Chapitre 4 : Le dîner [2/2]

Notes de l’auteur : Pour des raisons pratiques et permettre une lecture plus agréable ce chapitre se découpera en plusieurs parties.

[chapitre relu]

Amélia conduisit son frère jusque dans l’immense pièce dont la table avait été soigneusement dressée. L’adolescente trouva ridicule de sortir l’argenterie et de faire tant d’effort pour embellir l’endroit pour trois adolescents qui n’avaient accepté l’invitation que pour le faire enrager. Elle se retint cependant d’émettre le moindre commentaire. De toute façon, sa mère ne l’aurait pas écouté. Azura Moonfall n’écoutait personne. Enfin… personne, à part son époux.

Roman Moonfall était bien le seul capable de la raisonner. Aussi, Amélia déplorait le fait qu’il soit absent. S’il avait été là, jamais il n’aurait permis à ce dîner d’avoir lieu, à la place il aurait testé le nouveau jeu d’Azriel avec Emily et elle. Une soirée qui aurait été beaucoup plus intéressante et amusante, mais qui devrait attendre son retour.

Les convives s’installèrent alors que les domestiques apportaient déjà les plats sur la table. Pour l’occasion, Azura avait vraiment mis les petits plats dans les grands. Et sans mauvais jeux de mots. Avait-elle mis tous les couverts qu’ils possédaient sur la table ou Amélia se faisait des idées ? Depuis quand elle avait trois assiettes, quatre fourchettes et autant de couteaux ? Les repas simples que lui préparait la cuisinière en chef Mme Bennett lui manquaient déjà…

Adieu petits plats à la bonne franquette. Adieu sandwich et biscuit fait maison. Adieu petits bonbons et gourmandises magiques.

Ah ça, oui ! Son père lui manquait vraiment beaucoup !

Suivant son frère jusqu’à sa place, Amélia l’aida à s’installer à table. Il n’arrêta pas un instant de sourire et ne se plaignit pas une seule fois alors que sa sœur arrangeait tout autour de lui pour lui faciliter l’accès aux couverts, plats et condiments depuis son fauteuil. Il ne dit rien non plus quand elle déplia sa serviette pour la placer sur ses genoux.

Azriel n’aimait pas particulièrement être assisté, mais il savait que sa sœur ne pouvait pas s’en empêcher. Elle ne pouvait pas le guérir alors elle essayait par tous les moyens de lui rendre le reste de son existence trop courte plus facile. Allant parfois un peu trop loin, il devait bien l’admettre, mais elle n’avait encore jamais essayé de lui faire prendre son bain, Aurora soit louée !

Une fois son manège terminé, Amélia prit place à table, juste à côté de son frère. Aven ne l’avait pas quitté des yeux un seul instant. Et d’ailleurs, il n’était pas le seul. Les trois invités l’avaient regardés assister le jeune homme sans mot dire. On pouvait presque lire une certaine humilité dans leur regard. Amélia décela même quelque chose d’autre dans les yeux noirs d’Aven. Un mélange de mélancolie et de tristesse. Qui s’effacèrent dès l’instant où elle posa franchement son regard sur lui. Il afficha alors un sourire affable manqué, qui lui donnait une expression entre la moquerie et la bouderie. Voyant que ça ne marchait pas, il décida de se rabattre sur ce sourire narquois dont il avait le secret. Là, il ressemblait bien plus au Aven qu’elle connaissait.

– Vous n’avez donc aucun domestique pour vous assister ? demanda-t-il à Azriel, une lueur mauvaise dans le regard.

Azura manqua de s’étouffer, recrachant à moitié le vin rouge qu’elle était en train de boire. M. George se précipita vers elle pour lui tendre un mouchoir dont elle s’empara penaude alors qu’il s’afférait à ses côtés pour tout nettoyer.

Autour de la table, tous les convives s’étaient soudain figés.

C’est parti, songea Amélia en soupirant.

La jeune fille serra les dents. Azriel, lui, continuait de sourire le plus innocemment du monde et posa une main apaisante sur celle de sa sœur. Elle se tourna vers lui, quelque peu surprise. L’adolescent faisait preuve d’un calme déconcertant et répondit le plus poliment du monde :

– Bien sûr, mais je préfère passer les dernières années que j’ai à vivre avec ma sœur. Si s’occuper de moi comme elle le fait peut l’aider à se sentir mieux, alors cela me convient parfaitement. Le temps est quelque chose de précieux, voyez-vous, et le mien avec Amélia plus encore. Mais vous ne devez pas comprendre, ajouta-il avec un regard mauvais sans se départir de son doux sourire. Après tout… vous n’êtes pas mourant, vous.

