 

***

 

Silas et Pousse descendirent lentement la courte allée. Enfin, Silas la descendit lentement. On ne pouvait pas dire la même chose de Pousse qui se précipita vers la jeune femme et la bombarda de questions.
—     Comment tu t’appelles ?
La serveuse du Poney se pencha vers elle.
—     Je m’appelle Saria, et toi ?
La petite fille se gonfla d’importance.
—     Moi, je suis Pousse. Et mon Papa, là, il s’appelle Silas ! Et j’ai presque huit ans, tu sais ?
Elle tendit la main vers Saria. La jeune femme sourit et la serra.
—     Enchantée, Pousse.
L’agent des Renseignements jeta un regard oblique à la main gantée de noire de la petite fille, qui était restée immobile le long du corps de la fillette.
—     Tu aimes bien les gants ? s’enquit-elle.
Pousse suivit le regard de la jeune femme.
—     Ho ! Ça ? C’est quand…
Mais son père, qui était désormais auprès d’elles, coupa court :
—     Ce n’est rien, ce n’est rien. – il tendit également une main à la jeune femme qui s’en saisit – Que nous vaut l’honneur de votre visite, Saria, c’est cela ?
Le contact entre la main de la jeune serveuse et la sienne le fit frissonner. Sa peau était si douce, si fraîche. Presque froide. Une sensation indéniablement agréable, mais liée à un soupçon d’étrangeté. Il se retira prestement.
—     Saria, oui ! Et pour ma visite… He ben… Comme je ne vous ai pas revu, au PP, depuis la dernière fois, je ne savais pas si vous étiez d’accord pour qu’on discute, cette petite demoiselle et moi. – elle souleva son sac – J’ai amené plein de trucs de fille pour qu’on les regarde ensemble ! Ça date de quand j’étais petite.
Les yeux de Pousse s’agrandirent, et s’agrandirent encore.

« Des trucs de filles ! »
Avait-elle bien entendu ?

Elle se tourna vivement vers son père, la mine sérieuse comme jamais.
—     Papa, laisse cette dame entrer, voyons ! On doit parler, elle et moi. Elle a amené des trucs de fille !
Cette dernière phrase sonnait comme l’argument suprême d’une implacable démonstration. Comme s’il était inimaginable, impensable, tout bonnement impossible, de refuser l’entrée à quelqu’un disposant d’un trésor d’une telle valeur. La petite fille faisait les gros yeux. Silas se frotta l’arrière du crâne.
—     Hé ben… je ne suis pas sûr que ce soit le moment. On était en train de travailler, je te rappelle !
Pour appuyer davantage sa proposition, Saria sortit un plat recouvert d’un torchon de son ample besace.
—     J’ai aussi amené le déjeuner ! Regardez ! – elle souleva un coin de tissu, attirant ainsi les regards convergés de Pousse et de son père – C’est une tourte à la daube de sanglier ! C’est ma grand-mère qui m’a enseignée la recette.
Les fragrances prometteuses du plat montèrent jusqu’à lui ; Silas déglutit. Bien malgré lui, il se sentit saliver. Pour Pousse, il n’y avait désormais plus de débat possible. L’affaire était réglée : mademoiselle Saria était la bienvenue.
—     Viens ! ordonna-t-elle en la saisissant par la main. Je vais te montrer ma maison. Merci beaucoup pour le manger ! Mon papa, lui, il sait faire que des petits pois.
La fillette entraîna Saria jusque vers l’intérieur. Silas leur emboita le pas, le dos courbé par l’indécision. Il remonta l’allée dans le sillage de la femme et de sa fille.

