Chapitre 4 : Exister pour mieux mourir

Par Malodcr
Notes de l’auteur : En premier lieu, merci de lire cette histoire, elle a subi mes nombreuses pauses, mon syndrome de la page blanche et les doutes incessants.
Ensuite, ce que l'histoire retranscrit n'est pas scientifique ou médicinal, c'est un propre ressenti, des expériences, un vécu et un besoin d'exprimer tout ceci. Si vous vous sentez mal, parlez-en !

Enfin, n'hésitez pas à commenter cette histoire, je prendrai à cœur de vous répondre :)

Les jours avaient passé avec une certaine vitesse.
Après l'événement de la cathédrale, Emy s'était empressée de tout raconter à Léon, le regard pétillant alors le jeune homme fut ravi. Chaque jour qui suivaient, elle se remémora le sourire soulagé qu'essayer de cacher la mère en regardant son enfant. Cette rencontre lui avait redonné un peu d'espoir pour continuer sa vie, y trouver un certain sens.
Une si petite action peut avoir la plus belle conséquence sur un esprit embrumé.
Alors depuis cette fois là, elle se réveillait en voyant cette scène, elle dormait et vivait mieux.

Mars semblait être un mois lumineux malgré ses jours de pluie, peut-être était-ce dû à la région , La Normandie est connue pour avoir cette réputation même si ce n'est pas tout à fait vrai. La Normande : une région aux milles couleurs, vivantes et ensoleillés, un environnement qui plaisait à Emy. Elle était ressortie de temps en temps avec Léon, elle flânait entre parcs et rues désertes, pour la première fois depuis longtemps sortir n'était plus un calvaire aussi pesant, l'air lui faisait du bien et lorsque les bourrasques plus fortes venaient, elle rentrait sa tête dans son écharpe pour se protéger. Que c'était agréable de ressentir de nouveau un quotidien.

Quand avril avait pointé le bout de son nez, Emy avait décidé de reprendre le dessin, gribouiller ce qu'elle voyait. Elle avait développé cette passion enfant, elle ne pratiquait pas de façon régulière mais le peu de temps qu'elle y consacrait durant les années passées lui avait permis de s'évader et de voir les choses différemment. Le dessin comme la photo n'est qu'une représentation biaisée d'une réalité déjà abstraite, voilà ce qu'elle en pensait. Mais elle aimait ça, construire sa propre réalité. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas touché un crayon alors le printemps, les beaux jours et ce petit bonheur qui s'était immiscé il y a peu , ces éléments lui ont donné envie de reprendre.
C'est ainsi qu'un matin, le jour de repos de Léon, ils sont tous deux sortis, elle le carnet de dessin à la main et lui, portait sa trousse remplie de crayon de papier, de BIC bleu et des pointes fines noires : son petit arsenal.
Installés dans un petit parc non loin de l'appartement 3b, ils s'étaient calés sur un petit banc qui donnait vu sur l'entièreté du parc et bien évidemment, sur tous les passants, la faune et la flore. Elle se mit à dessiner de façon brouillon mais totalement reconnaissable : des croquis. La première minute de dessin fut dédiée à la représentation d'un pommier, à la droite de celui-ci elle dessina une abeille qui s'était posée quelques instants sur le genou de Léon et elle s'était rapprochée autant que possible pour la détailler, évidemment elle s'était envolée. Elle retranscrit sur plusieurs pages, en petit format, plein d'éléments : pâquerettes, lierre, branche, muret, ciel, chemin, passants, chien et tout éléments naturels présents, elle retrouvait une passion oubliée et même si les dessins n'étaient pas magnifiques elle les aimait pour leur sincérité que les traversaient. Une heure durant, elle observait son environnement en le figeant définitivement dans son petit carnet. 
Elle réalisa tout d'un coup que Léon était tombé dans le sommeil, la tête en avant et les bras croisés. Elle le jaugea, le scruta et détailla son visage.
Il était beau. Son type idéal, il fallait se l'avouer. Oui, un garçon parfait. Elle prit son crayon BIC et réalisa un croquis de cette scène, dessina ses cheveux ébènes retombant sur ses paupières closes, ce visage adoucit par le sommeil, ses lèvres finement tracé et ce détail sans doute révélé par le soleil : des petites tâches de rousseur qu'elle ajouta immédiatement à son dessin. Ce simple croquis fait en quelques instants avait figé Léon à jamais dans cette position, si ils venaient à se séparer, il serait toujours près d'elle. Elle posa tous ses ustensiles sur ses genoux et se rapprocha de Léon et pris doucement sa tête qu'elle posa sur sa propre épaule. Le garçon ne se réveilla pas et elle continua de dessiner, la tête de Léon sur son épaule gauche et son stylo dans la main droite.
Elle lui était reconnaissante de l'avoir aidé et de continuer de le faire.
Et aussi de l'avoir rencontré.
Au bout de compte, Léon se réveilla une heure plus tard, il prit conscience de sa position différente qu'à l'instant où il s'était endormi, il réalisa qu'il était sur l'épaule d'Emy mais que celle-ci avait elle-même posé sa tête contre la sienne, à quoi pouvaient-ils ressembler de loin ? Des amis ? Un couple ? Cette idée le fit rougir instantanément, non pas qu'il ait de sentiment...N'est-ce-pas ? 
Il tenu la tête d'Emy afin d'enlever la sienne et la reposa sur son épaule. Il prit ensuite le carnet de dessin qu'il feuilleta : elle avait rempli huit pages. Parfois c'était la même chose qui était reproduite mais sous un angle différent. Puis il tomba sur son protrait endormit, il s'observa figé dans cette position, certes c'était brouillon, les traits étaient pas forcément sûrs d'eux mais il dégageait...Quelque chose de naturel. Il remarqua qu'il y avait laissé un mot : 