Pendant quelques longues secondes particulièrement jouissives, Amélia vit Aven se décomposer jusqu’à ne plus savoir où se mettre. Il n’avait pas été très malin de sa part de s’attaquer à la maladie d’Azriel pour atteindre la jeune fille. Certes le jeune homme s’en amusait lui-même et tentait de prendre son sort avec légèreté, mais il refusait que d’autre le face à sa place. L’autodérision était l’une des seules choses qui lui restait avec sa sœur pour affronter la maladie, il refusait de se faire tourner en ridicule par un petit sorcier hautain qui ne comprenait pas leur situation. Personne n’avait idée de la douleur que pouvait éprouver sa sœur, pas plus que la sienne.

Amélia l’aurait serré dans ses bras, tant elle était fière de lui et de sa répartie, si sa mère ne la menaçait pas de son regard glacé. L’adolescente avait compris le message : ne pas encourager son frère à insulter les invités, même si lesdits invités étaient des idiots. Mais, il n’empêchait, elle éprouvait une grande fierté d’avoir Azriel pour frère.

Tolith se racla finalement la gorge, brisant le second silence gêné de la soirée. Et dire que ça ne fait que commencer, songea tristement Amélia en jouant distraitement avec ses couverts.

– Les autres membres de la famille se joindront-ils à nous pour dîner ? demanda l’elfe.

Azura se racla la gorge, essayant de reprendre contenance. Elle avait abandonné son mouchoir et son verre de vin pour un cocktail exotique aux teintes extravagantes qu’elle sirotait du bout des lèvres. En l’observant plus attentivement, il sembla à Amélia reconnaître les couleurs d’un Cosmo Lord, un cocktail très apprécié par la gent masculine. L’adolescente regarda sa mère avec un soupçon d’inquiétude. Il s’agissait là d’un mélange plutôt fort, pas vraiment le genre de boisson qu’on buvait lors d’un repas…

Tous les regards convergèrent vers elle. Amélia se souvint soudain de la question de Tolith et oublia momentanément le cocktail de sa mère. Une lueur d’espoir venait de s’allumer dans son esprit. La tante Nausicaa allait-elle finalement être présente ? Ou juste la tante Luvenia et la cousine Arya avec son bébé ? Par pitié n’importe qui de la famille, s’il vous plait ! supplia intérieurement Amélia.

– Malheureusement, annonça Azura, brisant ainsi les espoirs de l’adolescente, ma sœur est partie voir sa fille au Grand Observatoire. Quant à mes belles-sœurs : Nausicaa s’est absentée pour la soirée et sûrement une partie de la nuit et Luvenia a décidé de rester auprès de sa fille et de sa petite-fille à l’Hôpital de Ste Aurora. Il semblerait que la petite soit tombée malade, les guérisseurs ont préféré la garder en observation pour la nuit.

– Est-ce grave ? s’enquit poliment le jeune homme.

– Je l’ignore. Mais nous le saurons bien assez tôt, répondit-elle en faisant signe à M. George.

Amélia vit alors le vieil homme s’avancer dans une position très cérémonieuse. Un sourire lui échappa. Le majordome prenait toujours un air très sérieux quand il annonçait l’arrivé des plats.

– Salade frisée avec patate douce, lardons et champignons.

Et aussitôt qu’il eut finit sa phrase, des assiettes pleines furent déposées devant chacun et chacune. Amélia commença aussitôt à manger, rapidement imitée par les autres convives. Du coin de l’œil, elle remarqua Tolith écarter discrètement sur le bord de son assiette les lardons de sa salade. L’adolescente se rappela soudain ce que son père lui avait dit à propos des elfes il y a longtemps : ils étaient végétariens.

Amélia se demanda comment ils pouvaient bien faire. La jeune fille ne se voyait pas devenir végétarienne, elle aimait bien trop la viande pour ça. Elle sentait d’ailleurs la délicieuse odeur d’un magret de canard en provenance des cuisines et en avait d’ores et déjà l’eau à la bouche.

– Puis-je vous demander ce qu’il en est du père ? demanda finalement Tolith après quelques instants.