 

***

 

Courtois ouvrit en grand la porte de Saria qui s’était allongée sur son lit étroit en attendant la suite des évènements. Elle se redressa précipitamment à l’arrivée de son supérieur. Ce n’était pas là une position admissible pour le recevoir, loin s’en fallait. Celui-ci fit mine de n’avoir rien vu.
—     J’ai terminé, annonça-t-il avec raideur. Il n’y a plus que le messager à attendre. Pendant ce temps, tu vas aller faire disparaître l’original.  - il tendit à la jeune femme la feuille pliée en quatre. – Et quand je dis disparaître, je veux dire disparaître. C’est compris ? Personne d’autre que toi et moi ne devons le lire.
La jeune femme opina en silence. À peine se fut-elle saisie de la feuille qu’elle se trouva à nouveau seule.
Saria avait déjà réfléchi à la question de la destruction la plus sûre et la plus efficaces des originaux des messages. Elle sortit sans attendre de sa chambre et se dirigea vers une porte, au fond du couloir, qui donnait sur l’escalier arrière du Poney. Elle descendit les quelques marches et se trouva au milieu d’un petit jardin potager. Y poussaient quelques plans de tomates, des salades, des plantes aromatiques et des carottes. Le long de treilles couraient des plans de courgettes et des vignes. Un fier pommier chargé de fruits se dressait parmi cet insolite décor de l’arrière-cour d’une pareille gargote.
La production de ce potager n’était certainement pas destinée à la clientèle. Celle-ci n’aurait pas su apprécier à sa juste valeur les saveurs de ces légumes. Il s’agissait en réalité d’une tradition remontant aux balbutiements de la taverne. Graisse, son inoubliable et regretté premier chef, ne se satisfaisait que de légumes frais cuits à la vapeur. Il demanda donc au patron s’il pouvait transformer ce qui n’était alors qu’un débarras en jardin florissant. Ce dernier survécu à son créateur.
L’agent Saria sourit intérieurement en le traversant. Elle trouvait extrêmement amusant de voir Courtois, généralement en toute fin de matinée, se munir d’une paire de gants et entretenir ce lieu. Il taillait alors ce qui devait être taillé, arrosé ce qui devait être arrosé, et arraché ce qui devait être arraché.

« Ça fait un bon entraînement » grognait-il pour toute justification.

Bien qu’elle n’appréciait pas particulièrement l’agent Courtois, elle trouvait parfois à l’homme des manies qui le rendaient humain. Cela dit, rien ne l’empêcherait d’accomplir ce pour quoi elle était là. Courtois aurait pu recueillir et prendre soin de chatons que cela n’y aurait rien changé. Elle se dirigea vers le fond du jardin, là où se trouvait Grolardon.

Ce dernier, la voyant arriver, la toisa du bout de son énorme groin.
—     Alors, mon tout beau ! Tu vas bien ? - elle flatta le large museau de l’animal – C’est un gros porc bien gras, ça, dis donc ! Oui, oui. Tiens, je t’ai apporté un petit quelque chose. Tu veux voir ?
Grolardon renifla et grogna, visiblement intéressé par la proposition. Il est intéressant de noter que, même parmi les cochons bien portants, la bête faisait partie des colosses. Vivre à l’arrière du Poney lui avait en effet plutôt réussi. Une bonne partie des restes de la taverne terminaient dans sa mangeoire et ce fut ainsi que Grolardon atteignit le poids écrasant d’une dizaine de quintaux. Cela étant, il n’était pas dans ses habitudes de dédaigner un petit amuse-groin supplémentaire.
De sa poche, la jeune femme sortit le message dont elle fit une boulette de papier. Elle l’entoura d’un peu de nourriture qui restait dans le fond de la mangeoire du porc, et lui présenta.
Elle regarda un instant l’animal se repaître de la production écrite de Courtois.
—     Et voilà, mission accomplie. Finalement, ce message a enfin trouvé sa juste place, constata-t-elle avec ironie.
La jeune femme se releva et contempla le ciel. Au bout d’un court instant, elle y trouva ce qu’elle attendait. Un pigeon de bonne taille venait de se poser sur le rebord de la fenêtre de Courtois. Il picora les trois graines qui s’y trouvaient. Aussitôt après, la fenêtre s’ouvrit et les deux mains de son supérieur se saisirent avec délicatesse du volatil.
La jeune femme s’assit sur une chaise en bois - une vieille chaise de la salle ayant était réformée - et attendit au soleil, feignant l’indifférence.
Un moment passa avant que la fenêtre ne se rouvrît. Le pigeon prit son envol vers CastelVille. Elle le regarda s’éloigner, jusqu’à devenir un point, avant de disparaître complètement derrière les arbres.

