Chapitre 4 : Le pacte des anciens

Par Lucinda
Notes de l’auteur : TW - sexe -

Point de vue de Cheryl

     Je suis assise sur le vieux canapé en cuir du salon, les ressorts affaissés protestant sous mon poids, tandis que la lumière tamisée de la lampe jette des ombres dansantes sur les murs, semblables à des spectres silencieux. La pièce exhale un parfum de cuir usé et de poussière, témoin de ces longues heures passées à ruminer seule dans mon coin. J’enfonce mes doigts dans les coutures du canapé, frustrée, la tête pleine de questions sans réponses.

Lucas apparaît enfin, sa silhouette se découpant dans l'encadrement de la porte. Ses cheveux bruns, mi-longs, tombent partiellement sur son visage, cachant une partie de ses yeux sombres qui, malgré tout, percent à travers comme des braises à moitié éteintes. Ses épaules sont voûtées sous un poids invisible, comme si une part du monde reposait sur elles. Je me redresse, lâchant un long soupir qui semble condenser toute mon impatience accumulée.

— Lucas, dis-je, la voix tremblante, il faut que je sorte. Je vais devenir folle à force de rester enfermée ici, à tourner en rond comme une lionne en cage.

Je passe une main dans mes cheveux, les doigts glissant nerveusement entre les mèches. Six mois que je vis dans l’ombre, six mois dans l’ignorance la plus totale. Je veux savoir.

Il entre dans la pièce sans un mot, le visage fermé, et vient s’affaler à côté de moi. La chaleur de sa main enveloppe la mienne alors qu'il la prend, et son regard se fixe intensément dans le mien. Ses yeux, autrefois vifs et pleins de défi, sont maintenant lourds, porteurs de secrets et de mises en garde.

— Cheryl, commence-t-il d'une voix grave et profonde. Il est essentiel que tu comprennes le Pacte qui unit nos deux espèces. Il y a longtemps, bien avant notre époque, dit-il en choisissant ses mots avec soin, les vampires et les loups-garous se livraient une guerre sans merci. Chacune de nos espèces voyait l'autre comme une menace à sa survie.

Je l’écoute attentivement, mon esprit plongeant dans les images de cette époque sanglante, imaginant les champs de bataille recouverts de corps, les hurlements des loups déchirant la nuit et les ombres fuyantes de mes semblables. Un monde où la violence régnait en maître, où l’alliance des deux clans semblait aussi improbable que la paix elle-même.

— Mais tout a changé avec le Pacte des Anciens, reprend Lucas, ses mots pesant sur l'air comme une promesse jamais brisée. Ce pacte a été signé par les dirigeants des deux clans. Il établit une coexistence pacifique, permettant à nos deux espèces de vivre en harmonie... sous certaines conditions.

Je fronce les sourcils, la méfiance montant en moi. Ce pacte sonne comme un compromis fragile, une illusion de paix suspendue à des mots. Je ne peux m’empêcher de questionner.

— Et si l'un d'entre nous ne respecte pas ce pacte ? demandai-je, ma voix basse mais aiguisée par la curiosité.

Il redresse légèrement la tête, et l’air se charge d’une tension invisible, comme un frisson qui court le long de ma peau.

— Les conséquences peuvent être… graves, murmure-t-il d'un ton où perce l'inquiétude. La rupture du pacte pourrait déclencher un conflit, un retour aux temps sombres que nous avons mis tant d’efforts à oublier. Nos deux espèces ont trop à perdre.

Mais son regard trahit quelque chose de plus profond, une inquiétude qu'il tente de dissimuler derrière ses paroles mesurées. La façon dont il évite mon regard, la tension dans ses muscles… Tout en lui crie un danger qui dépasse la simple rupture d’un traité. Je le fixe, essayant de percer le mystère de ce silence qui parle plus que ses mots.

— Lucas, murmuré-je, tu sembles inquiet. Il y a autre chose, n'est-ce pas ?

Son visage se ferme davantage, et il détourne le regard, ses yeux fixant un point invisible dans l’ombre. Il reste silencieux un instant, et je le sens lutter avec quelque chose d’ancien, de profondément ancré.