Azura eut une grimace et s’essuya la bouche avant de répondre avec le plus grand dédain :

– Rien de moins qu’un sale hybride. Mi-sorcier mi-sylphe. Une vraie honte pour la famille, persifla-t-elle. Je ne comprends même pas comment Luvenia a pu ne serait-ce qu’approuver une telle union.

Le silence plana un instant sur la pièce, soudain brisé par le bruit d’un verre qui explose.

Tous les regards convergèrent vers Amélia. Les sourcils froncés à l’extrême, fusillant son assiette du regard et serrant les poings à s’en faire mal, la jeune fille avait perdu le contrôle l’espace d’un instant. Un fragment de son essence magique lui avait échappé et avait fracassé la première chose qu’il avait croisé, à savoir son verre de jus de fruit.

Des domestiques apparurent aussitôt, faisant disparaître les bris de verre autour de la main d’Amélia avant de lui en donner un nouveau. Sa bonne humeur venait de retomber à plat. Azriel la regarda du coin de l’œil, cherchant à la tempérer, mais même son contact apaisant ne suffit pas à la calmer cette fois.

Comment osait-elle dire une chose pareille ? Eras Dukes était l’homme le plus gentil et le plus avenant qu’elle ait jamais rencontré. Sa mère était tombée amoureuse d’un sylphe et ils avaient fini par s’enfuir et se marier. Un mariage d’amour dans une famille régie par des mariages arrangés depuis des générations. Bien sûr, ils l’avaient aussitôt reniée et déshéritée, mais elle avait trouvé l’amour de sa vie et ils vivaient convenablement. Eras était né – hybride, certes – mais dans une bonne famille, une famille aimante et équilibrée chez qui il avait reçu une bonne éducation et un sens du devoir admirable. Amélia était certaine qu’il ferait un père formidable. Elle trouvait ignoble les paroles de sa mère, mais se força – à grande peine – à se calmer. De toute façon, elle ne comprendrait jamais.

La colère d’Amélia s’envola en découvrant le regard que lançait Aven à sa mère. Jamais elle ne lui avait connu une expression pareille. Était-ce… de la douleur ? de la colère ?

La jeune fille n’eut pas le temps de le savoir. Sentant son regard peser sur lui, Aven se retourna pour la fixer. Aussitôt apparu, aussitôt disparu. Il reprit bien vite son expression moqueuse et lui lança même un clin d’œil obscur. Amélia serra les dents et se persuada qu’elle avait dû se tromper. Un idiot pareil ne pouvait pas afficher pareille expression, elle avait dû rêver.

M. George choisit cet instant pour réapparaître dans la même position guindée pour annoncer, au grand soulagement d’Amélia, l’arrivée de la suite du repas.

– Magret de canard à l’orange et son navet boule d’or, annonça le majordome avec dignité alors que les entrées furent emportées pour laisser place au plat de résistance.

Amélia regarda son assiette arriver avec envie et s’empêcha de justesse de se lécher les babines. Elle ne doutait pas qu’un tel comportement lui aurait valu un nouveau discours sur la bienséance et il était hors de question qu’elle subisse à nouveau ce supplice.

Elle remarqua alors la légère grimace de Tolith en voyant les plats de viande arriver.

– Et pour M. Leofir, poursuivit M. George avec sérieux alors qu’on déposait une assiette à soupe superbement décoré devant l’elfe, un velouté de potiron et châtaigne.

Tolith offrit au vieil homme un sourire éblouissant de reconnaissance. C’était la première fois de la soirée qu’Amélia voyait l’elfe prendre véritablement vie. Ses yeux pétillaient. Décidément, les elfes étaient bien étranges.

– Merci, dit-il avec gratitude.

M. George se contenta de s’incliner, non sans un sourire, et reprit sa place derrière Azura. Amélia ne doutait pas que le vieux majordome était fier de lui. Elle ne pensait pas que sa mère eut donné la moindre information quant au régime alimentaire de son hôte à Mme Bennett, il suffisait de voir l’entrée qu’on leur avait servi et les hors-d’œuvre juste avant. Heureusement, M. George veillait toujours au grain.

Pendant quelques minutes, le repas se passa dans le plus grand silence. On n’entendait que le bruit des couverts sur la vaisselle. Puis, comme si le silence le rendait mal à l’aise, Tolith relança la conversation.