"Parce que les jours de pluie peuvent être heureux. À toi Léon."

Il observa la phrase avec une certaine joie, la gorge coupée.

— J'aurai préféré te le montrer moi-même.

— Tu l'aurais fait ?

— Sur un malentendu, oui.

Elle releva sa tête et le regarda.

— On rentre ?

— Oui.

C'est dans un calme profond et des pensées positives que le duo s'en alla. Un sourire léger. Des yeux brillants. 

Le treize avril cela bascula. Seulement trois jours après cette sortie. Peut-être était-ce superstitieux ou bien un pur hasard ? L'option deux semblait la plus probable.
C'est dans cette rue où Emy marchait pour rejoindre la place de la cathédrale sa baguette à la main, dans cette rue peu animée, qu'elle tomba sur Lucy et c'est autre fille de sa classe : Léa.
Elles allaient à la boulangerie alors qu'elle venait d'en sortir.
La honte la gagnait en se rappelant ce que Léon lui avait raconté : Lucy l'avait vu dans cet état, c'était elle qui avait ramené son sac, elle qui avait parlé à Léon et surtout, elle seule qui lui parlait en classe avant.
En la voyant, le besoin de se terrer, de se cacher loin d'ici l'envahissait mais elle était tétanisée et il était trop tard puisqu'elles l'avaient vu. Son corps s'était crispé quand elles ont commencé à avancer vers elle. La peur pure et simple se saisit d'elle.

— Emy, c'est surprenant de te voir ici ! amorça Lucy d'un ton amical qui cachait une gêne, comment tu vas ?

— Ah...Je...Ahah oui, je vais...bien, bredouilla Emy.

Quelques secondes passèrent et le regard de la blonde s'adoucissa envers Emy mais avant d'avoir pu reprendre, son accompagnatrice prit la parole.

— Lucy nous a raconté, alors t'es pas juste aigrie, t'es en manque d'attention en plus ? Te suicider ? Ca va pas ? Fallait pas tomber aussi bas !

La brutalité de cette réplique venait de frapper Emy de plein fouet. Bien qu'elle n'ait jamais eux de rapports cordiaux avec Léa mais cela méritait-il cette haine ?

— Léa ! Ca va pas ! Tu te prends pour qui ? la voix de Lucy s'éleva dans cette rue.

— Bah c'est vrai ? elle lanca un regard dédaigneux à Emy, quand on est pas capable de vivre on ne s'impose pas aux autres.

Méchante, violente. Sans raison ? Peut-être que si, selon elle.

En fait, à l'annonce de la tentative de suicide d'Emy (qui avait subi quelques publication sur les réseaux sociaux mais très vite oublié) et son arrêt dans ses études, avaient bouleversés ses camarades qui s'étaient inquiétés pour elle alors que jusque là elle était juste Emy. Cette attention particulière et toutes les conversations qui ne parlaient que d'Emy ont accentué un complexe de Léa : l'infériorité, le besoin d'être le centre de tout. Relayée au second plan par une personne suicidaire lui était insupportable, il fallait qu'elle l'enterre, profondément sous elle.
Sa supériorité, ce moment de gloire vécu sur ce trottoir la fit se sentir puissante : sa rivale les yeux résoluement rivés au sol. Léa avait donc gagné.

— À croire que même les faibles ont une conscience.

Léa avanca et lui posa sa main sur l'épaule.

— Tu n'es rien, murmura-t-elle.

Lucy ne savait plus quoi faire et commençait à trembler et Emy en face d'elle ne bougeait plus, quelque chose venait de se briser alors qu'il était à peine recoller.
La blonde lui fit un câlin.