 

***

 

Silas suivait d’un œil incrédule l’étrange scène qui se jouait dans son salon. Pousse ouvrit le sac de Saria en grand, le fouilla de ses mains, et en sortit une petite broche dorée.
—     Ho ! Que c’est beau ! Je peux ?
La jeune femme opina en souriant.
—     Bien sûr ! Vas-y. Fais attention avec la pointe, par contre.
La fillette se concentra. Elle monta sur une chaise et se pencha sur le sommet du crâne de l’agent Saria. Avec une grande délicatesse, elle passa la broche dans ses cheveux lisses et soyeux. Elle descendit et s’éloigna pour contempler son œuvre. Ses lèvres formaient un O muet.
—     Que vous êtes belle, madame !
La jeune femme rit de bon cœur.
—     Merci beaucoup !
Mais cela ne suffit pas à la fillette. Quelqu’un, dans la pièce, restait bien trop silencieux à son goût.
—     Hein, papa, qu’elle est belle, Saria ?
Le teint du fossoyeur passa du grisâtre au rose pale. Il marmonna un mélange de mots d’une voix désaccordée. Son regard se posa sur la jeune femme, avant de se détourner, puis de revenir, croisant enfin celui de Saria qui le troubla et le fit bafouiller encore davantage.
—     Je… Hum… J’imagine que… c’est une belle broche… oui. Enfin, Pousse ! On ne dit pas ces choses-là. Mademoiselle Saria pourrait… mal le prendre ? Enfin, c’est pas ce que… Hum…
Il se mura dans le silence, préférant contempler la tourte à la daube trônant au centre de la table. L’odeur du plat embaumait la pièce. Les sourcils de la fillette s’arquèrent.
—     Mal le prendre ? s’étonna-t-elle. D’être jolie ?
—     Allons, Pousse, n’embête pas ton papa, rit la serveuse du Poney.
La jeune femme se pencha vers le livre qui était resté sur la table.
—     B-a ba au rhum, lut-elle. Une méthode de lecture… Vous lui apprenez à lire ?
Silas se raidit et se leva précipitamment.
—     Excusez-moi, pardon.
Il arracha à moitié le livre des mains de la jeune femme et, dans une série de gestes précipités et maladroits, alla le ranger dans les tréfonds d’un long vaisselier.
Saria interrogea Pousse du regard. La fillette haussa les épaules en faisant la moue.
—     Je suis désolé que vous ayez vu ça, s’excusa-t-il. Ce livre. Non, Pousse est encore bien trop jeune pour apprendre à lire ! Ce livre est pour moi, voilà. Je l’ai laissé traîner. Je n’aurais pas dû.
Il fit les gros à sa fille ; injonction tacite l’invitant à le couvrir dans son mensonge grossier.
—     Ah, oui, confirma-t-elle. Papa apprend à lire.
Ce dernier partit d’un rire mal contrôlé, bien trop fort et forcé pour être honnête.
—     Non ! Non, voyons. Je sais déjà lire, Pousse. Tu es mignonne. C’est juste que… j’aime bien lire des méthodes de lecture. Voilà. C’est tout !
Saria resta imperturbable devant l’énormité de la fable qui lui était contée.
—     C’est un passe-temps comme un autre ! Vous n’avez pas à avoir honte !
Le fossoyeur grimaça.
—     Mais je n’ai pas honte !
Il lorgna une nouvelle fois en direction de la table.
—     Et si on faisait honneur à ce que vous nous avez amené, plutôt ? proposa-t-il.