– Et M. Moonfall ? hasarda-t-il pour changer de sujet.

– Roman est partit en voyage d’affaire à Lightfell, soupira Azura avec mélancolie.

Elle semblait presque éteinte et fit de la peine à Amélia. La jeune fille avait toujours senti comme une fêlure entre sa mère et le reste de la famille Moonfall. L’absence de Roman ne rendait cette faille que plus profonde encore.

– Il devrait revenir d’ici quelques jours.

Visiblement, Amélia n’était pas la seule à qui Roman manquait cruellement dans cette maison.

Et évidemment, Aven s’empressa d’ajouter son grain de sel.

– Lightfell est une ville splendide, lança-t-il joyeusement sans quitter Amélia des yeux. Je m’y suis rendu l’été dernier. Leurs plages sont de toute beauté. On peut même entendre le chant des sirènes du clan Boréal.

La sorcière se rembrunit aussitôt. Aven était en train de jouer avec ses nerfs. Il savait pertinemment qu’elle n’avait jamais quitté Riverfield et s’amusait vraisemblablement beaucoup à la tourmenter.

– Quel dommage qu’elle ne vous aient pas noyé en vous emportant par le fond, soupira-t-elle d’un ton las.

– Amélia !

L’adolescente pinça les lèvres. Les mots lui avaient échappés, comme toujours. Ce qui ne parut pas déranger les convives outre mesure. Azriel et Kaspar se retenait à grand peine de rire, Tolith souriait le nez dans son potage alors qu’Aven se préparait déjà à la suite de leur joute verbale, non sans fusiller son ami sorcier du regard.

Par ailleurs, seule Azura semblait s’être offusquée de son commentaire. Même les domestiques – M. George comprit – retenaient à grand peine un sourire derrière leur apparente indifférence. Amélia aurait bien aimé en rire, mais quelque chose l’en empêchait. En dehors du regard luisant de colère de sa mère, c’était surtout le sourire satisfait d’Aven, juste en face d’elle, qui lui donnait la nausée.

– Ça vous aurait bien trop fait plaisir, la défia-t-il le menton posé dans la paume de sa main, n’est-ce pas ?

– Aven, gronda Tolith à voix basse.

L’elfe avait perdu son sourire. Amélia essaya de se tempérer. D’abord, reprendre son souffle. Ensuite, ne pas oublier de respirer. Et surtout – surtout – contenir son essence. Autrement, elle risquerait de faire une bêtise. Encore.

– Il est vrai, poursuivit-elle en lissant la serviette en tissu sur ses genoux, que la perspective de ne jamais plus vous revoir m’enchante bien plus que vous ne pouvez le penser.

– Dans ce cas, pourquoi ne pas lancer à ma poursuite ce tueur de fée dont vous ne semblez guère vous soucier ?

Le silence qui suivit se révéla plus lourd et embarrassant encore que les précédents. Tout le monde retint son souffle, on entendit à peine le son des couverts qui retombaient dans les assiettes. Puis un grand fracas fit sursauter les convives.

Tous les regards se tournèrent vers le fond de la pièce où se trouvait Emily, pétrifiée. Le plateau qu’elle apportait lui avait échappé des mains, laissant son contenu s’écraser lamentablement au sol. Le sublime cheesecake à la framboise de Mme Bennett gisait là, aux pieds de la jeune fille qui tremblait de tous ses membres.

En découvrant l’expression horrifiée de son amie, Amélia eut l’impression de recevoir un violent coup dans le ventre. Reprenant soudain ses esprits, la fée s’écroula presque au sol pour ramasser les morceaux de porcelaine brisées qui l’entouraient. M. George et une autre domestique aidèrent Emily à ramasser les débris avant de s’en retourner aux cuisines.

La sorcière se tourna lentement vers Aven et lui lança son regard le plus meurtrier.

Il avait osé

– Aven, tu vas trop loin, souffla Tolith à côté de l’adolescent.

Le calme dont faisait preuve l’elfe n’avait rien à voir avec l’orage qui grondait dans ses yeux. Visiblement, pour lui aussi la remarque du jeune homme était de trop. Mais ça n’empêcha pas la colère d’Amélia de monter.