— Ce n'est pas une question de crainte, Cheryl. C'est une question de prudence, dit-il enfin, le ton tranchant comme une lame. Je t’interdis de même envisager d'approcher les loups-garous. C’est trop dangereux.

Ses mots tombent comme un verdict, un mur infranchissable entre moi et la liberté que je cherche. Mais quelque part en moi, une flamme se réveille, brûlant d’envie de défier cet interdit. Lucas ignore-t-il que plus il tente de me protéger, plus il éveille mon besoin de comprendre ce monde interdit ?

— Mais je veux comprendre, Lucas. Je veux connaître les loups-garous, voir ce qui se cache derrière ce mystère.

Il secoue la tête, visiblement agacé.

— Tu ne comprends pas. Ce monde est plus complexe que tu ne peux l'imaginer. D'ailleurs, nous allons bientôt devoir nous réunir avec eux pour couronner le nouvel Alpha. Ce sera un moment délicat, et je ne veux pas que tu sois mêlée à ça.

Je sens une révolte s'élever en moi. Comment peut-il décider de ce qui est bon pour moi ? Mon esprit vagabonde vers ces images des loups-garous, cette force sauvage qui m'appelle. J'ai envie de voir l’Alpha, de sentir l'énergie brutale qui émane de lui, mais la peur de Lucas me retient.

— Tu ne peux pas m'enfermer ici, Lucas, dis-je avec défi. Je ne suis pas une petite fille à protéger.

Il se rapproche, son regard flamboyant, et je sais que je risque de perdre cette bataille.

— Je te protège, Cheryl, parce que je tiens à toi. Mais un jour, tu devras comprendre que certaines choses ne sont pas faites pour être découvertes. La réunion avec les loups-garous ne sera pas simplement une formalité. Il y a des tensions, des rancunes qui pourraient resurgir.

Je reste silencieuse, une tempête d'émotions bouillonnant en moi. Une partie de moi sait qu'il a raison, que les dangers sont bien réels, mais l'autre partie brûle d'envie d'explorer ce qui se trouve de l'autre côté de cette frontière invisible. Je regarde par la fenêtre, apercevant la lueur de la lune qui illumine la nuit, et je sais que cette confrontation n'est que le début de ma quête pour découvrir le vrai monde, celui des loups-garous.

— D'accord, cède-je, mais je mens, je veux y aller et j'irai quoi qu'il arrive !

Les loups-garous. Cette espèce qui me fascine et m’effraie à la fois. Je n’en ai jamais rencontré, mais j’ai entendu assez de rumeurs pour éveiller ma curiosité. Ils vivent en meute, libres et sauvages. Une part de moi envie leur liberté, cette capacité à exister sans s’enfermer dans les mêmes rituels millénaires que les vampires. Lucas les méprise, les juge inférieurs, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’ils ont quelque chose que je n’ai pas : une connexion à leur véritable nature, une force brute que je ne sais pas dompter. Je suis différente, et ils le savent. Peut-être est-ce pour ça que Lucas est si protecteur. Il me voit comme une créature fragile, incomplète, qui pourrait se perdre à tout moment. Mais je ne suis pas fragile. Je suis simplement en quête de quelque chose de plus, quelque chose que ce monde n’a pas su m’offrir jusqu’à présent. Chaque nuit, je sens cette faim grandir, pas seulement celle du sang, mais d’autre chose, quelque chose d'indéfinissable. Je ressens cette soif de liberté, d'aventure, d’évasion. J’ai besoin de comprendre qui je suis vraiment, loin des chaînes invisibles que Lucas m’a imposées. Peut-être que les loups-garous détiennent cette clé, ce savoir que je recherche. Ils vivent selon leurs propres règles, loin des convenances strictes de la société vampire. Et moi, je rêve de cela, d’un monde où je pourrais enfin être moi-même, sans peur, sans entraves.

 

En attendant, c'est encore l'heure de manger. La même routine, le même schéma : un homme, un peu de séduction, je me délecte, puis il repart sans souvenir. Et comme à chaque fois, j'ai cette envie irrépressible qui me tenaille. Elle est tellement intense qu'aujourd'hui, j'en mouille ma culotte. Je ne peux plus tenir.

