La résilience est un mot désignant la capacité d'un organisme à se réadapter à un environnement après avoir subi une quelconque destruction.
Eh bien Emy était loin de se réadapter et elle s'auto-détruisait.
Le regard de Léon ne laissait place qu'à un sentiment : la détresse. Son esprit ne savait pas par où commencer mais son instinct agit séparement et poussa son corps à saisir la lame du rasoir et la mettre dans sa poche, aussi loin que possible d'elle dans l'urgence.
Quand Emy le regarda, c'est comme si elle ne le voyait pas, une siutation horrible dans laquelle elle ne réalisait pas ce qu'elle faisait ni ce qu'il se passait, comme si c'était la seule solution.
Cette fois il était quand même sûr d'une chose : il devait l'emmener à l'hôpital pour la soigner. Pour l'hospitaliser. Pour l'observer. Pour lui parler. Pour bloquer sa vie et la bourrer d'anti-dépresseurs.
— Fait chier !
Ce juron furieux éveilla Emy comme si un choc électrique venait de la parcourir de part en part.
— Léon, je...je ne voulais pas...je..., elle était incapable de formuler une réponse.
Elle plaqua ses mains contre son visage et sanglota. En la voyant réagir ainsi, Léon s'agenouilla et la ramena contre lui et la laissa se blottir.
Les entailles suintaient sans arrêt mais n'étaient pas profondes.
Il ferma ses paupières, comme pour éviter de comprendre les mots qu'il allait prononcer et surtout éviter de voir quel effet ils auraient.
— Emy... On va aller aux urgences.
— Non ! elle s'écarta brusquement les yeux enclins à une panique grandissante, non, non, non ! Si j'y vais, ils vont...Ils...
Il attrapa les poignets de la jeune fille, en évitant les blessures.
— Je ne peux plus assurer ta sécurité ! Je n'en suis pas capable, la preuve est là, Emy !
Dans un affolement total, elle attrapa le désinfectant qui était sur l'évier juste au-dessus et se l'appliqua avec des gestes flous, rapides, paniqués, elle souhaitait que se produit ferait disparaitre les marques, pour montrer que rien n'était arriver, que tout allait bien, qu'elle allait bien. Mais le désinfectant faisait couler des gouttes de sang encore et encore et pourtant elle insistait, elle refusait tout ça.
— Emy.
Mais elle ne l'écoutait pas, parce qu'elle savait qu'il avait raison, qu'elle avait encore tout foiré, elle avait encore craqué. Elle revoyait sans cesse le visage de Léa, ses paroles tranchantes et à ça, se mêlait son passé. Elle ne le supportait plus, elle n'arrivait plus à voir le positif, quand bien même il existait.
Mourir pour enlever une douleur ou mourir pour ne plus rien ressentir ? Il ne lui était pas possible de répondre à cette question car dans le fond, elle ne savait pas encore pour quelle raison elle ressentait le besoin de disparaitre cependant, il était omniprésent.
Léon pouvait-il comprendre ?
— J'aimerai te proposer quelque chose, dit doucement Emy en arrêtant de s'arroser du produit anti-septique.
— Je t'écoute.
— La prochaine fois, si tu me vois tenter quoi que ce soit, nous irons à l'hôpital, au moindre signe que je passe à l'acte, tu m'y emmèneras.
— Non ! Imagine que j'arrive trop tard ? C'est trop aléatoire, trop dangereux !
L'hystérie se mélangeait à la panique mais la colère aussi, Léon lui en voulait de paraître si détachée et pourtant, il ne voulait pas l'emmener contre son gré, ç'aurait été trop difficile à assumer pour lui.
— Léon..
— Je refuse ! Tu viens de tenter de te suicider, merde ! Encore une fois ! Tu me parles comme si...comme si de rien n'était ! Tu te rends compte de l'impacte que ça a sur moi ! Je me sens responsable de toi ! Tu me demandes clairement de te regarder mourir alors que tu viens tenter de le faire définitivement ? Tu ne peux pas être aussi détachée de la réalité !
— Toi aussi écoute ! sa voix se brisa, coincée par un sanglot, je le sais que je suis horrible, d'accord ? Je le sais ! Mais je ne suis pas en Dépression ! Je suis juste...