Azriel regarda sa sœur du coin de l’œil. Il avait perdu son sourire, comme la plupart des invités. Le temps s’était soudain ralenti, comme prit dans la toile gluante d’une araignée de cristal. Kaspar s’était raidi, inquiet. Tolith essayait toujours de contenir son ami alors qu’Aven se délectait du regard noir que la jeune fille lui jetait. Et Azura – la grande Azura si propre sur elle – tremblait comme une feuille. Son teint avait viré blême et elle serra si fort son verre dans sa main que ses phalanges blanchirent. Et l’espace d’un instant, Azriel eut peur qu’elle ne finisse par se blesser en brisant la coupe à main nue.

Amélia se leva soudain et plaqua les mains sur la table, faisant sursauter tous les convives, renversant quelques verres. Le regard de la jeune fille aurait suffi à faire reculer n’importe qui tant il était noir et dangereux. Kaspar bondit de sa chaise et s’écarta de quelques pas. Tolith soupira. Aven continuait de défier la sorcière, ignorant l’éclat d’or qui brillait déjà dans ses yeux. Elle était sur le point d’exploser, et il le savait.

– Ne vous avisez plus jamais de dire une chose aussi immonde devant moi, persifla Amélia entre ses dents serrées. N’oubliez pas que s’il existe un tueur de fée, comme vous l’appelez, c’est bien à cause de gens comme vous. Si votre famille n’avait pas colporté tant de fausses rumeurs à leur sujet les peuples d’Osha ne les considéreraient pas comme des pestiférées.

Amélia ne supportait plus ce sourire arrogant qu’il ne cessait d’afficher. Elle serra les poings sur la nappe.

– Vous êtes comme eux… suffisant, présomptueux et méprisant. Vous ne valez pas mieux que le nid de vipères dont vous êtes issu.

Piqué au vif, Aven perdit son sourire et se releva d’un bond à son tour, les sourcils froncés.

– Qu’est-ce qu’une petite fille gâtée dans votre genre sait de ma famille ou de moi ? lança-t-il d’un ton à vous glacer le sang.

– J’en sais bien plus sur vous et votre famille que vous ne pouvez le penser, répondit-elle avec mépris. Si je n’avais pas un minimum de respect à votre égard il est des mots que j’aurai volontiers prononcé et qui – je le sais – vous aurait fait pâlir plus encore qu’à cet instant.

On sentait dans toute la pièce les pouvoirs des deux héritiers s’affronter dans l’air. Les veines d’Aven s’étaient soudain mises à pulser d’un rouge luisant sous sa peau alors que les yeux d’Amélia brillaient d’une fureur dorée. La tension était à son comble, on pouvait presque sentir leur magie saturer l’air de la grande salle à manger.

Azriel posa une main apaisante sur celle de sa sœur. Elle ne bougea pas, le regard toujours vissé à celui d’Aven. Celui-ci se crispa, serrant poings et mâchoires comme sur le point d’exploser.

– Merci pour le repas, Mme Moonfall, grinça-t-il finalement des dents sans quitter Amélia des yeux. Mais je crains de devoir me retirer à présent.

 Amélia le suivit du regard alors qu’il quittait la pièce d’un pas pressé. Kaspar, la tête plus basse que jamais, semblait avoir rapetissé sous le regard menaçant de l’adolescente alors qu’il suivait docilement Aven. Tolith se releva avec dignité, soupira une nouvelle fois, puis s’inclina et souhaita une bonne nuit à la famille avant de prendre congé à son tour. Amélia pouvait entendre l’écho de leurs pas rebondir sur les murs du hall. Puis la porte d’entrée claqua violemment, faisant trembler le verre des fenêtres.

Quand le calme revint enfin dans le manoir, Azura sembla reprendre des couleurs. Ses sourcils se froncèrent, ses yeux lancèrent des éclairs.

– Non mais qu’est-ce qui t’a pris, bon sang ? cria-t-elle en tapant du poing sur la table. Insulter des invités de la sorte ! Tu devrais avoir honte de toi !

– Moi je devrais avoir honte ? s’exclama Amélia scandalisée en se tournant vers sa mère. Je t’ai dit des centaines de fois que je le détestais lui et sa maudite famille ! fulminait la jeune fille. Mais tu n’écoutes jamais ! Non, toi tu ne penses qu’aux apparences ! Si seulement je pouvais te haïr autant que lui !

Amélia se détourna aussi vite qu’elle avait laissé échapper ses mots et quitta la pièce, écumante de rage.

– Amélia ! AMÉLIA !

