“ I see hard times coming
I feel a flood in my veins
I hear a warning in the thunder
I got a sinking in my chest
These thoughts keep running
I see hard times coming. ”
Vision Vision, Hard times.
La pause de Soline et Orion sembla durer une éternité, alors qu’en réalité, elle ne s’étendit que sur une dizaine de minutes. Toujours en fixant le ciel, Soline finit par rompre le silence qui s’était installé entre eux :
— Il faudra quand même que tu me dises pourquoi tu t’es aventuré jusqu’ici ce matin.
Orion tenta de paraître détaché, mais cette intervention le prit de court, aussi soudaine qu’accusatrice.
— Par hasard ?
L’unique œil de Soline se posa sur lui ; il y devina une pointe d’agacement.
— Depuis quand la Colonelle Loba Sullivan rime avec hasard ?
— Qu’est-ce que ma mère vient faire dans cette discussion ? Et si t’as déjà ton avis sur la question, pourquoi tu me demandes des comptes ?
Soline se redressa dans l’herbe et soupira.
— Je te laissais une chance de me dire la vérité. Je ne supporte pas qu’on me mente. J’ai vu Loba passer au début de mon entraînement et un quart d’heure plus tard, tu étais là, planqué dans la forêt. Ne me fais pas croire que c’est une coïncidence.
La culpabilité se forma sur le visage d’Orion, qui avoua :
— Les hauts gradés sont inquiets à ton sujet. Ils ne parlent que de toi depuis ton retour.
— Pourquoi ?
Orion chercha ses mots, hésitant un instant à révéler les informations qu’il avait en sa possession étant donné qu’elles provenaient des confidences de ces deux mères. Mais, finalement, sa langue se délia :
— Tu n’es plus la même. T’as énormément changé depuis l’année dernière et ça peut se comprendre… Ton accident a des conséquences irréparables, mais ils pensaient que t’offrir un poste à responsabilité te rendrait plus joviale, plus active sur la base et plus utile. Sauf tu t’isoles, t’es presque fantomatique. Même moi je le vois alors que…
— … alors que tu me détestes.
Il se figea quand Soline le coupa avec amertume. Ce n’était pas ce qu’il voulait dire, au contraire : il avait réalisé, quelques jours plus tôt, à force de l’espionner, que son animosité envers elle commençait à s’amenuiser.
— Je ne te déteste pas.
Ses mots ne suffirent pas à convaincre la jeune femme, qui se referma immédiatement sur elle-même. Orion vit sa déception s’immiscer sur son visage. La lueur de son œil s’éteignit, son sourire s’effaça. Elle se leva et rassembla ses affaires. Dos à Orion, elle conseilla :
— Tu ferais mieux de retourner faire un rapport à tes mères. Dis-leur qu’elles peuvent me retirer ma promotion, si je les inquiète tant que ça.
Orion tendit une main vers elle afin de la retenir.
— Barnes, je…
— Orion, bordel !
Coupé dans son élan, Orion sursauta en entendant son prénom résonner derrière lui. Il se tourna vers la lisière des jardins, d’où surgit Félix, essoufflé et agacé. À la hauteur de son meilleur ami et de Soline, il s’exclama :
— Putain ! Mais qu’est-ce que vous foutez ici, tous les deux ? Et tu ne peux pas répondre à ton téléphone ? Je te cherche depuis une demi-heure, je t’ai appelé au moins dix fois !
Orion prit l’affolement de Félix à la légère ; il se leva lentement et épousseta son uniforme.
— Qu’est-ce qu’il y a de si urgent ? Tu t’es retrouvé en rade de capote avec Storm, c’est ça ? Ou tu paniques parce qu’il est tombé amoureux de toi en deux jours ?
Félix, exaspéré, lui lança un regard noir.
— Arrête tes conneries et bouge-toi. C’est pas le moment de blaguer : on est convoqué chez les Commandants !