Léon pleurait. Il avait été égoïste de dire qu'il était mal de la voir comme ça, de la blâmer pour ses propres émotions. Mais en plus, elle renait sa maladie. Oui, il en était sûr, Emy était dans la phase critique. Comment lui dire ? Comment se faire pardonner ? Comment faire pour toute cette situation ?
— Très bien, nous n'irons pas à l'hôpital aujourd'hui.
Une lueur d'apaisement passa furtivement dans les yeux d'Emy.
Il se releva et elle resta assise.
— Je vais rester ici pour le reste de la journée et je vais poser une semaine de congé maladie. Je vais te surveiller et évaluer ton état et fonction de mon verdict à l'issu de cette semaine, j'agirai.
Léon alla s'allonger sur le dos sur son matelas gonflable, le revers de la main sur le front, complètement dépassé par cette scène. Il s'autorisa un rapide coup d'oeil au réveil : dix-huit heures quatorze. Cela faisait donc approxiamtivement quarante-cinq minutes qu'il étaient dans la salle de bain. Emy vint alors se poster au-dessus de lui.
— Tu n'as pas tort, je ne t'ai pas assez pris en considération dans cette histoire. La scène d'aujourd'hui ne me fait ni chaud ni froid. Cela n'est ni bien ni mal. Je ne vois plus la limite et je ne te demande pas de comprendre. Je sais que c'est dur à croire mais...merci d'être quand même arrivé et de croire en moi.
— Si je ne crois pas en toi personne ne le fera et encore moins toi.
La vérité était brutale et difficile à entendre. Emy s'en voulait d'infliger son état à Léon, ce n'était pas une situation agréable pour lui qui subissait ses humeurs et qui l'avait vu attenter à sa vie deux fois.
Que ressentait-il ? Quelles émotions le traversaient en la voyant ? Elle ne pouvait pas le dire, elle ne s'était jamais mise à la place de ceux qui regardent et qui ne savent pas quoi faire et qui pourtant, font tout leur possible.
— Léon, elle s'asseya surle parquet en se collant au bord du matelas, que ressens-tu ?
— Comment ça ?
— À quel point mon état influence sur toi ?
Léon se redressa sur ses coudes immédiatement.
— À partir du moment où je t'ai rattrapé sur le quai de la gare, j'ai su que ça allait être difficile, il baissa la tête, mais la vérité c'est que j'ai peur de craquer à tout moment. Puis-je vraiment changer quelque chose ? J'en doute de plus en plus.
La jeune fille resta silencieuse quelques instants avant de tomber en arrière sur le ventre de Léon.
— J'espère que tu ne partiras pas car je sais que tu as une bonne influence sur ma vie, malgré mes faiblesses.
Léon retomba en arrière.
— Je ferai de mon mieux en tout cas mais cette histoire nous laissera des séquelles à toi comme à moi.
— À vie.
— Comme un tatouage.
— Tu viens de me comparer à un tatouage ?
— Faut croire.
Difficile d'imaginer pour Léon qu'il y a encore quarante-cinq minutes il la retrouvait le poignet entaillé, le regard vide, prête à mourir.
Et il ne lui avait pas dit la vérité.
Il était déjà au bout. Il ne savait pas comment gérer ce genre de phase. Elle avait essayé de mourir et là, elle lui parlait de façon légère, éloignant ce souvenir d'un simple geste de la main, le même que lorsqu'on enlève une poussière désagréable sur le tissu noir.
C'en était trop. Trop pour la laisser se détruire sans émotions. Lui-même s'épuisait à force d'accumuler toutes sortes d'émotions.
La sauver aujourd'hui ne signifie pas qu'elle voudra vivre demain.
Emy s'était endormie sur Léon et celui-ci décida d'en faire de même, il vérifia que la lame était toujours dans sa poche avant d'entreprendre ce sommeil qui l'emmènerait sans nul doute à la journée d'après, il fallait se préparer à affronter une nouvelle période encore plus compliquée.
Le réveil ne sonna pas et pourtant Léon avait ouvert ses yeux de bonne heure et était rentré en paralysie volontaire. Durant la nuit, Emy avait bougé et était montée sur le matelas en se calant contre Léon et ce un peu trop au goût de celui-ci car il ne pouvait ni se gratter ni se lever car sinon il culpabiliserait de l'avoir réveillé mais il fallait quand même qu'il prévienne son patron pour l'abscence qu'il allait provoquer.