— Désolée, désolée, désolée, tu mérites pas ça...

Emy n'esquissa pas un mouvement, complètement absente de cette scène.

— Je pensais pas, je la pensais pas aussi...Emy, ne l'écoute pas.

Léa s'écarta d'Emy.

— Je t'en prie prends soin de toi, tu peux vivre ! S'il te plaît.

Sur ces paroles, elle s'en alla, que pouvait-elle faire de plus ?
Emy reprit sa marche aussi fantomatique que possible.
L'esprit lointain, nul part et partout.

"Rien, les faibles, s'imposer, vivre"

Cela la hantait. Quelques mots venaient de la détruire, encore.
Elle est donc si fragile ? Si nulle ? Si pitoyable ? Si ridicule ?
Elle est une merde sociétale, un parasite. Léa a raison.
Devant la cathédrale, elle ne souvient même plus de la scène qui l'avait rendue heureuse. Tout ce qu'elle fit à cet instant, c'est éclater en sanglots, ses nerfs lachèrent, elle aurai aimé hurler mais elle resta debout à évacuer comme elle pouvait.

"Qu'est-ce que je représente ? Rien, hein ? Désolée. Désolée d'exister !"

Elle resta ainsi un long moment. Personne ne fit attention à elle, comme ce fameux jour. ll y en avait qui l'avait vu, un seul, mais il n'était pas là.

"Ils me voient quand ça les arrangent, n'est-ce-pas ?"

Dans sa dernière pensée, elle rentra dans son appartement et se coucha directement, sans autres préavis. Sans rien d'autres qu'un vide complet en elle.

Les jours passèrent et Emy ne raconta rien à Léon par manque d'envie mais aussi par honte d'être de nouveau vulnérable.
Le jeune homme ne comprenait rien, comment avait-elle pu changer du tout au tout aussi rapidement ? Que s'est-il passé ce treize avril quand il l'avait retrouvé tout habillé couchée sur son lit et mentalement absente ?
Emy mangeait à peine le midi, se brossait les dents, passait au toilette mais n'avait plus le désir de faire quoique ce soit d'autre. Comme en février. Cela revenait au point de départ.
Seule la question "pourquoi ?" revenait sans cesse dans la tête de Léon.
Il essayait de la motiver, de sortir avec elle, de dessiner mais elle fixait inlassablement le mur sur le côté, absente de toute communication. Parfois elle répondait "non", "pas faim" ou "bonne journée" et c'était dévenu les jours "avec". Le niveau de ces échelles avaient changé, les jours "avec" n'étaient plus aussi exigents qu'avant. C'était pire qu'en février.

La barrière s'était de nouveau épaissie, l'échec se faisait ressentir. Quand Léon quittait l'apprtement c'était toujours la boule au ventre, la peur de voir Emy ayant passé de la pensée à l'action. Avril avait donc défilé dans une ambiance lourde malgré le soleil présent. Un soleil qui n'avait aucune chaleur et aucune lumière.
Il arrivait à Léon de se demander ce qu'il ce serait passé s'il ne s'était pas rencontrés, s'il n'avait pas été à cette gare, à attendre ce train lui permettant de fuir.
Emy aurait-elle été au bout de son geste ? Oui, évidemment.
Il mangeait son cordon bleu fumant en étant désespéré.
Était-il si inutile que ça ? Il ne peut donc rien faire ? C'est donc ça l'impuissance ? La lumière s'en était allée et il ne savait pas comment la rallumer.

— Léon je suis fatiguée de ne pas être normale.

Telle fut la première la première vraie phrase d'Emy après trois semaines.

— C'est quoi être normale pour toi ?

— Ne pas être désolée d'exister ce serait un bon début, non ?

Et c'est là qu'il réalisa enfin qu'il n'avait aucune idée du pourquoi Emy était tombée en Dépression, comment elle-même a pu déclencher un tel mécanisme d'auto-destruction psychologique ? Elle ne l'a jamais dit et en lui criant dessus à propos de ces cicatrices quelques temps auparavant, elle avait dû se sentir honteuse d'être mal pour ça.

Au final, il n'avait pas respecté la phrase qu'il lui avait dite : 

"L'échelle du bonheur et du malheur n'est pas la même pour tous."

Tout ce qu'elle voulait c'était un peu d'amour pour pouvoir avoir confiance en elle et soulager un poids enfouit.

— Je suis désolé Emy, tellement désolé, dit-il doucement la tête baissée.

— Pourquoi ? elle se tourna vers lui en restant emmitouflé dans son plaid.

— De ne pas avoir su t'écouter, d'avoir été égoïste et d'avoir oublié ta maladie. Tu ne pouvais pas me faire confiance.