Soline profita de la discussion entre les deux hommes pour essayer de s’éclipser dans la forêt et trouver un peu de solitude, mais elle se heurta à une barrière invisible. Son corps entier se contracta, puis l’obligea à faire marche arrière, sans qu’elle ne puisse contrôler quoi que ce soit. Félix l’interpella :
— Pas si vite, Barnes. Ça te concerne aussi ! Tu viens avec nous !
Elle avait oublié que Félix maîtrisait aisément la psychokinésie et elle détestait qu’il utilise son don sur elle.
— Tu flirtes avec le consentement, O’Reilly, grogna-t-elle.
Félix esquissa un sourire espiègle, avant de répliquer :
— Je flirte avec tout ce qui bouge, tu devrais le savoir. Mais crois-moi, j’ai pas besoin d’user de mes pouvoirs pour séduire mes partenaires.
Soline s’ébroua, en retrouvant la possession de ses mouvements, puis roula de l’œil.
— Prétentieux, en plus de ça : t’as tout pour plaire, décidément.
— C’est pas de la prétention, mais de la clairvoyance.
Orion sentait que la discussion risquait de dégénérer. Une taquinerie supplémentaire, ou un mot trop haut, pouvait mettre le feu aux poudres. Il intervint, pour éviter qu’une dispute éclate.
— T’avais pas dit que c’était urgent ? Allons-y.
Soline soupira, peu ravie de quitter son refuge et de retrouver la civilisation, mais elle se résigna à suivre Orion et Félix. Ce mystérieux appel des Commandants ne présageait rien de bon.
La salle du Conseil était un lieu imposant, presque sacré. Rares étaient les soldats du rang qui avaient eu le privilège d’y pénétrer, puisque les réunions qui s’y tenaient étaient réservées aux membres du Haut-Commandement. C’était dans cette pièce que toutes les décisions militaires importantes étaient prises depuis plus de trois cents ans. La légende de l’académie affirmait même que c’était la première infrastructure construite par les dieux sur l’île de la Garde. Pourtant, Soline, Orion, Félix, et cinq de leurs camarades y avaient été convoqués. En formation le long du mur, dans le couloir, ils attendaient que leurs supérieurs les invitent à entrer. Leurs regards convergeaient de temps à autre, mais aucun mot n’était échangé. Une pression invisible pesait sur leurs épaules ; l’anxiété et la curiosité se mêlaient sur les visages. Soline, elle, demeurait aussi droite qu’un pic, comme si elle était faite de marbre. Sa posture était cependant empreinte d’amertume. Les récentes affirmations d’Orion, concernant l’inquiétude des hauts gradés à propos de son isolement, tournaient en boucle dans son esprit. Elle avait l’impression qu’il avait utilisé leur entraînement comme un guet-apens. Elle avait baissé sa garde trop vite et l’avait laissé recueillir des informations précieuses. Elle ne pouvait s’empêcher de se sentir bernée, même s’ils n’avaient jamais été amis.
Quand elle en eut assez de ruminer, elle scruta ses compagnons. D’abord Aloïs Hoffman, placée à sa droite, qu’elle reconnut en un coup d’œil de par sa longue et épaisse chevelure rousse. Aloïs était réputée pour sa puissance et sa ruse au sein de l’Infanterie ; son air sévère ainsi que son allure de guerrière la rendaient impressionnante. Elle se tenait à côté de Vangelis Botzaris, beaucoup plus énigmatique, mais pas moins brillant. Son apparence sombre et sinistre le faisait ressembler davantage à un nécromancien qu’à un soldat. À travers la Garde, les recrues répandaient la rumeur qu’il pouvait provoquer des hallucinations et lire dans les pensées d’un simple regard. Soline frissonna lorsqu’il la dévisagea en retour, puis elle se tourna sur sa gauche. Entre elle et Félix se trouvait Mereg Varga, une autre paria de l’académie, entourée d’une aura de mystères. Elle était membre du Génie Militaire, comme Orion. Ses capacités en chimie dépassaient largement la moyenne. Elle réussissait à créer des bombes et du gaz en un claquement de doigts. Les ragots avaient fait d’elle une sorte de sorcière, mais elle avait déjà prouvé, au cours de nombreuses missions, que sa loyauté était aussi indéfectible que son talent. Si Soline avait assisté à plusieurs cours avec Mereg et Aloïs au début de ses classes et entendu parler de Vangelis, en plus d’avoir plus fréquemment côtoyé Orion et Félix, elle ne connaissait pas les deux Gardiens en bout de file. Une analyse attentive de leurs uniformes et de leurs insignes lui permettait de deviner leurs unités respectives. La jeune femme, dont Soline supposait l’origine coréenne, arborait la tenue officielle des recrues de la Cavalerie. Elle portait aussi des prothèses auditives, à peine dissimulée sous ses longs cheveux noirs. Le second inconnu possédait des traits indiens et semblait plus âgé que le reste du groupe. Une blouse de la division médicale était pliée en quatre sous son bras. Soline ne sut pas s’il était présent au même titre qu’elle et les autres, ou s’il devait les surveiller.
Les portes imposantes de la Salle du Conseil, ornées de runes de protection, s’ouvrirent à la volée, empêchant Soline d’approfondir ses observations. Lorsque les huit militaires franchirent le seuil, un sentiment de grandeur les submergea. La salle était véritablement grandiose. Une ambiance solennelle y régnait. Elle était très vaste, étalée sous un plafond en voûte, décorée de fresques. Des représentations de batailles légendaires et de héros mythiques étaient tapissées sur les murs. Au centre de la pièce, sous d’immenses lustres en cristal, se trouvait une longue table en chêne massif, entourée de chaises finement sculptées. Une carte détaillée des Mondes était gravée sur le plateau ; Soline reconnut l’Olympe, la Terre et les Enfers, mais bien d’autres royaumes siégeaient à même le bois. Les jeunes Gardiens étaient plantés au milieu du décor, toujours en silence, sans trop savoir comment s’y tenir.
Heureusement, ils ne demeurèrent pas longtemps dans l’indifférence. La Colonelle Loba Sullivan entra et leur fit signe de s’asseoir autour de la table. Loba avait une prestance inégalable et un style impeccable, de même que sa femme, Noctis. Mais peu importe son allure ou son statut, c’était surtout ses talents d’espionne qui l’avaient rendue célèbre et respectable. Elle déjouait des centaines d’attaques maléfiques chaque année et était à la tête du Renseignement depuis tellement de temps que tout le monde pensait qu’elle l’avait fondé. Elle était un véritable modèle pour de nombreuses recrues, contrairement à son bras droit, le Commandant Victor Thornton, qui inspirait la crainte à ses subalternes. Victor resta d’ailleurs en retrait, debout derrière le fauteuil Loba, ses bras croisés sur son torse surdéveloppé. Il laissa passer les deux responsables des Forces Spéciales — les Commandants Sophia Bennett et Vince Rivera, un duo aussi inséparable que redoutable — qui s’installèrent sans un geste ni un sourire pour les invités. Le Colonel Rex Carter, directeur adjoint et meneur des opérations terrestres, ferma la marche et verrouilla la salle d’un tour de main. Sa présence, d’une rareté déconcertante, ne fit que renforcer le caractère exceptionnel de la réunion. Les huit soldats se sentirent comme des pions dans un jeu bien plus grand qu’eux, sous les regards inquisiteurs de leurs supérieurs.
— Gardiennes, Gardiens, je vous ai rassemblés aujourd’hui parce que nous faisons face à une situation critique depuis plusieurs mois…, commença la Colonelle Sullivan, en sondant son auditoire avec sagesse. Vous n’êtes pas sans savoir que les Prométhéens sont de plus en plus difficiles à canaliser. Ils deviennent un peu plus nombreux et virulents chaque jour, mais aussi plus stratèges. Nous essayons de déjouer leurs offensives aux quatre coins du globe, mais il semblerait que leur puissance se soit récemment décuplée.
À la mention des Prométhéens, Soline frissonna des pieds à la tête. Cette organisation extrémiste agissait au nez et à la barbe de la Garde depuis presque un siècle, et causait beaucoup de désastres sur son passage. Ravages environnementaux, disparitions mystérieuses, déséquilibre magique, vols de biens et de sorts… Ses membres étaient loin d’être des enfants de chœur et représentaient, à ce jour, la plus grande menace qu’un Gardien doive contrer. Partout où ils revendiquaient le droit d’utiliser impunément la magie — le droit de la dérober aux dieux, aussi —, le chaos survenait. Soline et ses pairs savaient que la situation n’était pas à prendre à la légère, si les Prométhéens étaient impliqués.
— Nos informateurs nous ont confirmé que nos ennemis ont fait un pas décisif le mois dernier. Ils ont apparemment mis la main sur les Arcs des Jumeaux… et sont désormais capables de nous atteindre de plein fouet.
La Colonelle marqua une pause dans son récit pour laisser la nouvelle capitale pénétrer l’esprit de son assemblée. Jusqu’à maintenant, Les Prométhéens n’étaient pas suffisamment forts pour désarmer un Gardien, encore moins pour affronter une divinité, et devaient employer la ruse pour gagner les batailles. Mais les Arcs des Jumeaux, reliques porteuses des pouvoirs d’Artémis et d’Apollon, pouvaient faire basculer l’humanité dans les ténèbres.
— Ces artéfacts sont d’une puissance incommensurable, continua le Commandant Thornton. Les conséquences de leur utilisation sur Terre pourraient être désastreuses, pour nous, autant que pour les civils et les dieux.
Les jeunes soldats écoutaient attentivement, tendus, les yeux rivés vers les haut-gradés. Ils captaient l’urgence et les risques, seulement, ils ne voyaient pas encore quels rôles ils pourraient avoir face aux extrémistes. Le Colonel Carter, comme s’il avait deviné leurs interrogations, élucida une partie du mystère :
— La majorité de nos brigades d’élite sont actuellement en mission tout autour du globe pour répondre aux attaques et protéger les autres reliques. Nous sommes donc en manque d’effectif qualifié pour aller récupérer les Arcs.
Il passa une main dans sa barbe blonde, presque blanche, avant de reprendre ses explications.
— C’est pourquoi nous avons décidé de vous extraire de vos divisions respectives pour constituer une nouvelle unité.
Des regards s’échangeaient, le stress s’accentuait autour de la table. Les cadets sentaient le poids de la responsabilité qui incombait et comprenaient, avec surprise, que l’opportunité qu’on leur offrait était unique. La formation des unités n’avait lieu qu’à la Lune Pourpre, lorsque les officiers changeaient de grades et que les recrues commençaient leurs classes. Les nouvelles n’étaient créées qu’en cas d’extrême urgence ou après la dissolution d’une autre équipe. Les deux exceptions se côtoyaient aujourd’hui : Perseus était tombée au combat six mois plus tôt et les heures devenaient sombres. La Colonelle Sullivan prit à nouveau la parole, pour rassurer les moins expérimentés et appuyer les propos de son homologue.
— Nous vous avons choisi en raison de vos compétences, de vos pouvoirs et de votre détermination, qui, je le sais, feront la distinction sur le terrain. Vous venez de divisions différentes, mais représentez l’élite de vos promotions : vous avez déjà fait vos preuves depuis votre admission à la Garde. Mélanger les diverses spécialités de notre académie au sein d’une même unité est rare et novateur, je le conçois, mais la situation est singulière. Nous devons nous y adapter.
D’un signe de tête, elle transmit le fil de la conversation au Commandant Rivera, qui annonça d’une voix ferme :
— Vous serez l’unité Atalante, sous ma supervision directe. Vous prendrez vos quartiers dans les anciens dortoirs de Perseus. La Caporale-cheffe Barnes, déjà installée dans cette zone, vous montrera le chemin… Elle sera également à la tête de votre équipe, secondée par le Caporal Sullivan.
La nouvelle désignation de Soline prit tout le monde de court, y compris elle-même. Elle se dressa sur sa chaise, étonnée ; elle n’aurait jamais pensé recevoir une seconde promotion cette année, et encore moins diriger une bande d’inconnus sur le front. Orion était beaucoup mieux placé qu’elle pour ce poste, puisqu’on l’avait élevé comme un futur leader. Il était d’ailleurs déstabilisé, presque vexé par sa relégation au second rôle pour cette mission. Les autres membres de l’Atalante, eux, étaient davantage perturbés par le fait de devoir changer d’équipiers et s’intégrer à un nouvel ensemble. Félix, plus téméraire que ses congénères, ne sût pas tenir sa langue :
— Donc… Qu’est-ce qu’on est censé faire ? Tous les huit ? Je veux dire… Nous ne sommes pas des novices, c’est certain, mais nous n’avons pas non plus autant d’expérience que les sous-officiers que vous envoyez d’habitude en zone de conflit. La plupart d’entre nous n’ont réalisé que des missions de nettoyage, c’était loin d’être des opérations à haut risque. Et puis… On ne s’est jamais entraîné ensemble, qui vous dit que nos compétences vont s’accorder ?
La Commandante Bennett haussa un sourcil et s’exprima pour la première fois depuis le début de la réunion :
— Caporal O’Reilly, est-ce une manière détournée de nous annoncer que vous ne voulez pas faire partie de ce groupe ? Ou pire de nous faire comprendre que notre décision est stupide ?
Félix secoua la tête, négativement.
— Non, bien sûr que non, Commandante. Mais je suis simplement… perplexe. J’ai du mal à voir comment une poignée de soldats à peine coordonnés pourrait empêcher une organisation criminelle mondiale de sévir. D’autres équipes, mieux formées que nous et bien plus à l’aise sur le champ de bataille, n’ont pas totalement réussi en presque cent ans !
Au lieu d’apaiser la conversation, les paroles de Félix mirent sa supérieure sur la défensive. Elle se justifia, avec amertume :
— Croyez-moi, si on avait eu le choix, on aurait fait autrement ! Seulement, les unités plus expérimentées sont déjà occupées ailleurs, comme l’a expliqué le Commandant Rivera. Les faire revenir pour cette intervention, c’est perdre un temps précieux et risquer de céder du terrain à l’ennemi. Vous êtes une nouvelle approche, mais, aussi, en quelque sorte, notre unique solution.
Le soldat-médecin se racla la gorge, pour attirer l’attention de toute l’attablée. Son visage portait l’ombre du doute, et il s’adressa à la Colonelle avec une sincérité teintée d’inquiétude :
— Avec tout le respect que je vous dois, je ne peux m’empêcher de me demander si vous ne comptez pas utiliser l’Atalante comme de la chair à canon. On nous expédie là-bas pour combler les rangs de l’Infanterie, n’est-ce pas ?
— Infirmier Kapoor, je comprends votre appréhension, mais l’Atalante n’est pas destinée à être sacrifiée. Nous n’avons pas l’intention de vous envoyer en première ligne. Notre objectif est différent. Vous serez une unité furtive. Des espions, des éclaireurs, mais absolument pas des kamikazes.
La Colonelle se tourna ensuite vers les autres jeunes soldats, pour les rassurer davantage. Ses yeux, bleus gris, étaient emplis d’une sagesse immense, qui suffisait à faire taire leur anxiété.
— Si nous formions un bataillon, ça nous mènerait à la guerre… Une guerre que je ne suis pas sure que la Garde remporterait, vu la puissance actuelle des Prométhéens. Vos missions, en petit groupe, consisteront surtout à surprendre nos ennemis avant qu’ils ne tentent quoi que ce soit. Si vous trouvez leur base, ainsi que les reliques qu’ils ont volées, nous pourrons envoyer d’autres unités pour nous défendre et les prendre à revers. Vous comprenez notre stratégie et nos attentes ?
Les membres de l’Atalante acquiescèrent, saisissant un peu plus les fondements et les enjeux de leur union. Après un court silence de réflexion, la Commandante Bennett leur donna ses dernières consignes :
— Et pour ce qui est de la cohésion d’équipe, vous aurez deux semaines pour faire connaissance et vous entraîner ensemble, avant de partir en mission. Nous attendons que nos informateurs reviennent avec des renseignements plus précis, et dans quinze jours, nous affinerons le briefing de vos opérations.
La réunion s’était prolongée jusqu’au repas du soir et avait été interrompue par le téléphone du Colonel Carter, qui avait quitté la salle en premier. Les autres supérieurs n’avaient pas tardé à sortir, eux aussi, vite suivi par la plupart des cadets. Quand il ne resta plus que Soline et la soldate coréenne, la Colonelle Sullivan les somma de lui accorder quelques minutes supplémentaires, au lieu de rejoindre leurs camarades. Elle gratifia d’abord Soline de son empathie, tout comme Noctis l’avait fait quelques semaines plus tôt.
— Je suis convaincue que vous serez une excellente meneuse, Caporale-cheffe Barnes. Il peut être difficile de se retrouver à la tête d’une équipe, mais l’ouverture aux autres, la communication et la compréhension sont des qualités essentielles pour conduire une unité au succès.
Soline sentit la chaleur de l’approbation de sa supérieure l’envahir. Elle était soulagée d’entendre ces paroles de la part d’une personne aussi respectée et prodigieuse à la Garde.
— Je tiens également à vous présenter le soldat Yun Park, poursuivit la Colonelle en se tournant vers son autre subalterne. Yun sera votre plus jeune équipière. Elle n’est jamais allée sur le terrain, mais elle est la meilleure de sa promotion et je suis sure qu’elle s’intègrera rapidement à votre groupe. Elle a aussi vécu une tragédie, l’année dernière, lors de ses classes. Son deuil peut, en quelque sorte, la rapprocher de vous. Vous aurez au moins une compagne, qui vous comprend, au sein de l’Atalante, gardez ça en tête.
Yun offrit un sourire radieux et compatissant à Soline, puis saisit sa main avec délicatesse, comme pour sceller une alliance silencieuse. Ce geste fut étrangement apaisant et Soline sentit son cœur battre à un rythme plus lent. La douleur de la perte semblait s’atténuer pendant un court instant ; Soline n’était plus seule. Les mots de Loba se gravèrent dans son esprit et elle commença à croire qu’il y avait de l’espoir, malgré sa peine, malgré les obstacles.
— Merci, Colonelle Sullivan. Vos conseils sont précieux et je veillerai à vous rendre fière, en menant à bien la mission que vous nous avez accordée.
Après quelques autres minutes de discussion, plus légère, Yun et Soline se retirèrent à leur tour de la salle du Conseil pour se rendre dans les dortoirs de Perseus. Sur le chemin, Soline réalisa que sa nouvelle équipe était une sorte de mosaïque complexe. Un pêle-mêle de personnalités, de parcours et de compétences. Ce constat ne l’empêchait cependant pas de relativiser, pour une fois, elle entrevoyait une lueur dans les ténèbres qu’était devenu son avenir.
J'aime beaucoup ce chapitre: c'est fluide et on découvre plein de personnage haut en couleur, même si c'est un petit peu survolé. Il serait peut-être intéressant de les présenter chacun à l'aide d'événement différents avant d'arriver dans ce bureau.
Cela rejoint aussi mon impression que les choses vont un peu vite, notamment pour Soline. Elle vient tout juste de gagner un nouveau statut et la voilà tout de suite mise dans le bain avec une mission impossible et des coéquipiers qui ne se connaissent pas vraiment. Bref, d'un point de vue temporelle, il serait peut-être bon que la transformation soit un peu plus lente.
Sinon, j'adore toujours ton histoire. Tu nous fais un très bonne proposition. :)