Il ne sut pas au bout de combien de temps mais Emy se réveilla et eut un certain temps d'adaptation.
— Oh mince ! Désolée, Léon !
— Je m'en remettrai, normalement, en théorie, si tout se passe bien.
Elle se leva doucement, Léon sur ses talons. Ils tentèrent d'être à deux dans la petite cuisine mais le résultat fut plutôt déplorable, alors le jeune homme prépara le petit-déjeuner pour eux deux. Il réalisa soudainement quelque chose, qu'il garda pour lui et qui le perfora : il aurai pu être seul aujourd'hui et pourtant tout semblait anormalement, normal. La journée d'hier n'était rien de plus qu'un cauchemar sans importance.
— Comment tu vas ? demanda Léon en posant les deux chocolat chaud fumant.
— C'est difficile à dire, elle souffla sur son bol, je revêts contiuellement un masque imaginaire comme si ça allaient me créer des émotions réelles.
Léon ne répondit pas car il ne savait pas quoi dire. À la place, il prononça une pensée enfouie en lui.
— Que dirais-tu d'aller voir Athos, Opié et Lord en juin ?
Il avait fait cette suggestion en sachant que ce serait quitte ou double : soit elle acceptait soit elle tombait plus profondément encore.
— Je ne veux pas avoir affaire à mes parents alors..
— Je n'ai jamais dit que nous devions les voir.
Sa remarque suscita une certaine curiosité chez Emy.
— Tu proposes qu'on aille chez moi lorsque mes parents sont absents ?
— Oui, de ce que j'ai vu sur tes photos tu vis dans une ferme, on pourrait y aller quand ton père est dans les champs et ta mère au travail.
— Commen tu sais que mon père est agriculteur ?
— Tes photos Emy, ta vie se lit dans les pas moins de quatre cent soixante trois photos que tu as accroché et puis, tu vis dans une ferme quoi.
La jeune fille semblait ravie de constater une telle perspicacité.
— Tu vas pouvoir venir avec ton emploi ? Et comment on va y aller ?
— La supérette ferme une semaine en juin, le congé annuel et pour le transport, tu es venue comment jusqu'ici ?
— Bah, en voiture.
Ils se regardèrent, silencieux, Léon attendait qu'elle réalise.
— Ah oui ! J'ai une voiture, ma C3 !
Léon se mit à rire devant sa réaction enfantine.
— Bon j'appelle mon patron et on ira voir si elle démarre, tant qu'on y pense.
Il se leva de table et saisit son téléphone sous le regard inexpressif d'Emy, comme si tout à coup toutes ses émotions venaient de la quitter, sans aucune raison.
— Ca c'est fait, le congé de cette semaine est accordé, il l'a très bien pris au final, c'est un excellent employeur.
Elle lui souria faiblement. Et voilà un nouveau contrast entre sa tête il y a quelques minutes auparavant et maintenant.
Léon cherchait la clé de la voiture pendant qu'Emy faisait la vaisselle. Les deux tâches effectuées, ils descendirent dans la rue une nouvelle fois calme et ensoleillée. C'est évidemment Emy qui les guida jusqu'au parking où était garée le véhicule. Cinq minutes à peine et ils se trouvèrent sur un parking d'une quinzaine de places. Immadiatement, elle se diriega vers la C3 verte kaki et Léon l'ouvrit grâce à la centralisation.
— Dis, Léon tu as le permis ?
— Euh, oui pourquoi ?
— Si tu veux pas finir au fossé il faudra que tu conduises.
Il tâtonna sa veste pour vérifier qu'il y trouverait son porte-feuille et indéniablement, son permis.
— Léon, allons à la plage.
C'était plus un besoin qu'un ordre, et il venait du coeur.
— D'accord.
Il enclencha la manette pour ouvrir le capot et vérifia les niveaux avant tout essais de démarrage. Un rapide coup d'oeil et une dernirèe vérification au niveau d'huile lui permirent de monter dans la citadine suivi d'Emy.
Léon mit le contact et tourna la clé, la voiture démarra directement, sans difficultés. Emy tapota sur son téléphone avant de le placer sur le porte-téléphone prévu à cet effet, pour qu'il réponde à son rôle en tant que GPS.
— Allons voir les plages du débarquement, j'ai envie de les voir et de les ressentir
— Alors, en route !
C'est ainsi qu'à onze heure le duo s'en alla pour une heure trente de route de trajet en Normandie. Les trentes premières minutes du trajet n'étaient remplies que par la voix robotique du GPS, Léon sentait cependant qu'Emy souhaitait lui parler.
Ce qu'elle fit dix minutes après.
— J'ai revu une fille de ma classe. Enfin, deux précisément, elle tourna la tête vers la fenêtre, l'une d'entre m'a, comment dire ? Plus marqué que l'autre ?
Léon se doutait de ce que qui allait suivre, le ton vide d'émotion employé et le regard qui l'évitait, il avait compris.
— J'ai revu Lucy, qui a été gentille je crois mais ses paroles sont passées au travers, je ne les aient pas enregistrées, je les méritaient pas mais celles de Léa, elle remit sa tête face au pare-brise, ses paroles m'ont saisies, parce que put*** elle a raison ! Parce que, put***, j'ai une conscience tenace ! Elle a raison ! Je m'impose aux autres ! La preuve, je bousille ta vie ! Tout ça parce que j'ai pas été foutues d'aller au-delà de mes traumas ! Bordel ! Léa a ...
Elle fut coupée par Léon qui venait de poser sa main sur sa cuisse tout en restant concentré sur la route.
— Emy, écoute-moi, rien de ce qu'elle a dit n'a la moindre valeur. Elle est mauvaise. Tu ne crois pas que tu te fais assez de mal seule ?
Une larme coula sur la joue d'Emy.
— J'ai oublié comment vivre, comment être heureuse, pour moi tout est faux, je suis hyprocrite, j'ai enterré ma joie aussi vite qu'elle était revenue, sans même en profiter car j'ai naïvement pensé qu'elle resterait, mais..
Léon essuya tant bien que mal la larme de la joue d'Emy.
— Tu n'as pas à te justifier, tu vis et tu ressens les choses différemment, encore plus que les autres et cela ne fait pas de toi un monstre.
Il remit sa main sur le volant.
— Tu as un vécu personnel, tu ne peux pas paraître comme tout le monde. Tu dois apprendre à vivre avec des traumas envahissants.
Elle tourna sa tête vers lui.
— Merci Léon, merci pour tout.
— Je resterai autant qu'il le faudra.
La phrase fit passer un frisson sur la nuque d'Emy car ces mots sous-entendaient qu'il partirait, à un moment. Cette idée l'angoissait, depuis qu'il était arrivé, elle n'avait jamais imaginé se retrouver seule, sans lui. Elle posa sa tête contre les montant de la voiture et ferma ses yeux : emmêlée entre apaisement et angoisse.
Ils arrivèrent sous les coups de midi trente, Emy s'étira dès qu'elle toucha le sol. L'air marin transporté par la brise sembla la plonger dans une bulle de paix.
— Cela faisait cinq ans que je n'avais pas vu la mer, dit doucement Emy.
Ils 'étaient garés sur un parking juste en face de Ouisthream, non loin d'un restaurant. Côte à côte, d'un pas assuré, ils allèrent sur la plage pour observer cette terre d'histoire. Quand ils se postèrent devant l'étendue aquatique qui s'était reculée, l'atmosphère était lourde, la plage désertée et le ciel assombrit.
Et pourtant, il n'y avait pas de meilleur jour que celui-ci pour y aller.
— Tu le ressens toi aussi ? questionna Léon.
— J'ai l'impression de les voir, ces soldats qui savent qu'ils se jettent dans la gueule du loup, apeurés mais courageux. Sans eux...
Elle frissonna après avoir senti une brise plus forte, dans un geste de protection Léon entoura les épaule d'Emy de son bras et la rapprocha de lui. Le partage de chaleur, bien que subtile, raviva Emy.
— Cette terre est une marque de notre vie, comme nous elle porte des cicatrices qu'elle peine à camoufler, lui destina Léon.
Devant cette remarque, Emy souria : elle était comparée à la plage, aux rochers et même à la mer.
— Dis, t'aimes les moules-frites ?
— Oui !
— Ca tombe bien ! Il y a un restaurant pas loin, "La Moulerie", ça te tente ?
Et sans attendre sa réponse, Léon se mit à courir sur la plage suivit par Emy, le visage rayonnant.
À suivre...