 

***

 

L’agent Saria descendit en cuisine. Courtois était là, aux côtés d’une marmite murmurant le doux bruit d’une cuisson à feu doux. L’homme ne se retourna pas à l’arrivée de sa subalterne.
—     Demain, tu vas amener ça aux Picsapin, annonça-t-il.
La jeune femme s’approcha.
—     Vous préparez quoi ?
Une once de fierté se peignit sur le visage de Courtois.
—     C’est une tourne à la daube de sanglier. Un plat de ma jeunesse.
—     Ça sent très bon, en tout cas, fit remarquer la jeune femme. Vous êtes doué en cuisine !
L’agent des Renseignements grommela :
—     C’est un entraînement comme un autre. Il faut de la précision pour réussir une bonne tourte à la daube. S’agit pas de faire n’importe quoi.
—     Oui… oui, bien sûr.
Courtois souleva le couvercle de la marmite et tourna avec lenteur une longue louche parmi les morceaux de viandes sombres. Il préleva un peu de bouillon, souffla dessus, avant de le porter au bout de ses lèvres.
—     C’est bientôt prêt, jugea-t-il. Je vais pouvoir commencer la pâte.
—     Oui, Sire.
Il se tourna vers elle.
—     Tu as rassemblé les objets ?
Elle hocha la tête.
—     J’ai en ma possession un véritable trésor pour une fillette de huit ans, confirma-t-elle.
L’homme se retourna vers sa préparation.
—     Parfait.
—     Oui, Sire.
Presque pour lui-même, il continua :
—     Je n’ai toujours pas eu de réponse à notre rapport, je me demande bien ce qu’ils fichent.
—     Il y a toujours une réponse ? s’enquit Saria.
L’homme haussa les épaules.
—     Non, pas toujours. Tu peux disposer.
Saria s’inclina et sortit. Elle traversa la salle du Poney, déserte en cette heure diurne et remonta avec lenteur les escaliers la menant aux appartements des employés. Elle poussa la porte de sa chambre et s’approcha de la fenêtre, avant d’ouvrir les deux battants. Un demi-sourire allongea un coin de sa bouche.
Sur le rebord, deux graines étaient encore là, seules rescapées du petit tas qu’elle y avait disposé. Immédiatement à côté, il était là. Elle souleva délicatement la bête agonisante. Elle contempla le pigeon voyageur d’un œil vide. Le pauvre animal respirait difficilement. Son plumage se soulevait avec un rythme erratique. Elle sentit entre ses doigts de faibles battements de cœur et toute la nervosité de cet être aux portes de la mort. D’un geste précis, elle lui tordit le cou, mettant fin à ses souffrances inutiles.

La jeune femme détacha alors la petite capsule oblongue qui était attachée à la patte pendante. Elle l’ouvrit, en sortit un minuscule bout de papier et le déplia. Contrairement à l’agent Courtois, Saria n’avait nul besoin de règle à encoder pour lire le document. Cela faisait partie de ses dons cachés, qu’elle prenait grand soin à ne pas divulguer. Ses yeux suivirent les lignes de caractères en apparence sans queue ni tête.

Niveau de confidentialité élevé
Importance maximale
À destination de l’agent des Renseignements Courtois
Message chiffré
Clé de chiffrement 8-8-1

 

Investigations à Calmélieu
Réponse au rapport premier.

 

Agent Courtois.
Nous avons bien pris connaissance de votre rapport.
Nous sommes satisfaits par les progrès que connait votre enquête.
Cependant, nous ne pouvons manquer de nous interroger sur la présence d’un agent S. avec vous. La mission qui vous avait été confié l’était à vous seule.
Nous vous prions de nous indiquer l’identité exacte de cet agent à des fins d’investigations internes, et de lui ordonner de regagner immédiatement nos locaux de CastelVille.

Bien à vous
Vice-baron Delachaise

 

Saria froissa le petit bout de papier.
—     Le grand patron a pris le temps de l’écrire lui-même, murmura-t-elle. Je me sens flattée. - elle regarda tour à tout le cadavre du pigeon et le message - Il est temps de retourner voir Grolardon.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez