Chapitre 4 : Ca, c'était pas prévu

Notes de l’auteur : Je vous jure sur Douceur que la date de publication n'est pas volontaire (douce coïncidence pour cette Sans-Valentin) ! Mais ça m'empêche pas de faire une graaande déclaration d'amour.
Hé, je fais rarement des dédicaces… Mais cette fois, j'y tiens. ^^ Vous allez rire, mais j'ai commencé ce chapitre en septembre 2009 (nous sommes mi-février…) à Draguignan, au square Anne Franck. Je l'ai continué, toujours à Draguignan, le soir, chez des amies, en trimbalant mon PC portable dans les couloirs sous le regard étonné de Monsieur Camille… Je restais secrète sur ce que j'écrivais, mais je n'avais que ce petit monde à qui raconter mon périple de l'écriture et à qui dire "J'AI BIEN AVANCE MON CHAPITRE TU PEUX SAVOIR À QUEL POINT JE SUIS CONTENTE"… Ils ne comprenaient pas forcément (QUI peut comprendre, quand on n'est pas auteur ?), mais ils étaient contents que je sois contente d'avoir écrit un Michaël satisfaisant ou une Camille qui me plaisait… ou une scène qui me tenait à cœur.
Je quitte définitivement cette ville adoptive dans trois semaines, et je n'oublierai jamais le banc de ce square où j'ai griffonné les premiers paragraphes de ce chapitre… Et s'ils tombent un jour sur cette page, Audrey, Linda, Fanny, Vaihei, Andra, Sabrina, Ghani, "Monsieur Camille" et les autres (et la ville de Draguigui, tant qu'à faire)… MERCI sincèrement pour votre soutien et votre présence (enfin, celle de Monsieur Camille exclue, pour être honnête).
Voilà... désolée pour l'attente et bonne lecture ! (Et premier petit extra en cadeau !)

Chapitre Quatre : Ça, c'était pas prévu

 

 

« Oh bébé, bébé, paraît-il que tu vaux de l'or ? Tout ce qui brille, j'adore... »

 

 

Enfoncé dans un très confortable fauteuil en cuir, jambes sur l'accoudoir, Polichinelle balançait des pieds avec nonchalance. Il mordillait mollement sa chaîne en or, le regard vitreux perdu sur le jardin de la Place des Vosges.

 

Tiré de sa rêverie par des pas qui s'approchaient, Polichinelle tendit l'oreille. Une délicate odeur de cigarette l'enveloppa et le fit presque tressaillir. Michaël vint s'appuyer sur le dossier du fauteuil, soucieux.

 

-        Ils sont bien longs à venir, marmonna-t-il, sourcils froncés. Bordel mais qu'est-ce qu'ils foutent, tu peux me le dire, Camille ?!

 

Polichinelle observa ses ongles rongés avec intérêt, silencieux, puis se décida à répondre.

 

-        Qu'est-ce que j'en sais ? Ce sont tes pantins. Pas les miens, Dieu merci.

 

Michaël éclata de rire et ébouriffa la tignasse rousse immobile sous lui. Polichinelle, qui détestait ce geste, ronchonna. Il avait l'impression d'être pris pour un enfant à chaque fois.

 

-        Ah Camille... Comment aurais-je pu vivre sans toi ?

-        Mmmph. Dis-moi, Michaël, lesquels de tes sbires viennent ce soir ?

-        Alors, il y a Nathan, Eddy...

-        Encore ?! pesta la rouquine.

-        Tu sais bien que vous êtes indissociables. Je ne vois pas l'intérêt de te convoquer sans eux. Il y a aussi les deux Michel, Richard, Marie...

-        Marie ?! Tu as invité Marie ?! s'écria Camille, furieuse. Tu veux qu'on se tue en direct ou quoi ?! Tu ne pouvais pas la décaler ?

-        Hors de question, répliqua fermement le chef des Espions.

 

Polichinelle jura, mais au même moment, la sonnette retentit dans l'hôtel, annonçant l'arrivée d'une dizaine d'Espions invités pour le compte-rendu hebdomadaire de Michaël. Ce dernier délaissa sa protégée pour aller les accueillir dans les bonnes formes de l'art. Il les saluait tous, sans exception, par des poignées de main, des tapes dans le dos et des sourires confiants. Il donnait à chacun sa part d'attention, accompagnée d'une petite phrase réclamant des nouvelles ou d'une simple blague. Cet instant était privilégié pour les hommes qui se sentaient moins intégrés au sein du groupe, ou pour ceux dont le rôle était mineur, puisque pendant cette minute de salutation, ils existaient aux yeux de Michaël. Durant cette même minute, ils devinaient alors que le patron plaçait tous ses espoirs et sa confiance en eux, et ils étaient aussitôt revigorés par une motivation nouvelle.

 

-        Marie ! s'exclama le chef des Espions, souriant poliment à une femme qui s'avançait à la suite des autres.

 

Depuis son fauteuil, Camille plissa les yeux et dévisagea la nouvelle venue. Marie comptait parmi ses ennemis. Pourtant, c'était la moins dangereuse de tous. La rouquine ne la craignait pas : Marie était une bien piètre Espionne qui ne savait même pas se défendre.

 

Camille trouvait Marie vieille, grosse et inutile. Marie pensait que Camille était insolente et immature. Et sous-estimée. Toutes deux ne pouvaient se trouver au plus près de la vérité.

 

Marie avait plus de cinquante printemps derrière elle. Camille était encore mineure. La nature avait doté Marie d'une assez forte corpulence... et elle avait fait Camille aussi maigre qu'un clou. On supposait que Marie, en dépit de son physique « handicapant » (pour reprendre les termes de Michaël), ne devait sa place d'Espionne qu'à son poste de simple réceptionniste au Ministère de l'Intérieur. Marie n'avait que ses yeux, ses oreilles et son expérience de précieux, mais le chef des Espions s'en contentait. Cela dit, Marie était presque toujours écartée des affaires : que pouvait-elle faire de concret ?

 

Camille représentait beaucoup plus que Marie aux yeux de Michaël. Elle était son coup de cœur, sa protégée, son ange gardien, son trèfle à quatre feuilles. Jeune, franche, directe, observatrice, réfléchie... et, en effet, trop sous-estimée par les Espions. Il fallait préciser que la rouquine ne s'imposait jamais et préférait rester en retrait, sans pour autant perdre une miette d'un complot.

 

Et pour compléter cette solide rivalité, Camille et Marie étaient les deux seules femmes parmi les Espions. Deux femmes trop différentes pour combattre ensemble, deux femmes qui cherchaient « les bonnes grâces du patron », deux femmes qui voulaient à tout prix faire leurs preuves face aux hommes. Entre les deux, c'était la guerre pour savoir qui était la meilleure. Et sans hésiter, Camille remportait la victoire.

 

-        Elle est ici, constata Marie, amère, qui avait perdu aussitôt son sourire chaleureux dès qu'elle avait vu la rouquine au fond du salon.

-        Oui, Marie, répondit Michaël, tout en lui faisant un baisemain exagéré.

 

Mais déjà, Camille sautait du fauteuil comme une panthère, et s'approchait d'eux, un sourire mauvais aux lèvres. Les Espions s'écartèrent sur son passage et prêtèrent une oreille attentive au divertissement de la soirée.

 

-        Oui, Marie, répéta la rouquine. Bonjour Marie, comment allez-vous ?

 

Au lieu de répondre à cette méchante politesse, l'Espionne se tourna vers Michaël à la recherche d'un soutien. Celui-ci haussa les épaules, et voulut se retirer de ces femmes fatales, mais Camille l'enlaça de façon possessive et il dût subir la seule bataille où il n'avait pas son mot à dire.

 

-        Tu as fait tes devoirs ? railla Marie, faisant ainsi rappeler à Camille qu'elle n'était qu'une adolescente.

-        Oui, grogna l'intéressée. Et j'ai eu un 18 en philo.

-        Félicitations ! ne put s'empêcher de complimenter Michaël.

 

La jeune fille sourit d'un air satisfait, ce qui renfrogna davantage Marie. Il était pratiquement impossible de savoir ce que pensait Michaël. Il essayait de rester impassible, mais au fond de lui, il s'amusait comme un petit fou. Bien sûr, il était conscient d'être l'objet qui alimentait cette chamaillerie puérile, et qu'il devrait remettre un peu d'ordre dans tout ça... Mais pire que tout, cette guerre ne s'arrêterait jamais parce que Michaël raffolait de voir Camille jouer au chat et à la souris.

 

-        18 en philo, c'est vraiment très bien, continua le chef des Espions, avant de se tourner vers Eddy et Nathan. Et vous deux alors, vous avez eu combien ?

 

Les deux camarades de Camille devinrent livides et regardèrent aussitôt le bout de leurs chaussures. Michaël devina aisément qu'ils n'avaient pas eu la moyenne et ne put s'empêcher de leur faire remarquer qu'il attendait plus d'efforts de leur part.

 

-        Ce n'est pas la première fois que j'insiste sur le besoin de bosser au lycée, il me semble. C'est quelque chose que je prends très au sérieux. Je sais bien que vous préférez sans aucun doute vos activités extrascolaires, mais je me porte garant de votre éducation à tous les trois. Vous êtes les plus jeunes du groupe, et je souhaite vraiment le mieux pour vous. C'est important de faire des études, et de bien les faire. Alors, faites-moi plaisir, et bossez sérieusement. Pas toi Camille, bien sûr, je sais que tu te donnes déjà à fond et je suis fier de toi.

 

La rouquine ignora les deux regards haineux qui la transperçaient de toute part. Voyant que le grand patron attendait une réponse motivée, Nathan et Eddy oublièrent momentanément leur rancune pour lui promettre de faire de leur mieux la prochaine fois. Ils feraient payer à Camille plus tard.

 

Personne ne connaissait la vie de Michaël, personne ne savait si c'était là son vrai prénom, et personne n'avait la moindre idée de son patronyme. Mais la rumeur courait que le chef des Espions avait lui-même fait de grandes études en politique (diplômé de Sciences Po, disait-on). Personne n'était donc étonné de le voir encourager l'éducation de ses jeunes recrues.

 

-        Bon, allez, fini de s'amuser, lança Michaël en frappant dans ses mains pour attirer l'attention de tous les Espions, pourtant conscient de l'avoir déjà. Tout le monde dans le salon, s'il vous plait ! Installez-vous, nous allons commencer.

-        S'il te plait, Michaël...

 

Alors que Camille et les Espions se dirigeaient tous dans la pièce adjacente, le grand patron se tourna vers Marie, sans cacher sa curiosité. La petite dame potelée se tortillait les mains, comme si elle hésitait à avouer le fond de sa pensée. D'un regard, il la rassura et elle décida de se confier à lui.

 

-        Ce n'est pas la première fois que je te le dis, Michaël, mais cette fille, il faut s'en méfier... Elle est plus douée que tu ne le crois. Et mauvaise aussi. Tu la sous-estimes trop.

-        Je sais, dit le jeune homme. J'en ai déjà discuté avec Tonio, et il est d'accord avec moi. Camille est une fille pleine de ressources.

-        Et pleine de manigances.

-        Elle est parfaite. Laisse-la grandir un peu, Marie, et tu comprendras pourquoi je la couve.

 

 

Michaël était l'homme le plus loyal et le plus juste que Camille connaissait. Espion ou pas, il avait un bon fond. « Mais vraiment juste le fond, quoi », disait Camille à Douceur. Michaël avait tout d'un leader. Il inspirait parmi les siens respect, crainte et admiration. Il émerveillait la rouquine par la justice qu'il rendait et par ses décisions réfléchies. Il était un modèle pour elle comme pour tous.

 

Michaël était croyant. Il croyait en son poignard. Personne ne connaissait l'origine de ce bel outil, et aucun ne savait comment il se l'était procuré. Le grand patron portait tant d'attention à son bien qu'il avait acquis une réputation d'objet sacré. Tant de mystères autour de cette dague avait même fait naître tout un lot de superstitions que les Espions prenaient très au sérieux, à commencer par Michaël lui-même. Par exemple, tuer deux hommes à la suite avec le poignard portait malheur. Mais s'en séparer n'annonçait également rien de bon.

 

Le poignard faisait de Michaël un homme accompli, et cet homme-là se trouvait au-dessus de tout.

 

C'était ce que pensait justement Camille alors qu'ils prenaient tous place devant la grande table du salon pour la réunion. Elle avait vu du coin de l'œil Michaël sortir son paquet de cigarettes et son briquet de la poche de son jean, et avait entraperçu le poignard dépasser de sa cachette.

 

La jeune fille s'approcha de sa place habituelle, la chaise à droite de celle de Michaël, mais celui-ci la rappela à l'ordre. Tous les Espions se tournèrent vers elle, curieux à l'idée de savoir si elle avait baissé dans l'estime du grand patron.

 

-        Camille, aujourd'hui, tu es à ma gauche.

 

Elle ne répondit pas pour ne pas donner un quelconque plaisir à ses collègues, et changea aussitôt de place. Michaël vint la rejoindre et lui adressa un clin d'œil.

 

-        C'est exceptionnel, rassure-toi.

-        Ça veut dire que Tonio vient à la réunion, alors ?! s'exclama Camille, ravie.

-        On ne peut rien te cacher.

 

Il connaissait les difficultés de la jeune fille à se faire accepter des autres Espions, et lorsque son masque tombait et laissait apparaître un visage rayonnant comme c'était le cas à cet instant, Michaël se sentait fier de lui. Le dénommé Tonio ne tarda d'ailleurs pas à faire son apparition dans le salon de l'hôtel et Camille manqua de faire tomber sa chaise en voulant courir se jeter dans ses bras.

 

-        Tonio !

-        Camille ! fit l'Espion, tout sourire, avant de lui coller deux grosses bises sur les joues.

-        C'est bien que tu sois là, murmura la rouquine à son oreille.

 

Ce soir, au moins, elle ne serait pas seule. Tonio caressa du pouce sa joue, et se sépara d'elle pour saluer les hommes de Michaël d'un mouvement de tête. Puis il se tourna vers le patron, qui s'était approché, une lueur malicieuse au fond de ses yeux.

 

-        Toujours en retard, à ce que je vois... Avec trois mois d'absence au compteur, ça n'arrange pas ta situation...

-        Je tremble, chef... ironisa l'Espion, avant d'éclater de rire en même temps que Michaël.

 

Ils topèrent comme deux bons vieux amis, ce qui n'étonna personne dans l'assemblée. Tous les Espions, Camille y compris, soupçonnaient Tonio et Michaël de se connaître depuis bien des années. Peut-être étaient-ils des amis d'enfance ou alors deux étudiants qui se seraient rencontrés sur les bancs de la fac et se seraient découvert les mêmes ambitions ? Ils avaient le même âge, et Tonio était, plus qu'un simple Espion, le bras droit de Michaël. Ce dernier racontait tout à son second, que ce fût au niveau des complots ou les observations du chef sur ses hommes. Aucun Espion ne pouvait se vanter d'en savoir autant que Tonio, et d'être un aussi proche collaborateur de Michaël que lui.

 

Pour Camille, Tonio, c'était la Providence. Le seul Espion avec qui elle s'entendait bien. Le seul qui ne la jugeait pas et ne cherchait pas à la rabaisser. Malheureusement, la présence de Tonio se faisait bien rare. Seul Michaël connaissait le sujet de ses occupations terroristes, et c'était donc sans surprise que la rouquine voyait disparaître son seul ami pendant plusieurs mois.

 

Lors des réunions, Camille prenait la place de Tonio lorsque celui-ci était absent. Le siège à droite de Michaël en faisait rêver plus d'un, ainsi que celui de gauche. La rouquine devait la rivalité qu'elle entretenait avec ses collègues à ces deux chaises qu'elle occupait systématiquement. Les plus ambitieux, et Nathan en particulier, serraient les dents devant l'air qu'elle affichait à chaque réunion, assise droite et fière aux côtés de Michaël. Elle faisait rappeler à tous que, derrière chaque grand homme il y avait une femme, et que derrière Michaël, c'était elle qui s'y trouvait.

 

-        Ordre du jour, annonça Michaël, redevenu sérieux, une fois que tous ses hommes étaient assis autour de la table. Compte-rendu de vos activités individuelles. Tonio, je te prendrai à part dans le salon privé, dès qu'on aura terminé la réunion. Pour l'heure, je commence par Richard. Ensuite, on fait le tour de table, et on termine avec Camille. Richard, je t'écoute.

-        Et bien, Michaël, l'incendie de l'Ambassade a vraiment contrarié le Gouvernement. Ils ont décidé de lancer une enquête, voici la liste des flics sur l'affaire et leur premier rapport après un mois.

-        C'est bien vrai qu'ils ont élevé le niveau du plan Vigipirate ? demanda Nathan.

-        Ouais. Niveau rouge.

-        Putain, ça va se compliquer...

-        On s'en fout, on ne court aucun risque. Comment veux-tu qu'on se fasse repérer ? lança un autre Espion.

 

Tout en fumant sa cigarette, Michaël prêtait une oreille très attentive à tout ce qui se disait autour de lui. Il laissait chacun s'exprimer comme il le désirait, et Tonio et lui-même intervenaient parfois pour recadrer la réunion ou exprimer leur façon de penser quand ça débordait trop. Seule Camille avait l'habitude de rester silencieuse. Parfois, pour des sujets délicats, Michaël sollicitait son avis, qui faisait en général pencher la balance.

 

La réunion dura deux heures et demie, durant lesquels ils parlèrent de leur attaque terroriste sur l'Ambassade de Grande-Bretagne, des échos qu'avait entendus Marie au Ministère de l'Intérieur, d'un projet d'explosion dont un sous-groupe s'occupait, et de l'affaire Ajacier. Hormis Nathan et Eddy, les Espions ne savaient pas vraiment en quoi consistait cette dernière, car Camille s'entretenait en général seul à seul avec Michaël. Bien entendu, ils ne posèrent aucune question à ce sujet, puisqu'ils avaient toujours deviné la réserve de leur chef vis-à-vis des Ajacier. Cependant, ce soir-là, Michaël ne put s'empêcher de réclamer des informations.

 

-        Des nouvelles d'Ajacier junior ?

-        Je vais chez lui ce week-end, répondit alors Camille.

 

D'un regard, Michaël fit taire les rires et commentaires moqueurs des Espions. Ces derniers avaient une idée bien précise de ce dont la jeune fille pourrait bien faire deux jours entiers avec Joël Ajacier.

 

-        Tu as besoin d'informations ? demanda la rouquine, ignorant les regards emplis de sous-entendus de ses collègues. Je pourrai entrer sans problème dans le bureau de son sénateur de père.

-        Hmm... Non, pas la peine, je te remercie. J'ai déjà quelques hommes qui infiltrent le Sénat pour moi. Mais s'il te plait, Camille, j'aimerais qu'on accélère avec ce garçon. Dans un mois, j'aimerais bien boucler cette affaire, alors ne tarde pas à me le ramener, capito ?

-        D'accord, fut la seule réponse de la jeune fille.

-        Très bien. Nous en avons terminé pour aujourd'hui. La semaine prochaine, je vois un autre groupe, donc je n'oublierai pas de vous faire un résumé de ce qui aura été dit. Je vous remercie pour votre attention.

 

Michaël quitta le premier la table, suivi de près par Tonio. Sans un mot ni un regard pour les autres, ils s'éclipsèrent hors du salon, dans une pièce éloignée de toutes les oreilles indiscrètes. Quelques rares Espions préférèrent quitter l'hôtel sans attendre, d'autres patientèrent que leur chef se libérât pour le saluer et rentrer enfin chez eux. Quant à Camille, elle s'installa près de la fenêtre et son regard se perdit à nouveau sur la Place des Vosges.

 

Plongée dans ses pensées, elle n'entendit pas l'agitation qui se fit lorsque le patron et son bras droit réapparurent dans le salon, une demi-heure plus tard. Tout ce brouhaha pour s'attirer les bonnes grâces du patron ! Sourires, compliments, poignées serrées, propositions... Tout ça la dégoûtait.

 

-        Hé.

 

La jeune fille sursauta et tourna la tête vers Tonio qui s'était doucement rapproché d'elle. Ils se dévisagèrent tous les deux, et Camille vit dans les yeux sombres du second de Michaël qu'il trouvait, comme elle, l'attitude des Espions ridicule. Soulagée, elle lui adressa un petit sourire contrit.

 

-        On ne peut pas leur en vouloir, excusa-t-il en haussant les épaules, comme s'il se sentait responsable. C'est Michaël qui entretient tout ce système. Enfin, en même temps... c'est le seul moyen pour retenir des hommes. C'est du leadership pur et dur.

 

La rouquine ne trouva rien à dire et replongea dans son admiration du jardin qui s'étendait devant l'hôtel. Malgré tout, Tonio préférait davantage sa compagnie et s'assit sur le rebord de la fenêtre face à elle.

 

-        Et toi alors, ça va ? demanda-t-il sans la quitter des yeux.

 

Elle croisa les bras, silencieuse. Le jeune homme devina qu'elle n'était pas d'humeur à parler, mais la réserve de Camille ne lui faisait généralement jamais baisser les bras. Bien au contraire, plus elle se taisait, et plus il avait envie de lui parler.

 

-        Mais dis donc, c'est vrai que t'as beaucoup changé depuis la dernière fois que je t'ai vue ! s'exclama Tonio soudainement.

-        Ouais, t'as vu ça ? intervint une voix derrière Camille.

 

Elle sursauta une nouvelle fois, et découvrit Michaël qui avait délaissé ses hommes pour se joindre à eux. Il avait conservé son sourire espiègle, mais les deux Espions virent bien que la réunion et le contact avec ses hommes l'avaient fatigué. Ils ne doutèrent pas qu'il espérât un peu de détente en restant parmi ses deux collaborateurs les plus proches.

 

-        Joël Ajacier en est dingue amoureux, ajouta Michaël, sur l'air d'une évidence.

-        Pas étonnant, nota Tonio. C'est qu'elle devient une belle plante. Crois-moi, dans quelques années, cette fille, elle les fera tous tomber.

 

Avec une curiosité désopilante, ils lorgnèrent simultanément la jeune Espionne, dont le visage devenait de plus en plus cramoisi. Quand elle termina de ressembler à un fruit mûr, elle grogna quelque chose que Michaël et Tonio ne comprirent pas.

 

-        Tu peux répéter ? demanda poliment Tonio.

-        Allez vous faire foutre à l'Élysée.

-        C'est une idée, ça ! remarqua Michaël, avant d'éclater de rire avec son bras droit.

 

Avec un sourire ravageur, Tonio se pencha vers la jeune fille, sans doute plus pour la taquiner que pour s'inquiéter de sa mission.

 

-        Et sinon, ça se passe bien avec Joël Ajacier ?

-        C'est un bon garçon, répondit honnêtement Camille, tout en haussant les épaules.

-        C'est un bon garçon, confirma Michaël, pensif. Et j'aimerais bien savoir si le père est aussi généreux que le fils... Tu vois, Tonio, j'en ai assez d'obtenir seulement des informations. D'accord, c'est bien utile, ça aide un peu... Mais ça devient insuffisant. Désormais, je veux pouvoir manœuvrer directement. Si j'arrive à gagner une part du Sénat par la grande influence d'Ajacier sénior, ce sera un bon début.

-        Je vois, fit sérieusement l'Espion, sourcils froncés. Et tu devrais y parvenir sans problème. Si le père tient à son fils, ce qui doit être forcément le cas, ça devrait aller comme sur des roulettes.

-        Hmm... Je ne préfère pas encore m'avancer mais, en effet, ça s'annonce plutôt bien !

 

Le visage de Michaël s'éclaira et il posa un regard empli de fierté sur Camille, qui se tenait toujours à côté de lui. Puis il se souvint de quelque chose dont il voulait absolument s'entretenir avec elle et il reprit tout à coup son air grave. Ces changements rapides ne surprirent pas Camille et Tonio. Ils avaient l'habitude de voir Michaël passer sans cesse d'une émotion à une autre, et ce, sans que lui-même s'en aperçoive.

 

-        Au fait Camille, euh... Ce que j'ai à te dire est assez délicat, mais...

-        Mais ? s'étonna la rouquine, un sourcil arqué.

 

Michaël inspira à fond et se lança d'une traite, ce qui eut pour effet de faire rire Tonio.

 

-        Tu sais que je veux ton bien, Camille. Et que je m'inquiète constamment pour toi. Après tout, tu as l'âge d'être ma petite sœur. Le souci, c'est que je sais comment sont les filles de 17 ans comme toi... Forcément, quand on est jeune et innocente (enfin, presque innocente dans ton cas), et qu'on sort avec un garçon pour la première fois...

-        Oui ? encouragea la jeune fille, alors qu'il ne cessait de tourner autour du pot.

-        C'est tout nouveau pour toi, Camille, et ne me dis pas le contraire, parce que les ados sont toutes comme ça de nos jours... Histoire de satisfaire ta curiosité ou de te débarrasser d'un « fardeau » (va savoir toutes les raisons qui vous viennent en tête, à vous, les filles !), tu pourrais très certainement être tentée d'aller plus loin avec...

-        Je n'ai pas l'intention de coucher avec Joël Ajacier, coupa aussitôt l'Espionne, ferme.

-        Dieu merci, tu l'as dit ! soupira Michaël, essuyant son front en sueur d'un revers de la main.

 

De sa fenêtre où il était assis, sa belle tête rejetée en arrière, Tonio riait à gorge déployée. Frustré, le chef des Espions lui jeta un regard meurtrier, bien entendu sans effet.

 

-        C'est ça, fous-toi de ma gueule, Tonio !

-        Dis donc, c'est toujours comme ça entre vous ?! Qu'est-ce que je rate, moi, pendant tout ce temps où je cours les rues !

-        Boucle-la.

-        Espèce de papa poule, va !

-        Papa poule de rien du tout, coupa à nouveau Camille, les bras croisés sur la poitrine. J'ai un père. Pas deux. Et Michaël, rentre-toi bien ça dans la tête.

 

Michaël accusa le coup sans ciller. Tonio, quant à lui, reprit son sérieux et se massa lentement le menton, ennuyé. Mal positionné entre les deux fortes têtes du groupe, il ne voyait pas comment intervenir sans prendre parti pour Camille et offenser son associé.

 

-        Je n'ai pas envie que tu profites d'un gars de passage pour coucher avec, argumenta le patron d'une voix ferme.

-        Deux choses, Michaël. Tout grand patron que tu es, je suis libre de faire ce que je veux, et tu n'as pas à t'immiscer dans ma vie privée. De plus, je t'ai dit tout à l'heure que je ne comptais pas coucher avec Ajacier. Maintenant, libre à toi de me croire, mais par tous les saints... ne me dis surtout pas ce que je dois faire de ma vie privée, sinon je ferai le contraire.

-        Il me semble qu'Ajacier ne fait pas exactement partie de ta vie privée, Camille. Tu es en mission.

-        Je sais ! rugit la rouquine, de plus en plus furieuse. Et comme ça n'a pas l'air de rentrer, je répète pour la troisième fois, patron : c'est la raison pour laquelle je ne coucherai pas avec, d'autant plus qu'il ne me plait pas ! Capito ?!

 

Choqués, tous les Espions avaient cessé leurs discussions et s'étaient tournés vers la jeune fille qui avait osé lever la voix devant Michaël. Ce dernier toisait Camille de toute sa hauteur, le regard dur comme la roche, et cherchait visiblement à se maîtriser. De là où il était, Tonio voyait qu'il étirait ses doigts pour évanouir la nervosité qu'il rencontrait à l'égard de sa favorite. Après un long moment silencieux à défier les yeux perçants de la jeune fille, ses mains se relâchèrent et le visage de Michaël retrouva sa sérénité. Il se pencha vers elle et elle sentit ses mains glacées emprisonner ses joues. Après trente secondes à la dévisager de plus près, il embrassa délicatement son front... et se recula avec précipitation.

 

-        Je te présente toutes mes excuses, Camille, déclara-t-il, solennel. Je suis allé trop loin.

-        J'y vais, répliqua la rouquine. Il est tard et mon vrai père va s'inquiéter.

-        Je te raccompagne ?

-        Non. Au revoir Tonio.

 

Elle planta un baiser sur la joue de l'Espion et tourna les talons sans plus prêter d'attention à Michaël. Une ride de contrariété se dessina sur le front du jeune homme, alors que son regard suivait la petite femme, sa petite femme, quitter le salon de l'hôtel. Dès qu'il entendit la voix de Paul lui souhaiter une bonne soirée, il s'élança aussitôt sur ses traces. Tonio eut un petit sourire. Il savait qu'il ne la suivrait pas jusqu'à Bobigny.

 

L'hôtel qui servait de planque au chef des Espions possédait un délicieux atout : un accès au toit par un petit escalier de service. Michaël s'y engagea et monta les marches quatre par quatre. Une fois arrivé au dernier palier, il poussa la porte et savoura un instant l'air frais qui glissait peu à peu sur son visage.

 

Paris brillait sous la nuit noire, et absolument rien ne pourrait le faire remarquer. Le toit des hôtels de la Place des Vosges n'était pas de ceux que préféraient les Espions. L'ardoise les rendait glissants. Les cheminées plates les empêchaient de se cacher. Pointus au sommet, ils descendaient vertigineusement, presque perpendiculaires. Cela dit, Michaël était suffisamment entraîné pour s'y promener, et c'est avec une agilité déconcertante qu'il s'avançait sur le trop étroit passage sur le sommet du toit.

 

Il sonda du regard la lucarne plus bas, et après réflexion, s'assit sur le pic et se laissa glisser jusqu'à se retrouver à califourchon sur la fenêtre emboîtée. Le chef des Espions releva la tête et prit alors un malin plaisir à observer Camille traverser le jardin carré de la Place des Vosges. Il se sentait émerveillé devant sa façon de bouger. Elle glissait comme une ombre sous les arbres, rapide et silencieuse. Sa silhouette se découpait sur le sable à la lueur des lampadaires, et la rendait parfois plus grande. Elle passait tant inaperçue qu'un couple assis sur un banc ne se rendit même pas compte de sa présence.

 

Plus qu'admiratif, Michaël était fier de sa protégée. Dans quelques années, une fois épanouie, Camille Laurier ferait des ravages. Sa beauté négligée accordée à son pouvoir de séduction, lorsqu'elle l'aurait développé, la rendrait la plus redoutable des Espions.

 

 

-        Prête, Laurier ?

-        Non.

-        Allez, c'est pas comme si mon père allait te bouffer.

-        Si peu, si peu.

-        Sans déc', t'as peur de lui ?

-        Non. Je ne vois juste pas l'intérêt de me présenter à lui.

-        C'est la moindre des politesses si tu passes le week-end ici.

-        Hélas. Pourquoi faut-il que je sois une fille polie ? Enfin, ne me fais plus attendre, Ajacier. Il faudra bien que je le rencontre un jour, ton géniteur.

-        Allez ?

-        Allez.

 

Joël offrit à Camille un sourire d'encouragement. Morose, elle n'y prêta aucune attention, et franchit à sa suite le portail en fer. Le pavillon des Ajacier se dressait devant eux, au milieu d'un grand jardin fleuri et verdoyant. Très vite, elle se mit à observer tout autour d'elle, intéressée.

 

-        Dis donc, il doit avoir un sacré salaire, ton sénateur de père ! siffla-t-elle, moqueuse.

 

Ce n'était pourtant pas prestigieux, mais vu de l'extérieur, l'endroit était vivant, relaxant et chaleureux. Un petit escalier introduisait les visiteurs devant la porte d'entrée, là où s'étalait la véranda des Ajacier. Des brouettes en bois emplies de géraniums faisaient office de décorations et avaient été postées à côté de deux colonnes, qui supportaient la terrasse de l'étage supérieur. La chambre d'ami, ainsi que celle de Joël, donnait sur cette terrasse, délimitée par une rambarde en fer forgé. Camille remarqua la présence d'un arbre qui s'élevait au-delà du premier étage, planté sur le bas-côté du jardin. Haut d'une dizaine de mètres et excessivement feuillu, elle le trouva parfait pour une éventuelle cachette.

 

Son regard perçant parcourut le restant du pavillon, et lorsqu'il s'arrêta sur le toit de la demeure, la rouquine faillit s'évanouir. La toiture de Joël était bien plus pratique que celle de l'hôtel de Michaël, où Camille s'était déjà foulé la cheville. Une cheminée carrée s'en échappait, et la superficie totale paraissait beaucoup plus grande... et plate. Deux larges lucarnes offraient un peu plus de volume au toit, et l'ardoise traditionnelle qui l'habillait ne faisait que l'embellir.

 

-        Oh mon dieu !

-        Quoi ?! paniqua Joël.

-        Ton toit, il est... Il est magnifique ! souffla Camille, émerveillée.

 

Le jeune homme ouvrit des yeux ronds, et resta incrédule à fixer sa petite amie. Un mois qu'ils étaient ensemble, et elle continuait de le surprendre !

 

-        Je te demande pardon ? articula-t-il, certain d'avoir mal compris.

-        On peut monter ? demanda aussitôt la rouquine, les yeux brillants d'envie.

-        Où ?

-        Mais là-haut !

-        Sur le toit ?!

-        Oui !

-        Euh... Je savais que tu étais spéciale, mais pas à ce point... Tu sors souvent avec des mecs en fonction de leur toit ?

-        Hmm... Je n'en ai pas encore eu l'occasion, à part toi.

 

Camille lui jeta un sourire contrit, et ils franchirent les derniers pas qui les séparaient du pavillon. Lorsqu'elle passa la porte à la suite de Joël, une chaleur inhabituelle vint l'envelopper. Elle vit aussitôt qu'il s'agit du feu crépitant dans la cheminée qui émanait cette source de chaleur bien agréable, et elle se sentit aussitôt apaisée.

 

-        Maman ! beugla Joël, refermant la porte d'entrée derrière eux.

 

Des talons avertirent la rouquine, qui fit aussitôt volte-face et découvrit Flavie Ajacier sur le pas de la cuisine. Celle-ci s'apprêtait sans doute à adresser une remarque sur le sans-gêne de son fils, mais ouvrit des yeux ronds lorsqu'elle vit l'adolescente à ses côtés. C'était déjà un comble de surprendre une fille dans son salon en compagnie de son fils... mais ce n'était rien comparé au fait que son « poussin » se mît à rougir alors qu'elle lui lançait un regard chargé d'interrogations.

 

-        Oh, fut tout ce qu'elle trouva à dire devant cette étrange scène.

 

Sa surprise ne s'arrêtait pas là. La fille en question lui paraissant étrange. Délicieusement étrange. La rouquine bondit sur elle, et lui tendit la main comme si elles étaient en entretien d'affaires.

 

-        Madame Ajacier, salua-t-elle en inclinant légèrement la tête, raide. Je suis Camille. Je suppose que votre fils vous a déjà parlé de moi.

-        Euh... non.

 

Camille arqua un sourcil, étonnée. Devant elle, la mère de Joël tripotait ses vêtements élégants - elle sortait avec son mari le soir même, quelque peu perturbée par l'air formel de la jeune fille. Malaise qui grandissait davantage lorsque la rouquine, sans cesser de la scruter de son regard perçant, se présenta :

 

-        Dans ce cas, je suis Camille.

 

Cette fois-ci, Flavie Ajacier cligna des yeux, se pinçant mentalement pour voir si elle ne rêvait pas, puis offrit un sourire généreux à l'adolescente. Cette fille était originale, mais elle l'appréciait déjà. De son côté, Joël se frappait le front. Tout ne se passait pas exactement comme prévu. Le comportement spécial de Camille avait quelque chose de troublant pour les non-habitués, et il redoutait encore plus la rencontre entre son père et sa copine.

 

-        Et bien alors, Joël ? Qu'est-ce que tu nous cachais là ?

-        Hmm... mais rien du tout, Maman. Camille est une copine de classe. Je l'ai invitée à passer le week-end ici.

-        Tu invites des copines de classe à dormir ici, toi ? ironisa la mère.

-        Mais euh... c'est strictement scolaire !

-        Qu'est-ce qui est strictement scolaire ? s'étonna une voix grave à l'étage supérieur.

 

Camille leva la tête, intéressée, et vit Pierre Ajacier descendre lentement les escaliers dans leur direction. Elle le dévora ardemment du regard. Il rajustait nonchalamment les manches de son costard et sa cravate, et l'Espionne lui trouva un certain charme. Le même qui émanait de Michaël. Joël se grattait la nuque quand son père s'arrêta devant elle, intrigué.

 

-        Monsieur Ajacier, salua à nouveau Camille, la main tendue.

-        Hé, on n'est pas en politique là ! lança le concerné, mi-surpris mi-étonné.

 

Camille resta sans voix et se laissa faire la bise, choquée. Elle n'écouta pas la mère de Joël expliquer à son mari qui était leur invitée, puis considéra avec beaucoup de curiosité le sénateur. Il se tenait comme tous les hommes politiques, comme Michaël. Droit, quelque peu réservé, mais l'œil flamboyant.

 

-        Camille est une copine de classe qui vient passer le week-end ici, rapporta Flavie Ajacier, alors que Joël devenait de plus en plus rouge.

-        Bien sûr, approuva le sénateur. Et bien entendu, une copine de classe qui passe deux nuits à la maison, c'est totalement scolaire. Surtout quand les parents ne sont pas là pour le week-end. Pourquoi pas, après tout, n'est-ce pas Joël ?

 

Plus confus que jamais, le jeune homme avait déjà disparu dans les toilettes, n'hésitant pas à laisser une Camille de marbre face à ses parents. Elle eut un sourire moqueur, alors que Pierre et Flavie Ajacier riaient de bon cœur.

 

-        Il ne faut pas lui en vouloir... Il n'est pas expérimenté pour présenter correctement ses copines à ses parents. Mais nous pouvons saluer son effort : c'est la première fois qu'il le fait.

-        Je vois ça, constata Camille.

 

Alors que Joël reprenait un teint plus normal enfermé dans les toilettes, Pierre et Flavie discutaient avec Camille. Très vite, ils apprirent tout ce qu'ils devaient savoir sur la petite amie de leur fils, sans pour autant connaître les véritables aspects de son identité. Ils en conclurent que Camille Laurier était une honnête fille, vive, intelligente et bien élevée. Et ils ne doutèrent pas que se tenait devant eux un Polichinelle sachant se fondre dans la masse et envoyé par les Espions.

 

Quand il sentit que l'effet de surprise était passé, Joël rassembla son courage à deux mains et sortit des toilettes. Ses joues étaient encore rouges, mais il ignora le regard narquois de ses parents et poussa sans un mot Camille vers l'escalier qui menait à l'étage.

 

-        Bonne soirée Madame, Monsieur, lança poliment la rouquine.

-        Au revoir Camille, sourit le sénateur. Au fait, Joël, nous partons dans un quart d'heure, alors tu es prié de garder la maison dans un état convenable jusqu'à dimanche, compris ?

-        Compris... marmonna l'intéressé, sans se retourner.

 

Dès qu'ils atteignirent le premier étage, Joël dirigea Camille sur la droite et ils entrèrent dans la chambre en refermant la porte derrière eux.

 

-        Tu vois, il ne fait pas peur, mon père.

-        Ajacier, ton père ne m'a jamais fait peur, répondit distraitement la jeune fille en expectant les lieux.

-        Dit celle qui ne voulait pas venir ici tant qu'il était présent.

-        Oh ta gueule... Jolie chambre, Ajacier.

 

Elle repéra aussitôt le grand aquarium de Joël, et contourna le lit pour l'atteindre. Joël la suivit et sourit alors qu'elle collait son nez à la vitre avec une pointe de curiosité.

 

-        Ce sont eux tes 37 potes ?

-        Ouais. Ils sont beaux, hein ?

-        J'ai pas dit le contraire, mais j'ai une préférence pour les humains quand même. Ah non, mais lui, là, il est vraiment trop moche, fit-elle en pointant un poisson quelque peu bossu, qui semblait gober le verre. T'as vu sa tronche ?

-        Roh, arrête, il est utile !

-        Utile ? Ce truc ?

-        Il lave les vitres !

-        Ben putain, il a une sacrée gueule pour un technicien de surface !

 

Joël donna un coup de coude dans les côtes de Camille, dont l'air moqueur ne disparaissait pas de son visage. Toutefois, il préféra lui montrer les autres beautés de son aquarium et lui désigna alors un petit poisson, pas plus grand qu'un poisson rouge, caché sous un faux récif.

 

-        Lui, là, tu vois ?

-        Hmm ? Le minus, là ? Je ne vois que sa tête.

-        C'est mon préféré. C'est Vanille-Fraise.

-        Vanille-Fraise ? s'étonna Camille, en lui jetant un drôle de regard. Ça te suffit pas de te lier d'amitié avec des poissons, faut aussi que tu leur donnes un nom ?!

-        Mais non ! Vanille-Fraise, c'est son nom commun ! Ou un pseudochromis paccagnellae, si tu préfères.

-        Faisons simple, tu veux ? Vanille-Fraise, c'est suffisant.

 

Elle reporta son attention sur le récif où se cachait l'animal. Quelques secondes passèrent, et Vanille-Fraise sortit timidement de sa cachette. Camille devait avouer qu'il possédait un certain charme : il était joliment coloré. Alors qu'il approchait vers eux pour coller ses narines et sa bouche ronde à la vitre, elle le détailla mieux. Deux couleurs séparaient son corps long et fin : la première moitié était pourpre, l'autre jaune. Ses écailles étaient fines, ses nageoires transparentes. Enfin, les billes noires et rondes qui formaient ses yeux étaient cernées d'un bleu indigo qui suffisait à faire arracher à Joël un soupir émerveillé chaque fois qu'il le contemplait.

 

-        J'avoue qu'il est balèze dans son genre.

-        C'est chouette qu'il veuille se montrer. Il passe la moitié de son temps à se cacher ou à cogner les autres.

-        Vrai ?! s'exclama la rouquine. Il me plaît celui-là !

 

Amusée, elle lança un clin d'œil complice à Vanille-Fraise, qui attendait un grand mystère de la vie, toujours collé à la vitre.

 

C'est au moment que choisit Joël pour se rendre aux toilettes (pour affaire sérieuse, cette fois) que ses parents décidèrent de s'en aller. Camille, se retrouvant seule, les regarda par la fenêtre s'éloigner vers leur voiture et quitter enfin leur pavillon. Sans leur présence au rez-de-chaussée, la maison semblait morte. Pas un bruit ne perçait ce silence, à l'exception des discrètes bulles d'oxygène de l'aquarium. La jeune fille quitta son poste d'observation et s'approcha à nouveau de l'immense récipient rectangulaire.

 

Elle se dressa sur la pointe des pieds et pencha la tête au-dessus de l'eau. Ayant eu peur de cette ombre terrifiante, une dizaine de poissons prit aussitôt la fuite vers l'autre bout de l'aquarium. Camille eut un sourire amer et, poussée par son insatiable curiosité, tendit un doigt sur la surface de l'eau. À peine sentit-elle le contact de l'eau sur sa peau qu'une bouche violette tenta de gober le bout de son index. Vanille-Fraise.

 

Devant cette très désagréable sensation, Camille écarquilla les yeux de surprise et resta pétrifiée quelques microsecondes. La rouquine n'avait jusqu'ici jamais découvert sa phobie. Désormais, elle était fixée. Elle poussa alors un cri paniqué et recula aussitôt en gesticulant le bras à tout-va.

 

Il n'en fallut pas plus à Vanille-Fraise pour être catapulté dans les airs et atterrir sur la moquette de Joël. Camille l'observa faire des petits bonds désespérés sur le sol et n'eut pas le courage de le remettre rapidement dans l'eau. Elle se sentait incapable de toucher une nouvelle fois l'étrange corpulence d'un poisson. C'est donc sans surprise, après quelques sauts d'espoir, que Vanille-Fraise rendit l'âme... juste au moment où Joël débarquait dans sa chambre, alerté par le cri de l'adolescente.

 

Il vit d'abord Camille, recroquevillée contre le mur, puis à quelques mètres d'elle, son poisson favori inerte. Sans un mot, il s'agenouilla auprès de lui et le prit délicatement dans ses mains. Le regard rivé sur la dépouille, il demanda à la rouquine, sans parvenir à cacher sa tristesse, de lui retranscrire les évènements.

 

-        Hmm... C'est ma faute, avoua Camille, rouge de honte. J'ai mis mon doigt dans l'aquarium et il a essayé de me le manger. J'ai paniqué et... voilà. Je suis vraiment désolée, Joël, vraiment.

 

Si Camille se fichait totalement de Vanille-Fraise, elle n'était pas moins affectée par le chagrin de l'adolescent. Elle ne comprenait pas comment il pouvait se lier d'amitié avec une bande de poissons muets, mais à cet instant, Joël allait mal, et c'était là le plus important.

 

-        De toute façon, c'est pas le premier qui meurt... Ils ne tiennent pas, alors bon... fit-il pour se rassurer lui-même, tout en enveloppant Vanille-Fraise dans un Kleenex.

 

Le Kleenex finit par se retrouver à la poubelle, et Joël allongé silencieux sur son lit. Camille, qui partageait sa peine, vint s'asseoir à ses côtés et enroula sa main glacée dans la sienne.

 

-        Je m'en veux, si tu savais...

-        Bah. C'est la vie.

-        Tu n'as pas idée de ce que je viens de faire, murmura Camille, pelotonnée contre lui.

-        Y'a pas mort d'homme.

-        D'un poisson à un homme, il n'y a qu'un pas.

-        Ne raconte pas n'importe quoi, Cam', voulut rassurer Joël. C'était un accident, tu as eu peur, et c'est tout. Ce n'est pas ça qui va faire de toi un assassin confirmé.

 

Camille haussa les épaules et se dégagea de son étreinte. Elle semblait comme armée d'une énergie nouvelle. Joël était fasciné par son aptitude à passer d'un sentiment à l'autre en si peu de temps.

 

-        Bon, soyons optimistes. Je sais désormais que je ne m'approcherai plus jamais de ton aquarium parce qu'il renferme des bêtes horribles et sanguinaires.

-        T'as pas l'impression d'exagérer un peu ?

-        Franchement ? Pas du tout ! Ton poisson de merde a essayé de me bouffer le doigt ! C'était de la légitime défense !

-        Genre ! Et pourquoi t'as foutu ton doigt dans l'eau d'abord ?

 

Camille ne sut que répondre et devint rouge tomate sous l'effet de la frustration.

 

-        Fuck, finit-elle par dire, les bras croisés sur la poitrine.

-        Vanille-Fraise... soupira Joël.

-        Tout n'est peut-être pas perdu, dit alors la rouquine d'une toute petite voix. On peut peut-être le manger...

-        T'es folle ?!

 

Il avait bondi au plafond, choqué par cette cruauté. La jeune fille prit aussitôt un air coupable, accompagné d'une moue d'enfant, qu'il trouva si adorable qu'il retrouva vite son calme et sa bonne conscience.

 

-        Ben quoi ? Le poisson, ça rend intelligent.

-        Espèce de cannibale.

-        Carnivore, Joël, carnivore... Tout le monde, ou presque, mange du poisson.

-        Oui, Camille... mais pas les poissons domestiques.

 

La vision de Vanille-Fraise, qui frétillait dans l'huile de la poêle, lui vint à l'esprit et le fit blêmir. Pour éviter tout malaise, il préféra s'asseoir sur le bord de son lit, et la rouquine l'imita aussitôt.

 

-        De toute manière, il n'y a rien à manger dans ton Vanille-Fraise. Il est trop petit, se lamenta-t-elle.

-        Mon poisson n'est pas à bouffer ! rugit le jeune homme, furieux.

 

Camille éclata d'un grand rire franc qui lui fit perdre toute contenance.

 

-        Je plaisante, Ajacier ! Bon, ça ne te dirait pas de penser à autre chose ?

-        Qu'est-ce que tu proposes ? fit Joël, l'attirant contre lui, coquin.

-        Bas les pattes.

 

Il attrapa les mains qui venaient de le frapper et les fit enrouler autour de son cou. Camille se laissa faire, presque souriante. Ce garçon était bien attachant, au sens propre comme au figuré.

 

-        Tu te consoles vite, pour un gars qui vient de perdre son meilleur pote.

-        N'importe quoi, tu ne vois pas que je cherche à me venger ?

 

 

Camille n'était pas rassurée. Toute la soirée, elle repensa à Michaël. Elle épousait parfaitement son point de vue : Joël n'était pas là pour lui conter fleurette. Pourtant, tout se coinçait quand elle se trouvait avec lui. Il était attentionné, ni trop, ni pas assez, juste comme il le fallait, sans être trop collant. D'un jour à l'autre, la jeune fille avait été ensevelie par trop d'amour. Tellement de tendresse depuis la mort de sa mère l'avait quelque peu déconcertée. Grâce à lui, elle se relevait plus vite qu'avec Michaël et il lui redonnait peu à peu confiance en elle. Camille avait alors remis en question sa mission, ses sentiments, et tout le reste. Elle devait se rendre à l'évidence : elle s'était attachée à Joël Ajacier. Et désormais, le pire était prévisible.

 

-        Une quatre fromages, ça te dit ?

 

Camille retomba de ses nuages et regarda bêtement Joël, qui attendait avec impatience une réponse.

 

-        Alors ? Ouhouh Camille ! Tu m'as écouté ?

-        Hmm ?

-        La pizza ! Une quatre fromages ?

-        Moui.

 

Satisfait, le jeune homme lui tourna le dos pour téléphoner au livreur. Camille, quant à elle, se laissa tomber sur le canapé des Ajacier pour mieux se replonger dans ses songes. Elle médita pendant de longues heures, si bien que Joël se lassa très vite de s'inquiéter. Elle était là sans l'être vraiment. Elle mangeait ses parts de pizza, le regard dans le vide, mais ne semblait pas les apprécier (pourtant, c'était une quatre fromages, diantre !). Elle répondait, évasive, aux questions de Joël, quand ce n'était pas à côté de la plaque. Et lorsqu'ils regardaient un DVD après avoir fini leur repas, serrés l'un contre l'autre, le jeune homme fut convaincu que Camille n'avait pas suivi une minute l'intrigue.

 

Toutefois, au milieu du film, Camille se ranima. Elle en avait fini de se bagarrer avec les pour et les contre, avec les bons mauvais et les mauvais bons, avec tout, et vint se caler sur les genoux de Joël. Étonné, ce dernier lui jeta un regard lourd d'interrogations.

 

-        Ajacier, il faut qu'on parle, déclara-t-elle en glissant ses bras autour de son cou.

-        Ah oui ?

-        Oui.

 

Elle eut un rictus moqueur, ce genre de sourire qu'il adorait chez elle, et l'embrassa furtivement. L'adolescent ne savait pas vraiment quoi en penser, et redoutait même de comprendre les sous-entendus qu'il avait saisis.

 

-        Dans ta chambre, précisa-t-elle.

-        Ah, fit Joël, hébété.

 

Sans un mot de plus, Camille sauta du canapé et s'élança vers l'escalier, lui laissant ainsi le soin d'éteindre la télévision. Il se précipita sur la télécommande et écrasa du doigt le bouton d'arrêt, avant de se lancer à sa suite. Quand le jeune homme pénétra dans sa chambre, elle l'attendait à bras ouverts, et c'était bien le cas de le dire. Elle bondit sur lui et s'agrippa à son cou, tout en l'obligeant à la regarder dans les yeux.

 

-        Joël, je vais t'accorder une faveur. Et crois-moi, je ne mâche pas mes mots, c'est bien une faveur. Tu sais que c'est pas mon genre.

 

C'était la première fois qu'une fille s'y prenait de cette façon pour obtenir la même chose de lui. Allant de surprise en surprise, quoique bien agréables, il ne sut quoi répliquer, mais resta attentif quant à la suite des évènements (et comment !).

 

-        Je le fais parce que c'est toi, et parce que je t'aime, s'écria Camille, énervée, comme s'il avait fait une bêtise. J'agis en connaissance de cause, Ajacier, et je ne regretterai pas, et il y a tout intérêt à ce que toi non plus !

-        D'accord, d'accord, fit Joël pour la calmer. Mais pourquoi tu m'engueules ?

-        Parce que je t'aime ! rugit la rouquine, qui voyait rouge. T'es sourd ou quoi, nom de dieu ?!

 

L'adolescente le tira par le col et l'embrassa furieusement. Elle semblait si en colère, contre elle, contre lui, contre Michaël, contre tout, qu'elle frappa l'épaule de Joël et lui mordit la lèvre inférieure.

 

Ce dernier n'émit aucune remarque, et essaya de l'apaiser davantage. Il freina malgré lui le baiser endiablé de la rouquine et lui caressa lentement le dos. La méthode remporta un certain succès, puisque Camille, les joues roses, finit par se laisser aller contre lui, la tête contre son torse.

 

-        D'accord, Camille, d'accord... Ça va aller ?

 

Boudeuse, elle haussa les épaules en guise d'affirmation, et se laissa embrasser beaucoup plus tendrement cette fois. Alors qu'ils basculaient sur le lit de Joël, elle réalisa ce qui allait se produire, et la panique la gagna. Elle essaya de ne rien laisser paraître, mais son compagnon n'eut aucun mal à le deviner.

 

-        Attends, attends ! s'écria Camille, qui le repoussait vainement.

-        Quoi ?

-        Jure-moi un truc.

 

Joël lui lança un drôle de regard, puis acquiesça et attendit. La jeune fille s'assit en tailleur face à lui et planta son regard dans le sien. Qu'est-ce qu'elle pouvait être comique dans certains moments, à toujours tout prendre au sérieux !

 

-        Ne fais aucun commentaire.

-        Pardon ?

-        Jure !

-        Euh... Aucun commentaire sur quoi ?

-        Sur moi.

-        D'accord, promis, assura Joël, après un silence de réflexion.

 

Camille souffla, soulagée, et se pelotonna dans ses bras pour l'inciter à reprendre là où elle l'avait arrêté. Ce qu'il fit sans protester. Ils s'embrassèrent, se caressèrent, se découvrirent mutuellement, impatients mais pas trop. Camille faisait pression sur sa bouche et sa nuque lorsqu'il lui dévorait la gorge, tout en lui ôtant sa chemise. Les yeux de Joël parcoururent le dos de la jeune fille et s'arrondirent de surprise. Il n'avait jamais vu un hématome aussi impressionnant. Celui-ci recouvrait presque la totalité de son dos, allant de ses omoplates à ses reins. L'adolescent en eut mal au cœur et repoussa la rouquine qui, bien évidemment, le prit plutôt mal.

 

-        T'avais juré ! hurla Camille, furieuse.

-        Je n'ai pas fait de commentaires, et je n'ai pas posé de questions, répliqua le jeune homme, pète-sec, en s'échappant de son lit.

 

Pour seule réponse, elle lui lança un regard contrarié. Il disparut de la chambre sans ne plus faire attention à elle, et elle crut l'entendre jurer dans la salle de bain. Il revint trente secondes plus tard, victorieux, un tube de Biafine dans la main. Le visage de Camille se dérida aussitôt lorsqu'elle le vit s'assoir près d'elle et mettre une noisette de crème dans sa main. Il fit un geste pour l'appliquer sur son dos.

 

-        Ne bouge pas, conseilla-t-il, concentré sur sa tâche.

 

Au fur et à mesure qu'il passait la crème sur sa peau bleutée, il constatait l'ampleur de l'hématome. Il se doutait aussi que Camille devait avoir mal, même si elle gardait le silence. La jeune fille ne disait toujours rien, de peur de se trahir. Reconnaissante, elle avait même envie de pleurer.

 

-        Voilà. C'est pas grand-chose, mais c'est déjà ça, déclara Joël, satisfait. Ben alors, Camille, pourquoi tu fais cette tête ? Ça ne va pas ?

 

La rouquine renifla, les yeux humides, et sauta à son cou. Joël la réceptionna avec un demi-sourire, et ils roulèrent sur la couette. Les tracas de Camille disparaissaient au fur et à mesure que le jeune homme se faisait de plus en plus entreprenant. Au diable Michaël, au diable ses pantins, au diable les gens, au diable la société, au diable l'univers... Polichinelle se foutait bien de tous ces parasites qui lui pourrissaient la vie.

 

Ils faisaient l'amour et tout s'arrêtait là. Camille refusait de penser aux conséquences inévitables qui pourraient se produire dans un mois, trois, un an ou bien cinq ans. Ils étaient juste là, tous les deux, ensemble, à s'aimer, et il ne leur en fallait pas plus.

 

Quand Joël retomba lourdement à côté de Camille, elle eut envie de lui tourner le dos mais n'en fit rien. Il la serra contre lui et lui déposa un dernier baiser sur la joue, qui lui arracha un faible sourire. Le jeune homme ne mit pas plus d'une minute à s'endormir... et Camille pleura à chaudes larmes.

 

 

Au réveil de Joël, le matin venu, nulle trace des larmes de Camille sur ses pommettes sillonnées de taches de rousseur. L'oreiller avait eu le temps de sécher. Joël n'y vit que du feu. Quand bien même tous les indices seraient présents, il ne les aurait pas remarqués. Il contemplait, avec l'air abruti de l'homme amoureux, sa belle au bois dormant, étendue sur le flanc, ses cheveux acajou éparpillés sur le coussin, et le drap ne recouvrant son corps qu'à moitié. Beau spectacle. Le souvenir de l'hématome le contraria quelques instants, mais il fut vite balayé par le désir que fit naître en lui une mèche de cheveux qui glissait lentement le long de la gorge de Camille. À ce moment-là, Joël eut du mal à se contenir et remercia un Dieu en qui il ne croyait pas pour ce merveilleux cadeau. Jamais il n'aurait pensé retrouver une telle fille dans son lit. C'était inouï.

 

Puis, comme il finissait par s'ennuyer, il décida de réveiller Camille. Elle réagit très mal lorsqu'elle sentit une main caresser son épaule, et donna une claque à Joël dans un « paf ! » retentissant.

 

-        Aïe !

-        Grmf, répondit la rouquine, alors qu'il se massait la joue.

-        Putain, tu ménages pas tes réflexes de bon matin toi !

 

Elle bâilla à s'en décrocher la mâchoire et s'étira longuement comme un félin. Enfin, elle battit des paupières et ouvrit peu à peu les yeux. Et le jeune homme reçut aussitôt un regard noir.

 

-        Ça va pas de me faire peur comme ça...

-        T'as l'air d'aller bien mieux qu'hier, en tout cas, ironisa l'adolescent. Ça fait plaisir.

-        La nuit porte conseil, répondit-elle, énigmatique.

 

Joël sourit. Camille avait retrouvé toute sa part de mystère, sa vitalité et son ironie. Ses sautes d'humeur semblaient être définitivement passées. Elle était donc, et c'était le cas de le dire, au top de sa forme. Mais le jeune homme se souvint d'un détail qui eut lieu au cours de la nuit et s'empressa d'en faire part à l'adolescente, de façon peu délicate toutefois.

 

-        Au fait, c'est qui, Michaël ?

 

Camille sursauta, les yeux écarquillés par la surprise. C'était bien la dernière question qu'elle attendait au réveil. Reprenant peu à peu son calme, elle feignit l'ignorance.

 

-        Michaël ?

-        Oui. Cette nuit, tu as eu un sommeil agité... À un moment, tu n'arrêtais pas de te débattre avec les draps - j'ai eu du mal à te calmer - et tu appelais un Michaël.

-        Oh.

-        C'est qui ?

-        Un cousin. Ça fait perpet' que je ne l'ai plus vu... Tu sais ce que c'est, les histoires de famille, Joël.

 

Le jeune homme compatit d'un hochement de tête. Les histoires de famille, chez lui, étaient synonymes d'emmerdements et il ne les comptait plus. Il ne pouvait que comprendre Camille, qui se tortilla comme une chenille pour venir se caler contre lui.

 

-         Joël ?

-         Hmm ?

-         Est-ce que tu savais que les serpents mâles ont deux... ?

-         Deux quoi ?

-         Ben deux... Toi, t'en as une. Les serpents en ont deux.

-         Nan ?!

-         Si, si.

-         Deux ?!

-         Oui.

-         Ah. Mais comment ? Enfin, je veux dire... Comment ils font avec deux... ? J'ai du mal à imaginer deux serpents en train de s'accoupler avec deux...

-         Mais les serpents ne se montent pas dessus, Joël. Ils en ont une pour le côté gauche, et une pour le côté droit. C'est histoire d'être opérationnel dans toutes les situations.

 

Voilà précisément le genre de discussions que Joël adorait partager avec Camille. Une autre fille n'aurait rien eu à dire sur la vie sexuelle des serpents. Camille, si.

 

-        Et dire que ma présence ici est censée être strictement scolaire, fit-elle pensivement, alors qu'il lui mordillait la peau du cou.

-        C'est vrai, admit Joël. Tu es ici pour un exposé qu'on doit faire lundi.

-        Et il serait temps qu'on s'y mette.

-        C'est vrai, répéta le jeune homme, moins enthousiaste.

 

Il soupira et se leva difficilement sous le regard amusé de la rouquine. Il ramassa son jean qui traînait sur le sol pour s'en vêtir, et attrapa au passage un T-shirt qu'il lança à Camille.

 

-        Je ne bosserai pas sans avoir pris mon petit-déjeuner !

-        Moi aussi ! s'exclama Camille, dont l'estomac la rappela à l'ordre.

-        Magne-toi alors ! s'écria Joël, déjà dans le couloir. Je ne suis pas encore assez romantique pour t'apporter le p'tit déj' au lit !

 

Camille éclata de rire, sans trop savoir pourquoi. Elle enfila le T-shirt dans la précipitation et s'extirpa, non sans quelques regrets, du lit chaud de Joël Ajacier.

 

Ce dernier se trouvait déjà aux fourneaux de la cuisine, occupé à faire chauffer du lait dans une casserole. Camille passa derrière lui, s'arrêta, et puis céda à une pulsion qu'elle avait du mal à contenir. Joël sursauta en sentant les deux bras de la rouquine l'enlacer tendrement, et sa joue se poser contre son dos.

 

-        Ça va, Cam' ? fit-il, surpris.

-        Moui... Désolée, j'avais envie.

-        Oh, t'as pas à t'excuser pour ça, tu sais.

 

Ils restèrent deux minutes dans cette position-là. Joël surveillait avec bienveillance son lait, tout en appréciant ce délicieux contact, et Camille se laissait bercer par le pouls du jeune homme, qui lui ôtait toute inquiétude.

 

Une fois le lait bien chaud, elle se sépara de lui à regret et alla s'asseoir sagement à la table de la cuisine.

 

-        C'est le journal d'hier ? demanda la rouquine, dont le regard s'était arrêté sur Le Parisien, posé dans un coin.

-        Ouais, marmonna le jeune homme, préoccupé par le cacao qui refusait de se dissoudre dans le lait bouillant.

-        Cool. Je ne l'avais pas lu.

 

Elle attrapa le quotidien, l'ouvrit d'un geste sec et le feuilleta aussi vite que Pierre Ajacier. Elle ne restait pas plus de deux secondes sur une page, tout en maugréant quelques commentaires ironiques.

 

-        Le foot, j'en ai rien à battre... Ah, nouvelle réforme de l'Éducation nationale. Bordel, on va encore se taper des grèves de dingue... Et pourquoi ils s'amusent à supprimer des postes, d'abord ?... Hmm ? Un mineur arrêté pour agression et viol dans une cité de Bobigny... Pourquoi ne suis-je pas étonnée ? Bobigny cartonne dans ce domaine... Ah ? Le Grand Paris de la sécurité ? Projet qui verra le jour à la fin de l'année : la préfecture de police de Paris va prendre en charge les trois départements de sa petite couronne... Ahah, Joël, on va bien se marrer à Bobigny !

 

Joël posa les mugs fumants sur la table, et s'assit en face de la rouquine, les yeux exorbités de terreur. Il n'avait pas encore pris l'habitude de fréquenter une fille aussi passionnée par l'actualité.

 

-        Papa, sors de ce corps, lâcha-t-il d'une voix blanche. Non, Camille, franchement, tu me fais peur, là, avec cet air sérieux de celui qui lit le journal !

-        Hmm ? Les Espions, répondit Camille, sans l'écouter.

 

Elle fronça les sourcils, rapidement imitée par Joël, et se pencha davantage sur l'article. Le jeune homme, inquiet, l'observa parcourir le texte des yeux et attendit le verdict.

 

-        Bande de nazes, marmonna Camille, sans lever le nez du journal.

-        Qu'est-ce qui se passe ?

-        Oh, ils pensent avoir trouvé la solution pour mettre la main sur les Espions, comme d'habitude... Et comme d'habitude, ils vont être déçus... On ne s'attaque pas à des gens plus forts que soi.

-        C'est-à-dire ?

-        Ils sont certains de pouvoir coincer les Espions en mettant le 36 sur le coup.

-        Le 36 ? s'étonna le jeune homme, alors que la jeune fille levait les yeux au ciel.

-        Quai des Orfèvres, termina celle-ci, exaspérée.

-        Ça me dit quelque chose, mais...

-        La Brigade Criminelle et ses petits copains, Joël !

-        Ah.

 

Camille soupira et replia soigneusement le journal, avant de se prendre une inspiration et se lancer dans des explications.

 

-        Enfin, la Crim' n'enquêtera pas. L'affaire n'entre pas directement dans leurs compétences, malgré l'équipe terroriste qui est à leur service. Tu comprends, Joël, les Espions ne tuent pas. Enfin, en général. C'est à la Brigade de Recherche et d'Intervention, qui loge aussi au 36, que le préfet de police a confié l'affaire. Je suppose que le service des renseignements, c'est-à-dire, les espions et agents secrets français, sont aussi sur l'affaire des Espions... Mais évidemment, ce n'est pas le genre d'informations qu'on va faire diffuser par les médias. Pour en revenir à la B.R.I. (ce sont leurs initiales), les flics qui en font partie sont réputés pour ne pas y aller de main morte et sont spécialisés dans la recherche et surveillance. Ils aiment la baston, et honnêtement, je n'aimerais pas avoir à faire à l'un d'eux.

-        Mais comment tu veux qu'ils espionnent et arrêtent des gens dont ils ne connaissent même pas l'identité ?

-        Bonne remarque, Ajacier. Tu comprends plus vite que notre préfet. Lui n'a pas encore réalisé dans quoi il s'embarquait, ni le temps qu'il fait perdre à la police. Tu sais aussi bien que moi, Joël, que les Espions ne feront aucun faux pas et que les flics resteront encore bien longtemps dans le brouillard.

-        Qu'est-ce que tu veux, Cam', c'est l'administration... Ils sont cons, ils sont cons, on ne les changera pas.

-        Hmm...

 

La rouquine porta lentement le mug à ses lèvres, songeuse. Ses yeux conservèrent une lueur d'inquiétude durant tout le petit-déjeuner, que Joël ne manqua pas de remarquer.

 

-         Bref, conclut-elle, en fermant le journal et le jetant sur le coin de la table. Il y a des jours où leurs papiers de merde me contrarient. Ces jours-là, il ne vaut mieux pas que je les lise. Mais dis donc, Ajacier, je rêve où tu discutes bien avec moi d'actualités ?

-         Quand c'est toi qui m'en parles, ça m'intéresse. Quand c'est les journaux..., je trouve ça nul à chier !

-         Certes. En attendant, au diable les Espions Joël, on a un exposé à faire. Magne-toi de finir ton chocolat !

 

 

À vrai dire, l'exposé fut terminé à temps, mais tous deux devaient reconnaître qu'ils avaient passé plus de temps sous la couette plutôt qu'à plancher sur leur thématique. Aussi, quand elle quitta la demeure des Ajacier le dimanche, Camille ne prit pas le chemin de chez elle, mais celui de la Place des Vosges, à Paris.

 

Ça, c'était pas prévu.

Ça, c'était pas prévu.

Ça, c'était pas prévu.

 

Tourmentée, elle ne cessait de se répéter ces quelques mots. Une fois arrivée à destination, Michaël ne put cacher sa surprise en découvrant son Polichinelle devant sa porte.

 

-        Camille ? Mais qu'est-ce qui t'amène, chérie ? Rien de grave, j'espère ?

 

Polichinelle leva ses grands yeux perçants vers lui et son air déterminé et résolu frappa de plein fouet le chef des Espions.

 

-        Michaël, je suis venue te réclamer trois mois de plus.

-        Je te demande pardon ? s'étonna le patron.

-        Je ne pourrai pas t'amener Joël Ajacier dans un mois. Il est prêt, c'est certain, mais moi, je ne le suis pas. Donne-moi trois mois, Michaël, et passé ce délai, Joël Ajacier sera devant toi. Je ne te décevrai pas, et je te donne ma parole.

 

Captivé, Michaël la dévisageait sans un mot. Bon sang ! C'était bien lui qui avait formé ce petit bout de femme en Espionne redoutable ? Quoique bien ennuyé par sa requête, il n'avait pas le cœur à refuser ce que désirait sa protégée.

 

-        Soit, Camille. Trois mois, pas un jour de plus. J'ai ta parole.

 

Polichinelle acquiesça et quitta l'hôtel de Michaël, refusant son invitation à souper avec lui. Sur le chemin de Bobigny, les mêmes mots obsédaient la rouquine.

 

Merde. Ça, c'était pas prévu.

 

   « Plus ton masque se soulève, et plus tu mens »

 

Extra Un : Vigipirate

 

 

Un magazine avait classé l'an dernier Bobigny comme étant la cinquième ville la plus violente de France. La banlieue de Camille et Joël n'était pas la plus sûre, et c'est pourquoi le père de la jeune fille était réticent à l'idée qu'elle se baladât seule dans la ville le soir. Michaël, au contraire, n'avait pas peur et estimait qu'elle pouvait se défendre face à un ou deux délinquants, pas plus.

 

La délinquance balbynienne évoluait en fonction de la politique du Gouvernement. La ville connaissait régulièrement des émeutes, influencées par les actions terroristes des Espions à Paris, si bien qu'après l'incendie de l'Ambassade de Grande-Bretagne, l'État décida d'enclencher le plan Vigipirate niveau trois.

 

Bobigny se retrouva donc étroitement surveillée, dont le lycée Louise Michel qui avait dû accueillir des dizaines de policiers chargés de fouiller les élèves à l'entrée de l'établissement. Bien sûr, tous trouvaient la mesure abusive - les policiers les premiers - mais elle leur permit cependant de mettre la main sur des objets dits alarmants, comme le coupe-papier de Mo' ou le petit couteau de Nathan.

 

-        Ridicule, maronna Camille, au matin d'une journée.

 

Joël roulait à ses côtés sur un skate-board, absorbé par la musique de son baladeur mp3. D'une main, il enleva un écouteur et se tourna vers sa copine.

 

-        Quoi ?

-        Ridicule, répéta l'Espionne, maussade. J'en ai ras les fesses de me faire fouiller depuis une semaine. Si ça continue, je vais finir par tuer un de ces flics !

-        Bah... Pas à ce point, quand même !

-        Si ! Je déteste sentir leurs sales pattes sur moi, c'est... dégueulasse ! Je me sens violée à chaque fois !

 

Devant l'emportement de la rouquine, Joël ne sut que dire. Il soupira de lassitude et replaça l'écouteur dans le creux de son oreille. Ils se rapprochaient dangereusement du lycée, et Camille était de plus en plus frustrée à l'idée de se faire tripoter une nouvelle fois.

 

Alors qu'ils s'apprêtaient à se faire fouiller, elle changea radicalement d'expression et elle décida de prendre un malin plaisir à faire en tourner en bourrique les policiers chargés de la fouille. Pendant que le premier saisissait le sac de Joël pour le vérifier, le second commençait déjà à tâter le corps de la jeune fille.

 

-        Que craignez-vous, Monsieur ? lança la rouquine, malicieuse. Que je planque un revolver sous mon pull ? Un poignard dans mes poches ?

 

Surpris, Joël releva la tête, en même temps que les policiers, et ouvrit des yeux ronds. Le fonctionnaire qui la fouillait fit mine de ne pas entendre et continua sa besogne. Camille eut un sourire vicieux.

 

-        Notez que mon père a une vieille carabine chez lui, de l'époque où il chassait les lapins en Provence. J'ai aussi huit couteaux chez moi. Mais généralement, on s'en sert pour couper la viande.

 

Le policier cessa à nouveau sa fouille, silencieux, et la détailla d'un air suspicieux. De son côté, Joël jetait un regard affolé à sa petite amie.

 

-        Arrête, Camille, c'est pas drôle... supplia le jeune homme.

-        Ton copain a raison, approuva le flic, qui s'était arrêté de glisser ses mains le long de ses hanches étroites. Fais gaffe à ce que tu dis, tu pourrais avoir des ennuis.

-        Genre ! fit l'adolescente, joviale. Je vis dans un quartier qui craint, peuplé de dealers et de voleurs, c'est pas pour autant que j'en suis une ! Quoique, peut-être que... qui sait ? Auriez-vous des doutes, Monsieur ?

 

Joël, paniqué, voyait déjà le moment où il allait embarquer sa petite amie. Ses prunelles en amande devenues graves ne s'accordaient pas avec son sourire moqueur, et le policier se sentait plutôt confus à ce qui ressemblait à des aveux... ou pas.

 

-        Que croyez-vous, Monsieur ? s'exclama alors Camille, devant son air troublé, sans retenir un rire nerveux, mais néanmoins charmant. Que je suis une terroriste ? Voyons, ce n'est pas censé... J'ai dix-sept ans et je viens d'une famille très honnête, savez-vous ?

-        Ça suffit, tu peux passer ! s'énerva subitement le flic, en la lâchant vers la cour de récréation.

-        Vous me laissez entrer ? s'étonna la jeune fille, sans perdre son air canaille. Vous êtes sûr de ce que vous faites ? Et si je suis une Espionne ? Ne savez-vous pas que c'est moi qui aie foutu le feu à l'Ambassade de Grande-Bretagne ?

 

Furieux, le policier lui jeta un regard noir et Camille afficha une moue d'excuse adorable qui n'eut pas l'effet escompté. Elle préféra s'éloigner et Joël, qui avait juste terminé d'être fouillé, la rejoignit à grands pas, toujours aussi affolé.

 

-        Ne refais plus jamais ça ! Tu sais bien que les flics, ici, ils ne rigolent pas !

-        Mmh.

 

Quand ils disparurent dans un couloir, les deux policiers n'avaient pas fini de se concerter sur cette étrange jeune fille. Celui qu'elle avait taquiné sournoisement se remémora chaque détail de son visage et le son de sa voix. Il repensa à sa maigreur, ses cernes, ses mouvements lents et à son jeune âge. Et force fut de constater que Camille Laurier n'avait rien, mais absolument rien, d'une Espionne.

 

 

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Keina
Posté le 17/08/2010
Commentaire deux jours après la lecture... Du coup, euh, je vais refaire un petit tour sur le chapitre pour m'en souvenir, parce qu'il était long et dense en informations ! ^^
Bon, déjà, confirmation que Camille est Polichinelle ! J'aime beaucoup le surnom. Par contre à un moment tu utilises le "il" alors que tu te réfères à Camille, ça fait bizarre à la lecture. Simple détail...
Ensuite, Michaël... *_* Il est troooop classe. À un moment je me suis même surprise à faire du ship Michaël/Camille mais bon, les scènes d'après me l'on enlevé de l'esprit. Marie semble assez antipathique, mais vu qu'on est du point de vue de Camille, ça doit être normal.  Du coup, elle fait vieille et aigrie, mais j'imagine qu'elle ne l'est pas tant que ça, en se fiant au jugement de Michaël... 
La relation d'amitié entre Tonio, Michaël et Camille a quelque chose de touchant. Tu nous les présentes sous un côté vraiment très humain, du coup on a du mal à se les représenter en terroristes anarchistes. J'aime bien le fait qu'on soit du côté des "méchants". Ça apporte un énorme plus à l'histoire je trouve.
Le plan Ajacier... argh, tu vas nous faire mariner longtemps là-dessus ? Mon hypothèse (que j'ai trouvée toute seule comme une grande ! ^^) c'est qu'ils veulent l'amener à adhérer à leur cause et le retourner contre son père. Ainsi, le père aurait un Espion dans sa propre famille, ce qui serait très pratique pour eux... Bon, une autre hypothèse que j'ai trouvée serait qu'ils veulent le prendre en otage pour faire pression sur son père, mais je préfère ma première hypothèse, elle est beaucoup plus cool pour le pauvre Joël... :'(
C'est curieux, le chapitre a vraiment deux parties bien distinctes, et en même temps c'est comme si elles se faisaient écho ! Dans la deuxième partie, tout semble si simple, si banal par rapport aux conspirations de la première... J'ai trouvé l'épisode du poisson très cruel, Camille est un monstre ! ;) Mais c'est tellement bien décrit, sa panique, l'image mi-comique, mi-tragique du poisson qui se tortille sur le sol... chapeau, je crois que c'est ma scène préférée ! 
Les parents Ajacier sont plutôt cool, c'était marrant de voir leur réaction face aux bizarreries de Camille ! En même temps, je trouve Camille vraiment désarmante parfois... elle est si naturelle !
La scène de déclaration d'amour est tout simplement parfaite pour les deux personnages. Loin d'être sirupeuse, elle est pleine de piquant et d'humour. Et puis la suite... tu as su décrire la scène avec beaucoup de justesse, sans en faire trop, en te focalisant sur les ressentis de Camille. On a le coeur qui se serre pour elle à ce moment-là. 
Finalement, "ce qui n'était pas prévu" est bien amené, alors que ça semblait tellement clair dans l'esprit de Camille dans la première partie...  Maintenant c'est tout confus, mais le lecteur en est beaucoup plus ravi que si elle était restée une froide Espionne calculatrice. Dur dur d'imaginer ce qui va arriver par la suite, à part beaucoup, beaucoup, beaucoup d'ennuis. Hâte de lire ça ! ^^
<br /><br />
La Ptite Clo
Posté le 17/08/2010
Hello Keina ! Merci pour ce commentaire géant, je m'en remets pas ! *_*
Alors, j'étais dans le doute par rapport au il/elle de Popo, et c'est vrai que ça fait bizarre... Mais comme le personnage de Polichinelle dans la comedia dell'arte est un homme, je me suis obligée à mettre "il"... Ca fait vraiment très bizarre, et il faudrait que je trouve une alternative pour que ça passe mieux... À réfléchir, donc. ^^
Je suis ravie que tu apprécies Michaël (au fait, c'est quoi un "ship" ? O_o), je l'aime aussi beaucoup, mais encore une fois, fais gaffe aux apparences ! ^^" C'est vrai que c'est différent de lire - d'écrire, pour moi - du côté des méchants... Malheureusement, même si j'ai pris plaisir à imaginer cette scène, je crois que c'est la seule fois dans l'histoire où on est vraiment du côté des Espions, car je préfère suivre le point de vue de Camille... et Camille ne sera pas forcément toujours avec eux.
Quant à Marie, c'est peut-être la première et dernière fois qu'elle apparaît... car elle ne sert à rien, à part prévenir Michaël.=D C'est une Espionne qui n'a vraiment rien à avoir avec les autres, elle ne participe en rien aux actions terroristes. C'est une "oreille", une Espionne bas-de-gamme (donc forcément un peu jalouse de la seconde Espionne qui, elle, a un avenir très prometteur...).
Le plan Ajacier. J'aime beaucoup ta première hypothèse... Mais Michaël trouverait inconcevable de prendre un tel incapable comme Joël dans ses rangs. =D Être Espion, c'est un peu un état d'esprit, et Michaël ne recrute que les meilleurs et les plus volontaires. Assurément, Joël, qui n'est pas très vif et qui n'aime pas trop trop trop le sport, ferait un très mauvais Espion, et le grand patron ne rentabiliserait pas son choix... x) C'est plutôt ta seconde hypothèse qui se rapproche le plus de la réalité. :)
La deuxième partie, ce que j'appelle un extra, ne fait normalement pas partie de l'histoire. C'est un peu un plus, un texte ou un élément que j'ai pris plaisir à développer (dès fois sérieusement, dès fois pas du tout) et dont l'histoire pourrait très bien se passer (étant donné que je donne au fur et à mesure les mêmes infos reprises dans les extras, même si ce n'est pas dans les premiers chapitres).  Cependant, la rencontre de Michaël et Camille faisait un bon sujet et j'avais vraiment envie de souligner leurs relations ambiguës. :)
Contente aussi que la scène avec Vanille-Fraise t'ait plue ! Pour l'une de mes premières lectrices, "VF" est devenu la grande mascotte de Polichinelle. C'était un gros clin d'oeil à la première version, et je ne pouvais tout simplement pas zapper cette scène. C'est également le premier meurtre de Camille, quand on y pense (SPOIIIILEEER).
En tout cas, je te remercie vraiment pour tes commentaires et ta lecture, ça me fait très très très chaud à mon petit coeur. ^^
Gros gros gros bisous ! ^^
Jupsy
Posté le 15/08/2010
Je me relance dans Polichinelle avec ce chapitre 4.
Tout commence par une petite réunion d'espions où on apprend que Camille est quelqu'un de très apprécié... en même temps si elle l'était vraiment, ce ne serait plus Camille. Par contre, j'ai retenu sa relation avec Marie, l'autre femme. Cela m'a rappelé une interview de Stargate où une actrice révélait que quand il n'y avait que deux femmes dans un milieu d'hommes, leur relation vire plus facilement à la rivalité plutôt qu'à l'amitié. Sinon, je pense que Marie n'a pas tout à fait tort sur Camille, mais elle ne le dit sûrement pas pour les bonnes raisons et elle n'a bien sûr aucune objectivité.
Du côté de Michaël, il apparaît comme quelqu'un de charismatique, sympathique avec un petit côté père poule. Je sais pas pourquoi, mais je lui trouve un côté très mafieux... sauf que je suis pas du tout experte en la matière. Tout ce que je sais, c'est qu'il faut se méfier des apparences, et que derrière un patron paternaliste sur les bords, peut se cacher une personne de redoutable lorsqu'on l'a trahi. Je pense que malgré tout l'affection qu'il semble porter pour Camille, si la demoiselle le trahit se sera extrêmement douloureux...et sa colère pourrait bien être dévastatrice. Après il est aussi possible que le monsieur lui trouve quand même des excuses... bref tout ça pour dire que derrière son apparence protectrice, je suis sur mes gardes... c'est souvent ceux-là les plus dangereux...
Quant à la mise en garde, elle est justifiée et on se doute qu'elle sera transgressée. Camille est jeune, mais elle est aussi amoureuse de Joël, et ce qui devait arriver est arrivé... c'est génial sauf que cela m'inquiète un peu pour la suite. J'ai envie de dire que ça craint pour Camille, ça craint quand elle demande à Michael trois mois... du coup, petite vilaine, tu rends amer un instant que j'attendais pourtant depuis un moment... Pourquoi tu les laisses pas vivre d'amour et d'eau fraîche ? Aie pitié des âmes de ces pauvres gosses ! A leur âge, cela devrait être insouciant... mais avec le rôle joué par Camille, c'est impossible...
Tu es redoutable ma ptite Clo', mais j'aime ça :P
La Ptite Clo
Posté le 15/08/2010
Aresyaaa ! *câlin*
Ton retour m'avait déjà enchanté, mais que tu reprennes Popo, ça me remplit encore plus de joie ! ^^
J'ai remarqué au fil de tes commentaires que tu avais un don pour déceler tous les mystères. =D Tu as raison : Marie n'a pas tort quant à Camille. Cette petite est redoutable, mais personne ne le sait encore. Michaël, le premier. C'est dingue comme tu as pu deviner la suite de l'histoire rien qu'en analysant Michaël. O_O" Je te tire mon chignon, puisque comme tu as pu le constater, cette hypothèse de trahison est tout à fait celle qui va se produire ! Michaël tient beaucoup à Camille, mais il ne lui faut pas trop en demander... Tu as raison de te méfier. ^^"
Béééeuuuh... S'ils se faisaient des bisous dans la plus grande insouciance, sans Espions et problèmes sur le dos, ce serait pas drôle enfiiiin ! T_T Je ne suis pas décidée à leur laisser du répit ! :D
Allez, je passe au suivant... ;) (mouawahahaha, redoutable, moi ? si peu, si peu... =D)
Seja Administratrice
Posté le 02/08/2010
Bon, je tiens déjà à te prévenir que j'ai pas entièrement récupéré mon français, donc si certaines phrases ne veulent rien dire, c'est normal -_-<br /><br />Voilà donc le fameux Michaël. Ma foi, toute cette petite soirée entre espions était bien sympatoche. Et du coup, on en apprend un peu plus sur Camille et sa place dans cette organisation. Favorite du big boss, toujours aussi associale, pas vraiment aimée par ses collègues, sauf de ce Tonio qui a l'air d'un oiseau rare. Et - aha - elle a pour mission de se rapprocher de Joël. Hahaha, adieu belle théories à l'eau de rose...<br /><br />Oh, et je l'aime bien la Camille. Elle a vraiment pas sa langue dans la poche. Remettre le big boss à sa place, peu le feraient. Surtout qu'il a pas l'air bien méchant, juste terriblement protecteur.<br /><br />Mais on ne s'arrête pas là. *asperge son clavier d'une bonne dose d'eau de rose* Non non, car v'là Camille qui vient passer un week end "scolaire" chez Joël. La rencontre avec les parents était marrante. Tu as le don de décrire les personnages en quelques mots et de leur donner une personnalité unique, je suis admirative, vraiment *o* Et bien évidemment, ce qui ne devait pas se passer se passe XD <br /><br />Bien plus que ça même car Camille réalise - après un long débat intérieur - qu'elle tient à Joël. Et va même jusqu'à lui dire qu'elle l'aime en envoyant promener tous ses principes et toutes les mises en garde de Michaël. D'ailleurs, les trois mois supplémentaires qu'elle demande la petiote, c'était touchant. Bon, je me doute bien que les prochains chapitres risquent d'être ardus, mais celui-ci était vraiment chouette.<br /><br />Allez, suivant !<br /><br />
La Ptite Clo
Posté le 02/08/2010
Allez, je me lance ! ^^
Je suis super contente que ce chapitre t'ait plu, c'est également l'un de mes préférés (peut-être parce que c'est l'un des rares où il y a autant d'amour, peut-être xD).
Alors comme ça, Michaël n'a "pas l'air bien méchant, juste terriblement protecteur" ? =D Voui, il en a juste l'air, d'être pas si méchant, mais il y a 80 % de cruauté chez lui (comme tu as pu te rendre compte, et continueras de te rendre compte au fil des chapitres... Et Camille ne vaut pas beaucoup mieux, tu sais... mais elle reste différente parce qu'elle n'agit pas pour les mêmes causes. :))
Au passage, merci beaucoup pour tes commentaires, mais ça, j'aurais l'occasion de te le redire. ;) 
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