— Léon, je ne t'en veux pas le moins du monde, le problème c'est moi, dit-elle en glissant un faible sourire.

— J'aimerai devenir quelqu'un a qui tu pourras raconter ce qu'il t'est arrivé et je ferai tout pour ça.

Ses yeux verts étaient rempli d'une volonté sincère. Ce qui laissa apparaître un sourire vrai sur le visage d'Emy.

— Même maintenant tu t'inquiètes pour moi, je suis un beau fardeau quand même.

Elle se leva doucement, elle portait la même tenue depuis une semaine, elle avait juste changé ses sous-vêtements mais le reste du temps elle ne faisait rien. Alors se lever sans raison apparente, pour elle c'était une image qui paraissait irréelle.

— Je peux croquer un petit bout de ton cordon bleu ?

Léon releva la tête entre la surprise et la joie qu'il dissimulait très mal. Il coupa un quart de l'aliment.

— Tu peux prendre des pâtes avec.

— Je vais voir si ça vaut le coup.

Léon pouffa discrètement. Ca lui avait manqué de manger avec elle, c'était compliqué de se dire qu'il y a peu de temps encore ils sortaient, mangeait et riaient et que de nouveau il faisait façe à une âme perdue. Léon avait pris des habitudes avec Emy déprimée, puis avec une Emy plus joyeuse et maintenant il était façe à une Emy qui se laissait dépérir. Elle avait facilement perdu sept kilos et cela se voyait rien qu'en regardant ses joues.
Léon n'allumait plus la télé depuis qu'Emy était retombée mais comme pour saluer ce retour, il l'a mise en route et leur mini repas fut accompagné de l'émission policière "Hawaï 5-0" qu'Emy affectionnait particulièrement, belle coincidence.

C'est comme ça que chaque jour, Emy venait prendre un petit repas le soir avec Léon, elle l'attendait puis ils parlaient dix minutes et ils partaient se coucher. Léon occupait les trous de son emploi du temps par des mots-fléchés, un puzzl délaissé par Emy ou encore a griffoner quelques trucs sur son cahier qu'il rangeait précautionneusement sous son matelas gonflable, comme un trésor. Le constat principal fut que Léon utilisait peu son téléphone et cela ne semblait pas du tout le déranger.
Quant à Emy ses pensées tournaient en rond comme un disque bloqué. Elle se sentait inutile, vide d'émotion et sans raison d'exister. Si seulement elle était capable de passer au-dessus des remarques, si seulement sa conscience la laissait en paix.
Elle aimerait sortir mais elle n'arrête pas de revoir ce visage à côté d'elle, cette Léa. Les paroles réconfortante de Lucy se sont tues comme si elles n'avaient jamais existées.
Elle se sentait mal avec pour seule compagnie sa petite voix qui lui répétait que si elle ne fair rien cela recommencera encore et encore.
Dans son lit, le vingt-quatre mai elle avait murmuré : 

— Je veux que ca s'arrête.

Léon avait entendu et son coeur avait raté un battement il en était sûr. Avait-il vraiment bien entendu ? Il espéra que ce n'était qu'une phase mais l'espoir est une chose bien trop dangereuse pour être contrôlée.
Emy se haïssait dexister, elle pensait avoir volé la place de quelqu'un. Pourquoi vivre quand on encombre les autres ? 
Pourquoi n'est pas foutue d'aller bien ?
Pourquoi ne peut-elle pas aller au-dessus de ses putains de traumas ?

 

Le vingt-six mai, les passants se rappelleront avoir vu passer un jeune homme en sueur, qui courait dans les rues à une vitesse ahurissante, son téléphone à la main qu'il compressait énormément, tout en lâchant des : "Merde, merde, MERDE !"
Un instinct. Un frisson.
Il le savait pourtant, il le sentait.
Pourquoi était-il quand même parti ? Pourquoi l'avait-il juste regardé sans rien lui dire ?
Devant la porte de l'immeuble, ses mains tremblaient et il ne voyait plus la clé.

— MERDE ! PUTAIN ! Pitié...

Son patron l'engueulera plus tard, là il savait. Oui, il savait.

Il déboula dans le couloir du hall et grimpa les marches comme si elle n'existaient pas.
Si proche et si loin.
Il mit la bonne clé du premier coup dans la serrure et il tomba presque dans l'apprtement 3b.
Elle n'était plus couchée.

— Emy ! 

Il tremblait mais son sang froid prenait le pas sur sa peur.

ll alla dans la salle de bain en panique.
Elle y était.

Une lame de rasoir dans la main droite, quatre entailles aux veines gauches et le regard vide.

Elle était décidée à mourir.

 

Fin chapitre 4

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