Corey, mon frère de sang, arrive au même moment. Est-ce que je peux l’envisager ? Tout me passe par la tête. Il a le même âge que moi, âge humain évidemment, dix-neuf ans. Je me mords la lèvre inférieure, la pulsion de sang me taraude, et je choisis une autre cible, encore. Je répète ça quatre fois en tout, mais mes pulsions sexuelles ne se tarissent pas ; au contraire, elles grandissent. Ça me fait le même effet qu'être ivre après avoir bu de l'alcool quand j'étais encore humaine.

Corey... En fait, je ne pensais qu'à lui. Merde, j'avais envie de lui maintenant. Je ne savais pas comment faire, mais j'étais encore assez lucide pour me poser ce genre de questions. L’idée de succomber à cette tentation me terrifiait autant qu'elle m'excitait. Qu'est-ce qui se passerait si je cédais à ce désir ? Les règles, les liens du sang, tout se brouillait dans un tourbillon de sensations. Je devais me ressaisir, mais une partie de moi réclamait cette intimité, cette connexion.

— Corey, je le regardais de la tête aux pieds. Il était là devant moi, grand, brun, musclé sans trop l’être. Je pose une main sur son torse, ressentant la chaleur qui émane de lui.

— Cheryl ? Tu t’es nourrie sur combien d’humains ?

— Quatre, pourquoi ?

Bien sûr qu’il savait. Après tant d'années comme vampire, Corey connaît chaque nuance, chaque piège de cette soif qui nous consume, jusqu'à ses sombres ramifications. Il sait que le sang, bien que vital, ne suffit jamais vraiment. S'abreuver sans retenue, prendre au-delà du nécessaire, tout cela n’as qu’un effet pervers : exacerber chaque désir, élever cette soif en quelque chose d'encore plus primal, de plus charnel. Et là, dans cette tension électrique qui brûle entre nous, c’est lui que mon regard dévore.

— C’est bien trop. Lucas…

— Fais pas chier avec Lucas, il n'est même pas là ce soir. Dans un élan de défi, je l’embrasse. Au début, il reste stoïque, mais mes mains glissent sur son torse, et peu à peu, il se laisse aller à ce baiser, me le rendant fougueusement. Mais soudain, il s’arrête et me repousse gentiment.

— Non, on ne peut pas faire ça, Cheryl.

— Tu en as envie autant que moi, dis-je d’une voix provocante.

Je le vois, il serre les dents, luttant intérieurement. Je ne lui laisse plus vraiment le choix, ma main se glisse sur son entrejambe, et je commence à le caresser à travers son pantalon. Mon cœur bat la chamade, l’excitation me parcourt comme une décharge électrique. La frontière entre le désir et la raison se brouille, et je sais que ce moment pourrait tout changer.

Il m'attrape la main, mais au lieu de me repousser, il m’entraîne vers un coin reculé de la boîte de nuit. L’atmosphère est électrique, et mon cœur bat la chamade. Ses mains parcourent mon corps, effleurant mes seins avec une délicatesse qui me fait frémir. Je sens la chaleur de son corps contre le mien, et je frissonne d’anticipation. Il remonte ma robe, chaque mouvement provoquant une montée de désir en moi. Ses doigts glissent entre mes cuisses, explorant sans retenue. La passion et l'interdit s’entremêlent, et je suis à la fois excitée et nerveuse. C’est un jeu dangereux, mais je ne peux m'empêcher de vouloir plus, de désirer chaque caresse, chaque contact. Cinq minutes plus tard, il était en moi. Sous le coup du désir, mes crocs sortent instinctivement, et je vois son regard s’illuminer d'excitation. Il augmente la cadence, et nos corps vibrent à l'unisson. Une vague de chaleur m'envahit, me plongeant dans une expérience que je n'aurais jamais pu imaginer. Tout mon être semble s’ouvrir, comme si chaque parcelle de ma peau devenait réceptive à la moindre caresse. J'avais déjà fait l'amour en étant humaine, plusieurs fois même, mais là, c'était différent. Mon corps explose de sensations nouvelles, chaque pulsation de son être résonne en moi. Je peux sentir chaque goutte de mon sang bouillir dans mes veines, une frénésie incontrôlable qui m’emporte, me faisant réaliser à quel point cette union transcende tout ce que j’avais connu auparavant. C'est une fusion sauvage, une danse primitive qui nous lie, et je me perds complètement dans cette intensité.