Dans tout le manoir on entendit la porte de sa chambre claquer. Azura se laissa retomber dans son fauteuil et se frotta les tempes en soupirant. Elle semblait plus lasse que jamais.

– Pourquoi faut-il toujours que ça se termine ainsi ?

– Ne soyez pas trop dure envers vous-même, mère, sourit Azriel en regardant la porte par laquelle sa sœur avait disparu.

– Tu es trop bon, Azriel, soupira Azura en le regardant, la mine sombre. Si tu savais comme je suis désolée… Mon petit garçon…

Des larmes faisaient briller ses beaux yeux azur. La sorcière renifla et repoussa ses larmes, retenant avec peine la mélancolie qui lui serrait la gorge.

Azriel regarda son assiette. Il n’avait plus faim.

– Vous n’y êtes pour rien, mère, souffla l’adolescent le regard dans le vide. Ce n’est pas votre faute…

Le silence se fit un instant, puis Azura se leva, lançant un regard triste au délicieux repas qui commençait à refroidir sur la table

– Bien… je vais aussi me retirer. M. George ? appela-t-elle d’une voix presque douce.

Le majordome s’approcha aussitôt d’un pas.

– Oui, madame ?

– Vous voulez bien reconduire Azriel dans sa chambre ?

– Bien, madame.

– Et quand vous aurait terminé, vous n’aurez qu’à inviter tous les employés de la maison à manger ce délicieux repas. Cela me fendrait le cœur de savoir que toute cette nourriture soit gaspillée. Vous n’aurez qu’à donner les restes à qui vous voudrez, ça m’est égal.

– Bien, madame.

– Emily ?

La jeune fille sursauta dans un coin de la pièce, encore un peu perturbée par les événements. Elle s’approcha à son tour de quelques pas maladroits.

– O-oui ?

– Pourrais-tu t’assurer qu’Amélia aille bien ? Je ne voudrais pas qu’elle casse encore quelque chose.

– Bien, madame.

Et aussitôt, tout le monde disparut de la salle à manger.

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M. de Mont-Tombe
Posté le 22/04/2021
Un très beau chapitre, toujours très bien écrit ! J'aime beaucoup la manière dont tu as traité la tension entre les personnages pendant le dîner. Dans l'ensemble, tu as l'air très douée pour rendre compte des relations des personnages et de leurs émotions :) . Sur la totalité du chapitre, cependant, il y a toujours ce déséquilibre entre gros blocs de description et la narration. C'est bien de donner des détails quand on écrit de la fantasy, mais il faudrait trouver un moyen pour que le lecteur n'ait pas l'impression que la narration "s'arrête" à chaque description. Hâte de lire le prochain chapitre !
Sienna Pratt
Posté le 27/08/2020
je viens juste de réaliser que dans la famille les prénoms commencent par "A" (c'était la lueur du jour :p )

Je m'associe à Pluma Atramenta, une petite touche de sentiments en plus te permettrait de nous immerger encore plus dans l'inconfort de ton héroïne. Cela dit je trouve que tu as un don pour donner des détails auxquels je n'aurais même pas pensé !
Lunatique16
Posté le 28/08/2020
Salut ! Merci pour ton commentaire ^^
Pour ce qui est des prénom, en fait je n'ai même pas fait exprès XD ce n'est que plus tard en faisant la liste des personnages que je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup de "A"
Je relirai peut-être le chapitre plus tard, pour le moment je cafouille à écrire la suite ^^''
Pluma Atramenta
Posté le 05/07/2020
Salutations !
Comme peux-tu t'en douter, j'apprécie toujours autant ma lecture. Tes descriptions sont ravissantes, et ta plume merveilleusement fluide. Mais peut-être pourrais-tu plus forcer sur les émotions de Amélia ? En décrivant ses émotions, tu la rendras plus attachante qu'elle ne l'est déjà. Mais si ça peut te rassurer, je l'aime déjà beaucoup, ainsi que son frère. Ce n'est qu'un conseil ;)
Mise à part cela, j'ai ramassé quelques petites coquilles au passage :
- (...) Une vraie honte pour la famille, persiffla-t-elle. (= persifla)

- (...) soupira Azura soudain mélancolique en reposant son verre. = Je n'aime pas trop la tournure de cette phrase. "tout en reposant son verre" sonnerait beaucoup mieux par exemple :)

- Et aussitôt, tout le monde disparus de la salle à manger. (=disparut)

Puisse tes rêves s'accrocher aux étoiles !
Pluma.
Lunatique16
Posté le 05/07/2020
Salut ! Merci pour ton commentaire, je vais aller corriger ces coquilles ^^
C'est vrai que je pourrais mieux décrire les sentiments d'Amélia, je vais voir ce que je peux faire pour améliorer ça ^^
A bientôt !
Zoju
Posté le 21/05/2020
Salut ! Je viens de lire tes deux chapitres. On se doutait bien qu'il allait se passer quelque chose. Honnêtement, je ne sais pas quoi penser d'Aven. Si Kaspar semble être idiot et Tolith est encore difficile à cerner, même si je lui trouve un côté modérateur, Aven a un comportement assez étrange. Je ne le comprends pas. En tout cas, pour le moment. L'histoire de sa famille semble un sujet sensible. J'ai trouvé un peu étrange ce repas sans adulte à part Azura et avec des jeunes gens qui s'attaquent à la moindre occasion. Pourquoi les avoir invité ? En tout cas, je découvre une autre personnalité à la mère d'Amélia qui s'inquiète tout de même pour sa fille. En tout cas, en ce qui concerne les répétitions, je trouve que tu t'en sors mieux. Le seul élément qui m'a marqué c'est à la fin de ce chapitre où tu as répété deux "délicieux repas". En tout cas, je trouve que ton histoire devient de plus en plus intrigante. Je trouve que le personnage commence à avoir plus de corps. Après avoir lu plusieurs chapitres, je commencent à mieux la comprendre. En y repensant, que ce soit pour cette histoire ou ton autre "syndrome", il y avait toujours quelque chose qui me dérangeait dans ton héroïne principale.( Honnêtement, pour cette histoire, j'aime beaucoup le personnage d'Amélia.) C'est assez étrange à dire, mais je n'arrivais pas à bien saisir le personnage. Je me suis demandé si c'était la personnalité ou autre chose, mais plus j'y réfléchi plus je pense que ce qui m'avait dérangé, c'était le fait qu'elle m'échappe. En voyant, Amélia briser son verre quelque chose à changer. Elle s'est affirmée. Je pense qu'il manquait une étincelle. Désolé si ce n'est pas très clair ce que je raconte. Moi même, je n'arrive pas à mettre les mots sur ce que je ressens. C'est plus imagé dans ma tête. En tout cas, sache que j'ai vraiment hâte de lire la suite ! Courage :-)
Lunatique16
Posté le 21/05/2020
Salut ! Merci pour ton commentaire ! :D Je suis ravie de voir que mon histoire te plais tant, ça fait plaisir ^^
Pour ce qui est d'Aven, c'est vrai qu'il est dur à cerner, mais tu comprendras plus tard pourquoi. Je ne peux pas trop t'en dire sans tout spoiler, donc je vais juste dire qu'il fait partie de mes personnages préférés. Tu verras au fil de l'histoire que tout ces personnages sont bien plus complexes qu'il n'y parait, je m'amuse beaucoup à les rendre le plus intéressant possible, j'ai hâte d'avoir ton avis sur la suite ^^
Après, pour ce qui est de Syndrome, je pense que ce que tu veux dire doit venir du fait que je suis plus à l'aise à la troisième personne qu'à la première et que ça doit se ressentir dans la lecture du texte.
Encore merci pour tes remarques, elles m'ont fait sourire du début à la fin ! Je vais corriger le "délicieux repas" x) et je suis contente de voir que mes efforts payent au niveau des répétition :-)
Lunatique16
Posté le 21/05/2020
Ah et aussi, en ce qui concerne le dîner sans adulte : Azura aimerait que sa fille prenne un peu plus son rôle de princesse au sérieux, d'où le fait qu'elle ait invité ces trois là, Tolith est un étudiant aristocrate du sud 'Osha, Kaspar le fils d'un grand sorcier du Nord et Aven l’héritier de l'une des Premières Familles, des enfants important en somme. Elle a du mal à se faire à l'idée que sa précieuse petite princesse soit amie avec une fée des bas quarter, une vampire et l'héritier des Norwood que tu rencontreras plus tard. Je ne veux pas trop en dire pour éviter de spoiler, mais en gros, ils ne plaisent pas à sa mère.
Zoju
Posté le 21/05/2020
Surtout ne dis rien ! Je veux le découvrir par moi-même :-)
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