Nous sommes de retour à la maison, et bien sûr Lucas nous attent, l'inquiétude peint sur son visage, comme d'habitude. Il n’as pas pu m'accompagner cette fois-ci et avait envoyé Corey à sa place.

— Tout va bien ? demanda-t-il, plus pour Corey que pour moi.

— Oui, tout s'est très bien passé.

Oh oui, tout s'est bien passé. Je pouvais encore sentir ses mains contre mon corps, et un frisson inévitable me parcourut. Je ne pouvais m'empêcher de sourire bêtement, mon esprit perdu dans ces souvenirs.

— Cheryl ? Son regard m’examinait avec une intensité déconcertante, comme s'il avait remarqué quelque chose de changé en moi. Il s'approcha, son expression se durcissant. Puis, d'un mouvement brusque, il m'attrapa par les épaules et me plaqua contre le mur. Je t'avais pourtant dit de ne pas faire ça avec un humain.

L'angoisse me serra la poitrine. Je ne voulais pas trahir Corey, alors je mentis pour le protéger.

— Tout s'est bien passé, Lucas. Et je n'étais pas seule... Il y avait Corey... pas loin, dis-je, hésitante.

Il relâcha sa prise, un soupir de désespoir s'échappant de ses lèvres.

— Comment as-tu pu laisser ta sœur faire ça ? Lucas se tourna brusquement vers Corey, l'angoisse percutante dans sa voix. Tu n’es pourtant pas un novice.

Mon cœur se sert. Par ma faute, Corey va s'en prendre plein la tronche, et un poids de culpabilité m'écrase la poitrine. Pourtant, Corey ne se démonte pas. Il répond sans hésitation, sans peur.

— À vrai dire, ce n'était pas un humain, c'était moi.

Le visage de Lucas se décompose, affichant plus de stupeur que de dégoût. Un silence pesant s'installe entre nous, chacun digérant la révélation.

— Ah...

Il semble perdu, ne sachant plus quoi dire. Les vampires peuvent avoir des relations sexuelles entre eux, sans souci de sang, de maladies, ou autres complications. Mais là, la situation est différente. J’ai franchi une frontière, et je sens l’inquiétude palpiter dans l’air. Il est quand même rare que, dans une même « famille », des vampires couchent ensemble. Ce n’est pas tant que c’est mal vu, mais plutôt une question d’éthique. Mais à quoi bon, finalement ? Qu’est-ce qu’on en a à faire, après tout ? Nous sommes morts.

— Bien, restez discrets, ou mieux encore, ne refaites jamais ça ! Lucas soupira, puis tourna les talons, exaspéré.

Son ton trahit une frustration à peine contenue, comme s'il luttait pour comprendre comment une telle situation a pu se produire. Je sais que, malgré tout, il se soucie de nous, mais je ne peux m'empêcher de sentir un frisson de défi monter en moi. Après tout, j'ai embrassé une partie de ce monde que Lucas cherche tant à me cacher.

— Première et dernière fois alors, dis-je à Corey

 — Non, j'ai pas envie, en fait. Depuis que tu es arrivée j'ai envie de toi, mais je résistais, toujours. Et après ce qui c'est passé ce soir, je sais que je ne vais pas pouvoir résister longtemps. 

Je me mords la lèvre inférieur et lui propose un deal :

— Ok Corey, alors fais en sorte de m'emmener au couronnement de l'alpha et en échange tu auras mon corps, ou tu veux, une fois. 

— Une fois seulement? il secoue la tête et me plaque contre le mur.

Putain, encore ce mur, il faut vraiment que je pense à m'en éloigner, mais mes pensées retombent vite alors qu'il m'embrasse. 

— Tu es enivrante Cheryl et je ne pourrais pas me passer de toi. Mais pourquoi tu veux tant les voir ces chiens? Ils n'ont aucun intérêt, contrairement à moi. 

— Je suis curieuse dis-je dans un souffle.

— Bien, je t'emmène. Comme ça, tu verras qu'ils n'ont aucun intérêt.

Il me relâche, mais je sens une froideur émaner de lui, un dégoût profond pour ce que je viens de demander. Son regard se durcit, comme s'il cherchait à contenir une tempête d'émotions sous-jacentes.

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